Une société est en droit d’écouler le stock de produits invendus acquis auprès de son fournisseur, après la résiliation du contrat de distribution, sans encourir de condamnation pour contrefaçon de marque.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PAPEETE Chambre Commerciale Audience du 22 septembre 2022 RG 21/00034 ; Décision déférée à la Cour : jugement n° 166, rg n°2019 000915 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeee du 13 novembre 2020 ; Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 27 janvier 2021 ; Appelante : La Sarl Essor Import, société à responsabilité limitée, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° TPI 19 23 B, enregistrée sous le n° Tahiti 093393, dont le siège social est sis à [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal ; Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ; Intimée : La Société Tahiti Soft Drink, société à responsabilité limitée, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° TPI 05 228 B, enregistrée sous le n° Tahiti 746 511 dont le siège social est sis à [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal ; Représentée par Me Marie EFTIMIE-SPITZ, avocat au barreau de Papeete ; Ordonnance de clôture du 16 mai 2022 ; Composition de la Cour : La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 juin 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ; Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ; Arrêt contradictoire ; Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ; Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. A R R E T, Exposé du litige : Faits : Suivant un contrat de distribution signé courant novembre 2017, la SARL TAHITI SOFT DRINK, qui produit en Polynésie française des sirops sous la marque ESKI, en a confié la distribution sur le territoire à la SARL ESSOR IMPORT pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2018. Procédure : Par requête enregistrée au greffe le 19 août 2019 et suivant acte d’huissier du 13 août 2019, la SARL ESSORT IMPORT a fait assigner la SARL TAHITI SOFT DRINK devant le tribunal mixte de commerce de Papeete afin de : — La condamner à lui payer la somme de 2 897 250 F CFP au titre du solde de leurs comptes réciproques, avec intérêt au taux légal, — Ordonner l’exécution provisoire, — La condamner à lui payer la somme de 339 000 F CFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. Par jugement n° RG 2019/000915 en date du 13 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Papeete a : — Condamné la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK les sommes suivantes : o 15 500 000 F CFP au titre de l’accord de résiliation convenu entre les parties le 29 novembre 2018 (point 4.1), o 26 980 000 F CFP au titre de l’accord de résiliation convenu entre les parties le 29 novembre 2018 (point 4.2), o 693 000 F CFP au titre de 140 cartons non restitués, o 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, — Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire, — Débouté la SARL ESSOR IMPORT de l’ensemble de ses prétentions, — Condamné la SARL ESSOR IMPORT aux dépens. Le tribunal a rejeté toute notion de rupture abusive du contrat, indiquant qu’il ressortait des débats la certitude que le contrat qui liait les deux sociétés avait été résilié le 26 novembre 2018, résiliation acceptée et assortie de dispositions indemnitaires dont la SARL TAHITI SOFT DRINK était en droit de revendiquer la mise en oeuvre. Il a jugé que l’indemnisation reposait non sur une responsabilité délictuelle, ni sur une faute contractuelle, mais sur l’application du contrat lequel prévoyait une indemnité de 15,5 millions de francs pacifique et une clause s’analysant en l’indemnisation d’une perte de marge escomptée, dont la SARL TAHITI SOFT DRINK rapporte la preuve et qui s’élève à 26 980 000 F CFP. Le tribunal a ensuite statué sur les obligations des parties nées après la résiliation pour considérer que la SARL ESSOR IMPORT était mal fondée à invoquer l’absence de règlement de factures antérieures à la résiliation du contrat, que par ailleurs il ne disposait pas de la preuve que des factures générées postérieurement resterait dues par la SARL TAHITI SOFT DRINK, qui devait être déboutée, avant d’appliquer le même raisonnement pour les factures produites par la SARL TAHITI SOFT DRINK qui seraient dues par la SARL ESSOR IMPORT à l’exception de la valeur de 140 cartons qui auraient dû être restitués d’une valeur de 693 000 F CFP. La SARL ESSORT IMPORT a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 27 janvier 2021. L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2022, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 23 juin 2022. A l’issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 22 septembre 2022 par mise à disposition au greffe. Prétentions et moyens des parties : La SARL ESSOR IMPORT, appelant, demande à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 18 mars 2022, de : — Infirmer le jugement déféré, Statuant à nouveau, Vu l’article 1116 du code civil, Vu l’article L 330-3 du code de commerce, — rejeter l’ensemble des demandes de la SARL TAHITI SOFT DRINK, — prononcer la nullité du contrat de distribution exclusive conclu entre la SARL ESSOR IMPORT et la SARL TAHITI SOFT DRINK en novembre 2017, — condamner la SARL TAHITI SOFT DRINK à verser à la SARL ESSOR IMPORT une indemnité équivalente aux sommes qu’elle sera éventuellement condamnée à verser à la société TAHITI SOFT DRINK, — ordonner la compensation entre les créances réciproques, — condamner en tout état de cause la SARL TAHITI SOFT DRINK à verser à la société ESSOR IMPORT la somme de 5 000 000 F CFP au titre de son préjudice moral, En cas de condamnation de la SARL ESSOR IMPORT au titre des droits de propriété intellectuelle de la société TAHITI SOFT DRINK et/ou pour violation de l’article 11 du contrat, — condamner la société TAHITI SOFT DRINK à verser à la société ESSOR IMPORT une somme équivalente à celle qui sera éventuellement mise à sa charge, — ordonner la compensation entre les créances réciproques, — condamner la SARL TAHITI SOFT DRINK à verser à la société ESSOR IMPORT : — la somme de 1 968 750 F CFP assortie d’un intérêt contractuel au taux de 11,01% l’an à compter du 14 novembre 2018 au titre de la facture de livraison de sucre du 14 novembre 2018, — la somme de 1 995 000 F CFP assortie d’un intérêt contractuel au taux de 11,01% l’an à compter du 12 décembre 2018 au titre de la facture de livraison de sucre du 12 décembre 2018, — la somme de 2 249 343 F CFP à titre de participation au financement des opérations de communication pour l’année 2018, — la somme de 3 582 543 F CFP assortie d’un intérêt contractuel de 11,01 % à compter du 31 janvier 2019 au titre des livraisons effectuées en novembre et décembre 2018 par ESSOR IMPORT au profit du Groupe Carrefour ; — la somme de 1 141 544 F CFP à titre d’indemnité afin de compenser les tarifs spéciaux consentis par TAHITI SOFT DRINK sans qu’ESSOR IMPORT n’en ait été tenue informée avant la conclusion du contrat ; — ordonner la capitalisation des intérêts échus par année entière ; — condamner la SARL TAHITI SOFT DRINK à verser à la SARL ESSOR IMPORT la somme de 500 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, — la condamner aux dépens dont distraction d’usage. La SARL TAHITI SOFT DRINK, intimé, par dernières conclusions régulièrement transmises le 12 mai 2022 demande à la Cour de : — confirmer le jugement déféré «sauf en ce qu’il a de contraire au présent dispositif», — dire et juger nulle ou subsidiairement prononcer la résolution de la rupture amiable du contrat de distribution exclusive survenue entre les parties le 26 novembre 2018, — constater que le contrat de distribution exclusive conclu entre ESSOR IMPORT et TAHITI SOFT DRINK a été abusivement rompu par ESSOR IMPORT en décembre 2018, — constater que la société ESSOR IMPORT a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de TAHITI SOFT DRINK et doit réparer son préjudice, — condamner la société ESSOR IMPORT à payer à TAHITI SOFT DRINK les sommes suivantes : * au titre de la violation de son obligation de distribution : — 31 071 150 F CFP à titre principal, indemnité correspondant au chiffre d’affaires non perçu, — 19 679 894 F CFP à titre subsidiaire, indemnité correspondant à la variation du résultat net comptable entre 2018 et 2017, — 13 000 000 F CFP à titre subsidiaire, indemnité correspondant au déficit du compte de résultat pour l’année 2018, — 12 240 150 F CFP, indemnité correspondant à la marge brute non perçue durant l’année 2018, * au titre de la rupture abusive du contrat de distribution exclusive : — 40 160 000 F CFP, indemnité correspondant à la marge brute non perçue durant l’année de préavis due, * au titre des factures impayées : — 6 898 386 F CFP avec intérêt au taux légal à compter de l’expiration du délai d’un mois contractuellement convenu, soit à compter du 31 janvier 2019, * au titre du préjudice financier : — 1 250 000 F CFP, — 10 000 000 F CFP, * au titre du préjudice résultant de l’exploitation illégale des droits de la marque et les droits de dessins du sirop ESKI : — 10 000 000 F CFP, * au titre du préjudice constitué par l’atteinte à l’image de TAHITI SOFT DRINK résultant de la baisse de sa cotation IEOM et de l’indulgence d’ESSOR IMPORT qui a laissé dans les rayons des produits ESKI périmés, — 5 000 000 F CFP, * au titre du préjudice résultant de la cessation occulte de la distribution par ESSOR IMPORT : — 2 003 000 F CFP HT, * au titre du préjudice résultant de la conservation par ESSOR IMPORT et la vente des produits ESKI : — 693 000 F CFP HT correspondant au prix de vente du stock, — condamner la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 300.000 F CFP au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française, — ordonner l’exécution provisoire, — condamner la SARL ESSOR IMPORT aux entiers dépens dont distraction d’usage. Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre. Motifs de la décision : La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou à «dire et juger» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens. I. Sur les demandes formées par la SARL ESSOR IMPORT : 1. Sur la demande de nullité du contrat de distribution fondée sur le dol : La SARL ESSOR IMPORT fait valoir que la SARL TAHITI SOFT DRINK a, délibérément, omis de porter à sa connaissance, dans la phase pré- contractuelle, certaines informations indispensables pour lui permettre de s’engager en connaissance de cause. En particulier, elle a indiqué que seuls cinq points de vente bénéficiaient de tarifs de vente préférentiels, alors qu’il s’agissait d’une pratique généralisée. Elle a en outre a omis de l’informer de l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le marché en juillet 2017, soit peu de temps avant la signature du contrat, ce qui explique sous doute d’ailleurs que le fournisseur ait fait appel à elle, alors pourtant que ce dernier savait qu’elle était parfaitement novice sur le marché des sirops concentrés pour n’avoir jamais distribué de produits de cette nature. Si la SARL ESSOR IMPORT avait eu connaissance de ces éléments, elle ne se serait pas engagée, ou aurait contracté à des conditions plus favorables, alors que le contrat prévoyait un volume d’achat de 320 000 bouteilles de sirop par an au prix de 330 F CFP le litre, soit un objectif de vente supérieur de 16% aux ventes réalisées par le fournisseur en 2017. Par ailleurs, la SARL TAHITI SOFT DRINK a omis de lui remettre le document d’information pré-contractuelle visé par l’article L330-3 du code de commerce, alors qu’elle était pourtant tenue à une obligation d’exclusivité. Cet engagement d’exclusivité, s’il n’est pas expressément stipulé, se déduit des objectifs qui lui ont été assignés, qui étaient tels qu’ils lui interdisaient d’intervenir pour d’autres fournisseurs et produits, outre les obligations de participation à la promotion du produit et de non-concurrence mises à sa charge. Elle est donc fondée à poursuivre l’annulation du contrat sur le fondement du dol, une indemnisation des préjudices nés de la relation contractuelle qui viendra en compensation des sommes qui seront éventuellement mises à sa charge, outre la réparation de son préjudice moral à hauteur d’une somme de 5 000 000 F CFP. La SARL TAHITI SOFT DRINK reconnaît que des données erronées ont été communiquées à la SARL ESSOR IMPORT concernant le prix d’achat HT dans 60 de ses points de vente, ce qui ne relève de sa part d’aucune intention dolosive. Elle indique que dès le 24 janvier 2018, des informations correctives ont été diffusées et des compensations ont été proposées, à savoir une ristourne de 1 141 544 F CFP à payer au 31 décembre 2018 et une baisse du volume de l’objectif minimum de vente pour l’année 2018 de 320 000 à 306 000 bouteilles, propositions acceptées par le distributeur, ce qui démontre que ces éléments d’information n’étaient pas déterminants du consentement de ce dernier. En outre la SARL ESSOR IMPORT n’ignorait pas l’arrivée sur le marché d’un nouveau concurrent dont les produits étaient déjà dans tous les rayons en octobre 2017 et dont elle a elle-même retracé les parts de marché dans une étude produite dès janvier 2018 sans soulever à cet égard aucune difficulté. Enfin, la SARL TAHITI SOFT DRINK conteste l’applicabilité au cas d’espèce des dispositions de l’article L330-3 du code de commerce en l’absence d’engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité et souligne qu’en tout état de cause, le manquement à une obligation pré-contractuelle d’information ne peut suffire à lui seul à caractériser le dol par réticence si ne s’y ajoute la constatation de son caractère intentionnel et d’une erreur déterminante du consentement provoqué par celui-ci. Sur ce : Selon l’article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. En l’espèce, la SARL ESSOR IMPORT n’établit pas que le défaut d’information sur le nombre exact de points de vente bénéficiant de tarifs de vente préférentiels avait pour objet de l’amener à contracter, ni qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait été correctement informée, et ce d’autant moins qu’un accord est intervenu ultérieurement entre les parties prévoyant, à ce titre, une compensation de 1 141 544 F CFP, somme dont elle réclame par ailleurs le paiement. Elle ne réalise pas non plus cette démonstration s’agissant des informations qui lui ont été communiquées relatives au nombre d’opérateurs concurrents sur le marché. Par ailleurs, le contrat de distribution expose, en son préambule, que la SARL ESSOR IMPORT est une société spécialisée dans la distribution de produits alimentaires en Polynésie française et que son association avec le fournisseur lui permettra d’élargir sa gamme de produits et ses activités. Ce contrat ne comporte aucun engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité de la part du distributeur pour l’exercice de son activité, la SARL ESSOR IMPORT n’étant pas tenue de ne distribuer que les produits sous marque de son fournisseur. En outre, la SARL ESSOR IMPORT n’établit pas que l’objectif minimum de vente qui lui était imposé ou l’un quelconque de ses autres engagements étaient tels qu’ils lui interdisaient toute autre activité. En conséquence, la SARL TAHITI SOFT DRINK n’était pas tenue à l’obligation de renseignement posée par l’article L.330-3 du code de commerce. Au surplus, le non-respect de cette obligation légale ne commande pas la nullité automatique du contrat, qui doit être établie selon le droit commun des vices du consentement. Dès lors qu’aucun élément du dossier ne révèle de manoeuvres dolosives ou agissements malhonnêtes émanant de la SARL TAHITI SOFT DRINK, il y a lieu de débouter la SARL ESSOR IMPORT de sa demande de nullité. Partant, elle sera également déboutée de ses demandes d’indemnisation et de compensation, et de sa demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice moral. 2. Sur le compte entre les parties à l’issue du contrat de distribution : Selon la SARL ESSOR IMPORT, la SARL TAHITI SOFT DRINK est débitrice à son égard du solde de diverses factures (1 968 750 F CFP et 1 995 000 F CFP) correspondant à des achats de matières premières (sucre), de la somme de 2 249 343 F CFP au titre de la participation de son fournisseur au financement des opérations de communication qu’elle a exposées au cours de l’année 2018, de celle de 3 582 543 F CFP relative aux livraisons effectuées auprès du Groupe Carrefour en novembre et décembre 2018 dont le montant ne lui a pas été rétrocédé. Ces sommes faisaient déjà l’objet de demandes en première instance. Elle y ajoute celle de 1 141 544 F CFP relative à l’indemnité liée à l’information erronée qui lui a été délivrée par son cocontractant concernant le nombre de points de vente bénéficiant de tarifs préférentiels, qui résulte d’un accord entre les parties. La SARL ESSOR IMPORT admet de son côté devoir, au titre de factures impayées, la somme de 6 898 386 F CFP réclamée par l’intimée. Elle réclame l’application d’un intérêt de retard contractuel de 11,01% sur les sommes qui lui sont dues mais s’y oppose s’agissant de celles qu’elle doit. La SARL TAHITI SOFT DRINK ne conteste pas les factures liées aux achats de matières premières, ni le montant des dépenses marketing qui lui est réclamé, ni la compensation financière qu’elle reconnaît avoir accordée en réparation de ses erreurs relatives au prix d’achat hors taxes accordés à certains points de vente. Elle indique seulement qu’un accord était intervenu pour un paiement différé au 31 décembre 2018 de cette indemnisation, et que le paiement des factures a fait l’objet d’accords de règlement par compensation avec ses propres créances, qui n’ont jamais été mis à exécution par la SARL ESSOR IMPORT. Elle ne fait pas d’observations s’agissant des factures relatives aux livraisons au Groupe Carrefour. Sur ce : La SARL ESSOR IMPORT se reconnaît débitrice, en première instance comme en appel, de la somme de 6 898 386 F CFP qui lui est réclamée par la SARL TAHITI SOFT DRINK au titre de factures impayées. Elle sera par conséquent condamnée au paiement de cette somme. Néanmoins, la SARL TAHITI SOFT DRINK, qui s’abstient de produire aux débats les factures en question, sera déboutée de sa demande relative aux intérêts de retard (la pièce 93 correspondant aux factures F5007 du 7 novembre 2018, F5008 du 14 novembre 2018, F5009 du 30 novembre 2018, mentionnée comme «réservée», n’est pas produite, et la facture «marketing Carrefour du 31 janvier 2019» est seulement visée dans les conclusions). Le premier juge ayant omis de statuer sur ce chef de demande, il sera réparé à cette omission au dispositif et la SARL ESSOR IMPORT sera condamnée à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 6 898 386 F CFP. La SARL TAHITI SOFT DRINK ne conteste aucune des factures qui lui sont réclamées par la SARL ESSOR IMPORT, dûment produites, relatives aux achats de sucres (1 968 750 F CFP et 1 995 000 F CFP) et aux livraisons de novembre et décembre 2018 au groupe Carrefour (3 582 543 F CFP). Il sera donc fait droit aux demandes de condamnations à ce titre. Pour les mêmes motifs, il sera fait droit aux demandes relatives à la participation du fournisseur au financement des opérations de communication (2 249 343 F CFP). Le jugement déféré, qui a débouté la SARL ESSOR IMPORT de ses prétentions (correspondant aux demandes suivantes : 1 968 750 + 1 995 000 + 3 582 543 + 2 249 343 soit la somme de 9 795 636 F CFP) sera par conséquent infirmé et, statuant à nouveau, la SARL TAHITI SOFT DRINK sera condamnée au paiement des sommes correspondantes, avec intérêts de retard et capitalisation. L’accord des parties concernant l’indemnité destinée à corriger les erreurs relatives au nombre de points de vente bénéficiant de tarifs de vente préférentiels (1 141 544 F CFP) résulte de leurs écritures et des pièces produites. La SARL TAHITI SOFT DRINK sera par conséquent également condamnée au paiement de cette somme. II. Sur les demandes formées par la SARL TAHITI SOFT DRINK : Sur la demande de «nullité ou de résolution de l’accord de rupture amiable» du 26 novembre 2018 et les demandes d’indemnisation liées à la rupture du contrat de distribution : La SARL TAHITI SOFT DRINK expose qu’à l’issue d’un processus de résiliation amiable qu’elle s’est trouvée contrainte d’initier dès avril 2018 en raison des difficultés de son cocontractant à respecter ses obligations et objectifs, les parties ont convenu ensemble, le 26 novembre 2018, de résilier le contrat de distribution. Elle fait valoir qu’à cette occasion la SARL ESSOR IMPORT a admis le principe d’une réparation financière destinée à compenser les mauvais résultats de l’année 2018 par rapport aux prévisions contractuelles. Elle ajoute que c’est en considération de cet engagement qu’elle a accepté de rompre amiablement leurs relations, mais que le distributeur n’a pourtant jamais accepté par la suite aucune des mesures compensatoires qu’elle a proposées. Elle en déduit que «son consentement au caractère amiable de la rupture du contrat est entaché de dol» et conclut qu’il doit être annulé. Par ailleurs, elle fait valoir qu’il était convenu que la résiliation du contrat prendrait effet au 31 décembre 2018, raison pour laquelle elle a encore approvisionné son distributeur le 3 décembre 2018, mais elle a constaté le 24 décembre 2018 que le distributeur avait en réalité déjà cessé de distribuer ses produits. Elle considère en conséquence, au visa de l’article 1184 du code civil, que, s’il n’est pas nul, «l’accord de rupture amiable (doit) être résolu». En tout état de cause elle considère que la rupture est imputable à la SARL ESSOR IMPORT qui doit répondre des manquements qui lui sont imputables. Elle sollicite à ce titre une indemnité qu’elle fixe à la somme de 40 160 000 F CFP (312 000 bouteilles x 130 F CFP HT), correspondant au préavis de 12 mois qui aurait dû être effectué. Elle soutient également que la cessation, qu’elle qualifie d’occulte et de brutale, de la distribution de ses produits en pleine période de fêtes, en violation des accords de résiliation intervenus le 26 novembre 2018, lui a causé un préjudice dont elle sollicite réparation à hauteur de la somme de 2 003 000 F CFP HT, calculé sur la base du chiffre d’affaires réalisé sur cette même période. La SARL ESSOR IMPORT répond qu’elle n’a jamais consenti à verser une quelconque indemnité à la SARL TAHITI SOFT DRINK au titre de prétendus manquements dans l’exécution de ses obligations. Le fait qu’elle se soit abstenue de donner suite au courrier qui lui a été adressé par cette dernière le 29 novembre 2018 ne peut valoir acquiescement. Le tribunal s’est fondé à tort sur ce courrier pour en déduire l’existence d’un accord qui n’est jamais intervenu. En outre, la SARL TAHITI SOFT DRINK a reconnu que la résiliation du contrat de distribution avec effet au 31 décembre 2018 était intervenue, d’un commun accord, à l’occasion d’une réunion entre les parties qui s’est tenue le 26 novembre 2018. Elle n’est donc pas fondée à soutenir que la SARL ESSOR IMPORT était tenue d’exécuter un préavis, ni, partant, à solliciter une indemnisation au titre d’un manque à gagner sur cette période. Elle souligne en outre que la «cessation occulte» de la distribution des produits en décembre 2018 qui lui est reprochée n’est pas établie. Sur ce : Selon l’article 1101 du code civil, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à faire ou ne pas faire quelque chose. Selon l’article 1134 du même code, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. En l’espèce, les parties se sont rapprochées le 26 novembre 2018 et ont convenu de la résiliation amiable du contrat de distribution à compter du 31 décembre 2018 ainsi qu’il résulte : — du courrier adressé par la SARL TAHITI SOFT DRINK à la SARL ESSOR IMPORT le 29 novembre 2018 retraçant cet accord, — des échanges entre les deux sociétés des 22 et 24 décembre 2018 validant un projet de courrier destiné à informer les clients de la reprise par le fournisseur de la distribution de ses produits à compter du 2 janvier 2019 (pièce 40), — d’un courrier adressé par la SARL TAHITI SOFT DRINK à la SARL ESSOR IMPORT le 24 décembre 2018 mentionnant que la première, sur l’initiative de la seconde, a accepté de reprendre immédiatement à son compte la distribution de ses produits. Il ne résulte d’aucune pièce du dossier que la SARL TAHITI SOFT DRINK ait jamais conditionné la rupture du contrat de distribution à un accord relatif à l’indemnisation des préjudices découlant des manquements qu’elle impute à son distributeur dans l’exécution de ses obligations. Au mieux a-t-elle seulement exprimé son intention d’en faire valoir l’existence et d’obtenir réparation. Parallèlement, aucune pièce du dossier ne fait ressortir que la SARL ESSOR IMPORT s’est engagée à indemniser son fournisseur à raison de ces manquements. Le courrier du 29 novembre 2018 en particulier ne comporte aucune obligation de cet ordre. Au surplus, ce courrier ne porte la signature du représentant de la SARL ESSOR IMPORT que pour indiquer qu’il lui a été remis en mains propres. Dans ces conditions, «l’accord de rupture amiable du 26 novembre 2018» tel qu’évoqué par la SARL TAHITI SOFT DRINK, n’a donc porté que sur la rupture du contrat de distribution, décidée d’un commun accord, et sa date d’effet. Il ne caractérise pas un contrat comportant des obligations réciproques, au sens des dispositions susvisées, autonome et détachable du contrat de distribution lui-même, et n’encoure dès lors aucune nullité ni n’est susceptible de résolution. Enfin, dès lors que la SARL TAHITI SOFT DRINK a accepté de rompre le contrat de distribution avec une date d’effet au 31 décembre 2018, par la suite avancée, toujours avec son accord, au 24 décembre 2018, elle n’est pas fondée en ses demandes relatives au non-respect du préavis contractuel de 12 mois. Elle n’est pas non plus fondée en ses demandes visant à l’indemniser d’un préjudice résultant de la «cessation occulte», avant le 24 décembre 2018, du contrat de distribution, laquelle, au surplus, n’est pas établie, et dès lors que cette demande apparaît faire double emploi avec celle relative au non-respect de la clause d’objectif de vente minimum, aucun préjudice distinct n’étant allégué. La SARL TAHITI SOFT DRINK sera en conséquence déboutée de ses demandes formées au titre de la rupture abusive du contrat de distribution et du préjudice résultant de la cessation occulte de la distribution. Sur la demande d’indemnisation au titre de l’inexécution par la SARL ESSOR IMPORT de la clause d’objectif minimum : Au visa des dispositions des articles 1134 et 1142 du code civil, la SARL TAHITI SOFT DRINK reproche à la SARL ESSOR IMPORT d’avoir manqué à son obligation consistant à distribuer un volume annuel minimal de ses produits. Elle fait valoir qu’au terme de l’article 7-5 du contrat, la SARL ESSOR IMPORT s’est engagée à distribuer, en 2018, 320 000 bouteilles minimum à 330 F CFP HT, soit un chiffre d’affaires de 105 600 000 F CFP. Or le volume des ventes réalisées s’est établi sur cette période à 225 845 bouteilles, soit un chiffre d’affaires de 74 528 850 F CFP HT (-30%). Elle soutient que la SARL ESSOR IMPORT a aggravé cette situation en cessant toute distribution avant les fêtes de fin d’année alors qu’il était convenu qu’elle termine l’année 2018. Elle sollicite en réparation à titre principal la somme de 31 071 150 F CFP correspondant à son manque à gagner (320 000 ‘ 225 845 bouteilles x 330 F CFP). La SARL ESSOR IMPORT répond que l’indemnisation sollicitée au titre du non-respect de l’objectif contractuel de vente n’est pas justifiée sur le principe, compte tenu des informations qui ont été occultées par la SARL TAHITI SOFT DRINK qui ont permis d’obtenir d’elle un engagement qu’elle ne pouvait tenir, et dès lors que l’objectif de vente concernait une année civile entière, que le contrat n’a pas couru sur une telle durée, et que la période manquante, celle des fêtes de fin d’année, est la plus propice aux ventes. Subsidiairement sur le quantum, elle soutient que l’indemnisation ne peut correspondre qu’à une perte de marge brute, perte que la SARL TAHITI SOFT DRINK n’établit pas faute de produire les éléments comptables afférents. Sur ce : Selon l’article 1142 du code civil, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur. Selon l’article 1147, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. En application de l’article 1149, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite ou du gain dont il a été privé (‘). En l’espèce, le contrat de distribution stipule en son article 7.5 : «Le distributeur s’engage à développer les ventes de bouteilles de sirop ESKI de 1 litre à minima la 1ère année (2018) comme suit : 320 000 bouteilles minimum à 330 F CFP HT». Il n’est pas contesté que les parties ont ensuite convenu de fixer ce seuil à 306 000 bouteilles. La SARL ESSOR IMPORT n’établit pas que cette clause lui aurait été imposée de façon abusive ou qu’elle pose des objectifs à atteindre qui seraient disproportionnés au regard, notamment, du tarif de vente et de l’exclusivité qui lui ont été consentis. Une telle clause est donc valable et doit recevoir application. Il résulte des éléments du dossier que le volume de ventes s’établissait à 225 845 bouteilles au 29 novembre 2018, ce dont il se déduisait que l’objectif minimum fixé ne pouvait être atteint sur l’année civile complète, raison pour laquelle la SARL TAHITI SOFT DRINK a souhaité résilier le contrat au 31 décembre 2018 et reprendre la distribution de ses produits, ce que le distributeur a accepté. Ce volume de ventes était inchangé au 24 décembre 2018, date effective de la rupture des relations contractuelles, la SARL ESSOR IMPORT ne contestant pas être à l’initiative de cette dernière modification. Le courrier établi par la SARL TAHITI SOFT DRINK le 24 décembre 2018 précise : «Les ventes réalisées dans l’ensemble des commerces à compter du 24 décembre 2018 ne seront pas intégrées dans le volume de ventes réalisées par ESSOR IMPORT au titre de l’année 2018. Il est clairement entendu que vos obligations d’achat pour l’année 2018 fixées à 320 000 bouteilles (‘) reste en vigueur jusqu’à ce que soit validé notre proposition de sortie à l’amiable du contrat de distribution». Autrement dit, l’intention de parties était bien de rompre le contrat au 24 décembre 2018, et d’arrêter l’examen des performances du distributeur à cette même date. Dans ces conditions, la SARL ESSOR IMPORT ne peut se prévaloir de ce que le contrat n’a pas couru sur l’année civile entière pour prétendre qu’elle serait libérée de son obligation d’avoir à réaliser un objectif de vente minimum, ou pour soutenir qu’elle n’a pu le remplir faute d’activité sur la dernière période de l’année. En outre, il résulte des éléments du dossier que, si l’objectif de ventes minimum n’a pas été atteint, c’est en raison de ce que la SARL ESSOR IMPORT n’a pas mis en oeuvre tous les moyens pour y parvenir. En effet, il est établi que, dès le mois de janvier 2018 puis à de nombreuses reprises, la SARL TAHITI SOFT DRINK a constaté que ses produits n’étaient pas en rayon ou a reçu des alertes en provenance de différents points de vente, l’informant que son distributeur était aux abonnés absents. Elle a, plusieurs fois, fait part de ces difficultés à son co-contractant, sans résultat. Le constat, né des carences du distributeur, est sans appel et au demeurant non sérieusement contesté (225 845 bouteilles en 2018 contre 274 038 bouteilles en 2017). La SARL ESSOR IMPORT doit répondre de son inexécution. Ni le contrat de distribution, qui ne comporte aucune disposition de cette nature, ni le courrier du 29 novembre 2018, qui ne matérialise aucun accord à cet égard, ne prévoient les conséquences d’un défaut d’exécution du distributeur. Il appartient donc à la cour d’apprécier les éléments de préjudice invoqués. La SARL ESSOR IMPORT conclut que l’indemnisation ne peut correspondre qu’à une perte de marge brute. Tout en arguant l’absence de documents comptables, elle propose une valeur moyenne fixée à 167 F CFP et soutient qu’il y a lieu de tenir compte des bouteilles vendues directement en 2018 par le distributeur. La SARL TAHITI SOFT DRINK a proposé ce même mode de calcul fondé sur la perte de marge brute dans un courrier de son conseil du 22 janvier 2019. La perte de marge brute moyenne a été évaluée globalement par la SARL TAHITI SOFT DRINK à 130 F CFP par bouteille dans un premier temps, puis plus précisément, selon le parfum considéré, à des valeurs comprises entre 133 F CFP et 180 F CFP. Aucun de ces chiffres n’est utilement contesté par la SARL ESSOR IMPORT alors que, contrairement à ce qu’elle soutient, elle a disposé des éléments d’information comptables nécessaires, dûment produits. Tenant compte de l’ensemble de ces éléments, la cour apprécie que le préjudice doit être fixé à la somme de 16 000 000 F CFP. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK les sommes de 15 500 000 F CFP et de 26 980 000 F CFP au titre de l’accord de résiliation du 29 novembre 2018. Statuant à nouveau, la cour juge que la SARL ESSOR IMPORT a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la SARL TAHITI SOFT DRINK en raison d’une inexécution de l’obligation d’objectif minimum mise à sa charge par le contrat de distribution et la condamne en réparation à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 16.000.000 F CFP à titre de dommages et intérêts. Sur les demandes d’indemnisation au titre du préjudice financier : La SARL TAHITI SOFT DRINK fait valoir qu’au terme de l’article 8-4 du contrat, la SARL ESSOR IMPORT s’est engagée à régler les factures de son fournisseur dans un délai maximum de 30 jours fin de mois à compter de leur date d’émission, délai qu’elle n’a pas respecté, ce qui l’a mise en difficultés. Elle revient en outre sur les mauvaises performances 2018 de son distributeur, soutenant qu’il en résulté pour elle un préjudice qu’elle qualifie de préjudice financier et qu’elle chiffre à la somme de 1 250 000 F CFP (dégradation de sa cotation IEOM 2019 ayant entraîné une hausse du taux de réescompte applicable à deux emprunts bancaires) outre celle de 10 000 000 F CFP (rejet d’une offre de reprise d’un concurrent faute de garantie bancaire). La SARL ESSOR IMPORT répond que les demandes formées par la SARL TAHITI SOFT DRINK au titre des préjudices financiers, qui ne sont ni caractérisés, ni en lien direct avec les prétendus manquements reprochés, ni constitutifs de dommages prévisibles au moment de la conclusion du contrat, ne sont pas justifiées. Sur ce : Les préjudices financiers allégués et leur rapport de causalité avec les manquements reprochés à la SARL ESSOR IMPORT ne résultent d’aucune pièce du dossier soumis à l’appréciation de la cour. Le jugement déféré ayant omis de statuer sur cette demande, la cour, réparant cette omission, déboutera la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre d’un préjudice financier. Sur la demande d’indemnisation découlant de la violation de la clause de reprise du stock de produits invendus : La SARL TAHITI SOFT DRINK fait valoir que l’article 11 du contrat de distribution stipule que les produits invendus à l’expiration du contrat seront écoulés par le fournisseur et non par le distributeur. Or, à l’expiration du contrat la SARL ESSORT IMPORT a refusé de restituer à la SARL TAHITI SOFT DRINK le stock de produits invendus, constitué de 2100 bouteilles réparties dans 140 cartons, d’une valeur de 693.000 F CFP HT, et l’a vendu directement par ses réseaux dans le courant de l’année 2019. La SARL TAHITI SOFT DRINK réclame une indemnisation à hauteur de ce montant. La SARL ESSOR IMPORT s’oppose à cette demande au motif que ce stock est sa propriété. En outre, l’article 11 qui ne prévoit aucune contrepartie ne peut selon elle trouver application comme créant un déséquilibre significatif au préjudice du distributeur. Elle conclut qu’il y aurait lieu en tout état de cause d’indemniser les préjudices qui découlent de ce déséquilibre et d’ordonner la compensation avec les sommes qui pourraient être mises à sa charge. Sur ce : L’article 11 du contrat de distribution stipule que «les produits invendus à l’expiration du contrat seront écoulés par le fournisseur». Cette clause ne crée aucun déséquilibre significatif au regard de l’économie générale du contrat, compte tenu notamment de ce qu’il ne prévoit aucune obligation de constituer ou de maintenir un stock minimum à la charge du distributeur, ce dernier étant en mesure d’en conserver la maîtrise par ses commandes appréciées au regard de ses ventes. En outre si la SARL ESSOR IMPORT détient encore un stock invendu au 24 décembre 2018, c’est en raison, notamment, de ce qu’elle a elle-même sollicité du fournisseur la reprise à cette date de la distribution de ses produits. Il est établi que la SARL ESSOR IMPORT a refusé de restituer le stock invendu constitué de 140 cartons contenant 2100 bouteilles, qu’elle avait elle-même acquis auprès de la SARL TAHITI SOFT DRINK pour la somme totale de 693.000 F CFP HT. La SARL ESSOR IMPORT fait valoir pertinemment que le préjudice résultant de l’inexécution de cette obligation ne peut correspondre à la valeur de ce stock chez le fournisseur. En revanche, elle ne peut valablement prétendre que ce dernier ne subit aucun préjudice au motif que ce stock lui a déjà été payé, ni qu’il s’agirait pour elle d’en payer deux fois la valeur, alors qu’il est seulement question ici de réparer les conséquences d’un manquement contractuel qui lui est imputable et qu’au surplus elle ne conteste pas avoir elle revendu ce stock, de telle sorte qu’elle en a déjà au moins couvert le prix d’achat. Tenant compte de l’ensemble de ces éléments, et de la perte de chance pour la SARL TAHITI SOFT DRINK de réaliser elle-même ce bénéfice si ce stock lui avait été restitué, la cour apprécie que le préjudice de cette dernière doit être fixé à la somme de 350 000 F CFP. Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 693 000 F CFP au titre des 140 cartons non restitués. Statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 350 000 F CFP. Sur l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle : La SARL TAHITI SOFT DRINK soutient que la vente par la SARL ESSOR IMPORT de ses produits après la résiliation du contrat a porté atteinte à ses droits sur la marque et les dessins attachés aux produits «ESKI». Elle sollicite une indemnisation à hauteur de 10 000 000 F CFP. La SARL ESSOR IMPORT répond qu’il ne peut lui être reproché d’avoir écoulé, en violation de l’article 11 du contrat, et, partant, des droits de propriété intellectuelle du distributeur, les stocks invendus à l’expiration de celui-ci, alors qu’elle a régulièrement acquis, dans le cadre du contrat, les produits en question. En outre, la clause du contrat relative à la restitution des stocks invendus, qui lui en interdit la revente, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et un préjudice, qu’il y aurait lieu de compenser. Elle fait valoir par ailleurs qu’en vertu de la théorie de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle, le titulaire d’une marque ne peut en interdire l’usage pour la revente de produits déjà commercialisés sous cette marque. Enfin, aucune faute, ni lien de causalité, ni préjudice ne sont caractérisés. Sur ce : La SARL ESSOR IMPORT ne conteste pas avoir vendu des produits ESKI après la résiliation du contrat de distribution. Néanmoins, la SARL TAHITI SOFT DRINK ne peut en déduire une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et former une demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 10 000 000 F CFP, sans expliciter, ni le fondement légal de sa demande, ni la nature des préjudices qu’elle estime devoir être réparés. En conséquence, réparant une omission des premiers juges sur ce point, la cour déboutera la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre d’une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle. Sur les demandes d’indemnisation au titre du préjudice d’image : La SARL TAHITI SOFT DRINK soutient que la dégradation de sa cotation IEOM et la vente par ESSOR IMPORT, en 2019, de son stock résiduel, qui a entraîné la présence dans les rayons de produits périmés, a constitué une atteinte à son image dont elle sollicite réparation à hauteur de la somme de 5 000 000 F CFP. La SARL ESSOR IMPORT s’y oppose, aucune faute ni préjudice n’étant établis. Sur ce : Il n’est pas établi que la présence de produits périmés dans les rayons soit imputable à la SARL ESSOR IMPORT. De la même façon, il n’est pas établi que la dégradation de la cotation IEOM de la SARL TAHITI SOFT DRINK soit en lien avec les manquements contractuels de son distributeur. Le jugement déféré ayant omis de statuer sur cette demande, la cour, réparant cette omission, déboutera la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre du préjudice d’image. III. Sur les frais irrépétibles et les dépens : Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL ESSOR IMPORT à verser à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles. La SARL ESSOR IMPORT sera condamnée à lui payer une somme supplémentaire de 250 000 F CFP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour. Aux termes de l’article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française : «Toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, sauf circonstance particulière résultant de l’intérêt ou de la faute d’une autre partie». En conséquence, en l’absence au cas présent d’une telle circonstance particulière, la SARL ESSOR IMPORT, qui succombe en l’essentiel de ses prétentions, compte tenu notamment de la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle, sera également condamnée aux dépens de première instance et d’appel. PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; INFIRME le jugement n°RG 2019/000915 (n° de minute CG 2020/166) en date du 13 novembre 2020 du tribunal mixte de commerce de Papeete en toutes ses dispositions, à l’exception de celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; Statuant à nouveau, CONDAMNE la SARL TAHITI SOFT DRINK à payer à la SARL ESSOR IMPORT les sommes de : — 1 968 750 F CFP (un million neuf cent soixante-huit mille sept cent cinquante francs pacifique) assortie d’un intérêt contractuel au taux de 11,01% l’an à compter du 14 novembre 2018 au titre de la facture de livraison de sucre du 14 novembre 2018, — 1 995 000 F CFP (un million neuf cent quatre-vingt-quinze mille francs pacifique) assortie d’un intérêt contractuel au taux de 11,01% l’an à compter du 12 décembre 2018 au titre de la facture de livraison de sucre du 12 décembre 2018, — 3 582 543 F CFP (trois million cinq cent quatre-vingt-deux mille cinq cent quarante-trois francs pacifique) assortie d’un intérêt contractuel de 11,01 % l’an à compter du 31 janvier 2019 au titre des livraisons effectuées en novembre et décembre 2018 au Groupe Carrefour ; DIT que les intérêts échus de cette somme produiront eux-mêmes intérêts, pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus pour au moins une année entière ; CONDAMNE la SARL TAHITI SOFT DRINK à payer à la SARL ESSOR IMPORT la somme de 2 249 343 F CFP (deux millions deux cent quarante-neuf mille trois cent quarante-trois francs pacifique) au titre de sa participation au financement des opérations de communication ; CONDAMNE en réparation la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 16 000 000 F CFP (seize millions de francs pacifique) à titre de dommages et intérêts au titre de l’inexécution de son obligation d’objectif de vente minimum ; CONDAMNE en réparation la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 350.000 F CFP (trois cent cinquante mille francs) au titre de la violation de son obligation de restitution du stock de produits invendus en fin de contrat ; Y ajoutant, DEBOUTE la SARL ESSOR IMPORT de sa demande de nullité du contrat de distribution, de ses demandes d’indemnisation et de compensation subséquentes, et de sa demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice moral ; CONDAMNE la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 6 898 386 F CFP (six millions huit cent quatre-vingt-dix-huit mille trois cent quatre-vingt-six francs pacifique) au titre des factures impayées ; CONDAMNE la SARL TAHITI SOFT DRINK à payer à la SARL ESSOR IMPORT la somme de 1 141 544 F CFP (un million cent quarante et un mille cinq cent quarante-quatre francs pacifique) au titre de l’indemnité destinée à corriger les erreurs relatives au nombre de points de vente bénéficiant de tarifs de vente préférentiels ; DEBOUTE la SARL TAHITI SOFT DRINK de sa demande de nullité ou de résolution de l’accord du 26 novembre 2018 ; DEBOUTE la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes formées au titre de la rupture abusive du contrat de distribution ; DEBOUTE la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre d’un préjudice résultant de la cessation occulte de la distribution ; DEBOUTE la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre de ses préjudices financiers ; DEBOUTE la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle ; DEBOUTE la SARL TAHITI SOFT DRINK de ses demandes au titre de l’atteinte à son image ; CONDAMNE la SARL ESSOR IMPORT à payer à la SARL TAHITI SOFT DRINK la somme de 250 000 F CFP (deux cent cinquante mille francs pacifique) au titre de ses frais d’appel non compris dans les dépens sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ; DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ; CONDAMNE la SARL ESSOR IMPORT aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française. Prononcé à Papeete, le 22 septembre 2022. Le Greffier, Le Président, signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SEKKAKI | |