Propriété intellectuelle : Examinateur de l’Office Européen des Brevets : pas d’accès à la profession d’avocat

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L’exercice d’activités juridiques pendant huit années au moins dans une administration, un service public ou une organisation internationale permet d’accéder à la profession d’avocat.

Toutefois, un examinateur de l’Office Européen des Brevets (OEB) n’instruit juridiquement des demandes de brevets que sur le plan technique (même si à cette occasion, il peut être fait appel à des connaissances juridiques). Ces missions ne lui permettent pas d‘accéder à la profession d’avocat.  

L’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

Pour rappel, l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose en particulier, que ‘ Nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il ne remplit les conditions suivantes :

1° Etre français, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou ressortissant d’un Etat ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d’exercer sous les mêmes conditions l’activité professionnelle que l’intéressé se propose lui même d’exercer en France, sous réserve des décisions du conseil de l’Union européenne relatives à l’association des pays et territoires d’outre mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d’apatride reconnue par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

4 2° Etre titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l’application de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ;

3° Etre titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2°, ou, dans le cadre de la réciprocité, de l’examen prévu au dernier alinéa du présent article […]’.

L’arrêté du 25 novembre 1998 modifié par l’arrêté du 21 mars 2007 précise que ‘Sont reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat :

1° Les doctorats en droit ;

2° Le diplôme national de master en droit, les diplômes d’études approfondies (DEA) et les diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS) des disciplines juridiques ;

3° Les maîtrises de sciences et techniques des disciplines juridiques ;

4° Le diplôme de la faculté libre autonome et cogérée d’économie et de droit de Paris ;

5° Le titre d’ancien élève de l’Ecole nationale des impôts ayant suivi avec succès le cycle d’enseignement professionnel des inspecteurs élèves des impôts ;

6° Le titre d’ancien élève stagiaire du centre de formation des inspecteurs du travail et de la main d’oeuvre ou d’ancien élève de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ayant suivi avec succès le cycle de formation d’inspecteur stagiaire ou d’inspecteur élève du travail ;

7° Le titre d’ancien greffier en chef stagiaire des services judiciaires ayant suivi avec succès le cycle de formation initiale dispensé par l’Ecole nationale des greffes ;

8° Tout titre ou diplôme universitaire ou technique étranger exigé pour accéder à une profession juridique réglementée dans l’Etat où ce titre a été délivré ;

9° Les mentions « carrières judiciaires et juridiques et « droit économique du diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris.’

Selon l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat,

‘sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat :

4° Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale’.

Des conditions cumulatives

Il résulte ainsi de la lecture combinée de ces dispositions que l’accession à la profession d’avocat de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 est réservé, en premier lieu, conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précité, aux titulaires d’une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents et, en second lieu, en particulier, aux fonctionnaires ou anciens fonctionnaires, ainsi qu’aux personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, notamment dans une organisation internationale. Ces deux conditions sont cumulatives.

La maîtrise est un diplôme national de l’enseignement supérieur français, créé en 1966 et validant une année d’étude après la licence, elle-même délivrée après la validation d’une formation approfondie d’une durée de trois années.  Avec la réforme licence master doctorat entre 2002 et 2006, la maîtrise se fond dans le master ; elle peut encore être délivrée sur demande comme diplôme intermédiaire.

Le diplôme d’ingénieur délivré par une Ecole ne répond manifestement pas à la définition de ‘maîtrise en droit’ ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents au sens de l’article 11, 2°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l’arrêté du 25 novembre 1998, modifié, en ce que le diplôme d’ingénieur ne valide pas une formation juridique, ni une formation équivalente au sens de l’arrêté précité et ne correspond nullement aux exigences du diplôme national intitulé ‘maîtrise’.

Diplôme du C.E.I.P.I

Le diplôme d’Etudes internationales de la propriété  industrielle ‘Brevets d’Invention’ délivré par l’université Robert Schuman de Strasbourg ne peut pas plus être assimilé à une maîtrise de sciences et techniques des disciplines juridiques au sens de l’article 1-3° de l’arrêté du 25 novembre 1998, tel que modifié par l’arrêté du 21 mars 2007.

A noter que le C. E.I. P.I. forme également des juristes et délivre des diplômes universitaires de type ‘master’ spécialités droit de la propriété intellectuelle et valorisation des biens immatériels, droit de la propriété intellectuelle et commerce international, droit de la propriété intellectuelle et activités culturelles, propriété intellectuelle à orientation recherche.

Il découle de ce qui précède que la première des deux conditions cumulatives exigée pour l’application de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991, et énoncée à l’article 11, 2°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et à l’arrêté du 25 novembre 1998, modifié, relatif à l’obtention d’une maîtrise fait défaut de sorte que c’est en vain que l’examinateur de l’OEB a sollicité son inscription au Barreau de Versailles en application des dispositions de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT DU 31 MAI 2022

N° RG 21/05027

N° Portalis DBV3- V B7F UV22

AFFAIRE :

Y X A

Notifié le :

à

– Y X A,

– ORDRE DES AVOCATS DE VERSAILLES,

– LE PROCUREUR GÉNÉRAL,

– LE BÂTONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE VERSAILLES,

– Me Didier LIGER,

– Me Jeanne marie DELAUNAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE MARDI TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

DANS L’AFFAIRE

ENTRE :

Monsieur Y X A né le 06 Juin 1963 à …

Comparant et assisté de Me Didier LIGER, avocat – barreau de VERSAILLES (128)

APPELANT

ET :

ORDRE DES AVOCATS DE VERSAILLES

représenté par Me Jeanne Marie DELAUNAY, avocat – barreau de VERSAILLES (100)

INTIMÉ

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

pris en la personne de Mme Martine TRAPERO, Avocat général

PARTIE INTERVENANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue à l’audience solennelle du 23 Mars 2022, la cour étant composée de :

Monsieur Jean François BEYNEL, Premier Président,

Madame Anna MANES, Présidente de chambre,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Assistés de Madame Natacha BOURGUEIL, Greffier

Exposé des faits

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre du 4 juin 2021, reçue par l’ordre des avocats de la cour de Versailles le 7 juin suivant, M. A, domicilié …, Résidence Grand Siècle, à Versailles, a sollicité son inscription au Barreau de Versailles en application des dispositions de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

M. A est de nationalité française, il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur délivré par l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs en Génie Electrique le 6 janvier 1989, d’un diplôme d’Etudes internationales de la propriété  industrielle délivré par le Centre d’études internationales de la propriété  industrielle de Strasbourg le 20 septembre 1994. Le bulletin n° 3 de son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation.

L’instruction de son dossier, en particulier son audition, le 18 juin 2021, par un membre de la commission de l’exercice professionnel du barreau de Versailles, a permis de constater que M. A a exercé pendant 33 années dans une organisation internationale à La Haye (Pays Bas) au sein de l’office européen des brevets, en qualité d’examinateur ; que les diplômes obtenus par lui ne figurent pas sur la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession.

A l’occasion de cet entretien le 18 juin 2021, M. A a précisé que ses fonctions au sein de l’office européen des brevets consistaient à instruire les dossiers sur le plan technique ; les pièces communiquées à l’ordre le corroboraient.

En application de l’article 103 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, convoqué le 5 juillet 2021 par le conseil de l’ordre qui, le 21 juin 2021 s’était réuni et avait envisagé de refuser cette demande, M. A a communiqué à l’ordre les éléments complémentaires suivants : un extrait de la Convention du Brevet Européen, un extrait de la jurisprudence des chambres de recours de l’office européen des brevets, un arrêt de la Cour européenne de justice répondant à une question préjudicielle de la Cour de cassation du 17 décembre 2020 (dossier Z), les conclusions de l’avocat général dans cette affaire, un descriptif Wikipédia du métier de conseil en propriété intellectuelle .

Le conseil de l’ordre des avocats de la cour de Versailles a le 5 juillet 2021 :

– refusé la demande d’inscription de M. A au barreau de Versailles,

– notifié cette décision à M. A et au procureur général près la cour d’appel de Versailles.

M. A a interjeté appel de cette décision le 2 août 2021 à l’encontre de l’Ordre des avocats de Versailles.

Monsieur le Procureur Général a été avisé de cette procédure, en a reçu communication et a apposé son visa le 6 septembre 2021.

M. A, convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception a été avisé, le 10 février 2022, de cette convocation à son adresse située …, Résidence Grand Siècle à Versailles, mais n’a pas réclamé le pli.

L’ordre des avocats à la cour d’appel de Versailles, convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception, a été avisé de cette convocation le 10 février 2022 (pli distribué et signé par son destinataire à cette date).

Par d’uniques conclusions notifiées par la voie du réseau privé virtuel des avocats le 15 novembre 2021 reprises oralement auxquelles il convient de se référer, M. A invite cette cour, au fondement des articles 45 et 49 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne du 25 mars 1957, 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, 98 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, 93, 3° et 98-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, des dispositions de l’arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du 30 avril 2012 fixant le programme et les modalités de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l’article 98-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, à :

– annuler la décision du conseil de l’ordre des avocats au barreau de Versailles du 5 juillet 2021 ;

– ordonner son inscription au tableau de l’ordre des avocats au barreau de Versailles, sans délai après qu’il aura justifié avoir, conformément aux dispositions de l’article 93 3° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, subi avec succès l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l’article 98-1 du même décret, dont le programme et les modalités sont fixés par l’arrêté du 30 avril 2012 du Garde des Sceaux, organisé par le centre régional de formation professionnelle d’avocat de son choix.

Au soutien de ses prétentions, se fondant sur les dispositions des articles 11, 2°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, M. A prétend remplir l’ensemble des conditions posées par ces textes.

Ainsi, il fait valoir qu’il est titulaire du diplôme d’études internationales de la propriété  industrielle, délivré en 1994 par le Centre d’Etudes Internationales de la Propriété  Industrielle de Strasbourg (C. E.I. P.I.) (pièce 11) qui, au regard de l’examen du contenu des formations au sein du C. E.I. P.I. en vue de la délivrance du diplôme concerné, option ‘brevets d’invention’, et de l’objectif de la formation, fait, selon lui, partie des ‘maîtrises de sciences et techniques des disciplines juridiques’ au sens de l’article 1-3° de l’arrêté du 25 novembre 1998, tel que modifié par l’arrêté du 21 mars 2007. La condition de diplôme est dès lors, selon l’appelant, remplie.

S’agissant de la condition d’exercice d’activités juridiques pendant huit années au moins dans une administration ou un service public, ou une organisation internationale, prévue par l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat,

M. A soutient qu’il revient au conseil de l’Ordre saisi de la demande d’admission au barreau de rechercher la nature des activités réellement exercées par la démonstration d’une pratique professionnelle en matière juridique sous la forme de consultations, de rédactions d’actes ou de traitement de dossiers contentieux, preuve rapportée par la production d’attestations du ou des employeurs successifs. Selon lui, il n’est nullement exigé que les activités juridiques du fonctionnaire soient effectuées au sein d’un service juridique.

Il se prévaut de différents arrêts rendus par la Cour de cassation qui, selon lui, trouveraient à s’appliquer dans son espèce (1re Civ., 30 mai 1995, pourvoi n° 93-13.573, Bulletin 1995 I N° 223 ; 1re Civ., 14 novembre 1995, pourvoi n° 94-10.286, Bulletin 1995 I N° 411 ;1re Civ., 8 décembre 2009, pourvoi n° 08-70.088 ; 1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 15-10.159, Bull. 2016, I, n° 12).

Il fait en particulier valoir que la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence en ce que, après avoir considéré que l’application des dispositions de l’article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 précité, qui présentent un caractère dérogatoire aux règles d’accès à la profession d’avocat, telles qu’elles sont fixées par la loi, supposait que, dans l’exercice d’une activité professionnelle donnée, le candidat ait appliqué, pendant une durée suffisante, le droit national et que faute de démontrer l’avoir pratiqué, les dispositions dérogatoires précitées ne trouvaient pas à s’appliquer (1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-17.295 ou encore 1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-20.441), elle s’est interrogée sur la conformité de la législation nationale avec les règles du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et en particulier à ses articles 45 et 49 et a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) (1re Civ., 20 février

2019, pourvoi n° 17-21.006).

Il souligne que, à la suite de l’arrêt de la CJUE rendu le 17 décembre 2020 (Z contre le Conseil de l’ordre des avocats au barreau de Paris C-218/19), la Cour de cassation en a tiré les conséquences et jugé que ‘les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l’Union européenne, qui ont exercé en cette qualité au sein d’une institution européenne, ne peuvent se voir priver du bénéfice de l’article 98, 4°, en raison d’un exercice de leur activité en dehors du territoire français mais que, conformément à la réglementation nationale exigeant l’exercice d’activités juridiques dans le domaine du droit national, pour assurer la protection des justiciables et la bonne administration de la justice, il y a lieu de déterminer si leurs activités juridiques comportent une pratique satisfaisante du droit national et que, dans ces conditions, la réglementation nationale ne heurte pas les articles 45 et 49 du traité.’ ; que, relevant que ‘l’arrêt énonce d’abord, à bon droit, sans s’attacher au lieu d’exercice des activités juridiques, que les exigences posées par l’article 98, 4°, ne créent pas de conditions discriminatoires à l’accès à la profession d’avocat, sont justifiées pour protéger le justiciable et pour garantir, par une connaissance satisfaisante du droit national, l’exercice des droits de la défense et qu’elles sont limitées et proportionnées à l’objectif poursuivi (qu’il) constate, ensuite, que Mme Z remplit la condition de diplôme exigée et a travaillé pendant au moins huit ans dans différents services de l’Union européenne en qualité d’agent temporaire, de fonctionnaire stagiaire puis de fonctionnaire titulaire ; que cependant, examinant in concreto les travaux et missions qui lui avaient été confiés, (la Cour de cassation observe que) la cour d’appel a estimé que Mme Z ne justifiait d’aucune pratique du droit national, lequel, même s’il intègre nombre de règles européennes, conserve une spécificité et ne se limite pas à ces dernières, et en a justement déduit qu’elle ne remplissait pas la condition dérogatoire relative à l’exercice d’activités juridiques dans le domaine du droit national.’

M. A insiste sur le fait que la fonction d’examinateur de l’Office Européen des Brevets consiste bien en une activité technique et juridique dans le domaine de la propriété intellectuelle  (pièces 35 et 50).

Il précise avoir rempli pendant plus de trente années les fonctions d’examinateur au sein de cet office, lesquelles consistent à analyser juridiquement et techniquement les demandes de brevets présentées ; que le raisonnement juridique du droit des brevets mêle du droit et de la technique ; qu’il produit quatre exemples de procédures de demandes de brevet européen dans lesquelles il a été examinateur (pièce 27) et souligne que les décisions ainsi rendues ont servi de jurisprudence aux juges français dans les procès de contrefaçon dont les décisions sont rédigées de manière identique (pièces 46 à 48). Il produit, en particulier, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 octobre 2006 (pièce 46) dans lequel les juges français évoquent directement le travail des examinateurs de l’Office Européen des Brevets à savoir précisément la fonction qu’il a exercée, et la plaquette de présentation du site internet du cabinet Moutard, avocat à Versailles, mentionnant qu’il exerce dans le domaine de la propriété  industrielle et plus particulièrement dans l’exercice d’actions en contrefaçon (pièce 52) . Il indique ne plus exercer cette fonction depuis le 31 juillet 2021 (pièce 14).

Il insiste enfin sur le caractère inopérant des observations de Me Mandicas, dans ses notes au cours de l’entretien du 18 juin 2021, mentionnant qu’il ne faisait pas partie d’un ‘service juridique’ au sein de l’Office Européen des Brevets (pièce 29) ou dans sa note au conseil de l’Ordre mentionnant qu’ ‘il n’a jamais fait partie d’une structure juridique’ (pièce 30) dès lors que cette condition n’est pas exigée que les activités juridiques du fonctionnaire demandant le bénéfice de cette disposition soient effectuées au sein d’un service juridique ce que n’a pas manqué de relever la cour d’appel de Versailles dans son arrêt rendu le 17 décembre 1998.

Il précise, en réplique aux observations de l’ordre des avocats, qu’il était la première instance de la chambre des brevets et que ses décisions étaient susceptibles d’appel.

Il découle de ce qui précède, selon lui, que la décision déférée ne pourra qu’être annulée.

Par d’uniques conclusions notifiées le 3 mars 2022, reprises oralement auxquelles il convient de se référer, l’ordre des avocats de la cour d’appel de Versailles demande à la cour, au visa des dispositions de l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, 98 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, 1 de l’Arrêté du 25 novembre 1998 fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat, de :

– juger que M. A ne démontre pas qu’il satisfait aux conditions nécessaires pour être admis à s’inscrire au Barreau de Versailles ;

En conséquence,

– confirmer la décision rendue par le Conseil de l’Ordre des Avocats à la Cour de Versailles du 5 juillet en toutes ses dispositions

– débouter M. A de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

– condamner M. A aux éventuels dépens.

L’ordre des avocats réplique que la condition relative au diplôme fait en l’espèce défaut puisque le diplôme d’Etudes internationales de la propriété  industrielle délivrée par le C. E.I. P.I. obtenu en 1994 ne figure pas sur la liste des titres et diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat.

Il ajoute que, contrairement à ce que M. A prétend, le diplôme qu’il a obtenu ne peut pas être considéré comme une maîtrise de sciences et techniques des disciplines juridiques dès lors que le C. E.I. P.I. propose deux types de formations diplômantes selon que les candidats sont ingénieurs/scientifiques ou juristes. Pour les premiers, le C. E.I. P.I. propose un enseignement sanctionné par la délivrance d’un diplôme universitaire, le diplôme du C. E.I. P.I. ‘Brevet d’invention’ ou ‘marques, dessins, modèles’, qui n’est nullement présenté comme équivalent à une maîtrise en droit, alors que pour les juristes, le C. E.I. P.I. propose différents masters (maîtrise) de droit.

Motifs

1 L’ordre des avocats en conclut que la preuve est bien rapportée que le C. E.I. P.I. délivre des diplômes de maîtrise en droit, mais que celui de M. A, à savoir le diplôme d’études internationales de la propriété industrielle, s’il est bien un diplôme universitaire, ne correspond pas à une maîtrise en droit ce qui du reste n’y est pas mentionné.

Il s’ensuit, selon lui, que M. A ne démontre pas remplir la condition relative au diplôme.

2 S’agissant de l’exercice d’une activité juridique, l’ordre des avocats observe que l’activité de M. A en sa qualité d’examinateur consiste à instruire sur le plan technique les demandes de brevets. Il relève que dans les rapports de notations de l’intéressé, les compétences techniques de M. A sont spécialement louées (pièces adverses 16 à 26). Il ajoute que, au regard de ses rapports de notation, il comprend que M. A a pu participer à certaines divisions d’opposition qui procèdent, conformément aux dispositions de l’article 19 de la Convention sur le Brevet européen relatif à l’OEB (pièce 4). Dans ce cadre, lorsqu’il s’agit d’opposition aux brevets européens, trois examinateurs techniciens instruisent le dossier et si la nature de la décision l’exige la division peut être complétée par un examinateur juriste qui ne doit pas avoir participé à la procédure de délivrance du brevet (pièce 4). Au regard de ce texte, l’ordre des avocats soutient que le rôle d’examinateur est manifestement un rôle purement technique et que lorsque survient une difficulté juridique, le recours à un examinateur juriste est requis. Il souligne que M. A ne justifie pas avoir exercé les fonctions d’examinateur juriste ce qui suffit à démontrer qu’il ne répond pas aux exigences de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat. L’ordre des avocats précise encore qu’une instance s’apparentant à une juridiction au sein de l’OEB, qui sont des chambres de recours, existe et que là encore M. A ne démontre pas avoir été membre de cette chambre de recours.

L’ordre des avocats en déduit que l’argumentation développée par M. A selon laquelle son rôle au sein de l’OEB s’apparenterait à une activité juridique est fausse de sorte que, au regard de l’ensemble des développements qui précèdent, il demande à la cour de retenir que l’appelant ne démontre pas satisfaire aux conditions nécessaires pour être admis à s’inscrire au Barreau de Versailles et de confirmer la décision attaquée.

Le ministère public, qui n’a pas pris d’écritures, a développé oralement ses observations. Madame l’avocate générale fait en particulier valoir que le mot ‘maîtrise’ a un sens précis dans le code de l’éducation nationale, qu’il valide une année d’étude après la licence ; que la maîtrise se fond dans le master. Elle relève que le diplôme de M. A ne répond pas à cette définition ; qu’en page 5 de ses écritures, M. A précise avoir reçu une formation de 8 semaines seulement de sorte qu’il est manifeste que le diplôme de M. A ne peut pas être assimilé à une maîtrise.

S’agissant de la seconde condition, reprenant les énonciations de l’article 98 alinéa 4 précité, Madame l’avocate générale, observe qu’un examinateur au sein de cet organisme, ce qu’était M. A, n’exerce pas une activité juridique.

Elle indique encore que l’arrêt Z de la Cour de cassation ne s’applique pas en l’espèce dès lors que l’OEB n’est pas un des organes de l’Union européenne et que cette jurisprudence s’applique aux seuls fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l’Union européenne, qui ont exercé en cette qualité au sein d’une institution européenne.

3 En définitive, Madame l’avocate générale conclut que M. A ne remplit pas les conditions posées par l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat et sollicite la confirmation de la décision déférée.

SUR CE, LA COUR,

Sur le bien fondé de l’appel,

L’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose (souligné par la cour), en particulier, que ‘ Nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il ne remplit les conditions suivantes :

1° Etre français, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou ressortissant d’un Etat ou d’une unité territoriale n’appartenant pas à l’Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d’exercer sous les mêmes conditions l’activité professionnelle que l’intéressé se propose lui même d’exercer en France, sous réserve des décisions du conseil de l’Union européenne relatives à l’association des pays et territoires d’outre mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d’apatride reconnue par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

4 2° Etre titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l’application de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ;

3° Etre titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2°, ou, dans le cadre de la réciprocité, de l’examen prévu au dernier alinéa du présent article […]’.

L’arrêté du 25 novembre 1998 modifié par l’arrêté du 21 mars 2007 précise que ‘Sont reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat :

1° Les doctorats en droit ;

2° Le diplôme national de master en droit, les diplômes d’études approfondies (DEA) et les diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS) des disciplines juridiques ;

3° Les maîtrises de sciences et techniques des disciplines juridiques ;

4° Le diplôme de la faculté libre autonome et cogérée d’économie et de droit de Paris ;

5° Le titre d’ancien élève de l’Ecole nationale des impôts ayant suivi avec succès le cycle d’enseignement professionnel des inspecteurs élèves des impôts ;

6° Le titre d’ancien élève stagiaire du centre de formation des inspecteurs du travail et de la main d’oeuvre ou d’ancien élève de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ayant suivi avec succès le cycle de formation d’inspecteur stagiaire ou d’inspecteur élève du travail ;

7° Le titre d’ancien greffier en chef stagiaire des services judiciaires ayant suivi avec succès le cycle de formation initiale dispensé par l’Ecole nationale des greffes ;

8° Tout titre ou diplôme universitaire ou technique étranger exigé pour accéder à une profession juridique réglementée dans l’Etat où ce titre a été délivré ;

9° Les mentions « carrières judiciaires et juridiques et « droit économique du diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris.’

Selon l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat,

‘sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat :

4° Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale’.

5 Il résulte ainsi de la lecture combinée de ces dispositions que l’accession à la profession d’avocat de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 est réservé, en premier lieu, conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précité, aux titulaires d’une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents et, en second lieu, en particulier, aux fonctionnaires ou anciens fonctionnaires, ainsi qu’aux personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, notamment dans une organisation internationale. Ces deux conditions sont cumulatives.

La maîtrise est un diplôme national de l’enseignement supérieur français, créé en 1966 et validant une année d’étude après la licence, elle même délivrée après la validation d’une formation approfondie d’une durée de trois années. Avec la réforme licence master doctorat entre 2002 et 2006, la maîtrise se fond dans le master ; elle peut encore être délivrée sur demande comme diplôme intermédiaire.

M. A justifie être titulaire d’un diplôme d’ingénieur délivré par l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs en Génie électrique et d’un diplôme d’Etudes internationales de la propriété  industrielle ‘Brevets d’Invention’ délivré par l’université Robert Schuman de Strasbourg.

6 Le premier diplôme ne répond manifestement pas à la définition de ‘maîtrise en droit’ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents au sens de l’article 11, 2°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l’arrêté du 25 novembre 1998, modifié, en ce que le diplôme d’ingénieur ne valide pas une formation juridique, ni une formation équivalente au sens de l’arrêté précité et ne correspond nullement aux exigences du diplôme national intitulé ‘maîtrise’.

Contrairement à ce que soutient M. A, le second diplôme ne peut pas plus être assimilé à une maîtrise de sciences et techniques des disciplines juridiques au sens de l’article 1-3° de l’arrêté du 25 novembre 1998, tel que modifié par l’arrêté du 21 mars 2007. En effet, M. A explique lui même que son diplôme d’Etudes internationales de la propriété industrielle ‘Brevets d’Invention’ délivré par l’université Robert Schuman de Strasbourg a été obtenu (souligné par la cour) ‘en 1994, après une formation de cycle court de huit semaines destinée aux ingénieurs et scientifiques ayant une expérience professionnelle’ (page 5, point 4, des écritures de M. A).

7 Les productions de M. A (pièces 42 à 45) montrent que le C. E.I. P.I. forme également des juristes et délivre des diplômes universitaires de type ‘master’ spécialités droit de la propriété intellectuelle et valorisation des biens immatériels, droit de la propriété intellectuelle et commerce international, droit de la propriété intellectuelle et activités culturelles, propriété intellectuelle à orientation recherche. Il est incontestable que M. A ne dit pas avoir reçu ces formations ni obtenu ce type de diplômes.

Il découle de ce qui précède que la première des deux conditions cumulatives exigée pour l’application de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991, et énoncée à l’article 11, 2°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et à l’arrêté du 25 novembre 1998, modifié, relatif à l’obtention d’une maîtrise fait défaut de sorte que c’est en vain que M. A sollicite son inscription au Barreau de Versailles en application des dispositions de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

La décision déférée sera dès lors confirmée.

Au surplus, s’agissant de la seconde condition, à savoir l’exercice d’activités juridiques pendant huit années au moins dans une administration, un service public ou une organisation internationale, il n’apparaît pas des productions que M. A, en sa qualité d’examinateur, instruisait juridiquement des demandes de brevets, mais sur le plan technique seulement même si à cette occasion, il pouvait être fait appel à des connaissances juridiques.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la portée de l’arrêt Z, que c’est en vain que M. A sollicite son inscription au Barreau de Versailles en application des dispositions de l’article 98, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991.

La décision déférée sera confirmée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

CONFIRME la décision du conseil de l’ordre des avocats de la cour de Versailles rendue le 5 juillet 2021, qui rejette la demande d’inscription de M. A au titre de l’article 98 alinéa 4 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ;

CONDAMNE M. A aux dépens de l’instance.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Monsieur Jean François BEYNEL, premier président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Premier Président,

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