Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le registre national ou international des marques, est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre (L714 -7du code de la propriété intellectuelle). Ce texte prévoit expressément le principe du droit d’intervention du licencié dans une procédure en contrefaçon.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 26 JUILLET 2022
N° RG 21/00144 –
N° Portalis DBWA-V-B7F-CGXB
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FORT DE FRANCE, décision en date du 15 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 19/01383
APPELANTS :
Monsieur [Z] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représenté par Me Pierre-xavier BOUBEE, avocat au barreau de MARTINIQUE, avocat postulant
et par Me Jean-Nicolas GONAND, avocat au barreau de GUADELOUPE, avocat plaidant
S.A.R.L. KREOL WEST INDIES
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Pierre-xavier BOUBEE, avocat au barreau de MARTINIQUE, avocat postulant
et par Me Jean-Nicolas GONAND, avocat au barreau de GUADELOUPE, avocat plaidant
INTIMÉES :
Madame [H] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurence HUNEL OZIER-LAFONTAINE, avocat au barreau de MARTINIQUE, avocat postulant,
et par Me Hervé CABELI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
E.U.R.L. LA SUITE BY KREOL WEST INDIES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurence HUNEL OZIER-LAFONTAINE, avocat au barreau de MARTINIQUE, avocat postulant,
et par Me Hervé CABELI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Mai 2022 sur le rapport de Madame Christine PARIS, devant la cour composée de :
Président : Madame Christine PARIS, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Marjorie LACASSAGNE, Conseillère
Assesseur : Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 26 Juillet 2022 puis prorogée au 26 Juillet 2022
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
.
Monsieur [Z] [Y] a fait enregistrer la marque ‘KREOL WEST INDIES (KWI) ‘ le 9 mai 2012 à l’INPI sur le numéro 12 3 918 649.pour la classe 25.
Il a également fait enregistrer le 28 décembre 2012 sous le numéro 2012 5779, un modèle avec le nom de [Localité 3], la reproduction de trois dessins de [Localité 3] concernée en couleur bleue violet et rose avec le nom KREOL WEST INDIES en dessous.
Il a créé avec madame [H] [K] 25 mai 2012, La Sarl Kreol West Indies .
Madame [H] [K] a créé l’Eurl La Suite By Kréol West Indies le 5 juin 2014.
Les relations entre monsieur [Z] [Y] et madame [H] [K] se sont dégradées en 2014.
Par jugement en date du 15 décembre 2020 le tribunal judiciaire de Fort de France a :
« – Déclaré les demandes de M. [Z] [Y] et de la SARL KREOL WEST INDIES recevables à l’encontre de Mme [H] [K] ;
— Déclaré les prétentions de la SARL KREOL WEST INDIES irrecevables dans le cadre de l’action en contrefaçon ;
— Prononcé l’annulation de la marque « LE SUITE BY KREOL WEST INDIES » enregistrée sous le numéro 4098099 uniquement pour les produits et services désignés à la classe 25 « Vêtements, chaussures, chapellerie, chemises, ceintures, gants, foulards, cravates, bonneterie, chaussettes, chaussons, chaussures de plage, de ski ou de sport, sous-vêtements » ;
— Débouté M. [Z] [Y] de son action en contrefaçon de la marque « KREOL WEST INDIES » et du dessin « Trois îles » ;
— Dit que Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE ont commis des actes de parasitisme à l’encontre de M. [Z] [Y] et de la SARL KREOL WEST INDIES ;
— Débouté M. [Z] [Y] et la SARL KREOL WEST INDIES du surplus de leurs demandes ;
— Débouté Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles ;
— Condamné Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE à payer à M. [Z] [Y] et à la SARL KREOL WEST INDIES la somme de 2,500 euros au titre des frais irrépétibles ;
— Condamné Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE aux entiers dépens de la présente instance avec autorisation donnée à Maître Pierre-Xavier BOUBEE, avocat, de recouvrer directement ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ».
Par déclaration en date du 8 mars 2021, monsieur [Z] [Y] et La Sarl Kreol West Indies ont fait appel des chefs de la décision ne leur donnant pas satisfaction .
Madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies ont formé un appel incident .
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 novembre 2021, monsieur [Z] [Y] et La Sarl Kreol West Indies demandent à la cour de :
— Déclarer Monsieur [Z] [Y] et la société KREOL WEST INDIES recevables et bien fondés en leur appel,
SUR L’APPEL PRINCIPAL
— Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Fort de France, en ce qu’il a déclaré la société KREOL WEST INDIES irrecevable en ses demandes en contrefaçon,
Statuant à nouveau,
— Déclarer la société KREOL WEST INDIES recevable en ses demandes en contrefaçon de la marque dénominati ve KREOL WEST INDIES et dessin et modèle enregistrés « Trois Iles »,
Vu les articles L713-2 et L. 716-15 du Code de la propriété intellectuelle
— Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de Fort de France, en ce qu’il a débouté les appelants de leurs demandes en contrefaçon de la marque KREOL WEST INDIES,
Statuant à nouveau,
— Interdire à la société LA SUITE de poursuivre l’usage de la marque dénominative KREOL WEST INDIES, ce, sous astreinte définitive de 500 euros par infracti on constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,
— Condamner la société EURL LA SUITE à réparer tous les préjudices subis par Monsieur [Z] [Y] et la société KREOL WEST INDIES et à leur payer la somme de 174 000 euros, cette somme correspondant à 20 000 euros en raison du préjudice moral subi, et à 236 167 euros en raison du manque à gagner généré par son activité contrefaisant.
Vu les articles L521-1, L521-5, L521-7 et L. 521-8 du code de la propriété intellectuelle
— Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Fort de France, en ce qu’il a débouté les appelants de leurs demandes en contrefaçon du dessin et modèle enregistré « Trois Iles »
Statuant à nouveau,
— Interdire à la société LA SUITE de poursuivre la vente et la publicité des produits contrefaisants, ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 500 euros par infraction constatée à compter de la significati on de la décision à intervenir,
— Ordonner le rappel et la mise à l’écart définitive des circuits commerciaux de tous produits, articles ou documents reproduisant le dessin et modèle enregistré « Trois Iles » et leur remise à Monsieur [Z] [Y] afin de les confisquer aux frais de la société EURL LA SUITE,
— Condamner in solidum Madame [H] [K] et la société EURL LA SUITE à payer à Monsieur [Z] [Y] la somme de
20 000 euros en raison du préjudice moral subi,
— Avant-dire droit sur l’évaluation du bénéfice retiré par la commercialisation de produits contrefaisants, ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir la communication des documents suivants :
* les bons de commande et les factures des fournisseurs de l’EURL LA SUITE relatifs aux produits revêtus du logo « Trois îles » certifiés conforme par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes
* l’intégralité des quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que le chiff re d’affaires et le bénéfice obtenus par la vente de l’ensemble de ces produits en ventilant référence par référence de produit, certifiés conforme par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes
— Juger que la cour restera compétente pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu’elle aura ordonnées.
— Ordonner la publication ou l’affichage au frais de la société EURL LA SUITE, par extrait ou en entier, du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de Monsieur [Z] [Y]
A titre subsidiaire,
Vu l’article 1240 du code civil
— Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a débouté les appelants de leurs demandes en réparation du préjudice causé par les actes de parasitisme de la société EURL LA SUITE
— Condamner en conséquence in solidum Madame [H] [K] et la société EURL LA SUITE à payer la somme de 236 167 euros en réparation du préjudice causé,
SUR L’APPEL INCIDENT
— Confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a annulé la marque semi-figurative « La Suite’ by KREOL WEST INDIES » enregistrée le 10 octobre 2014 sous le numéro n°4098099
— Confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a dit que Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE ont commis des actes de parasitisme à l’encontre de M. [Z] [Y] et de la SARL KREOL WEST INDIES ;
En tout état de cause,
— Condamner in solidum Madame [H] [K] et la société EURL LA SUITE à payer à Monsieur[Z] [Y] et la société KREOL WEST INDIES la somme 5 000 euros au ti tre de l’article 700 du code de procédure civile.
— Condamner Madame [H] [K] et la société EURL LA SUITE aux entiers dépens dont
distraction au profit de Maître Pierre-Xavier BOUBEE , Avocat au barreau de Fort de France.
Ils font valoir en substance que c’est à tort que le tribunal a déclaré irrecevable La Sarl Kreol West Indies dans le cadre de l’action en contrefaçon alors que le licencié partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre est recevable en application des dispositions des articles L 714-7 et L 716-5 du code de la propriété intellectuelle.
Il soutient qu’il a mis fin à l’autorisation accordée à madame [H] [K] d’utiliser sa marque et le dessin le 23 juillet 2014 sans ambiguïté mais qu’il a laissé aux intimés un délai jusqu’au 13 juillet 2015 pour écouler les marchandises régulièrement. La prescription de l’action en contrefaçon a donc pour point de départ le 23 juillet 2014. Les appelants soutiennent que les défenderesses ont fait directement fabriquer des produits comportant le logo sans autorisation du titulaire et persistent à utiliser le logo ou à distribuer des produits sans l’autorisation des titulaires de la marque. En application des dispositions de l’article L 521-5 du code de la propriété intellectuelle il revendique son droit d’information, les éléments à communiquer devant être certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes afin d’en garantir la véracité. Il en est résulté un manque à gagner par La Sarl Kreol West Indies à hauteur de la somme de 236’167 € après application d’un taux de marge brute de 56 % comme en atteste la synthèse comptable effectuée par l’expert-comptable qui contrairement à ce qu’affirment les intimés aa bien vérifié les chiffres invoqués.
Subsidiairement, ils reprochent à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies une activité de parasitisme, madame [H] [K] ancienne compagne associée de monsieur [Z] [Y] ayant créé sa propre société et bénéficiant des efforts commerciaux précédemment réalisés par celle-ci en se plaçant dans le sillage immédiat de La Sarl Kreol West Indies.Elle doit être en conséquence condamnée à les indemniser de leur préjudice certifié par l’expert-comptable.
Sur l’appel incident il faut valoir que l’autorisation d’utiliser la marque et le dessin enregistré ne leur donnait pas le droit de procéder à l’enregistrement d’une marque complexe ‘La Suite … By Kréol West Indies ‘le 17 juin 2014 qui reprend les signes de La Sarl Kreol West Indies, le dépôt étant frauduleux ce qui justifie l’annulation de la marque semi figurative qui doit être étendue aux produits et services non identiques et non similaires à ceux visés dans le dépôt de la marque initiale.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 février 2022, madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies demandent à la cour de statuer comme suit :
— DIRE et JUGER Monsieur [Z] [Y] et la Société KREOL WEST INDIES mal fondés en leur appel,
— Les DEBOUTER en conséquence de toutes leurs demandes à l’encontre de Madame [H] [K] et de la Société EURL LA SUITE,
— CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a :
— déclarer les prétentions de la SARL KREOL WEST INDIES irrecevables dans le cadre de l’action en contrefaçon,
— débouter Monsieur [Z] [Y] de son action en contrefaçon de la Marque « KREOL WEST INDIES » et du dessin « TROIS ILES »,
— débouter Monsieur [Z] [Y] et la SARL KREOL WEST INDIES de leur demande de dommages-intérêts et du surplus de leurs demandes.
Subsidiairement,
Dans l’hypothèse où la Cour de céans déclarerait la Société KREOL WEST INDIES recevable à agir en contrefaçon :
— DIRE et JUGER ladite Société KREOL WEST INDIES mal fondée en son action en contrefaçon de la Marque « KREOL WEST INDIES » et du dessin « TROIS ILES »,
— La DEBOUTER de toutes ses demandes de ce chef.
A titre reconventionnel,
— DIRE et JUGER Madame [H] [K] et la Société EURL LA SUITE recevables et fondées à former appel incident du jugement dont appel,
— INFIRMER ledit jugement en ce qu’il a :
— PRONONCER l’annulation de la Marque « LA SUITE BY KREOL WEST INDIES » enregistrée sous le N° 4098099 uniquement pour les produits et services désignés à la classe 25,
— DIRE que Madame [H] [K] et l’EURL LA SUITE ont commis des actes de parasitisme à l’encontre de Monsieur [Z] [Y] et de la Société KREOL WEST INDIES ; 29
Statuant à nouveau,
— DEBOUTER Monsieur [Z] [Y] et la Société KREOL WEST INDIES de leur demande d’annulation de la Marque « LA SUITE BY KREOL WEST INDIES » enregistrée sous le N° 4098099,
— DIRE et JUGER que Madame [H] [K] et l’EURL LA SUITE n’ont pas commis d’actes de parasitisme,
— DEBOUTER en toute hypothèse Monsieur [Z] [Y] et la Société KREOL WEST INDIES de toutes demandes de ce chef,
Subsidiairement,
Dans l’hypothèse où la cour de céans débouterait la société LA SUITE de son appel incident tendant à débouter Monsieur [Z] [Y] et la Société KREOL WEST INDIES de leur demande d’annulation de la Marque « LA SUITE BY KREOL WEST INDIES » enregistrée sous le N° 4098099,
— CONFIRMER le jugement querellé en ce qu’il a limité l’annulation de la marque « La SUITE’ BY KREOL WEST INDIES » uniquement pour les produits ou services désignés de la classe 25 « vêtements, chaussures, chapellerie, chemises, ceintures, gants, foulards, cravates, bonneterie, chaussettes, chaussons, chaussures de plage de ski ou de sport, sous-vêtements »
En tout état de cause,
— CONDAMNER Monsieur [Z] [Y] et la Société KREOL WEST INDIES aux entiers dépens de première instance et d’appel et les CONDAMNER à payer la somme de 5.000 € à Madame [H] [K] et la Société LA SUITE au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
Madame [H] [K] rappelle qu’elle a créé en mai 2012 avec monsieur [Z] [Y] La Sarl Kreol West Indies et soutient qu’elle a participé activement à toute la partie créative bien que monsieur [Z] [Y] ait déposé en son nom propre la marque La Sarl Kreol West Indies et le dessin précisant pour l’enregistrement de ce dernier qu’il vivait chez elle.
Elle demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable La Sarl Kreol West Indies dans le cadre de l’action en contrefaçon n’étant pas licencié exclusif et La Sarl Kreol West Indies ne revendiquant pas un préjudice propre personnel distinct de celui invoqué par monsieur [Z] [Y].
Monsieur [Z] [Y] ne peut invoquer les dispositions de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle ayant autorisé l’utilisation de la marque et du dessin, autorisation qui ne pouvait avoir un caractère temporaire d’autant qu’il n’a cessé de collaborer et de solliciter l’aide de madame [H] [K] en participant à l’élaboration du logo de l’Eurl La Suite By Kréol West Indies et en validant et autorisant des commandes après le 23 juillet 2014. L’action en contrefaçon est prescrite depuis le 5 mai 2019 l’Eurl La Suite By Kréol West Indies ayant été immatriculée le 13 mai 2014.
L’Eurl La Suite By Kréol West Indies conteste avoir recommandé des articles portant la marque Kreol West Indies postérieurement à 2014, comme en atteste le fournisseur des produits
dont la présence a été constatée par l’huissier, produits acquis en 2014 avec l’accord de monsieur [Z] [Y]. Les droits sur les produits corrélés ont été épuisés du fait de la commande de produits par La Sarl Kreol West Indies à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies. De plus le préjudice invoqué n’est pas justifié. L’Eurl La Suite By Kréol West Indies fait valoir qu’elle n’a pasà communiquer les commandes de ses autres produits ne portant pas le logo ‘Trois Iles ‘ et qu’elle a déjà répondu au droit d’information produisant la commande de 1096 pièces passée le 15 juin 2014 par monsieur [Z] [Y] .
Madame [H] [K] soutient que c’était avec l’accord de monsieur [Z] [Y] elle a déposé sa marque ‘ La Suite By Kréol West Indies, les deux associés ayant le 21 février 2014 l’intention d’ouvrir de nouvelles boutiques, l’une à [Localité 5] en mai 2014 dirigée par madame [H] [K], et l’autre à [Localité 8] en décembre- janvier ,dirigée par monsieur [Z] [Y], ce dernier demandant l’aide en septembre 2014 de madame [H] [K] pour la communication des documents nécessaires à la création de cette société en Guadeloupe .Les’ suivant le mot ‘la suite’ constituent une figure de style littéraire et le caractère stylisé de ces’ ne saurait à lui seul constituer une contrefaçon du dessin déposé par monsieur [Z] [Y].
Subsidiairement l’annulation de la marque ‘La Suite By Kréol West Indies ‘ne peut porter que sur la classe 25 en application du principe de spécialité. Elle conteste tout parasitisme ayant agi en accord avec monsieur [Z] [Y] qui avait autorisé l’utilisation du dessin et de la marque d’origine, a participé à l’élaboration du logo de la nouvelle marque et a conseillé madame [H] [K] sur la position du panneau portant ledit logo le retrait ultérieur de l’autorisation n’ayant pas d’effet rétroactif sur le comportement initial licite de madame [H] [K]. Elle a diversifié l’activité en développant un concept store varié . Elle n’a jamais recommandé de marchandises avec le logo Sarl Kreol West Indies.
En tout état de cause aucun préjudice n’est justifié.
L’ordonnance de clôture en date du 17 mars 2022.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 20 mai 2022 et mise en délibéré au 26 juillet 2022.
Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées .
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle que les demandes tendant à voir dire et juger ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile de sorte qu’il n’en sera pas fait mention dans le dispositif. De plus, le dispositif du présent arrêt sera limité aux strictes prétentions formées par les parties constituées, étant rappelé qu’il n’a pas vocation à contenir les moyens venant au soutien des demandes, peu important que ces moyens figurent dans le dispositif des conclusions. Enfin et en application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
La recevabilité de l’appel de monsieur [Z] [Y] et La Sarl Kreol West Indies n’est pas contesté il n’y a pas lieu de statuer sur ce point .
Sur la recevabilité de l’action en contrefaçon de La Sarl Kreol West Indies
Il convient de constater que monsieur [Z] [Y] est seul titulaire et propriétaire de la marque La Sarl Kreol West Indies et du modèle dessin’les trois îles en couleur ‘ enregistré le 28 décembre 2012 en son seul nom .Le fait qu’il soit domicilié chez madame [H] [K] pour ce dernier enregistrement ne permet pas en effet à celle-ci d’être considérée comme propriétaire de la marque et du modèle dessin, d’autant qu’elle ne produit aucun élément permettant d’établir qu’elle soit propriétaire de la marque et du dessin modèle et qu’elle se contente d’affirmer qu’elle a participé à leur création .
Aux termes des dispositions de l’article L714 -7du code de la propriété intellectuelle, le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le registre national ou international des marques, est également recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.
Ce texte prévoit donc le principe du droit d’intervention du licencié dans une procédure en contrefaçon .
La cour constate qu’au titre des préjudices demandés, figure la somme de 236’167 € dont le montant est déterminé à partir du chiffre d’affaires de La Sarl Kreol West Indies. Il s’agit en conséquence d’un préjudice qui est propre à La Sarl Kreol West Indies, dont monsieur [Z] [Y] est le gérant. La cour ne saurait tirer du caractère maladroit de la rédaction du dispositif des conclusions des appelants l’irrecevabilité de l’intervention du licencié aux côtés du titulaire de la marque pour obtenir réparation de son préjudice. En conséquence il y a lieu d’infirmer le jugement du 15 décembre 2020 de ce chef.
Sur l’action en contrefaçon
Madame [H] [K] et la Sarl Kreol West Indies soutiennent que l’action encontrefaçon est prescrite depuis le 5 mai 2019 au motif que l’Eurl La Suite By Kréol West Indies a été immatriculée le 13 mai 2014.
La contrefaçon se définit comme la reproduction, l’imitation ou l’utilisation totale ou partielle d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire.
Aux termes des dispositions de l’article L716-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer.
En l’espèce il est établi que monsieur [Z] [Y] est titulaire du droit de propriété sur la marque ‘ Kreol West Indies ‘ et sur le dessin déposé le 28 décembre 2012.
Il n’est également pas contesté par monsieur [Z] [Y] et il ressort de ses écritures, que ce dernier a autorisé madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies à utiliser sa marque et son dessin jusqu’au 23 juillet 2014.
La difficulté vient du fait que les parties n’ont jamais signé entre elles de contrat de licence, ce qui ne permet pas de déterminer les conditions et la durée de l’autorisation accordée.
Le point de départ du délai d’action en contrefaçon ne saurait être l’enregistrement au registre du commerce et des sociétés de la société ‘La Suite’ le 5 juin 2014, l’extrait Kbis produit démontrant que la dénomination sociale est ‘ La suite ‘ et non l’Eurl La Suite By Kréol West Indies. Le fait que l’enseigne soit indiquée comme ‘ La Suite By Kréol West Indies ‘ correspondait à l’autorisation accordée par monsieur [Z] [Y] d’utiliser sa marque lors de l’ouverture du magasin comme en témoignent les échanges de courriels.
La cour constate que la première manifestation de refus d’utilisation de la marque, et du dessin par monsieur [Z] [Y] , propriétaire de la marque correspond au courriel en date du 23 juillet 2014 adressé à ‘ la suite [Localité 5] ‘ auquel a répondu madame [H] [K] .
En conséquence l’action en contrefaçon introduite par assignation du 5 juin 2019 n’est pas prescrite et est recevable.
Aux termes du courriel du 23 juillet 2014 adressé par monsieur [Z] [Y] à ‘ la suite [Localité 5] ‘ et auquel a répondu madame [H] [K] qui ne le conteste pas, le jour même par une insulte, monsieur [Z] [Y] indiquait :
‘ Je viens de constater que tu avais une nouvelle fois utilisé la marque au détriment de nos accords. Et ce malgré nos échanges (notamment mails des dim 06 /07/2014 15:32 et ven.13/06/2014 15:36)
1.De nouveaux produits ont été commandés sans information ni accord en utilisant mon logo
2.De nouvelles commandes ont été passées en direct avec le fournisseur PalmTee’s sans respecter la procédure dans le seul but d’éviter de payer la redevance afin de régulariser cette situation, je te demande :
. De régler sans délai la facture en pj
. De me faire parvenir l’intégralité des factures des produits qui ont été estampillés devant logo (serviettes, shorts, maillots de bain, etc …) Afin que je puisse appliquer de droit la redevance prévue
.de régulariser les factures qui n’ont été que partiellement acquittées
. De solder toutes les factures et remboursements d’acompte en cours (qui sont toutes à échéance)- sauf celle d’acompte de trésorerie de Cotton Club
Sauf régularisation sous huitaine des points susmentionnés, je ne souhaite plus continuer notre collaboration, et La Sarl Kreol West Indies aura l’exclusivité des locaux déposés et de sa déclinaison sur La suite ‘
Le 13 janvier 2015, monsieur [Z] [Y] adressait un nouveau courriel à ‘ la suite [Localité 5]’ et à madame [H] [K] indiquant que l’Eurl La Suite avait fait des choix stratégiques ne correspondant plus à l’image de Kreol West Indies notamment la création d’une marque concurrente ‘ West Indies Spirite ». Il lui demandait de supprimer tout visuel interne ou externe pouvant associer ou évoquer le logo associé à la marque Kreol West Indies ou au dessin déposés.
Les termes employés, tant dans le courriel du 23 juillet 2014 que dans celui du 13 janvier 2015, sont dénués d’ambiguïté sur le refus par le titulaire de la marque, monsieur [Z] [Y], opposé à madame [H] [K] et à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies d’utiliser la marque et le dessin. Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’absence d’action introduite par monsieur [Z] [Y] dans les suites immédiates de ces mails et la réitération de son interdiction en janvier 2015, ne permettent pas d’établir que le propriétaire de la marque soit revenu sur son refus.
De même le fait que madame [H] [K] et monsieur [Z] [Y] aient continué à échanger des courriels avec madame [H] [K] comme en témoignent les pièces 37à 37 nonies, ne permet pas d’établir qu’il ait autorisé à nouveau l’Eurl La Suite By Kréol West Indies à utiliser sa marque, compte tenu de la teneur des propos échangés.
Le procès-verbal de constat d’huissier du 21 juillet 2021 permet d’établir que, sur le compte Facebook de la société La Suite [Localité 5], figurent des T-shirts portant le dessin des trois îles colorées, correspondant en tous points au dépôt du modèle déposé le 28 décembre 2012, caractérisé par un alignement de la forme de l’île de [Localité 5], trois fois en trois couleurs,bleu, violet et rose, île cerclée de blanc. Il importe peu qu’il s’agisse d’une reproduction partielle du dessin modèle, le terme ‘ Kreol West Indies’ n’apparaissant pas sur les T-shirts figurant sur le compte Facebook de l’Eurl La Suite By Kréol West Indies. Il importe peu également que le site ait été créé en 2014 à une époque où monsieur [Z] [Y] avait autorisé l’Eurl La Suite By Kréol West Indies à utiliser sa marque et son dessin modèle car il appartenait à madame [H] [K] et à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies de retirer de ce compte Facebook tous les logos y figurant sans l’autorisation de leur propriétaire.
Il suffit en effet qu’il y ait une reproduction partielle du dessin modèle suffisamment caractéristique de ce dessin modèle, comme c’est le cas en l’espèce, par l’alignement des trois îles en trois couleurs différentes entourées de blanc, pour qu’il y ait contrefaçon.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande d’interdiction à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies de poursuivre l’usage de la marque dénominative ‘Kreol West Indies’ sous astreinte provisoire de 500 € par infraction constatée, à compter de la signification de la décision du présent arrêt. Il convient également d’interdire à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies de poursuivre la vente et la publicité de produits contrefaisants, sous astreinte provisoire de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir selon les modalités indiquées au dispositif de la décision.
Il y a lieu de faire droit également à la demande de rappel et de mise à l’écart définitive des circuits commerciaux de tous les produits, articles, documents reproduisant le dessin modèle enregistré le 28 décembre 2012 et leur remise à monsieur [Z] [Y] afin de les confisquer aux frais de l’Eurl La Suite By Kréol West Indies.
Pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction doit prendre en compte les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur, et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte. Toutefois la juridiction peut à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts, une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances qui auraient été dues si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
En l’espèce en l’absence de contrat de licence, la cour ne dispose pas du montant de la redevance qui aurait dû être reversée à monsieur [Z] [Y] et ce dernier ne produit aucun élément permettant de la déterminer.
Se fondant sur une attestation d’un expert comptable, les appelants soutiennent que la baisse du chiffre d’affaires de La Sarl Kreol West Indies constatée à partir de 2015 jusqu’en 2018 est imputable à la contrefaçon opérée par l’Eurl La Suite By Kréol West Indies. La cour constate que seule la pièce 12 des appelants est une attestation de l’expert-comptable et qu’elle permet d’établir qu’il a vérifié les informations transmises par monsieur [Z] [Y] sur le chiffre d’affaires de La Sarl Kreol West Indies avec la comptabilité. Il en ressort une baisse du chiffre d’affaires à compter de l’année 2015 de près de la moitié de ce chiffre en 2015 et de plus de la moitié en 2016 avec une remontée en 2017 et 2018. La pièce 13 n’est qu’une analyse des chiffres d’affaires, dont l’auteur reste inconnu, n’étant pas signée de l’expert-comptable. La cour constate que madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies ont fait, en vain, sommation à La Sarl Kreol West Indies de communiquer les comptes sociaux sur les cinq années précitées de sorte que l’exactitude de l’analyse comptable résultant de la pièce 13 ne peut être vérifiée. De plus les intimés produisent de nombreuses attestations pour établir que le magasin de La Sarl Kreol West Indies était souvent fermé en 2019 et en 2020.
La cour constate qu’il n’a été effectué aucune saisie contrefaçon. Aucun élément n’est produit permettant d’établir que l’Eurl La Suite By Kréol West Indies commercialise des vêtements portant la marque Kreol West Indies. Il résulte de plus d’un courrier de Monsieur [M] [R], fournisseur de La Sarl Kreol West Indies, que madame [H] [K] et l’Eurl La Suite, ne lui ont jamais demandé d’utiliser le logo Trois îles de Kreol West Indies. Il n’est pas contesté qu’il est propriétaire du Cotton club, imprimeur et revendeur de T-shirts. Dans une précédente attestation, il certifiait avoir produit au cours de l’année 2014, pour La Sarl Kreol West Indies, avec l’accord de monsieur [Z] [Y], une commande importante destinée à la société la suite. Cette affirmation n’est pas contestée par monsieur [Z] [Y] et est établie par les élements au dossier mais est antérieure au 24 juillet 2014.
Bien que le premier juge ait souligné l’absence de liasse fiscale permettant d’avoir des éléments comptables objectifs, la cour constate qu’en appel, les appelants ne produisent toujours aucun élément comptable en dehors de ceux susvisés. La baisse du chiffre d’affaires peut s’expliquer par l’installation de plusieurs boutiques de mode comme affirmé par les intimés, point qui n’est pas contesté, et par le fait que monsieur [Z] [Y] a ouvert une autre société en Guadeloupe. En conséquence il ne peut être fait droit à la demande d’indemnisation à hauteur de la somme de 174’000 € et à celle de 236’167 €.
Les appelants demandent à la cour de faire application des dispositions de l’article L521-5 du code de la propriété intellectuelle et d’ordonner, sous astreinte, la communication des bons de commandes et les factures de fournisseurs relatifs aux produits revêtus du logo ‘Trois îles’, certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes.
Aux termes de ces dispositions la juridiction peut ordonner, afin de déterminer l’origine des réseaux de distribution des produits de contrefaçon, qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de documents ou informations détenues par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon,Il s’agit d’une simple faculté .La juridiction qui ne saurait pallier à la carence dans la charge de la preuve qui incombe au titulaire de la marque, aucun élément ne permettant d’établir que l’Eurl La Suite By Kréol West Indies et madame [H] [K] vendent des produits contrefaits d’autant que les appelants refusent de produire leurs propres éléments comptables,
Monsieur [Z] [Y] a néanmoins subi un préjudice moral en raison de l’utilisation de son modèle dessin protégé, malgré interdictions du 23 juillet 2014 et du 14 janvier 2015 renouvelée par lettre recommandée du 28 avril 2015.
En conséquence il convient de réparer son préjudice moral par la condamnation de madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies au paiement de dommages et intérêts évalués à 10’000 €.
Il n’y a pas lieu néanmoins de faire droit à la demande de publication aux frais de la société l’Eurl La Suite By Kréol West Indies de la présente décision dans trois journaux au choix de monsieur [Z] [Y], compte tenu des relations anciennes entre les parties.
La demande au titre de la concurrence déloyale n’est formée qu’à titre subsidiaire et il n’y a pas lieu de l’examiner.
Sur l’appel incident
Madame [H] [K] a fait enregistrer le 17 juin 2014 la marque LA SUITE … BY KREOL WEST INDIES pour les produits et services de la classification de [Localité 6] numéro 14,16, 24 et 25.
Le tribunal a prononcé l’annulation de la marque « LA SUITE BY KREOL WEST INDIES » enregistrée sous le numéro 4098099 uniquement pour les produits et services désignés à la classe 25 « Vêtements, chaussures, chapellerie, chemises, ceintures, gants, foulards, cravates, bonneterie, chaussettes, chaussons, chaussures de plage, de ski ou de sport, sous-vêtements ‘
Aux termes des dispositions de l’article L711-4 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être adoptée comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, ou à une dénomination pour raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Aux termes des dispositions de l’article L712-6 du code de la propriété intellectuellle, dans sa version en vigueur applicable au litige, si un enregistrement d’une marque a été demandé, soit en fraude des droits d’un tiers,soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à comper de la publication de la demande d’enregistrement.
Madame [H] [K] reconnaît qu’elle connaissait l’existence de la marque antérieure Kreol West Indies mais soutient que c’est avec l’accord de monsieur [Z] [Y], qui était parfaitement informé de la création de la société et de son logo, qu’elle a déposé sa marque.
C’est par des motifs pertinents et que la cour adopte, que le premier juge a considéré qu’en déposant la marque semi figurative ‘LA SUITE BY KREOL WEST INDIES’ très rapidement après l’immatriculation de sa propre société le 13 mars 2014, dans un contexte de rupture avec son ancien associé et compagnon, qu’elle a agi en fraude des droits du propriétaire de la marque KREOL WEST INDIES et du dessin modèle enregistré le 28 décembre 2012. En effet, contrairement à ce qu’elle affirme, les échanges de mails en juin 2014 démontrent que monsieur [Z] [Y] n’était pas opposé à ce que l’Eurl La Suite By Kréol West Indies commercialise des produits de sa marque ou utilise le logo de cette marque, mais il ne ressort aucunement de ces pièces qu’elle ait informé monsieur [Z] [Y] de l’enregistrement de sa propre marque qui reprend le dessin modèle .Or, en l’absence de contrat de licence écrit, et dans un contexte de rupture, madame [H] [K] a procédé à l’enregistrement d’une marque reprenant des termes similaires et le dessin modèle appartenant à monsieur [Z] [Y], ce qui ne peut s’expliquer que par une volonté de porter atteinte aux droits de monsieur [Z] [Y] dans l’hypothèse où ce dernier lui retirerait l’autorisation d’utiliser sa marque et son logo, ce qui est d’ailleurs arrivé le mois suivant.
Le premier juge a limité l’annulation de la marque à la classe 25 pour laquelle est enregistrée la marque Kreol West Indies de monsieur [Z] [Y]. Celui-ci ne démontre pas que sa marque bénéficie d’une notoriété publique telle que cette annulation entraîne également celle de l’enregistrement pour les autres classes 14, 16 et 24. Il ne produit d’ailleurs aucun élément sur la notoriété de sa marque. C’est donc par des motifs pertinents et que la cour adopte que le premier juge a limité cette annulation à la classe 25. La cour constate également qu’il ne forme aucune demande de revendication de la marque déposée par madame [H] [K] .
Sur les demandes accessoires
Succombant madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies supporteront les dépens et en équité les frais exposés par monsieur [Z] [Y] et La Sarl Kreol West Indies pour faire valoir leurs droits en appel, frais évalués à 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 15 décembre 2020 dans les limites de l’appel en ce qu’il a :
— prononcé l’annulation de la marque « LE SUITE BY KREOL WEST INDIES » enregistrée sous le numéro 4098099 uniquement pour les produits et services désignés à la classe 25 « Vêtements, chaussures, chapellerie, chemises, ceintures, gants, foulards, cravates, bonneterie, chaussettes, chaussons, chaussures de plage, de ski ou de sport, sous-vêtements ;
— débouté Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles ;
— condamné Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE à payer à M. [Z] [Y] et à la SARL KREOL WEST INDIES la somme de 2,500 euros au titre des frais irrépétibles ;
— Condamné Mme [H] [K] et l’EURL LA SUITE aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de M° Pierre-Xavier Boubée.
L’INFIRME pour le surplus.
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevable La Sarl Kreol West Indies en ses demandes en contrefaçon de la marque dénominatives ‘Kreol West Indies’ enregistrée le 9 mai 2012 et du modèle enregistré ‘ Trois îles’ enregistré le 28 décembre 2012 par monsieur [Z] [Y] ;
INTERDIT à la société LA SUITE de poursuivre l’usage de la marque dénominative KREOL WEST INDIES, ce, sous astreinte définitive de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce pendant 3 mois ;
INTERDIT à l’Eurl La Suite By Kréol West Indies de poursuivre la vente et la publicité des produits contrefaisants, ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce pendant 3 mois;
ORDONNE le rappel et la mise à l’écart définitive des circuits commerciaux de tous produits, articles ou documents reproduisant le dessin et modèle enregistré « Trois Iles » et leur remise à monsieur [Z] [Y] afin de les confisquer aux frais de l’Eurl La Suite By Kréol West Indies ;
CONDAMNE in solidum l’Eurl La Suite By Kréol West Indies et madame [H] [K] à verser à monsieur [Z] [Y] la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral ;
DÉBOUTE monsieur [Z] [Y] et La Sarl Kreol West Indies du surplus de leur demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE in solidum madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies à payer à Monsieur[Z] [Y] et à la société KREOL WEST INDIES la somme 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE madame [H] [K] et l’Eurl La Suite By Kréol West Indies aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Pierre-Xavier Boubée, avocat au bareau de Fort de France ;
Signé par Madame Christine PARIS, Présidente de chambre et par Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, à qui la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,