La Marque François Villon (chaussures) qui a connu sa gloire dans les années 70 est bien tombée en désuétude, son dépôt par un tiers a été validé.
Défaut d’exploitation d’une marque
Les documents présentés par le primo déposant justifiaientde l’exploitation et de la connaissance de la marque François Villon en France, pour des chaussures, mais dataient, majoritairement, des années 1970 et, pour les plus récents, du début des années 1980, aucun de ces documents ne concernant l’utilisation de la marque sur les quarante dernières années.
Marque connue mais dont l’usage a disparu
L’historique de la marque François Villon n’a fait que confirmer que la marque, apparue dans les années 1950, a connu son heure de gloire dans les années 1970 et jusque dans le milieu des années 1980. Au delà de cette période, aucun élément ne vient indiquer que la marque a continué de faire l’objet d’une exploitation, éventuellement soutenue de moyens publicitaires importants, ni ne permet de s’assurer qu’elle serait encore aujourd’hui connue d’un large public.
Relancer une marque présume du défaut d’exploitation
Au contraire, il ressort de cet historique, que le primo déposant avait le projet , ces dernières années et, selon ses propres conclusions, depuis 2015, de ‘relancer’ la marque en France, ce qui conduit à considérer qu’elle n’était plus exploitée au moment du dépôt de l’opposition et qu’elle était tombée en désuétude.
La vente par des particuliers, sur les sites internet ebay.fr et videdressing.com, à des dates qui ne sont pas certaines, d’un total de 10 paires de chaussures ‘vintage’, c’est-à-dire de modèles anciens qui ne sont plus produits, de la marque [G] [J], ne suffit pas à démontrer que cette marque serait connue d’une fraction importante du public français, et ce, quand bien même le prix de ces ventes serait élevé, une telle circonstance n’étant pas pertinente dans la démonstration qu’il convient d’apporter.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 15 MARS 2023
(n°039/2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/10537 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ23
Décision déférée à la Cour : Décision du 03 Mars 2021 rendue par l’Institut National de la Propriété Industrielle – OPP 20-3147
DECLARANT AU RECOURS
Monsieur [W], [T] [X]
Né le 03 Août 1958 à [Localité 8] (TUNISIE)
De nationalité israélienne
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
(ISRAEL)
Représenté et assisté de Me Jacques MOUTOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0671
EN PRESENCE DE :
MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Mme [P] [S], chargée de mission, munie d’un pouvoir général
APPELÉ EN CAUSE
Monsieur [O] [L]
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 5]
N’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Madame Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire, exerçant des fonctions juridictionnelles,
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Monica d’ONOFRIO, avocat général, qui a fait connaître son avis,
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Rendu par défaut
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu la décision rendue le 3 mars 2021 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui, statuant sur l’opposition formée le 24 août 2020 par M. [W] [X] à l’enregistrement de la marque française n°4633296 portant sur le signe verbal [G] [J] en se prévalant de ses droits sur la marque notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] [G] [J], l’a déclarée irrecevable.
Vu le recours en annulation de cette décision déposé au greffe de la cour le 3 juin 2021 par M. [W] [X].
Vu les dernières conclusions de M. [W] [X] remises au greffe de la cour le 17 octobre 2022.
Vu l’acte d’huissier de justice délivré à M. [O] [L] le 4 janvier 2023 à la requête de M. [W] [X] portant signification de l’acte de recours et des conclusions précitées du 17 octobre 2022.
Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI concluant au bien fondé de la décision attaquée et au rejet du recours.
Vu les réquisitions écrites du ministère public concluant au bien fondé de la décision attaquée et au rejet du recours.
Le conseil du requérant, le représentant du directeur général de l’INPI et le représentant du ministère public ayant été entendus à l’audience de la cour du 24 janvier 2023.
SUR CE, LA COUR:
M. [O] [L] n’a pas constitué avocat . L’acte d’huissier de justice portant signification de l’acte de recours et des dernières conclusions de M. [W] [X] n’ayant pas été délivré à sa personne mais remis en l’Etude, il sera statué par arrêt de défaut.
M. [O] [L] a déposé le 18 mars 2020 la demande d’enregistrement n° 20 4 633 296 portant sur le signe verbal [G] [J] destiné à distinguer des produits en classes 18 et 25.
Le 24 août 2020, M. [W] [X] a formé une opposition à l’enregistrement de cette marque, fondée sur une marque notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] portant sur le signe [G] [J] et désignant des produits des classes 3,4, 9, 16, 18 et 25.
Par la décision, objet du recours, le directeur général de l’INPI a déclaré l’opposition irrecevable, au motif que ‘les documents fournis par l’opposant ne démontrent pas la notoriété du signe [G] [J] en tant que marque non déposée mais notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7], dès lors qu’ils n’établissent pas la connaissance de ce signe par une large fraction du public concerné par les produits et services en cause’.
Au soutien de son recours et pour conclure à l’annulation de la décision attaquée, M. [W] [X] fait valoir que la demande d’enregistrement de la marque, dont opposition, a été réalisée de mauvaise foi, M. [O] [L] ayant tenté, par ce moyen, de s’accaparer frauduleusement un droit sur une marque notoire. Il explique à cet égard que M. [O] [L] était son représentant en France et qu’il avait convenu avec ce dernier, en 2015, de relancer la marque, après avoir acquis à cet effet, en 2002, les marques françaises [G] [J] n° 1 414 676 et 93 487 322 déposées en 1975 et 1993 et avoir déposé le 10 mai 2004 la marque française [G] [J] n° 04 3 290 941.
Il ajoute avoir fourni toutes ses pièces, à savoir :
-des documents issus du Musée des arts décoratifs,
-des extraits de magazines de mode tels que VOGUE et L’OFFICIEL,
-des extraits des sites internet de revente ebay.fr et videdressing.com,
-des échanges de mails,
dans le délai prescrit par les textes et expirant en l’espèce le 24 septembre 2020 et n’avoir produit aucun document nouveau au delà du dit délai.
Il estime enfin que c’est à tort que le directeur général de l’INPI a rejeté l’opposition sous couvert d’irrecevabilité, l’examen au fond des pièces produites devant conduire à retenir que la marque invoquée connaît une notoriété ancienne et qui perdure à ce jour.
Ceci posé, il importe, en premier lieu, de rappeler que les seuls droits invoqués par M. [W] [X] au fondement de son opposition sont des droits sur la marque notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] [G] [J] et qu’ainsi, le directeur général de l’INPI ne pouvait apprécier la recevabilité et le bien fondé de l’opposition qu’au regard de tels droits.
La cour d’appel, saisie d’un recours à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI statuant sur l’opposition, qui est un recours en annulation dépourvu d’effet dévolutif et non pas un recours en réformation, ne peut connaître de moyens qui n’ont pas été soumis au directeur général de l’INPI dans la procédure d’opposition. En conséquence, c’est vainement que le requérant tente de se prévaloir de droits sur des marques qui sont étrangères à la procédure d’opposition, et dont le directeur général de l’INPI observe justement qu’il n’en est plus, en toute hypothèse, titulaire, ces marques n’ayant pas été renouvelées.
La cour ne peut davantage se prononcer, dans le cadre du présent recours, sur la mauvaise foi du déposant ou sur le caractère frauduleux du dépôt, qu’il appartiendra au requérant de faire valoir, le cas échéant, selon les procédures appropriées.
Il est relevé, en second lieu, que le requérant fait essentiellement grief au directeur général de l’INPI d’avoir déclaré son opposition irrecevable faute de démonstration de l’existence d’une marque notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7].
Or, aux termes de l’article R. 712-15 du code de la propriété intellectuelle, ‘Est déclarée irrecevable toute opposition (…) non conforme aux conditions prévues aux articles R. 712-13 et R. 712-14″.
L’article R. 712-14 précité, dispose que ‘ L’opposition est présentée par écrit suivant les modalités fixées par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle. Elle comprend : 1° L’identité de l’opposant ainsi que les indications propres à établir l’existence, la nature, l’origine et la portée de ses droits (…)’.
Ce même article précise ensuite que: ‘Les pièces et informations susmentionnées doivent être fournies dans le délai prévu à l’article L. 712-4. Toutefois, [‘] les pièces apportées au soutien des informations mentionnées aux 1°, 2° et 5° peuvent être fournies dans un délai supplémentaire d’un mois suivant l’expiration du délai susvisé, dans les conditions précisées par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle […]’.
Enfin, l’article 4 – II de la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle n° 2019-158 du 11 décembre 2019 relative aux modalités de la procédure d’opposition à enregistrement d’une marque prévoit que: ‘L’opposant fournit, au plus tard dans le délai d’un mois à compter de l’expiration du délai prévu à l’article L.712-4 du code précité : 1° Au titre des pièces apportées au soutien des indications propres à établir l’existence, la nature, l’origine et la portée de ses droits : (‘)
c) si l’opposition est fondée sur l’atteinte à une marque notoirement connue au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] pour la propriété Industrielle, les pièces de nature à établir son existence et sa notoriété pour les produits et services invoqués à l’appui de l’opposition (…)’.
En l’espèce, la société opposante a indiqué, en rubrique 6 ‘Fondements de l’opposition’ du récapitulatif de l’opposition, que le droit invoqué portait sur la marque notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] [G] [J] et, ainsi qu’il a été précédemment rappelé, cette marque constitue le seul droit invoqué au soutien de l’opposition à la demande d’enregistrement.
Par application des textes précités, il incombait à l’opposant de produire, dans le délai imparti, et sous peine d’irrecevabilité de l’opposition, les documents propres à justifier de l’existence, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement contestée, de la marque notoirement connue au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] pour les produits et services invoqués à l’appui de l’opposition.
Ainsi qu’il a été exactement rappelé dans les motifs de la décision attaquée, une marque est considérée comme notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] lorsqu’elle est connue par une large fraction du public concerné, en l’espèce le public français, sur tout le territoire ou une partie substantielle de celui-ci. Cette condition doit être établie de façon objective en tenant compte de l’ancienneté de la marque et de l’intensité de son usage, de l’importance des investissements promotionnels et publicitaires qui lui sont consacrés, de l’ampleur de la diffusion des produits et services couverts par la marque en tenant compte notamment de la part de marché détenue par ces produits et services.
Pour justifier de la notoriété de la marque invoquée dans le domaine de la mode et particulièrement des vêtements et accessoires de mode, M. [W] [X] a produit à l’appui de son opposition un historique de la marque ainsi que les documents suivants:
-des documents issus du Musée des arts décoratifs,
-des extraits de magazines de mode tels que VOGUE et L’OFFICIEL,
-des extraits des sites internet de revente ebay.fr et videdressing.com,
-des échanges de mails.
Il n’est pas contesté que les pièces précitées ont été fournies dans le délai prescrit expirant le 24 septembre 2020 et ont été les seules examinées par le directeur général de l’INPI dans le cadre de la procédure d’opposition, M. [W] [X] indiquant n’avoir, en toute hypothèse, produit aucune pièce après le 24 septembre 2020.
S’agissant des extraits de magazines, une partie non négligeable concerne des publications italiennes et britanniques (VOGUE Italie et UK) qui ne sont pas pertinentes dans l’appréciation de la notoriété de la marque sur le territoire français.
Les autres documents justifient de l’exploitation et de la connaissance de la marque [G] [J] en France, pour des chaussures, mais datent, majoritairement, des années 1970 et, pour les plus récents, du début des années 1980, aucun de ces documents ne concernant l’utilisation de la marque sur les quarante dernières années.
L’historique de la marque [G] [J], que le requérant développe en outre dans ses conclusions, ne fait que confirmer que la marque, apparue dans les années 1950, a connu son heure de gloire dans les années 1970 et jusque dans le milieu des années 1980. Au delà de cette période, aucun élément ne vient indiquer que la marque a continué de faire l’objet d’une exploitation, éventuellement soutenue de moyens publicitaires importants, ni ne permet de s’assurer qu’elle serait encore aujourd’hui connue d’un large public.
Au contraire, il ressort de cet historique, que le requérant avait le projet , ces dernières années et, selon ses propres conclusions, depuis 2015, de ‘relancer’ la marque en France, ce qui conduit à considérer qu’elle n’était plus exploitée au moment du dépôt de l’opposition et qu’elle était tombée en désuétude.
La vente par des particuliers, sur les sites internet ebay.fr et videdressing.com, à des dates qui ne sont pas certaines, d’un total de 10 paires de chaussures ‘vintage’, c’est-à-dire de modèles anciens qui ne sont plus produits, de la marque [G] [J], ne suffit pas à démontrer que cette marque serait connue d’une fraction importante du public français, et ce, quand bien même le prix de ces ventes serait élevé, une telle circonstance n’étant pas pertinente dans la démonstration qu’il convient d’apporter.
S’agissant enfin des échanges de mails, ils établissent tout au plus l’existence d’un projet de relance de la marque [G] [J] entre le déposant et l’opposant mais ne justifient aucunement d’une exploitation actuelle de la marque.
Il s’infère de ces éléments que M. [W] [X] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le signe verbal [G] [J] constituait, au jour où il a formé opposition à la demande d’enregistrement de marque déposée par M. [O] [L], une marque notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7].
Ainsi qu’il est à bon droit souligné par le directeur général de l’INPI, le bénéfice de l’article 6 Bis de la Convention de [Localité 7] demeure une voie exceptionnelle d’acquisition du droit de marque, en principe conditionné par le dépôt, et il est donc essentiel de subordonner ce droit à la preuve de l’existence de la notoriété invoquée, laquelle doit être appréciée strictement afin de garantir la sécurité juridique des tiers qui doivent pouvoir déposer des marques en s’étant assurés de leur disponibilité sur les registres, sans se voir opposer des droits non publiés et inconnus du plus grand nombre.
En l’espèce, si certains des documents produits justifient d’une notoriété de la marque invoquée dans les années 1970 et 1980, aucun élément ne permet d’établir qu’en 2020, date de l’opposition, la marque qui n’était plus exploitée, était encore connue d’une large fraction du public français.
En conséquence, les conditions de recevabilité de l’opposition prescrites par les textes précités n’ayant pas été satisfaites, c’est à bon droit que le directeur général de l’INPI l’a déclarée irrecevable.
Le recours formé par M. [W] [X] à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI est dès lors rejeté.
PAR CES MOTIFS
:
Statuant par arrêt de défaut,
Rejette le recours formé par M. [W] [X] à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI rendue le 3 mars 2021,
Dit que le présent arrêt sera notifié par les soins du greffe et par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE