Propriété intellectuelle : Rémunération occulte de l’auteur

Notez ce point juridique

La vérification de comptabilité de la SARL AIK a permis de constater que cette dernière a comptabilisé, au titre de chacun des exercices vérifiés, des droits d’auteur versés par chèques à un artiste plasticien, pour des montants supérieurs au montant annuel facturé de 318 945 euros, pour les années 2010 et 2011.L’administration établit que le contrat de travail liant l‘artiste à la SARL AIK ne prévoit pas le versement d’avances sur des droits futurs et que la société AIK n’a pas justifié de la contrepartie qu’elle tirerait du versement de ces sommes à l‘artiste A.

L’accroissement du solde du compte en cause démontre que l‘artiste perçoit des sommes de la part de la SARL AIK sans autre contrepartie comptable que le décaissement de ces sommes.

L’appréhension de ces sommes n’a pas été contestée par l‘artiste. Dès lors, l’administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que le surplus versé à l‘artiste, pour des montants de 108 928 euros au titre de l’année 2010 et de 57 322 euros pour 2011, correspondait à une rémunération occulte imposable entre les mains de son bénéficiaire sur le fondement du c de l’article 111 du code général des impôts.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

CAA de NANTES

1ère chambre, 7 octobre 2021

N°20NT01001, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et la décharge de la cotisation de contribution sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2011.

Par un jugement n° 1702685 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en décharge des contributions sociales, auxquelles M. A. a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, à hauteur de respectivement 13 660 euros en droits, 6 940 euros en pénalités et 14 496 euros en droits et 6 668 euros en pénalités (article 1er), a réduit les bases de l’impôt sur le revenu et des contributions sociales fixées à M. A. au titre de l’année 2010 de la somme de 275 835 euros, et a réduit les bases de l’impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus fixées à M. A. au titre de l’année 2011 de la somme de 287 586 euros (article 2), a déchargé M. A. des cotisations à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2010 correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 2, ainsi que des pénalités correspondantes (article 3), a déchargé M. A. des cotisations à l’impôt sur le revenu, aux contributions sociales et à la contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2011 correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 2, ainsi que des pénalités correspondantes (article 4), a déchargé M. A. du surplus des majorations pour manquement délibéré auxquelles il a été assujetti (article 5) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A. (article 6).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars 2020 et 24 mars 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d’annuler les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement attaqué, de remettre à la charge de M. A., en droits et pénalités, les cotisations à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales correspondant à un rehaussement de base de 275 835 euros au titre de l’année 2010, de remettre à la charge de M. A., en droits et pénalités, les cotisations à l’impôt sur le revenu, aux contributions sociales et à la contribution sur les hauts revenus correspondant à un rehaussement de base de 287 586 euros au titre de l’année 2011 et de remettre à la charge de M. A. le surplus des majorations pour manquement délibéré dont il a été déchargé ;

2°) à titre subsidiaire, d’annuler les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement attaqué, de remettre à la charge de M. A., en droits et pénalités, la cotisation à l’impôt sur le revenu correspondant à un rehaussement de base de 275 835 euros au titre de l’année 2010, ainsi que les cotisations à l’impôt sur le revenu et à la contribution sur les hauts revenus correspondant à un rehaussement de base de 287 586 euros au titre de l’année 2011 et de remettre à la charge de M. A. le surplus des majorations pour manquement délibéré dont il a été déchargé ;

3°) de rejeter les conclusions d’appel incident présentées par M. A..

Il soutient que :

 – à titre principal, la proposition de rectification était suffisamment motivée et M. A. n’a été privé d’aucune garantie ;

 – à titre subsidiaire, il est demandé, par une substitution de base légale, que M. A. soit rétabli, à hauteur de 275 835 euros en 2010 et 287 586 euros en 2011, au rôle de l’impôt sur le revenu au titre des droits d’auteur imposables dans la catégorie des traitements et salaires, conformément à la déclaration initiale de M. A. et dès lors que l’assujettissement de ces sommes à l’impôt sur le revenu n’est pas contesté par l’intéressé ;

 – compte tenu du caractère répété des infractions, de l’importance des sommes en jeu et de l’élément intentionnel démontré en l’espèce, les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées ;

 – s’agissant de la réponse aux conclusions en appel incident présentées par M. A. :

 – l’administration a omis de dégrever, en exécution du jugement attaqué, les prélèvements sociaux et les pénalités afférentes correspondant aux sommes dont la qualification de droits d’auteur a été remise en cause et un dégrèvement complémentaire, d’un montant total de 125 597 euros, a donc été prononcé le 9 novembre 2020 ; la cour devra donc prononcer un non-lieu à statuer à hauteur des sommes dégrevées au titre des prélèvements sociaux et des pénalités afférentes, soit 33 927 euros en droits et 25 521 euros en pénalités pour l’année 2010, et 40 526 euros en droits et 25 623 euros en pénalités pour 2011, et, pour le surplus, le dégrèvement a déjà été prononcé et a fait l’objet d’un ordonnancement ;

 – M. A. s’est vu notifier des rehaussements à l’impôt sur le revenu dans le cadre d’un contrôle sur pièces et non à la suite d’un examen de sa situation fiscale et il ne peut donc pas opposer les termes de la charte du contribuable vérifié à l’administration ; la commission départementale n’est pas compétente pour examiner les désaccords relatifs à des sommes imposées en tant que revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement, comme en l’espèce, du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ou du c de l’article 111 du même code ;

 – les autres moyens soulevés par M. A. ne sont pas fondés et doivent être écartés.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2020, et un mémoire enregistré le

11 avril 2021 qui n’a pas été communiqué, M. A., représenté par Me Derouin :

1°) conclut au rejet de la requête du ministre ;

2°) demande à la cour, par la voie de l’appel incident, d’annuler l’article 6 du jugement attaqué et de prononcer la décharge de l’intégralité des impositions et pénalités subsistantes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – le ministre fait état du dégrèvement prononcé par le service le 17 février 2020 mais ce dégrèvement est incomplet ;

 – la proposition de rectification n’était pas suffisamment motivée ;

 – il appartenait aux inspectrices des impôts de Quimper de compléter le « contrôle sur pièces » réduit à une simple copie de la proposition faite à la société AIK sans examen des pièces citées en lui demandant, conformément au troisième alinéa de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, des éclaircissements et des justifications sur chacune de ces dépenses et en lui laissant le temps approprié pour y répondre ;

 – il aurait dû être invité à demander la saisine de la commission départementale des impôts pour la société AIK versante et il peut se prévaloir de l’instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-60-20120912 ;

 – l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu ;

 – l’octroi des avances sur frais d’auteur, même au-delà du montant des annuités de droits d’auteur, n’entraînait ni désinvestissement ni appauvrissement de l’entreprise ;

 – l’assujettissement à l’impôt sur le revenu et autres contributions du paiement direct ou du remboursement des notes de frais et les dépenses réglées par carte bancaire par la société AIK n’est pas justifié ;

 – aucune pénalité ni intérêt de retard n’est applicable à raison des sommes déclarées par le contribuable, dès lors que l’impôt sur le revenu est unique et qu’il n’en résulte aucune insuffisance de déclaration ;

 – les moyens soulevés par le ministre de l’économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés et doivent être écartés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Picquet,

 – les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique ;

 – et les observations de Me Derouin, représentant M. A..

Considérant ce qui suit :

1. M. A., qui exerce la profession de plasticien, a conclu en décembre 1999 un contrat de travail avec la société à responsabilité limitée (SARL) AIK dont le siège social est situé à Vincennes. Ce contrat prévoit le versement à son profit de droits d’auteur qui ont été imposés selon les règles prévues en matière de traitements et salaires en application du 1 quater de l’article 93 du code général des impôts. La SARL AIK a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause le caractère déductible de charges regardées comme non engagées dans l’intérêt de l’entreprise ou comme non justifiées, dont M. A. a été considéré comme étant le bénéficiaire. L’administration lui a adressé, le 25 septembre 2013, une proposition de rectification l’informant, selon la procédure contradictoire, de son intention de procéder à l’imposition des sommes correspondant à ces charges en tant que revenus distribués, pour la plupart d’entre elles sur le fondement du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts et pour les autres sur celui du c de l’article 111 du même code. Le contribuable a contesté ces rectifications dans ses observations du

9 décembre 2013, auxquelles l’administration a répondu le 20 mars 2014 en ne procédant qu’à une rectification marginale des montants pris en compte pour l’un des chefs de rectification. Par un courrier du 23 mai 2014, M. A. a demandé la communication des pièces fondant les rectifications qui avaient été obtenues de tiers. L’administration a répondu à ce courrier le 17 juillet 2014. Les cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu, à la contribution sur les hauts revenus et aux contributions sociales ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2014. M. A. en a sollicité la décharge dans une réclamation du 6 mars 2015, qui a été rejetée par l’administration le 7 avril 2017. Il en a demandé la décharge devant le tribunal administratif de Rennes. Par un jugement du 20 novembre 2019, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en décharge des contributions sociales, auxquelles M. A. a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, à hauteur de respectivement 13 660 euros en droits, 6 940 euros en pénalités et 14 496 euros en droits et 6 668 euros en pénalités (article 1er), a réduit les bases de l’impôt sur le revenu et des contributions sociales fixées à M. A. au titre de l’année 2010 de la somme de 275 835 euros, et a réduit les bases de l’impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus fixées à M. A. au titre de l’année 2011 de la somme de 287 586 euros (article 2), a déchargé M. A. des cotisations à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2010 correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 2, ainsi que des pénalités correspondantes (article 3), a déchargé M. A. des cotisations à l’impôt sur le revenu, aux contributions sociales et à la contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2011 correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 2, ainsi que des pénalités correspondantes (article 4), a déchargé M. A. du surplus des majorations pour manquement délibéré auxquelles il a été assujetti (article 5) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A. (article 6). D’une part, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour l’annulation des articles 2, 3, 4 et 5 du jugement attaqué. D’autre part, par la voie de l’appel incident, M. A. demande l’annulation de l’article 6 du jugement attaqué et de prononcer la décharge de l’intégralité des impositions et pénalités subsistantes.

Sur les conclusions présentées par le ministre de l’économie, des finances et de la relance :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

2. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) ».

3. Les droits d’auteur à verser à M. A., tels que prévus par son contrat de travail avec la société AIK, hors droits dérivés, devaient être calculés par cette dernière et réglés au fur et à mesure de la perception des sommes par la société. Toutefois, a été présentée à l’administration une facture globale, d’un montant de 318 945 euros au titre de chacun des exercices. Estimant que la facturation ne pouvant, au vu du contrat de travail, être opérée de façon forfaitaire, le service l’a écartée et a calculé, à partir des factures clients examinées sur place, les droits d’auteur réellement dus selon elle à M. A.. Le vérificateur a compilé, dans l’annexe 8 jointe à la proposition de rectification qui a été adressée à M. A., les droits d’auteur justifiés par les éléments relevés lors de l’examen de la comptabilité de la société AIK. Le service a toutefois considéré que la différence constatée entre la facture globale de M. A., d’un montant de 318 945 euros au titre de chacun des exercices, et le montant des droits d’auteur justifiés, devait être réintégrée dans le résultat imposable de la SARL AIK et, à concurrence des mêmes montants, distribuée entre les mains de son bénéficiaire, M. A.. La proposition de rectification mentionne qu’ont été retenues « les factures permettant l’identification du type de droits d’auteur et dont le détail est repris en annexe 8. (…) ». La liste figurant à l’annexe 8 mentionne les numéros, les dates et montants des factures et précise le type de droits d’auteur et leurs montants. Toutefois, elle ne précise pas les clients en cause, les opérations ou les lieux d’intervention, alors que les projets sur lesquels M. A. a travaillé pendant l’année étaient mentionnés sur chacune des factures d’annuité forfaitaire que le requérant avait établies. En outre, M. A., qui n’était ni gérant ni associé de la SARL AIK, n’avait pas accès à ces factures établies par la SARL AIK à destination des clients de cette dernière et retenues ou exclues par le vérificateur. Enfin, il résulte de l’instruction qu’il n’a pas été fait droit à la demande de communication de ces factures, présentée par M. A., dès lors que ces factures n’ont pas fait l’objet de copies mais d’un relevé sur place. Dès lors, la proposition de rectification ne comportait pas des indications suffisantes pour permettre à M. A. d’engager valablement une discussion avec l’administration, conformément aux dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par conséquent, le ministre n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Rennes a accueilli le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la proposition de rectification en ce qui concerne la remise en cause du montant des droits d’auteur facturés par M. A. à la SARL AIK.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions relatives aux droits d’auteur :

4. L’administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse y compris pour la première fois en appel, invoquer tout moyen nouveau propre à donner un fondement légal à une imposition contestée devant le juge de l’impôt, à la condition qu’elle ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande, à titre subsidiaire, de substituer à la base légale initialement retenue des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers celle des traitements et salaires. Il est constant que les sommes respectivement de 275 835 euros au titre de l’année 2010 et de 287 586 euros au titre de l’année 2011, ont été déclarées par M. A. à l’impôt sur le revenu, dans les montants de traitements et salaires, au titre de ses droits d’auteur. Ces sommes avaient été minorées par l’administration pour les motifs indiqués au point 3, en l’absence de factures justificatives. Par suite et dès lors que la substitution de base légale n’a pour effet de priver le requérant d’aucune garantie et que l’administration dispose du même pouvoir d’appréciation pour appliquer l’une ou l’autre de ces deux catégories d’imposition, il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution et de réintégrer dans la base imposable à l’impôt sur le revenu de M. A., dans la catégorie « traitements et salaires », en droits, la somme de 275 835 euros au titre de l’année 2010 et de réintégrer dans la base imposable à l’impôt sur le revenu de M. A. et à la contribution sur les hauts revenus, dans la catégorie « traitements et salaires », en droits, la somme de

287 586 euros au titre de l’année 2011.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

5. Alors même que le seuil du vingtième de la base d’imposition reste dépassé avec les rectifications maintenues, et ce malgré l’exclusion, pour apprécier si ce seuil est atteint, des droits d’auteur qui avaient été déclarés dans les délais, comme il a été dit au point 4, M. A. n’en est pas moins fondé à soutenir qu’aucun intérêt de retard n’est dû à raison de ces sommes dès lors qu’il les avait déclarées.

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

6. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) ».

7. L’administration fait valoir que M. A. a perçu des sommes importantes, de manière directe, en remboursement des notes de frais présentées mais dont le caractère professionnel a été remis en cause, ou indirecte, en utilisant la carte de paiement de la société pour payer des dépenses à caractère personnel, pour des montants de 43 348 euros en 2010 et 68 114 euros en 2011. Par ailleurs, M. A. a perçu des sommes par la SARL AIK sans justificatifs, en plus de ses droits d’auteur, à concurrence de 127 078 euros et de 68 144 euros en 2011. Enfin, M. A. a déjà fait l’objet de rectifications concernant le remboursement de notes de frais non justifiés ou ses droits d’auteur en ce qui concerne des années antérieures et ne pouvait donc pas ignorer les modalités d’imposition des sommes correspondantes. L’administration doit dès lors être regardée comme apportant la preuve des manquements délibérés de M. A. justifiant les pénalités qui lui ont été infligées, excepté celles relatives aux droits d’auteur, dès lors que, comme il a été dit au point 4, ces sommes avaient été déclarées dans les délais par M. A. à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie de traitements et salaires.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a réduit les bases de l’impôt sur le revenu fixées à M. A. de la somme de 275 835 euros au titre de l’année 2010, a réduit les bases de l’impôt sur le revenu et de la contribution sur les hauts revenus fixées à M. A. de la somme de 287 586 euros au titre de l’année 2011, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, correspondante, à l’exception des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré liés aux droits d’auteur.

Sur les conclusions d’appel incident présentées par M. A. :

En ce qui concerne l’étendue du litige :

9. Dans ses écritures en appel, le ministre a reconnu qu’il avait omis de dégrever, en exécution du jugement attaqué, les prélèvements sociaux et les pénalités afférentes correspondant aux sommes dont la qualification de droits d’auteur a été remise en cause, comme mentionné au point 3 du présent arrêt. Un dégrèvement complémentaire, d’un montant total de 125 597 euros, soit 59 448 euros en droits et pénalités au titre de l’année 2010 et 66 149 euros en droits et pénalités au titre de l’année 2011, a donc été prononcé le 9 novembre 2020, soit postérieurement à l’enregistrement des conclusions d’appel incident présentées par M. A.. Les conclusions d’appel incident de M. A. sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n’y a plus lieu d’y statuer.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

10. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d’écarter le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la proposition de rectification concernant les autres chefs de rectification que celui mentionné au point 3 et les moyens tirés de ce que M. A. aurait dû être invité à demander la saisine de la commission départementale des impôts pour la société AIK versante et de ce qu’il peut se prévaloir de l’instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-60-20120912.

11. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : « L’administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l’établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle également les documents déposés en vue d’obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (…) ». Ces dispositions n’obligent pas l’administration à demander des renseignements au contribuable avant de procéder à des opérations de contrôle. Dès lors, M. A. ne peut utilement soutenir qu’il appartenait aux inspectrices des impôts de Quimper de compléter le contrôle sur pièces en lui demandant des éclaircissements et des justifications sur chacune de ces dépenses et en lui laissant le temps approprié pour y répondre.

12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ». L’obligation de communication ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. D’une part, l’administration a donc pu à bon droit, répondre à M. A., s’agissant des factures en annexe 8 de la proposition de rectification, qu’elles ne pouvaient pas lui être communiquées car elle les avait consultées sur place, sans en faire de copie. Il en est de même des échanges oraux avec le gérant de la société AIK, qui n’ont pas été transcrits sur un support distinct. D’autre part, il résulte de l’instruction qu’en réponse à une demande du contribuable du 23 mai 2014, le service a produit l’ensemble des éléments dont il avait une copie, en annexe à son courrier du 17 juillet 2014, et notamment de nombreuses factures. Si M. A. soutient que, l’objet du litige portant sur le lien entre les dépenses en question et son activité professionnelle et artistique, les éléments justificatifs se trouvaient dans chacun des dossiers de projet et non pas dans la comptabilité qui lui a été transmise, il ne produit aucun élément de nature à établir ses allégations. Enfin, le traitement comptable appliqué par la société AIK aux notes de frais de M. A. ressort des motifs de la proposition de rectification adressée au requérant et les annexes 4 et 5 en cause identifient chacune des dépenses litigieuses qui ont été comptabilisées par la SARL AIK à partir des factures que M. A. lui avait communiquées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

13. En premier lieu, aux termes de l’article 109 du code général des impôts :

 » 1. Sont considérés comme revenus distribués : /1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (…) « .

14. L’administration fait valoir que la remise en cause du caractère professionnel des dépenses détaillées dans les tableaux 4 et 5 joints en annexe de la proposition de rectification, correspondant aux notes de frais adressées par M. A. et aux dépenses réglées par M. A. avec la carte bancaire de la société AIK, n’a pas été contestée par la SARL AIK. La société n’a pas davantage été en mesure de justifier le caractère professionnel des sommes non admises en déduction de son résultat au titre de notes de frais ou de dépenses à caractère personnel. Si M. A. soutient qu’en regard des tableaux constituant les annexes 4 et 5 de la proposition de rectification adressée à la société AIK, il a porté les informations relatives aux circonstances de chaque dépense, notamment en liaison avec les projets alors en cours de la société AIK, les seules indications très brèves qu’il a portées dans un tableau, sans aucun justificatif, ne suffisent pas à conférer un caractère professionnel à ces dépenses. En outre, concernant les frais de taxi entre le siège de la société AIK et le domicile parisien de M. A., les déplacements exposés par un salarié entre son domicile et son lieu de travail constituent des frais inhérents à l’emploi, couverts en principe par la déduction forfaitaire de 10 % prévue au 3° de l’article 83 du code général des impôts, et l’administration fait valoir sans être contredite qu’il n’est pas établi que cette déduction de 10 % ne couvrait pas les frais de transport de M. A.. Dès lors, c’est à bon droit que l’administration a considéré que ces frais constituaient des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts.

15. En second lieu, aux termes de l’article 111 du code général des impôts :  » Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (…) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (…) « . La vérification de comptabilité de la SARL AIK a permis de constater que cette dernière a comptabilisé, au titre de chacun des exercices vérifiés, des droits d’auteur versés par chèques à M. A. pour des montants supérieurs au montant annuel facturé de 318 945 euros, pour les années 2010 et 2011. L’administration établit que le contrat de travail liant M. A. à la SARL AIK ne prévoit pas le versement d’avances sur des droits futurs et que la société AIK n’a pas justifié de la contrepartie qu’elle tirerait du versement de ces sommes à M. A.. L’accroissement du solde du compte en cause démontre que M. A. perçoit des sommes de la part de la SARL AIK sans autre contrepartie comptable que le décaissement de ces sommes. L’appréhension de ces sommes n’a pas été contestée par M. A.. Dès lors, l’administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que le surplus versé à M. A., pour des montants de 108 928 euros au titre de l’année 2010 et de 57 322 euros pour 2011, correspondait à une rémunération occulte imposable entre les mains de son bénéficiaire sur le fondement du c de l’article 111 du code général des impôts.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté, dans son article 6, le surplus de sa demande de décharge des cotisations litigieuses. Par conséquent, ses conclusions, y compris celles relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions d’appel incident de M. A. concernant les cotisations à l’impôt sur le revenu, en pénalités, et aux prélèvements sociaux à concurrence de la somme de 59 448 euros au titre de l’année 2010 et 66 149 euros au titre de l’année 2011.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 20 novembre 2019 du tribunal administratif de Rennes sont annulés en tant qu’ils ont réduit les bases de l’impôt sur le revenu fixées à M. A. de la somme de 275 835 euros au titre de l’année 2010, en tant qu’ils ont réduit les bases de l’impôt sur le revenu et de la contribution sur les hauts revenus fixées à M. A. de la somme de 287 586 euros au titre de l’année 2011, en tant qu’ils ont déchargé M. A. des cotisations à l’impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2010 correspondant à cette réduction de la base d’imposition et en tant qu’ils ont déchargé M. A. des cotisations à l’impôt sur le revenu et à la contribution sur les hauts revenus ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2011 correspondant à cette réduction de la base d’imposition.

Article 3 : Les cotisations, en droits et intérêts de retard, correspondant au rétablissement mentionné à l’article 2 sont remises à la charge de M. A., excepté les intérêts de retard liés aux droits d’auteur déclarés.

Article 4 : L’article 5 du jugement du 20 novembre 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé et le surplus des majorations pour manquement délibéré auxquelles M. A. a été assujetti est remis à sa charge, excepté celles relatives aux droits d’auteur.

Article 5 : Le surplus des conclusions du ministre de l’économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par M. A. sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à M. A… A..

Délibéré après l’audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

— M. Bataille, président de chambre,

 – M. Geffray, président assesseur,

 – Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

La rapporteure,

P. Picquet

Le président,

F. Bataille

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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