Si l’idée, de libre parcours, d’utiliser un oeuf ou un objet en forme d’oeuf pour créer un contenant de forme ovoïde, n’est pas protégeable en elle-même, un modèle de contenant de forme ovoïde ou oblongue peut être protégé s’il répond aux exigences de nouveauté et de caractère propre. En la cause cette forme a été jugée valide sur le terrain des dessins et modèles mais la contrefaçon a été exclue en raisons des différences significatives des deux produits.
Contenant de forme ovoïde
En l’occurrence, l’apparence du produit est celle d’un contenant de forme ovoïde, pouvant tenir debout, la partie la plus renflée ayant été aplatie à sa base, et dont la fermeture est longitudinale, facilitée par la présence de deux crans dans la gorge de chaque côté de ce contenant qui en sécurisent la fermeture. Le dépôt montre l’objet debout, de face et de profil puis à l’horizontale, semi ouvert, l’ouverture permettant de voir deux crans positionnés de chaque côté de la partie inférieure de l’objet.
Il n’est pas douteux au vu des pièces produites qu’il existe une tradition de confection de contenants en forme d’oeuf, notamment pour les fêtes de Pâques, et que ces contenants, en forme d’oeuf, peuvent être de taille, de volume et de proportions très variables entre leur partie renflée en bas et celle plus mince en hauteur.
De nombreux modèles antérieurs ont été produits aux débats par l’appelante qui rappelle légitimement que le concept de boite en forme d’oeuf est connu et utilisé de longue date.
Toutefois, si l’idée, de libre parcours, d’utiliser un oeuf ou un objet en forme d’oeuf pour créer un contenant de forme ovoïde, n’est pas protégeable en elle-même, un modèle de contenant de forme ovoïde ou oblongue peut être protégé s’il répond aux exigences de nouveauté et de caractère propre rappelées ci-dessus.
Nouveauté relative
S’agissant du critère de la nouveauté, la cour, se réfère à l’analyse des modèles et créations antérieurs effectuée par les premiers juges et aux différences qui ont été relevées, lesquelles ne peuvent être qualifiée d’insignifiantes.
Créativité très encadrée
S’agissant du caractère propre, le créateur du modèle ne bénéficiait en l’espèce que d’une liberté limitée dès lors que les contenants de forme ovoïde ou en forme d »uf pour la présentation de divers produits sont extrêmement répandus et le niveau de détail auquel sera donc sensible l’observateur averti, qui n’est pas l’utilisateur final ou le consommateur du produit, mais celui doté d’une vigilance particulière en raison de sa connaissance du secteur, sera nécessairement plus fin, comme l’a exactement énoncé le tribunal judiciaire de Marseille.
À cet égard, ni la fermeture longitudinale du modèle, ni la partie aplatie permettant de le faire tenir debout, ne sont des choix purement techniques faits par le créateur, liés à la fonction du produit (contenant), à l’exception des crans positionnés dans la gorge du modèle qui ne servent qu’à assurer la fermeture sécurisée du modèle. En effet, l’ouverture longitudinale, sans rebord ni ajout, n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de fermeture de la boite comme en témoignent les modèles et créations produits aux débats présentant de nombreuses variétés de dispositifs de fermeture.
Le choix de dissimuler l’ouverture et de ne laisser visible qu’une fine ligne longitudinale est un choix ornemental qui participe de l’apparence générale donnée au modèle et ne saurait être exclue de l’appréciation du caractère propre du modèle litigieux contrairement à ce que soutient l’appelante.
Si la forme ovoïde du produit ne suffit pas à définir le caractère propre du modèle, la combinaison avec cette forme d’une base aplatie sur une petite surface située à l’extrémité inférieure de l’objet et d’une fine ligne longitudinale qui rend discrète son ouverture, rend le modèle épuré dans toutes ses lignes et produit sur un observateur averti une différence claire avec celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles de boites en forme d’oeuf.
Apparence d’un produit : les conditions de la validité d’un dessin et modèle
Pour rappel, l’article L 511-2 du code de la propriété intellectuelle subordonne la protection d’un modèle à la double condition de nouveauté et de caractère propre dudit modèle.
La nouveauté est définie par le constat qu’à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, aucun modèle identique n’avait été divulgué, les modèles étant considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants (article L 511-3 du code de la propriété intellectuelle).
Le caractère propre est établi lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l’appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle (article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle).
Ce texte doit être interprété, comme l’a rappelé le tribunal judiciaire, par référence au considérant n°13 de la directive CE 98/71 du 13 octobre 1998, qui précise que « l’appréciation du caractère individuel (propre dans la transposition opérée par l’ordonnance 2001-670 du 25 juillet 2001) d’un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles, compte tenu de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle ».
Enfin, l’article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle exclut de la protection l’apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit.
* * *
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 6 avril 2023, 19/17628
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 6 AVRIL 2023
N° 2023/46
Rôle N° RG 19/17628 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFRI
SARL M&L DISTRIBUTION
C/
SAS IDEAL PROMOTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Serge MIMRAN VALENSI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00582.
APPELANTE
SARL M&L DISTRIBUTION,
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Julien BLANCHARD, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Marion DORE, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
SAS IDEAL PROMOTION,
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Serge MIMRAN VALENSI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Christian BOREL, avocat au barreau de LYON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 30 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Marie PARANQUE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023 et prorogé au 6 avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 Avril 2023,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Idéal Promotion, dont l’activité est la vente en gros, demi-gros et détail d’articles d’importation, publicitaires et promotionnels, est titulaire du modèle français n° 20135010-001, une boîte en forme d »uf, déposé le 26 novembre 2013 et enregistré dans la classe de Locarno 1102, « Objets d’ornements – bibelots, ornements de table, de dessus de cheminée ou de mur, vases et pots à fleurs ».
La SARL M&L Distribution (L’Occitane France) exerce l’activité de commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté en magasin spécialisé.
Le 8 avril 2017, la SAS Idéal Promotion a fait établir un procès-verbal de constat sur le site internet de l’Occitane qui proposait à la vente des ‘ufs en métal constituant selon elle des copies serviles de son modèle. Elle a également fait dresser, le 1er avril 2021, un procès-verbal de constat d’achat par un tiers.
Après avoir vainement mis en demeure la SARL M&L Distribution de cesser les actes de contrefaçon par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 avril 2017, la SAS Idéal Promotion a saisi le tribunal de grande instance de Marseille par acte du 4 décembre 2017, en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 12 septembre 2019, ce tribunal a :
– débouté la SARL M&L Distribution de sa demande d’annulation du modèle déposé par la SAS Idéal Promotion le 26 novembre 2013 sous le numéro 20135010 ;
– constaté que la SARL M&L Distribution a contrefait le modèle n°20135010-001 déposé par la SAS Idéal Promotion;
– débouté la SAS Idéal Promotion de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
– avant dire droit sur l’évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon, ordonné une expertise comptable et commis pour y procéder [H] [S], [Adresse 1], expert-comptable,
– débouté la SAS Idéal Promotion de sa demande de provision ;
– débouté la SARL M&L Distribution de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– réservé les dépens et les frais irrépétibles,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
La SARL M&L Distribution a interjeté appel par déclaration du 19 novembre 2019.
Par conclusions notifiées et déposées le 25 octobre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL M&L distribution demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Idéal Promotion de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
– l’infirmer en ce qu’il a :
débouté la société M&L Distribution de sa demande d’annulation du modèle déposé par la société Idéal Promotion le 26 novembre 2013 sous le numéro 20135010,
constaté que la société M&L Distribution a contrefait le modèle n°20135010-001 déposé par la société Idéal Promotion,
ordonné une expertise comptable,
fait interdiction à la société M&L Distribution de poursuivre la fabrication, l’importation, la commercialisation, la détention des modèles d »ufs métalliques litigieux constatés, sous astreinte, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision de 50 euros par modèle commercialisé, et ce pendant une durée de six mois ;
débouté la société M&L Distribution de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
en conséquence et statuant à nouveau,
– prononcer la nullité du modèle déposé par la société Idéal Promotion le 26 novembre 2013 sous le numéro 20135010,
– ordonner la transmission de l’arrêt à intervenir, à la diligence des parties ou du greffe de la Cour, à l’INPI aux fins d’inscription au registre national des dessins et modèles,
– débouter la société Idéal Promotion de ses demandes en contrefaçon,
– débouter la société Idéal Promotion de ses demandes indemnitaires et de publication judiciaire,
– débouter la société Idéal Promotion de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Idéal Promotion à verser à la société M&L Distribution la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en raison du caractère abusif de la procédure,
– condamner la société Idéal Promotion à verser à la société M&L Distribution la somme de 25.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Idéal Promotion aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Romain Cherfils, Membre de la SELARL Lexavoue, Aix en Provence, avocats associés, aux offres de droit.
La SARL M&L Distribution fait d’abord valoir que l’ouverture longitudinale et la partie aplatie du modèle sont insusceptibles de protection en ce que ces deux caractéristiques ne sont nullement arbitraires, mais exclusivement fonctionnelles et donc non protégeables. Elle soutient que ce modèle en forme d »uf est nul en ce qu’il ne répond pas à la double exigence de nouveauté et de caractère propre fixée par les articles L 511-2 et L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle.
Par conclusions notifiées et déposées le 27 octobre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Idéal Promotion demande à la cour de :
– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 12 septembre 2019 en ce qu’il a :
– débouté la société Idéal Promotion de sa demande relative aux faits de concurrence déloyale et de parasitisme commis par la société M&L Distribution ;
– rejeté la demande de la société Idéal Promotion relative à la condamnation de la société M&L Distribution au versement d’une provision de 100 000 € à valoir sur les dommages et intérêts qui sont dus à l’intimée ;
– repoussé l’examen de la demande de la société Idéal Promotion relative à la publication de la décision à intervenir par extrait dans trois journaux au choix de la société Idéal Promotion et aux frais exclusifs de la société M&L Distribution dans la limite de la somme 5.000 € HT par insertion, au moment de l’examen de la réparation des préjudices ;
statuant à nouveau :
– dire et juger que la société M&L Distribution a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société Idéal Promotion en reproduisant le modèle n° 20135010-001 ;
– condamner dès à présent la société M&L Distribution à payer à la société Idéal Promotion une provision de 150 000 € sur les dommages et intérêts qui lui sont dus ;
– ordonner la publication de la décision à intervenir par extrait dans trois journaux au choix de la société Idéal Promotion et aux frais exclusifs de la société M&L Distribution dans la limite de la somme 5 000 € HT par insertion ;
en tout état de cause :
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 12 septembre 2019 dans toutes ses autres dispositions ;
– condamner la société M&L Distribution à verser à la société Idéal Promotion la somme de 25 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens de l’instance
La SAS Idéal Promotion réplique que son modèle n’a pas un caractère purement fonctionnel mais une forme originale qui procure une impression visuelle permettant à l’observateur averti de le reconnaitre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la nullité du modèle :
L’article L 511-2 du code de la propriété intellectuelle subordonne la protection d’un modèle à la double condition de nouveauté et de caractère propre dudit modèle.
La nouveauté est définie par le constat qu’à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, aucun modèle identique n’avait été divulgué, les modèles étant considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants (article L 511-3 du code de la propriété intellectuelle).
Le caractère propre est établi lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l’appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle (article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle).
Ce texte doit être interprété, comme l’a rappelé le tribunal judiciaire, par référence au considérant n°13 de la directive CE 98/71 du 13 octobre 1998, qui précise que « l’appréciation du caractère individuel (propre dans la transposition opérée par l’ordonnance 2001-670 du 25 juillet 2001) d’un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles, compte tenu de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle ».
Enfin, l’article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle exclut de la protection l’apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit.
L’apparence du produit est celle d’un contenant de forme ovoïde, pouvant tenir debout, la partie la plus renflée ayant été aplatie à sa base, et dont la fermeture est longitudinale, facilitée par la présence de deux crans dans la gorge de chaque côté de ce contenant qui en sécurisent la fermeture. Le dépôt montre l’objet debout, de face et de profil puis à l’horizontale, semi ouvert, l’ouverture permettant de voir deux crans positionnés de chaque côté de la partie inférieure de l’objet.
Il n’est pas douteux au vu des pièces produites qu’il existe une tradition de confection de contenants en forme d »uf, notamment pour les fêtes de Pâques, et que ces contenants, en forme d »uf, peuvent être de taille, de volume et de proportions très variables entre leur partie renflée en bas et celle plus mince en hauteur.
De nombreux modèles antérieurs ont été produits aux débats par l’appelante qui rappelle légitimement que le concept de boite en forme d »uf est connu et utilisé de longue date. Toutefois, si l’idée, de libre parcours, d’utiliser un ‘uf ou un objet en forme d »uf pour créer un contenant de forme ovoïde, n’est pas protégeable en elle-même, un modèle de contenant de forme ovoïde ou oblongue peut être protégé s’il répond aux exigences de nouveauté et de caractère propre rappelées ci-dessus.
S’agissant du critère de la nouveauté, la cour, se réfère à l’analyse des modèles et créations antérieurs effectuée par les premiers juges et aux différences qui ont été relevées, lesquelles ne peuvent être qualifiée d’insignifiantes.
S’agissant du caractère propre, le créateur du modèle ne bénéficiait en l’espèce que d’une liberté limitée dès lors que les contenants de forme ovoïde ou en forme d »uf pour la présentation de divers produits sont extrêmement répandus et le niveau de détail auquel sera donc sensible l’observateur averti, qui n’est pas l’utilisateur final ou le consommateur du produit, mais celui doté d’une vigilance particulière en raison de sa connaissance du secteur, sera nécessairement plus fin, comme l’a exactement énoncé le tribunal judiciaire de Marseille.
À cet égard, ni la fermeture longitudinale du modèle, ni la partie aplatie permettant de le faire tenir debout, ne sont des choix purement techniques faits par le créateur, liés à la fonction du produit (contenant), à l’exception des crans positionnés dans la gorge du modèle qui ne servent qu’à assurer la fermeture sécurisée du modèle. En effet, l’ouverture longitudinale, sans rebord ni ajout, n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de fermeture de la boite comme en témoignent les modèles et créations produits aux débats présentant de nombreuses variétés de dispositifs de fermeture.
Le choix de dissimuler l’ouverture et de ne laisser visible qu’une fine ligne longitudinale est un choix ornemental qui participe de l’apparence générale donnée au modèle et ne saurait être exclue de l’appréciation du caractère propre du modèle litigieux contrairement à ce que soutient l’appelante.
Si la forme ovoïde du produit ne suffit pas à définir le caractère propre du modèle, la combinaison avec cette forme d’une base aplatie sur une petite surface située à l’extrémité inférieure de l’objet et d’une fine ligne longitudinale qui rend discrète son ouverture, rend le modèle épuré dans toutes ses lignes et produit sur un observateur averti une différence claire avec celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles de boites en forme d »uf.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du modèle.
2. Sur la contrefaçon :
En application de l’article L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle, la protection s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente.
Ni le modèle déposé, composé de métal nu, ni les objets contrefaisants, notamment ceux ayant fait l’objet du procès-verbal de constat d’achat du 1er avril 2021 (pièce 12 de l’intimé) n’ont été produits devant la cour qui n’a pu examiner que des photographies.
Les objets qualifiés de contrefaisants, figurant en photographies aux pièces 7 et 12 produites par l’intimée, outre qu’ils sont décorés et, pour certains présentent une lanière en forme de boucle pour les tenir, sont d’une forme ovoïde avec une base aplatie mais aucune des photographies, telles qu’elles sont prises, ne permet de distinguer véritablement le système de fermeture.
Seules les photographies en annexes 14 à 16 du constat présentent les boites ouvertes mettant en scène les produits vendus par la SARL M&L Distribution.
De l’examen attentif de ces photographies, il résulte sans ambiguïté, que les bords de chacune des moitiés des boites ne montrent ni gorge ni lèvre permettant un emboitement des deux parties ne laissant figurer qu’une mince ligne sur la surface de l’objet fermé, ce qui constitue pourtant l’une des caractéristiques essentielles du modèle déposé par la SAS Idéal Promotion.
L’observateur averti, d’autant plus attentif à un niveau de détail élevé que la liberté du créateur était très limitée compte tenu de la saturation du secteur des contenants en forme d »uf, ne peut donc qu’avoir, au regard des éléments soumis à la cour, qu’une impression d’ensemble différente, la fermeture s’effectuant manifestement par un emboitement simple par recouvrement.
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal judiciaire de Marseille, la contrefaçon n’est donc nullement établie et le jugement déféré est infirmé de ce chef.
La SAS Idéal Promotion est déboutée de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la SARL M&L Distribution.
3. Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
Comme l’a exactement énoncé le tribunal judiciaire de Marseille, les faits invoqués au titre de la concurrence déloyale et parasitaire sont identiques à ceux invoqués au titre de la contrefaçon.
L’absence de reproduction des caractéristiques du modèle ayant été au surplus retenue, les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ne sauraient prospérer.
4. Sur les demandes accessoires :
La demande de dommages et intérêts formée par la SARL M&L Distribution à raison du caractère abusif de la procédure ne saurait pas plus prospérer quand la demande de la SAS Idéal promotion avait été intégralement accueillie en première instance. Au surplus, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu’est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l’exerce, ce qui n’est pas démontré en l’espèce.
La SARL M&L Distribution est déboutée de sa demande à ce titre.
La SAS Idéal Promotion qui succombe pour la plus grande part en appel, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SARL M&L Distribution de sa demande d’annulation du modèle déposé par la SAS Idéal Promotion le 26 novembre 2013 sous le numéro 20135010 et débouté la SARL M&L Distribution de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
L’infirme pour le surplus
Statuant à nouveau,
Déboute la SAS Idéal Promotion de toutes ses demandes,
Condamne la SAS Idéal Promotion aux dépens,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Idéal Promotion à payer à la SARL M&L Distribution la somme de 5 000 euros,
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE