Propriété intellectuelle : Demande d’annulation de saisie-contrefaçon

Notez ce point juridique

Incompétence du juge de la mise en état

Il ressort des articles 780 à 797 du code de procédure civile énonçant les pouvoirs du juge de la mise en état que ce dernier n’est pas compétent pour prononcer l’annulation de la saisie-contrefaçon ni la nullité d’une saisie-contrefaçon, laquelle relève de la compétence du juge du fond.

Nullité de sommation de communiquer

Il en va de même pour le prononcé d’une nullité de sommation de communiquer et du rejet des éléments obtenus en réponse à la sommation.

Demande de rejet de pièce

Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. Toutefois, il ressort de l’article 788 du code de procédure civile que le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de rejeter une pièce.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°594

N° RG 22/03427 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SZTN

S.A. TEINTURERIES DE LA TURDINE

C/

S.A.S. GROUPE MULLIEZ – FLORY GMF

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PRENEUX

Me VERDIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. TEINTURERIES DE LA TURDINE, immatriculée au RCS de VILLEFRANCHE-TARARE sous le n°725 580 013, représentée par son dirigeant légal domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, postulant, avocat au barreau de RENNES et Me Alban JARS, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S. GROUPE MULLIEZ – FLORY – GMF, immatriculée au RCS d’ANGERS sous le numéro 308 054 410, agissant en la personne de son représentant légal domicilié de droit en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Marc-Etienne VERDIER de la SCP VERDIER-MARTIN, postulant, avocat au barreau de RENNES, et Me Marc DIZIER de la SELARL DIZIER ET ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Florence SEYCHAL, avocat au barreau de NANTES

L’activité de la société Teintureries de la Turdine consiste dans l’ennoblissement textile. La société Service de la Turdine, société s’ur de la précédente, soutient avoir acquis de la société italienne Studio Piu, le 14 février 2006, les droits de propriété intellectuelle sur le dessin n°61NA27 renuméroté 11584T.

En 2013, la société Groupe Mulliez Flory-GMF (GMF), spécialisée dans la confection de vêtements de travail et de tenues professionnelles a commandé à la société Teintureries de la Turdine des échantillonnages incluant ce dessin. La société GMF n’a pas donné suite aux échantillonnages.

Le 1er octobre 2020, la société TAM, concurrente de la société Teintureries de la Turdine, a été placée en liquidation judiciaire. Afin d’éviter une rupture de l’approvisionnement de ses clients, la société TAM a sollicité la société Teintureries de la Turdine pour assurer des productions d’impressions.

La société Teintureries de la Turdine aurait découvert dans le fichier clients de la société TAM, des commandes d’impression du dessin litigieux passées par la société GMF.

Suivant ordonnance du président du tribunal judiciaire de Rennes en date du 21 janvier 2021, une saisie-contrefaçon est intervenue au siège social de la société GMF le 24 février 2021. Un procès-verbal de saisie-contrefaçon a été dressé par huissier.

Le 26 mars 2021, la société Teintureries de la Turdine a assigné la société GMF en réparation de son préjudice.

Le 7 juillet 2021, la société GMF a sollicité par conclusions d’incident que l’action de la société Teintureries de la Turdine soit déclarée irrecevable.

Par ordonnance du 19 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes a :

— Déclaré la société Teintureries de la Turdine irrecevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société GMF,

— S’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 24 février 2021 et de la sommation de communiquer du 12 mars 2021,

— Condamné la société Teintureries de la Turdine aux entiers dépens,

— Condamné la société Teintureries de la Turdine à régler à la société GMF la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Teintureries de la Turdine a interjeté appel de cette ordonnance le 1er juin 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022.

Par conclusions du 26 septembre 2022, la société Teintureries de la Turdine a demandé que la Cour :

— Réforme l’ordonnance en ce qu’elle a :

— Déclaré la société Teintureries de la Turdine irrecevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société GMF,

— Condamné la société Teintureries de la Turdine aux entiers dépens,

— Condamné la société Teintureries de la Turdine à régler à la société GMF la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Confirme l’ordonnance en ce que le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 24 février 2021 et de la sommation de communiquer du 12 mars 2021,

Et statuant à nouveau :

— Juge que la société Teintureries de la Turdine est présumée titulaire des droits d’auteur sur le dessin 11584T qu’elle exploite commercialement en son nom propre depuis 2007 et qui n’est pas revendiqué par un tiers,

En conséquence :

— Juge recevable la société Teintureries de la Turdine à agir en contrefaçon à l’encontre de la société GMF,

— Déboute la société GMF de toutes ses fins, demandes et prétentions à l’encontre de la société Teintureries de la Turdine au titre de l’incident,

En tout état de cause :

— Condamne la société GMF à payer à la société Teintureries de la Turdine la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’incident.

Par conclusions du 27 septembre 2022, la société GMF a demandé que la Cour :

— Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

— Rejette des débats les pièces 6-4 et 6-5 communiquées par l’appelante, nul ne pouvant se constituer de preuves à soi-même,

— Déboute la société Teintureries de la Turdine de son appel tendant à être déclarée titulaire des droits d’auteur sur le dessin 11584 T qu’elle prétend exploiter commercialement,

— Juge que la société Teintureries de la Turdine ne justifie d’aucun droit d’auteur ni de propriété intellectuelle sur le dessin 11584 T qu’elle invoque,

— Juge que la société Teintureries de la Turdine ne justifie pas par présomption être titulaire des droits d’auteur sur le dessin 11584 T,

— Juge que la société Teintureries de la Turdine ne justifie pas par présomption être titulaire des droits d’exploitation sur le dessin 11584 T,

— Juge irrecevable la société Teintureries de la Turdine à agir en contrefaçon,

— Juge irrecevable la société Teintureries de la Turdine en toutes ses demandes,

Statuant sur l’appel incident :

En conséquence,

— Annule la saisie contrefaçon du 24 février 2021,

— Prononce la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 24 février 2021 et de la sommation de communiquer du 12 mars 2021 et le rejet des éléments obtenus en réponse à sommation,

— Déboute la société Teintureries de la Turdine de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— Confirme l’ordonnance qui a condamné la société Teintureries de la Turdine à payer 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société Teintureries de la Turdine aux entiers frais et dépens qui seront recouvrés par la SCP Verdier (Me Marc-Etienne VERDIER), et à payer à la société GMF une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d’appel.

MOTIFS DE LA DECISION:

L’irrecevabilité de l’action en contrefaçon :

Article 31 du code de procédure civile :

L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Article 32 du code de procédure civile :

Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

L’article L.111-1 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle :

L’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Article L332-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle :

Tout auteur d’une ‘uvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des ‘uvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux ‘uvres prétendument contrefaisantes en l’absence de ces dernières.

En application de l’article L 332-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, seul l’auteur lui-même ou les personnes titulaires des droits attachés à la qualité d’auteur peuvent agir en contrefaçon de l »uvre protégée.

— Sur la titularité des droits d’auteur :

La société GMF soutient que la société Teintureries de la Turdine ne peut se prévaloir de droits d’auteur à titre originaire puisque cette dernière est une personne morale et qu’il ne s’agit pas d’une ‘uvre collective, seule ‘uvre sur laquelle une personne morale peut avoir la qualité d’auteur à titre originaire.

Elle fait également valoir que la société Teintureries de la Turdine ne peut soutenir avoir acquis les droits de propriété intellectuelle du dessin auprès de la société italienne Studio Piu puisque les pièces produites font état d’une vente de support matériel à savoir un échantillon de tissus lequel ne constitue pas un dessin et ne bénéficie donc d’aucune protection par le code de la propriété intellectuelle.

Cependant, la société Teintureries de la Turdine ne revendique pas la qualité d’auteur du dessin litigieux, ni l’acquisition de ces droits par cession. Elle se prévaut uniquement de la présomption prétorienne de titularité des droits d’auteur en raison de la commercialisation du dessin.

— Sur la présomption de titularité des droits d’auteurs de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle :

La société GMF fait valoir que la société Teintureries de la Turdine ne peut se prévaloir de la présomption de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle qui ne bénéficie qu’aux personnes physiques.

Article L113-1 du code de la propriété intellectuelle :

La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l »uvre est divulguée.

Là encore, la société Teintureries de la Turdine ne fonde pas son action en contrefaçon sur le fondement de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle mais uniquement sur la présomption prétorienne de titularité des droits d’auteur en raison de la commercialisation du dessin.

— Sur la présomption prétorienne de titularité des droits de propriété incorporelle

La société Teintureries de la Turdine fait valoir qu’elle est présumée titulaire des droits d’auteur sur l »uvre en raison de son exploitation en son nom propre du dessin en l’absence de revendication de l’auteur de l »uvre.

La société GMF fait valoir qu’à l’exception d’une ‘uvre collective, une personne morale ne peut être titulaire de droits d’auteur que par la cession à son profit de ces droits. Elle ajoute que la société Teintureries de la Turdine ne peut se prévaloir de la présomption prétorienne, faute d’en réunir les conditions.

Article L113-1 du code de la propriété intellectuelle :

La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l »uvre est divulguée.

Si une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur, la jurisprudence pose une présomption au bénéfice de la personne morale exploitant l »uvre en l’absence de revendication du ou des auteurs. Elle est présumée, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, être titulaire du droit de propriété incorporelle de l’auteur sur l »uvre .

Pour bénéficier de cette présomption prétorienne, la personne morale doit démontrer la réunion des deux conditions : aucune revendication de l’auteur de l »uvre et une exploitation commerciale en son nom propre, antérieure à celle du tiers recherché pour contrefaçon.

Si la condition de l’absence de revendication de l’auteur de l »uvre n’est pas discutée en l’espèce par les parties et doit être considérée comme remplie, la société GMF fait valoir que la société Teintureries de la Turdine ne produit pas d’éléments démontrant l’exploitation commerciale de cette ‘uvre par ses soins.

La société Teintureries de la Turdine fait valoir que la société Services de la Turdine a acquis le dessin référencé n°61NA27 auprès de la société Studio Pui en 2006 et a procédé à une interprétation graphique de ce dessin avant de le renuméroter sous la référence 11584T. Elle indique que c’est ensuite elle qui a procédé à la commercialisation de ce dessin.

Au titre de preuves d’exploitation commerciale, la société Teintureries de la Turdine produit tout d’abord une facture de la société Piolat Rotary pour des prestations d’impression, de CD coloration, d’interprétation graphique et de gravure.

Ces prestations facturées par la société Piolat Rotary ne permettent pas d’établir une commercialisation par la société Teintureries de la Turdine, d’autant que ces factures sont adressées à la société Service de la Turdine et non à la société Teintureries de la Turdine.

La société Teintureries de la Turdine produit également des bons de livraison et des factures qu’elle a émis et adressés à :

— La société Proteor :

— Un bon de livraison du 18 juin 2013 pour des échantillonnages du dessin n°11584T,

— Une facture du 19 juin 2013pour des prestations d’impression transfert du dessin n°11584T,

— La société Boldoduc :

— Un bon de livraison du 12 mars 2018 pour des échantillonnages du dessin n°11584T,

— Une facture du 16 mars 2018 pour des prestations d’impression transfert et thermo du dessin n°11584T,

— Un bon de livraison du 21 mars 2019 pour des échantillonnages du dessin n°11584T,

— Une facture du 21 mars 2019 pour des prestations d’impression transfert et thermo du dessin n°11584T,

— La société Textilia :

— Un bon de livraison du 27 juillet 2012 pour des échantillonnages du dessin n°11584T.

— Un bon de livraison du 14 mai 2013 pour des échantillonnages du dessin n°11584T,

— Un bon de livraison du 22 mai 2013 pour des échantillonnages du dessin n°11584T,

— Une facture du 28 mai 2013 pour des prestations de thermo impression du dessin n°11584T,

— La société GMF :

— Une facture du 28 janvier 2014 pour des impressions transfert du dessin n°11584T.

La société GMF fait valoir que la facture éditée à son nom fait état d’un siège social pour une société située [Adresse 4] alors que le siège social de la société Teintureries de la Turdine était alors situé au [Adresse 2] jusqu’à son transfert intervenu début 2016.

Si la société GMF produit un extrait du Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales en date du 9 novembre 2015 sur le dépôt des comptes annuels pour l’exercice 2014 faisant état d’un siège social situé au [Adresse 2], cette pièce n’est pas de nature à remettre en cause l’auteur de la facture à savoir la société Teintureries de la Turdine, parfaitement identifiable par l’apposition de son nom et de son logo en partie supérieure. Par ailleurs, la société Teintureries de la Turdine explique posséder des établissements secondaires et indique que cette adresse correspond à l’ancien siège social devenu un établissement secondaire de production.

Contrairement à ce qui est allégué par la société GMF, le fait que certains des bons de livraison concernent des ‘variantes japonaises’ marine ou bordeaux et contiennent des désignations de qualité diverses (sun, papier, banlon lourd) ne signifie pas qu’il s’agit d’un produit différent du dessin litigieux, seuls les supports et les couleurs étant modifiés. Les bons de commande font bien apparaître la référence du dessin n°11584T.

La diversité des désignations de qualités dans les bons de livraison et les factures produites par la société Teintureries de la Turdine permet également de démontrer qu’il s’agit bien de la commercialisation d’un dessin dont se prévaut la société Teintureries de la Turdine et non d’un simple support matériel d’un dessin comme le soutient la société GMF, lequel n’aurait pas permis la colorisation et l’impression sur divers supports en fonction des choix des clients.

Il résulte de ces éléments que ces pièces sont suffisantes à démontrer que la société Teintureries de la Turdine, dont l’activité principale consiste en l’industrie et le commerce de tous tissus, commercialisait le dessin litigieux entre 2012 et 2019 auprès de plusieurs sociétés clientes. Le simple fait que les bons de livraison et les factures soient des documents internes à la société Teintureries de la Turdine n’est pas de nature à remettre en cause leur véracité.

Si la société GMF fait valoir que la société Teintureries de la Turdine ne démontre pas la commercialisation continue du dessin litigieux se contentant d’éléments ponctuels et isolés démontrant une vente plus que restreinte, il sera rappelé que la jurisprudence n’exige aucune condition de continuité de la commercialisation pour bénéficier de cette présomption prétorienne, seule une commercialisation sans équivoque sous son nom suffit.

En l’espèce, la société Teintureries de la Turdine démontre avoir commercialisé à plusieurs reprises sous son nom le dessin litigieux auprès de plusieurs clients. La rareté de commercialisation ne peut suffire à lui retirer le bénéfice de cette présomption d’autant que cette rareté peut constituer un gage de qualité ou un choix stratégique dans le secteur de l’habillement et particulièrement dans le domaine de l’ennoblissement textile, permettant aux clients de la société Teintureries de la Turdine de bénéficier d’une quasi exclusivité sur ce dessin. Il sera par ailleurs rappelé que la saisonnalité et les effets de mode constituent des contraintes inhérentes à l’activité de la société Teintureries de la Turdine impactant nécessairement la commercialisation de ce dessin et justifiant une commercialisation ponctuelle.

En conséquence, la société Teintureries de la Turdine démontre commercialiser le dessin litigieux en l’absence de revendication de son auteur. La société Teintureries de la Turdine est donc présumée, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon et donc de la société GMF, être titulaire du droit de propriété incorporelle de l’auteur sur l »uvre. Elle a donc qualité à agir en contrefaçon contre la société GMF. L’ordonnance sera infirmée de ce chef.

Les fichiers de la société TAM :

La société GMF fait valoir que la société Teintureries de la Turdine n’a pas qualité pour utiliser les fichiers clients de la liquidation judiciaire de la société TAM car la réalisation d’actifs d’une société en procédure de liquidation judiciaire nécessite une décision du tribunal de commerce ou du juge commissaire.

La société GMF soutient également que la société Teintureries de la Turdine ne peut se prévaloir d’une contrefaçon puisque la saisie a été réalisée le 24 février 2021 soit après qu’elle ait commencé à produire pour le compte de la société TAM. Les produits saisis résulteraient donc des livraisons qu’elle a elle-même effectuées.

La société GMF ajoute que même à considérer, comme le soutient la société Teintureries de la Turdine, que cette dernière ne sollicite la réparation économique de son préjudice qu’à compter de 2014 et jusqu’au 28 octobre 2020, date à laquelle elle a commencé à produire pour la défenderesse le dessin litigieux, aucune preuve n’est apportée pour cette période antérieure à la saisie-contrefaçon.

La société GMF ne démontre pas en quoi ces éléments sont de nature à conduire à l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon de la société Teintureries de la Turdine laquelle est présumée être titulaire du droit de propriété incorporelle sur le dessin, justifiant sa qualité à agir et son intérêt à agir contre la société GMF. La demande de la société GMF tendant à juger la société Teintureries de la Turdine irrecevable à agir en contrefaçon sera rejetée.

La nullité de la saisie et de la sommation de communiquer :

La société GMF demande à la cour de prononcer l’annulation de la saisie-contrefaçon ainsi que la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 24 février 2021 et de la sommation de communiquer du 12 mars 2021. Elle demande également le rejet des éléments obtenus en réponse à sommation.

Il ressort des articles 780 à 797 du code de procédure civile énonçant les pouvoirs du juge de la mise en état que ce dernier n’est pas compétent pour prononcer l’annulation de la saisie-contrefaçon ni la nullité d’une saisie-contrefaçon, laquelle relève de la compétence du juge du fond.

Il en va de même pour le prononcé d’une nullité de sommation de communiquer et du rejet des éléments obtenus en réponse à la sommation.

L’ordonnance sera confirmée de ce chef.

Le rejet des débats des pièces 6-4 et 6-5 de l’appelant

La société GMF sollicite le rejet des débats des pièces 6-4 et 6-5 communiquées par la société Teintureries de la Tudine au motif que nul ne peut se constituer de preuves à soi-même.

Article 788 du code de procédure civile :

Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.

Il ressort du texte susvisé que le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de rejeter une pièce. La demande de la société GMF sera rejetée. L’ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur les frais et dépens :

La société GMF , qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel et paiera à la société Teintureries de la Turdine une somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

— Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a :

— Déclaré la société Teintureries de la Turdine irrecevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société Groupe Mulliez-Flory,

— Condamné la société Teintureries de la Turdine aux entiers dépens,

— Condamné la société la société Teintureries de la Turdine à régler à la société Groupe Mulliez-Flory la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Confirme l’ordonnance pour le surplus,

Y ajoutant :

— Déclare la société Teintureries de la Turdine recevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société Groupe Mulliez-Flory,

— Rejette les autres demandes des parties,

— Condamne la société Groupe Mulliez-Flory aux dépens de première instance et d’appel,

— Condamne la société Groupe Mulliez-Flory à payer à la société Teintureties de la Turdine la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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