Propriété intellectuelle : Droits de reproduction de l’auteur décédé : le conjoint survivant peut agir

Notez ce point juridique

La défense des droits d’exploitation de l’auteur constitue un acte de conservation qui permet au conjoint survivant d’agir judiciairement.

L’action du conjoint survivant

Le conjoint survivant de l’auteur est recevable à agir sur le fondement de l’article 815-3 du code civil sans que la circonstance que les héritiers réservataires ne soient pas parties à l’instance ne soit de nature à la priver de cette qualité.

Cette action est d’autant plus recevable que les autres héritiers réservataires agréent l’action du conjoint survivant, ce qui équivaut de leur part, à tout le moins, à un mandat tacite.

Pour mémoire, l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que pendant la période prévue à l’article L 123-1, le conjoint survivant contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il détient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé.

Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 du code civil.

Il en résulte qu’en sa qualité de conjointe survivante, la qualité à agir de l’épouse, en défense du droit d’exploitation de l’auteur ne saurait être remise en cause et la circonstance que cet usufruit soit susceptible d’être réduit au profit des héritiers dans les conditions prévues à l’article 913 du code civil n’est pas de nature à la priver de cette qualité à agir, pas plus que le fait qu’en vertu des dispositions testamentaires de l’auteur, elle soit légataire à titre universel et non légataire universel. Il importe donc peu que le testament lui-même n’ait pas été produit.

Droit d’agir des indivisaires

En tout état de cause, en application de l’article 815-3 du code civil, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

—  1° effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis

—  2° donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration,

—  3° vendre l’immeuble indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision,

—  4° conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanale,

Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. À défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.

Action en violation du droit moral

L’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : «  l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne.  Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. « 

Selon un arrêt de la Cour de cassation (Cass Civ1 15 février 2005, n° 03-12. 159 , Maeght), lorsque le droit moral appartient à plusieurs cohéritiers, chacun d’eux peut agir seul pour le faire valoir en justice sans qu’il soit nécessaire d’appeler les autres en la cause.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
 
N° RG 21/01681
 
N° Portalis DBV3-V-B7F-UL7W
 
AFFAIRE :
 
[S], [U], [D] [W] veuve [Z]
 
C/
 
Société DIOSPHERE LTD
 
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
 
N° RG : 19/04879
 
LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
 
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
 
Madame [S], [U], [D] [W] veuve [Z]
 
née le 01 Août 1949 à [Localité 5]
 
de nationalité Française
 
[Adresse 1]
 
[Localité 2]
 
représentée par Me Jean-Philippe HUGOT et Me Pauline MENZE, avocats – barreau de PARIS, vestiaire : C2501
 
APPELANTE
 
****************
 
Société DIOSPHERE LTD
 
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
 
N° SIRET : 375 914 3
 
[Adresse 3]
 
[Localité 4] – ROYAUME-UNI
 
représentée par Me Inès BOUZAYEN substituant Me Alexandre BLONDIEAU, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : D1517
 
INTIMÉE
 
****************
 
Composition de la cour :
 
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Nathalie LAUER, Conseiller, chargée du rapport.
 
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
 
Madame Anna MANES, Présidente,
 
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
 
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
 
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
 
FAITS ET PROCÉDURE
 
[L] [Z] était le photographe sur le tournage du film « Pierrot le fou », réalisé en 1965 par M. [M], à l’occasion duquel il a notamment réalisé deux photographies représentant l’acteur principal, [P] [B]. Il a également pris cinq photographies du réalisateur qu’il a fait poser lors d’une séance photo.
 
Ces photographies portent le copyright « [L] [Z] ».
 
La société Diosphere limited gère une banque d’image en ligne intitulée Diomedia et disponible à l’adresse www.diomedia.com/editorialimages.
 
Mme [W] a, le 22 octobre 2018, fait dresser un procès-verbal de constat établissant la reproduction et la vente des droits d’exploitation des sept photographies précitées, sans autorisation et sans mention du nom de [L] [Z] sur le site internet diomedia.com.
 
Par courrier du 17 décembre 2018, Mme [W] mettait en demeure la société Diosphere de retirer les photographies litigieuses du site internet et de lui indiquer les mesures envisagées pour réparer son préjudice. Le 9 janvier 2019, la société Diomedia lui assurait avoir retiré les photographies litigieuses du site.
 
Par email du 4 février 2019, Mme [W] mettait en demeure la société Diosphere de lui présenter les mesures envisagées pour réparer son préjudice.
 
Le 6 février 2021, la société Diosphere indiquait à Mme [W] qu’ayant acquis les droits d’exploitation sur les photographies auprès de la société Photononstop, elle n’était pas responsable de la reproduction et de la vente des droits d’exploitation des photographies sur son site et ne formulerait aucune proposition de réparation du préjudice.
 
Par acte introductif d’instance du 9 mai 2019, Mme [W] a fait assigner la société Diosphere devant le tribunal de grande instance de Nanterre, devenu tribunal judiciaire, aux fins notamment de la voir condamner pour violation de ses droits patrimoniaux d’auteur et de ses droits moraux du fait de la reproduction, sans autorisation, des sept photographies sur le site internet www.diomedia.com.
 
Par jugement contradictoire rendu le 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
 
— Déclaré irrecevable l’action en contrefaçon des droits d’auteur de [L] [Z] de Mme [W] en sa qualité d’ayant droit sur les photographies numéros 1 à 7 pour défaut d’originalité,
 
— Rejeté les demandes de Mme [W] au titre des frais irrépétibles,
 
— Condamné Mme [W] à payer à la société Diosphere limited la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— Condamné Mme [W] à supporter les entiers dépens de l’instance,
 
— Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement.
 
Mme [W] a interjeté appel de ce jugement le 12 mars 2021 à l’encontre de la société Diosphere limited.
 
Par dernières conclusions notifiées le 16 juin 2022, Mme [W] demande à la cour de :
 
Vu les articles 6, 122 et 126 du code de procédure civile,
 
Vu les articles L. 111 1 et suivants, L.112 2, L.113 1, L.113 6, L. 121 1 et suivants, L.122 1, L.122 4, L.122 5, L.131 3, L. 331 1 et suivants et L. 335 2 du code de la propriété intellectuelle,
 
Vu la jurisprudence et les pièces versées au débat,
 
— Juger Mme [W] recevable en son appel et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Diosphere limited,
 
— Juger que la société Diosphere limited est mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions,
 
— Juger que [L] [Z] est l’auteur des photographies n° 1 à 7, et que Mme [W] est recevable en sa qualité d’ayant droit de [L] [Z] et de titulaire exclusive des droits patrimoniaux et du droit moral de [L] [Z],
 
— Juger que l’originalité des photographies ne saurait constituer une condition de recevabilité de l’action de l’ayant droit de l’auteur,
 
— Juger chacune des photographies n° 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 originales et à ce titre protégées par les dispositions du Livre 1er première partie du code de la propriété intellectuelle et, ce faisant,
 
— Infirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par la 1ère chambre du pôle civil du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a déclaré l’action en contrefaçon relative aux photographies 3 à 7 irrecevable jugeant que  » faute de produire les oeuvres litigieuses permettant de constater la réalisation formelle de la combinaison d’éléments revendiquée fondant leur originalité pour la comparer aux clichés contrefaisants, les demandes de Mme [W] au titre des photographies 3 à 7 dont elle échoue nécessairement à établir l’originalité ne peuvent qu’être déclarées irrecevables « ,
 
— Infirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par la 1ère chambre du pôle civil du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a déclaré l’action en contrefaçon relative aux photographies 1 et 2 irrecevable pour défaut d’originalité.
 
En conséquence :
 
— Juger qu’en numérisant et en reproduisant sans autorisation les photographies sur le site, la société Diosphere limited a violé les droits patrimoniaux de Mme [W],
 
— Juger qu’en commercialisant les droits d’exploitation des photographies sur le site, la société Diosphere limited a violé les droits patrimoniaux de Mme [W],
 
— Juger qu’en ne mentionnant pas le nom de [L] [Z] en accompagnement des photographies 1 et 2 reproduites sur le site, la société Diosphere limited a violé les droits moraux de Mme [W].
 
En conséquence :
 
— Juger Mme [W] recevable et bien fondée en ses demandes de dommages et intérêts à l’encontre de la société Diosphere limited,
 
— Condamner la société Diosphere limited à payer Mme [W] les sommes suivantes :
 
* 5.000 euros par numérisation et reproduction d’une photographie en ligne, soit 40.000 euros,
 
* 10.000 euros au titre de la commercialisation de droits d’exploitation sur chaque reproduction des photographies, soit 80.000 euros, à parfaire,
 
* 5.000 euros par absence de mention du nom de Mme [W] en accompagnement des reproductions des photographies n 1 et 2, soit 10.000 euros.
 
En tout état de cause, infirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par la 1ère chambre du pôle civil du tribunal judiciaire de Nanterre sur la condamnation de Mme [W] au titre des articles 699 et 700 du code de procédure civile et,
 
— Condamner la société Diosphere Limited à payer à Mme [W] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— Condamner la société Diosphere limited aux entiers dépens dont distraction faite au profit de M. Hugot, ès qualités, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
 
Par dernières conclusions notifiées le 23 juin 2022, la société Diosphere limited demande à la cour de :
 
Vu l’article L123 6 du code de la propriété intellectuelle, l’article 122 du code de procédure civile,
 
Vu la jurisprudence,
 
A titre principal :
 
— Confirmer, par substitution de motifs pour défaut de qualité à agir, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 11 février 2021 en ce qu’il a jugé irrecevable l’action en contrefaçon de droits d’auteur intentée par l’appelante qui n’est pas le titulaire exclusif des droits patrimoniaux et moraux de [L] [Z],
 
— Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 11 février 2021 en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en contrefaçon des droits d’auteur de [L] [Z] sur les photographies numéros 1 à 7 pour défaut d’originalité,
 
— Confirmer, par substitution de motifs pour défaut de paternité de [L] [Z] sur les photographies numéro 3, 4, 5, 6 et 7, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 11 février 2021 en ce qu’il a jugé irrecevable l’action en contrefaçon de droits d’auteur de [L] [Z] intentée par Mme [W],
 
Par conséquent :
 
— Débouter Mme [W] de ses demandes.
 
A titre subsidiaire :
 
— Juger que les photographies numéro 1 à 7 ne sont pas originales et ne bénéficient donc pas de la protection par le droit d’auteur,
 
Par conséquent :
 
— Débouter Mme [W] de ses demandes,
 
— Condamner Mme [W] à verser la somme de 10.000 euros à la société Diosphere limited au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
 
A titre très subsidiaire :
 
— Juger que Mme [W] ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice,
 
Par conséquent :
 
— Ramener les demandes indemnitaires à la somme d’un euro symbolique.
 
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 30 juin 2022.
 
SUR CE, LA COUR,
 
Les limites de l’appel
 
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges. Toutefois, si la société Diosphere limited sollicite la confirmation du jugement déféré sur l’irrecevabilité des demandes de Mme [W], elle demande d’en substituer les motifs pour retenir que cette dernière n’a pas qualité à agir.
 
La cour rappelle que l’article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.
 
Par prétention, il faut entendre, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.
 
Par voie de conséquence, les « dire et juger » ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels « dire et juger » qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
 
La qualité à agir de Mme [W]
 
La société Diosphere limited prétend qu’il résulte des pièces produites aux débats par Mme [W] que celle-ci est légataire d’un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit de la quotité disponible de la succession de [L] [Z], ce qui constitue un legs à titre universel de sorte qu’elle ne peut exercer seule les droits d’exploitation de l’oeuvre. Elle invoque la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle le legs de la quotité disponible ne doit pas s’entendre comme un legs universel. Elle en déduit que Mme [W] ne peut agir seule alors qu’elle n’a pas appelé à l’instance les héritiers réservataires [L] [Z].
 
Sur le droit moral, elle rappelle que l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle ne concerne que le droit d’exploitation et qu’en vertu de l’article L 121-1 de ce même code, le droit moral ne peut être exercé que par les héritiers. Elle rappelle à cet égard qu’en vertu des dispositions testamentaires de [L] [Z], qui au demeurant n’ont jamais été produites aux débats, Mme [W] ne peut se prévaloir au mieux que d’un legs à titre universel.
 
Elle soutient également que dans une hypothèse d’indivision le fait d’introduire une action en justice n’est pas un acte qui ressort d’une exploitation normale de l’indivision et doit par conséquent recueillir l’avis unanime des indivis. Elle en déduit que les trois héritiers de [L] [Z] auraient dû agir conjointement avec Mme [W] alors qu’en l’espèce, ils ne sont pas parties à la procédure.
 
Mme [W] réplique qu’elle est exclusivement titulaire des droits d’auteur des photographies. Elle se fonde sur l’acte notarié produit aux débats qui établit incontestablement selon elle que [L] [Z] lui a légué la quotité disponible d’un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit, soit la quotité disponible la plus large permise entre époux de sorte que [L] [Z] lui a donc légué l’intégralité du patrimoine dont il pouvait disposer.
 
D’une part, elle fait valoir que ce legs de la quotité disponible spéciale entre époux s’analyse en legs universel et lui confère donc la totalité en usufruit des droits patrimoniaux d’auteur de son époux.
 
Elle indique que les attestations notariées des fils de [L] [Z] la confirment dans ses droits.
 
D’autre part, elle se fonde sur une jurisprudence constante (dont les arrêts [C], [A] [Y]) selon laquelle le légataire universel a vocation à recevoir l’universalité héréditaire, et, en particulier, à devenir titulaire, même en présence d’héritiers réservataires, du droit moral de l’auteur.
 
Appréciation de la cour
 
Sur le droit d’exploitation
 
L’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que pendant la période prévue à l’article L 123-1, le conjoint survivant contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il détient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 du code civil.
 
Il en résulte qu’en sa qualité de conjointe survivante, la qualité à agir de Mme [W] en défense du droit d’exploitation de l’auteur ne saurait être remise en cause et la circonstance que cet usufruit soit susceptible d’être réduit au profit des héritiers dans les conditions prévues à l’article 913 du code civil n’est pas de nature à la priver de cette qualité à agir, pas plus que le fait qu’en vertu des dispositions testamentaires de [L] [Z] elle soit légataire à titre universel et non légataire universel. Il importe donc peu que le testament lui-même n’ait pas été produit.
 
En tout état de cause, en application de l’article 815-3 du code civil, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
 
—  1° effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis
 
—  2° donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration,
 
—  3° vendre l’immeuble indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision,
 
—  4° conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanale,
 
ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. À défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
 
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
 
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.
 
Ainsi, à supposer comme le soutient la société Diosphere limited, que les droits d’exploitation de l’auteur soient indivis entre Mme [W] et les héritiers réservataires de [L] [Z], la défense de ces droits constitue un acte de conservation qui fonde Mme [W] à agir par application des dispositions susvisées. En outre, il résulte des attestations des héritiers réservataires produites aux débats par Mme [W] que ceux-ci agréent la présente action, ce qui équivaut de leur part, à tout le moins, à un mandat tacite de sorte que Mme [W] est également parfaitement en qualité d’agir sur le fondement de l’article 815-3 du code civil sans que la circonstance que les héritiers réservataires ne soient pas parties à la présente instance ne soit de nature à la priver de cette qualité à agir.
 
 
Sur le droit moral
 
L’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : «  l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne.
 
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
 
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.
 
L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. « 
 
Selon un arrêt de la Cour de cassation (Cass Civ1 15 février 2005, n° 03-12. 159 , Maeght), lorsque le droit moral appartient à plusieurs cohéritiers, chacun d’eux peut agir seul pour le faire valoir en justice sans qu’il soit nécessaire d’appeler les autres en la cause.
 
En l’espèce, la qualité de conjoint survivant de Mme [W] de [L] [Z] n’est pas discutée. Par ailleurs, il n’est ni justifié ni même allégué que le de cujus aurait conféré à un tiers l’exercice de son droit moral en vertu de dispositions testamentaires. Par conséquent, en sa qualité d’héritière, sa qualité à agir au titre des dispositions susvisées ne saurait être remise en cause.
 
Ces moyens de la société Diosphere limited seront donc rejetés et il conviendra de déclarer Mme [W] recevable en son action.
 
La paternité de [L] [Z] sur les photographies n° 3 à 7
 
Le jugement déféré a retenu que si la paternité de [L] [Z] ne pouvait être établie par la production des ektachromes ou des planches contacts qui n’étaient pas produites par Mme [W], elle résultait en revanche suffisamment du crédit  » Photononstop/[L] [Z]  » figurant sur le site même de la défenderesse aux termes du constat (pièce 8 en demande) dès lors que la société Photononstop, personne morale, ne saurait qu’être titulaire des droits d’auteur et non avoir la qualité d’auteur en vertu de la présomption posée par l’article L 113-5 du code de la propriété intellectuelle.
 
La société Diosphere limited poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il a statué ainsi. À l’appui, elle fait valoir que, contrairement à ce que soutient Mme [W], tout laisse croire que les photographies numéros 3 à 7 ont été prises sur le tournage d’un entretien diffusé à la télévision (sa pièce n° 5) et qu’il existe un grand nombre de photographies très similaires représentant [O] [M] et non attribuées à [L] [Z]. Elle affirme que ces photographies sont extraites d’un entretien filmé de [O] [M] comme en atteste une vidéo issue des archives de l’Ina (sa pièce n° 5), ces extraits étant issus d’un court-métrage réalisé par [N] [E] [G] en 1965 intitulé  » le cinéma selon [O] « ou » [O] [M]  » (ses pièces n° 8 et 9). Elle souligne qu’il n’existe pas d’autres photographies ou vidéo de [O] [M] avec les cheveux aussi courts et habillé de cette manière.
 
Elle oppose à l’argumentation adverse que la planche-contact des négatifs des photographies publiée par la cinémathèque française est de très mauvaise qualité ; que le site sur lequel sont publiées ces planches indique bien que le détenteur de ces négatifs serait Mme [W] de sorte que rien n’explique pourquoi l’appelante ne les fournit pas directement. Elle explique cette circonstance par le fait que l’analyse minutieuse de cette planche permet, selon elle, de confirmer qu’aucune des cinq photographies en cause dans le présent litige n’est issue de ces planches-contact, le tribunal de Nanterre ayant d’ailleurs relevé que la pièce 20 correspondant à des captures d’écran de qualité très médiocre, de planches de multiples négatifs publiés sur le site de la cinémathèque française, ne saurait servir de premier terme de comparaison pour apprécier l’originalité.
 
Elle conteste enfin les motifs du tribunal ayant admis la paternité de [L] [Z] sur ces photographies dans la mesure où, selon elle, il ne s’agissait pas de la première divulgation de ces photographies au public de sorte qu’aucune présomption de paternité ne doit être attachée à la mention erronée d’un auteur lors d’une publication postérieure.
 
Mme [W] conclut à la confirmation du jugement sur ce point. Elle invoque l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle se fonde sur la planche-contact produite en pièce n°27 devant la cour, la publication des négatifs issus de la même série réalisée par la Cinémathèque française (sa pièce n° 20) qui est par ailleurs accessible à tous en ligne, la publication indiquant que [L] [Z] est l’auteur des photographies (pièce n° 20). Elle souligne que l’attribution n’a fait l’objet d’aucune contestation par quelque tiers que ce soit ; que ces photographies ont été exposées lors de l’exposition « Icônes » du 5 juillet au 16 septembre 2018 de la galerie [R] (sa pièce n° 23) avec le crédit [L] [Z] sans que cette attribution ne soit contestée. Elle rappelle que, comme l’a retenu le tribunal, elles ont été publiées par Diomedia sur son site et créditées au nom de [L] [Z] et Photononstop (sa pièce n° 8), cette dernière n’étant pas créditée elle-même en qualité d’auteur.
 
Appréciation de la cour
 
En application de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.
 
En l’espèce, Mme [W] produit devant la cour une pièce n° 27 représentée par une photocopie d’une planche-contact qui contient les photos n° 3, 4, 5, et 7 litigieuses. Or, la possession du support matériel de l’oeuvre fait présumer eu égard aux autres circonstances de fait la paternité de l’oeuvre.
 
Quant à la paternité de la photographie n° 6, comme l’a exactement retenu le tribunal, elle résulte suffisamment des différentes circonstances dans lesquelles cette photographie en particulier et la série en général ont été exposées au crédit de [L] [Z]. Il importe peu en effet qu’il ne se soit pas agi de la première divulgation dès lors que la publication avec une telle mention démontre ipso facto la première divulgation sous ce crédit. En d’autres termes, les photographies n’auraient pas pu être publiées au crédit de [L] [Z] si celui-ci ne les avait pas divulguées sous son nom.
 
Enfin, par aucune de ses productions, la société Diosphere limited ne démontre que [N] [E] [G] ou quiconque aurait revendiqué lui-même la paternité de ces photographies.
 
Il s’ensuit que la société Diosphere limited ne rapporte pas la preuve que la qualité d’auteur n’appartient pas à [L] [Z] sous le nom de qui les photographies ont été divulguées.
 
C’est donc à bon droit que, dans ses motifs, le jugement a retenu que la paternité de [L] [Z] sur les photographies n° 3 à 7 était démontrée.
 
L’originalité des photographies litigieuses
 
Mme [W] poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déclarée irrecevable à agir pour défaut d’originalité des photographies numéros 1 et 2 et pour défaut de production des supports des photographies n° 3 à 7. À l’appui, elle fait valoir que l’originalité n’est pas une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon de droit d’auteur mais une condition de fond de la protection au titre de ce droit.
 
Sur les photographies n° 1 et 2, elle invoque les choix du photographe qui, d’après elle, n’ont été guidés que par son intention créatrice et nullement par un cadre préétabli par le réalisateur.
 
Sur la photographie n° 1, elle indique que :
 
— cette photographie ne correspond à aucune scène du film ; elle a été prise hors tournage et ne saurait dès lors reproduire une scène du film, comme le soutient la société Diosphere limited,
 
— si certaines scènes filment l’acteur le visage recouvert de peinture, aucune d’elles ne le fait en plan poitrine, avec la maison en arrière-plan, en faisant un tel usage de la lumière,
 
— le fait que la photographie ne soit pas une image tirée du film ni prise pendant son tournage, implique nécessairement que les choix entourant sa réalisation appartiennent à [L] [Z] qui a ainsi été seul maître de la mise en scène, de la pose de l’acteur, du cadrage et de l’angle de vue,
 
— en amont de la prise de la photographie, en extérieur, [L] [Z] a mis en scène et dirigé l’acteur en lui donnant des instructions quant à son positionnement et à sa pose. Il a ainsi capturé l’acteur sans sa veste (contrairement au film), en lui demandant de fixer un point hors champ,
 
— il ne s’agit nullement d’assimiler le photographe au réalisateur dans la mesure où le film et la photographie sont deux oeuvres autonomes l’une de l’autre,
 
— le photographe a délibérément choisi de placer l’acteur en pleine lumière afin de saisir ses traits fermés et de mettre en valeur les expressions de peur et d’anxiété qui émanent de son visage,
 
— lors de la prise de la photographie, [L] [Z] a choisi de photographier [P] [B] en plan poitrine, en trois quarts, en légère contre-plongée
 
Sur la photographie n° 2, elle observe que :
 
— en amont de la prise de la photographie, l’attitude adoptée par [P] [B] est nettement différente sur la photographie que dans la scène filmée. En effet, dans le film, il allume furtivement une cigarette et se tient donc penché vers un briquet, guettant l’arrivée des individus qu’il doit entraîner vers le guet-apens, selon le plan prévu,
 
— sur la photographie, il se tient droit, imperturbable, la tête hors de la voiture fixant un point hors champ. Cette attitude est naturellement le résultat des instructions données par le photographe qui a déterminé le positionnement de l’acteur,
 
— l’éclairage apporté à la photographie n’est pas le même que dans la scène filmée. En effet, dans le film, l’acteur est placé dans l’obscurité alors que sur la photographie son visage est largement exposé à la lumière naturelle,
 
— lors de la prise de la photographie d’un moyen en légère contre-plongée alors que le photographe s’est placé selon un angle différent, à hauteur de l’acteur, pour réaliser un plan rapproché,
 
— la scène filmée ne dure que deux secondes et s’inscrit dans une succession accélérée de scènes en coupes franches. Elle fait écho aux propos de [B] qui déplore « trop d’événements à la fois » et vise à intégrer le spectateur dans la précipitation de l’action,
 
— à l’inverse, la photographie capture un portrait très charismatique de l’acteur, notamment en le plaçant dans la lumière, dans une attitude de défiance.
 
Elle en déduit que l’argument selon lequel l’empreinte de la personnalité de [L] [Z] ne serait pas établie en raison de l’absence de choix laissés au photographe est absolument faux. Elle affirme que, tout au contraire, le photographe a effectué un grand nombre de choix arbitraires, nécessaires à la réalisation de sa photographie alors que ces choix, définis par la jurisprudence, permettent de caractériser l’originalité des photographies, et non leur qualité artistique ou leur mérite, dont l’appréciation trop personnelle rendrait subjectif un débat qui doit être objectif.
 
Appréciation de la cour
 
C’est aux termes d’exacts motifs adoptés par la cour que le tribunal a retenu que ces deux photographies étaient dépourvues d’originalité.
 
Il suffit de rappeler que dans un arrêt du 1er décembre 2011 (aff C 145/10 § 94, [F] [T] [V]), la Cour de justice de l’union européenne a jugé qu’une photographie de portrait est susceptible d’être protégée dès lors qu’elle constitue une création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par des choix libres et créatifs de celui-ci lors de la réalisation de cette photographie.
 
Ainsi, le critère des choix, pour libres ou arbitraires qu’ils soient, ne suffit pas à octroyer la protection du droit d’auteur. Ces choix doivent en outre révéler l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
 
Si, certes le photographe a fait quelques choix de mise en scène, d’éclairage, de pose, de cadrage ou encore d’angles de prise de vue distincts de ceux du réalisateur du film, il ne se dégage pas des photographies une impression visuelle différente de celle produite par les scènes filmées de sorte que l’impression d’ensemble reflète, voire accentue, les choix préexistants du réalisateur et non l’empreinte de la personnalité propre de [L] [Z] qui n’est au demeurant nullement explicitée dans les éléments mis en avant par Mme [W].
 
Sur les photographies numéros 3 à 7
 
Mme [W] indique en premier lieu qu’elle produit devant la cour la planche-contact contenant ces photographies.
 
Elle fait valoir qu’alors que [O] [M] était une personnalité extrêmement discrète, notamment sur un plateau, [L] [Z] a choisi de le faire poser hors tournage et le réalisateur a accepté de se prêter à l’exercice, ce qui témoigne, s’il le fallait, de la liberté artistique offerte à [L] [Z] par le réalisateur pour ces photographies qui ne sont pas des photographies de plateau.
 
Elle rappelle que dans un jugement du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a déjà accordé à Mme [W] une indemnisation en réparation du préjudice né de la contrefaçon de photographies issues de la même série, reconnaissant par là même leur originalité.
 
Elle affirme que pour cette série de photographies,
 
— [L] [Z] a fait le choix d’un plan rapproché sur le réalisateur afin de rompre la pudeur habituelle du réalisateur, saisir le plus fidèlement possible ses expressions faciales, ses émotions et convier ainsi le spectateur des photographies dans ce moment d’intimité
 
— l’accent mis sur les expressions et émotions du réalisateur ressort en outre du choix de [L] [Z] d’opter pour des clichés en noir et blanc qui permet par un effet de clair-obscur de jouer sur le contraste entre l’accoutrement sombre et sobre du réalisateur et son visage pâle et animé et du choix de la lumière et de l’exposition qui sont particulièrement visibles sur les photos 4, 5 et 7
 
— en plus de ces choix techniques et artistiques, chacune des photographies résulte d’un travail créatif empreint de la personnalité de [L] [Z]
 
— sur la photographie n° 3, [L] [Z] a indiqué à [O] [M] la pose et l’attitude à adopter. Ainsi, ce dernier est capturé l’air pensif, les yeux fixant un point hors champ, lorsqu’il vient d’allumer une cigarette. Ces éléments en plus de ceux relatifs au cadrage, à l’angle, à la lumière et à l’exposition, contribuent à créer une atmosphère particulière à laquelle le spectateur est convié. D’ordinaire sérieux et réservé, le réalisateur est ici capturé détendu, se laissant aller à la confidence,
 
— sur la photographie n° 4, le travail artistique de [L] [Z] a permis la réalisation d’un cliché tout à fait original du réalisateur, souriant et détendu. Afin de montrer le réalisateur, habituellement réservé et concentré, dans un rare moment de rire, [L] [Z] a choisi un cadre centré sur son visage et lui a donné un certain nombre d’instructions afin de le photographier alors que sa bouche décrit un grand sourire et que ses yeux sont plissés, conférant une grande spontanéité aux clichés,
 
— sur la photographie n° 5, [L] [Z] a indiqué à [O] [M] la pose et l’attitude à adopter. Ainsi ce dernier est capturé les yeux fixant un point hors champ, lorsqu’il vient d’allumer une cigarette. Sa tête baissée semble indiquer qu’il échange avec un interlocuteur hors champ, qu’il s’agisse du photographe ou du spectateur éventuel que [L] [Z] entend convier à la scène,
 
— sur la photographie n° 6 [L] [Z] a indiqué à [O] [M] la pose et l’attitude à adopter. Ainsi, exploitant le thème du « penseur » et telle une sculpture rodinienne, le réalisateur est capturé dans une attitude songeuse et concentrée, tandis que le regard fixe un point hors champ en léger contrebas et que sa main tenant une cigarette est posée sur sa tempe gauche. En outre, afin de renforcer cette dimension sculpturale, [L] [Z] a joué avec les lignes en capturant le réalisateur la tête penchée, sa silhouette esquissant une forme pyramidale,
 
— sur la photographie n° 7, [L] [Z] a indiqué à [O] [M] la pose et l’attitude à adopter. Ainsi, ce dernier est capturé les yeux fixant un point hors champ, dans une attitude attentive voir concentrée. Outre l’effet de clair-obscur apporté par le choix du noir et blanc et le jeu de la lumière, [L] [Z] a choisi de le photographier de près, avec un point de vue équilibré.
 
Elle en déduit que la série de photographies n° 3 à 7 repose sur un grand nombre de choix personnels, techniques et esthétiques de [L] [Z], liés conformément aux critères objectifs posés par la jurisprudence, à la mise en scène, à la pose du sujet, à l’éclairage, au cadrage, à l’angle de prise de vue et à l’atmosphère créée.
 
Par ailleurs, Mme [W] prétend qu’en vertu du principe de l’estoppel, la société Diosphere limited ne peut contester l’originalité des photographies puisque celle-ci avance qu’elle détiendrait les droits d’exploitation de ces photographies de Photononstop qui les auraient elle-même acquises de Sunset Boulevard.
 
La société Diosphere limited conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
 
Elle soutient que Mme [W] ne justifie pas que [L] [Z] ait fait preuve d’un effort de création personnel distinct de l’oeuvre cinématographique « Pierrot le fou » lors de la prise de ses photographies (pièces n °3, 4), se fondant notamment sur une jurisprudence (CA Paris, 08 novembre 2016, n°15-07868).
 
S’agissant des cinq photographies représentant M. [M], la société Diosphere limited les juge banales, l’appelante se contentant selon elle de procéder par voie d’affirmation, en prétendant que [L] [Z] aurait organisé une séance photo lors de laquelle il aurait demandé à M. [M] de « poser pour lui » et l’aurait « dirigé » (conclusions adverses, page 2), alors que tout laisse croire que les photographies n° 3 à 7 ont été prises sur le tournage d’un entretien diffusé à la télévision (pièces n° 5, 8 et 9), d’autant qu’elle ne rapporte pas non plus la preuve que ces photographies auraient été réalisées à l’occasion d’une séance photographique où [L] [Z] se serait retrouvé seul avec M. [M] pour réaliser ces clichés.
 
Par conséquent, l’intimé conclut que ne pouvant caractériser l’empreinte de la personnalité de [L] [Z], ces photographies ne présentent dès lors aucune originalité.
 
Appréciation de la cour
 
Il convient de rappeler en préambule que l’originalité s’apprécie photographie par photographie de sorte que la circonstance qu’elle aurait été retenue pour certaines photographies de la même série n’emporte pas ipso facto reconnaissance de l’originalité des photographies litigieuses.
 
Hormis les affirmations de l’appelante, aucun élément de preuve extérieure ne démontre que [L] [Z] aurait effectivement dicté son attitude et sa pose à [O] [M] qui peuvent tout aussi bien avoir été captées spontanément par le photographe.
 
La rareté du sourire du réalisateur capté par la photographie n° 3 n’est pas de nature en soi à démontrer l’originalité du cliché.
 
De manière générale, les éléments mis en avant par Mme [W] s’ils témoignent d’un savoir-faire photographique empruntent néanmoins au fonds commun de la photographie noire et blanc, par nature plus théâtrale, voire plus artistique, que la photographie couleur. L’appelante n’explicite pas en quoi ces éléments seraient de nature à témoigner de la singularité personnelle du travail photographique de [L] [Z] et donc en quoi ils portent l’empreinte de sa personnalité, ce que l’appelante se contente d’affirmer sans le démontrer. L’impression visuelle procurée est celle de toute photographie de portrait en noir et blanc sans que le fait que [O] [M] ait été capturé dans des attitudes de détente ou de sourire inusuelles de sa part ne soit de nature à témoigner de l’empreinte de la personnalité propre du photographe.
 
Le tribunal a exactement retenu que Mme [W] n’était pas fondée à invoquer l’estoppel qu’aurait commis la société Diosphere limited en se prévalant d’un contrat de cession des droits d’exploitation dès lors que cette dernière ne fait qu’invoquer ce contrat à titre de moyens de défense.
 
Par ailleurs, elle saurait encore moins se prévaloir d’une présomption d’originalité qui résulterait dudit de contrat de cession dès lors qu’elle en conteste abondamment dans ses écritures tant l’existence que le caractère probant.
 
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a retenu en ses motifs que les photographies litigieuses étaient dépourvues d’originalité sauf à rectifier le dispositif pour débouter Mme [W] de ses demandes, l’originalité n’étant pas une condition de recevabilité de l’action mais une condition de fond de son bien-fondé ( par exemple Cass Com 29 janvier 2013, pourvoi n°11-27.351).
 
Les demandes accessoires
 
Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
 
En tant que partie perdante tenue aux dépens, Mme [W] sera déboutée de sa propre demande sur ce même fondement. En revanche, elle versera à la société Diosphere limited une indemnité complémentaire de 5 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel.
 
PAR CES MOTIFS,
 
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
 
DIT que [L] [Z] est l’auteur des photographies n° 1 à 7,
 
DIT que Mme [W] a qualité à agir pour la défense du droit moral et du droit d’exploitation de l’auteur sur ces photographies,
 
En conséquence,
 
INFIRME le jugement rendu le 11 février 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a jugé irrecevable l’action en contrefaçon des droits d’auteur de [L] [Z] sur les photographies n° 1 à 7 pour défaut d’originalité,
 
Et, statuant à nouveau de ce chef,
 
DÉCLARE recevable l’action en contrefaçon des droits d’auteur de [L] [Z] sur les photographies n° 1 à 7 introduite par Mme [W],
 
Au fond,
 
DIT que les photographies n° 1 à 7 dont [L] [Z] est l’auteur ne sont pas protégeables par le droit d’auteur en raison de leur absence d’originalité,
 
En conséquence,
 
REJETTE toutes les demandes indemnitaires de Mme [W],
 
CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 11 février 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre,
 
Et, y ajoutant,
 
DÉBOUTE Mme [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
La CONDAMNE à payer à ce titre à la société Diosphere limited la somme de 5 000 euros,
 
CONDAMNE Mme [W] aux dépens d’appel.
 
— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
 
— signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
Le Greffier, La Présidente,
 
 
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