De jurisprudence constante, une réorganisation de l’entreprise ne constitue un motif de licenciement économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi. Dans le cadre d’un licenciement économique, aucun élément financier n’a démontré un quelconque impact de la rupture de l’accord SACEM/SACD sur le montant des droits d’auteurs recouvrés par la SACD dans le répertoire de l’humour et des one man show, sa compétitivité n’a pas été jugée menacée.
La SACD ne justifiait donc pas qu’une réorganisation était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Aussi, le motif économique du licenciement d’un délégué de la SACD était établi (licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Pour mémoire, selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.
Il résulte de l’article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. A défaut, le licenciement n’est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le juge prud’homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation. Le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge d’opérer ces vérifications.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 18 Novembre 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/10289 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LF3
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS section RG n° F15/05977
APPELANT
M. Y X
[…]
[…]
Représenté par Me Emmanuelle BOMPARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0008
INTIMEE
Société civile des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[…]
[…]
Représentée par Me Isabelle BENISTY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0079
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
— CONTRADICTOIRE,
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
— signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE :
Selon contrat de travail en date du 1er janvier 2005, M. X a été engagé en qualité de délégué régional mixte par la société des auteurs et compositeurs dramatiques (Sacd).
M. X a bénéficié d’un contrat de travail distinct avec la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem).
A la suite de la rupture de ses relations avec la Sacem, la Sacd a décidé de supprimer les postes de délégués régionaux mixtes.
Une procédure de licenciement collectif économique a été mise en oeuvre et a concerné cinquante-six délégués régionaux mixtes.
Le licenciement de M. X lui a été notifié par lettre du 22 mai 2014.
Contestant le bienfondé de son licenciement, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 22 mai 2015 aux fins d’obtenir la condamnation de la Sacd au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement de départage en date du 15 juin 2018, le conseil de prud’hommes a:
rejeté les demandes de M. X ;
rejeté la demande reconventionnelle de la Sacd au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que la rupture de la convention entre la Sacem et la Sacd a impliqué pour cette dernière, hébergée par la Sacem en régions, de trouver de nouveaux locaux pour les salariés, que la Sacd ne pouvait procéder immédiatement à la recherche de nouveaux locaux pour les cinquante-six délégués mixtes de province et que la réorganisation et la centralisation, qui ont impliqué la suppression des délégations en province, étaient donc nécessaires à la sauvegarde de la société.
Le 24 août 2018, M. X a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DE PARTIES :
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 22 octobre 2020, M. X demande à la cour de :
constater que le licenciement pour motif économique dont il a fait l’objet ne repose sur aucun caractère réel et sérieux ;
constater que la Sacd a pris l’engagement unilatéral de verser une indemnité à l’ensemble des délégués régionaux mixtes licenciés pour motif économique dans le cadre des réunions de négociation sur le PSE avec les représentants du personnel et ce en sus de l’indemnité légale de licenciement ;
constater l’absence de reclassement ;
constater que la Sacd n’a pas mis en place d’ordre des licenciements ;
constater la différence de traitement dont il a fait l’objet à la différence des délégués régionaux dits exclusifs ;
Par conséquent,
condamner la Sacd à lui verser les sommes suivantes :
46.260 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (dix mois de salaire) ;
41.634 euros au titre de l’application de l’engagement unilatéral pris dans le cadre des négociations du PSE mis en oeuvre par la Sacd ;
4.626 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d’information sur le Droit Individuel à la Formation (DIF) ;
5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité de résultat ;
5.000 euros au titre de l’indemnisation liée à la requalification du statut d’employé en celui de cadre ;
5.000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’ordre des licenciements ;
En tout état de cause,
ordonner à la Sacd de modifier les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;
condamner la Sacd à lui verser la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la Sacd aux entiers dépens.
Pour conclure ainsi, M. X fait valoir qu’en ayant refusé de remettre la copie des transactions conclues avec une cinquantaine d’anciens délégués régionaux mixtes licenciés pour motif économique, et malgré les sommations, la Sacd a souhaité laisser planer le doute sur l’engagement unilatéral qu’elle a pris, engagement ayant entrainé la conclusion desdites transactions avec chaque collaborateur ancien délégué régional mixte.
Il soutient que l’emploi au sein de la Sacem et de la Sacd a toujours formé un tout puisque qu’il générait deux rémunérations distinctes mais liées par les fonctions de délégués régionaux Sacem et Sacd, qu’ils avaient chacun une existence indépendante avec l’obligation pour chacune des sociétés de respecter la législation du travail, chaque salarié et chaque entreprise devant par ailleurs respecter une obligation de loyauté.
M. X indique qu’il n’existait aucun motif économique réel et sérieux en ce que le péril que la
Sacd a invoqué n’était nullement rapporté et en ce qu’elle s’est révélée particulièrement florissante en 2015 après la réduction drastique de personnel, les licenciements ayant été décidés à des fins d’augmentation de sa profitabilité.
Il indique que la Sacd n’a nullement justifié de la nécessité de la réorganisation qu’elle a opérée dans le but de sauvegarder sa compétitivité, et que la suppression de ces postes a en réalité été engendrée par la rupture des liens contractuels entre la Sacem et la Sacd.
Il souligne également que la perte de confiance de la Sacd à l’égard de la Sacem, et par extension à l’égard des collaborateurs du réseau mixte, constitue le véritable motif de licenciement.
Il précise que le présent litige n’est pas identique à sa saisine du Tribunal administratif aux fins de voir prononcer la nullité du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), dans la mesure où il conteste l’application individuelle des mesures de reclassement qui lui ont été proposées et n’a pas remis en question la validité du plan de reclassement inclus dans le PSE.
M. X fait observer que la Sacd a imposé une condition pour l’application de l’obligation de reclassement, celle de quitter préalablement son emploi à la Sacem, ce qui constitue une condition préalable rendant la mesure de reclassement inopérante, et que les propositions faites ultérieurement par la société affichaient un caractère clairement insuffisant.
Il invoque également l’absence de fixation de l’ordre des licenciements ainsi qu’une différence de traitement.
En dernier lieu, le concluant dénonce la nouvelle politique de recrutement de la Sacd en ce que cette dernière s’est lancée dans une nouvelle campagne de recrutement de nouveaux délégués régionaux, en ayant diffusé le 26 janvier 2016 des annonces pour des représentants légaux.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 octobre 2020, la société Sacd demande à la cour de :
déclarer M. X mal fondé en son appel sur les différents chefs du jugement critiqués rendu par le conseil de prud’hommes ;
confirmer le jugement en toutes ses dispositions et en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner M. X à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.
Pour conclure ainsi, la société Sacd fait valoir que la situation critique héritée de la dénonciation du protocole par la Sacem la privant, à compter du 1er juillet 2014, du système de mutualisation des moyens mis à sa disposition par cette dernière et dans le cadre duquel s’exerçait l’emploi de l’ensemble des délégués régionaux mixtes, a rendu indispensable la mise en place d’une nouvelle organisation afin de sauvegarder la continuité de son activité de perception de droits d’auteur du spectacle vivant en province et représentant pas moins de vingt-cinq millions d’euros de ressources sur un ratio de soixante-et-un millions dans ce domaine et de cent quatre-vingt-cinq millions de perceptions générales.
Elle affirme qu’il existait une menace pesant sur sa compétitivité résultant de la modification de son environnement du fait de la rupture de son partenariat avec la Sacem et de la nécessité de procéder à une réorganisation de son mode de perceptions des droits d’auteurs en province afin d’assurer la sauvegarde de son activité.
La société Sacd soutient qu’elle n’a pas été à l’origine de la rupture avec la Sacem et qu’elle n’a par ailleurs jamais fait état de difficultés économiques mais de la nécessité de parer à un risque avéré de perte de recette en découlant.
Concernant la nouvelle politique de recrutement, elle ajoute que les éléments nouveaux produits par M. X pour en justifier sont postérieurs de plus d’un an et demi à la notification du licenciement mais surtout, qu’elle n’a procédé à aucun recrutement sur les emplois de délégués régionaux mixtes.
La société Sacd conteste l’argument de M. X sur la poursuite et la prétendue reprise d’une collaboration avec la société Sacem.
La concluante soutient que l’inspection du travail, par décision du 19 juin 2015, l’a expressément autorisée à procéder aux licenciements économiques de salariés protégés en considérant que la réalité du motif économique invoqué par l’employeur était parfaitement établi.
Sur la contestation de l’application des mesures individuelles de reclassement, la société Sacd souligne le fait qu’elle n’a jamais entendu imposer aux salariés concernés une quelconque démission de leurs emplois Sacem, qu’il n’a jamais été question d’exclure les délégués régionaux mixtes du bénéfice des dispositions du PSE mais en revanche, que les seuls emplois disponibles ne concernaient que des emplois à temps complet basés au siège parisien de la Sacd.
Elle indique que les postes proposés dans la liste correspondaient en grande partie au c’ur de métier de M. X mais que ces postes n’étaient en revanche pas compatibles avec le maintien de l’emploi des salariés concernés auprès de la Sacem, au sein de laquelle ils bénéficiaient déjà d’un emploi à temps plein.
Sur les critères d’ordre de licenciement, la Sacd fait valoir qu’en raison de l’application de l’accord collectif majoritaire portant sur le PSE, les délégués régionaux exclusifs Sacd n’étaient pas concernés, ceux-ci ne faisant par partie de la catégorie des délégués régionaux mixtes rattachés au réseau commun Sacem/Sacd.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 30 juin 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le bien-fondé du licenciement économique :
Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.
Il résulte de l’article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. A défaut, le licenciement n’est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le juge prud’homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation. Le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge d’opérer ces vérifications.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 22 mai 2014 est ainsi rédigée : « La Sacem a ultérieurement fait le choix de dénoncer le 29 mai 2013, le protocole la liant à la Sacd au motif de conditions financières insatisfaisantes. (‘) C’est pour cette raison que la Sacd, qui ne peut se permettre de mettre en péril la continuité de son exploitation, en risquant de perdre près de 25 millions d’euros de perceptions, dans un contexte concurrentiel menaçant sa compétitivité, a été conduite à mettre en oeuvre une réorganisation de son activité de perception relevant jusqu’ici du réseau commun.(…) Ceci implique la suppression à date de l’ensemble des postes de délégués régionaux mixtes, dont le vôtre. Le maintien de votre emploi s’avère en effet inconcevable et matériellement impossible en dehors de la configuration du réseau partagé avec la Sacem ayant vocation à disparaître à compter du 1er juillet prochain. »
La Sacd motive donc le licenciement économique sur la nécessaire réorganisation de l’entreprise pour assurer la sauvegarde de sa compétitivité, suite à la rupture du partenariat avec la Sacem.
Les motifs allégués sont ainsi fondées sur des faits précis, objectifs et vérifiables et leur incidence sur l’emploi de M. X est mentionnée de sorte que la lettre de licenciement est régulière en la forme.
De jurisprudence constante, une réorganisation de l’entreprise ne constitue un motif de licenciement économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi.
Pour justifier de la nécessité de réorganiser l’entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité, la Sacd verse aux débats les pièces suivantes :
— le protocole d’accord relatif au réseau partagé Sacem-Sacd du 21 février 1964 et son avenant du 19 mars 2012 ;
— la dénonciation de cet accord par la Sacem par courrier du 29 mai 2013 à effet au 1er juillet 2014 ;
— la note économique présentée au comité d’entreprise le 17 mars 2014, et qui rappelle que la Sacd est employeur secondaire de 56 délégués régionaux mixtes qui disposent à titre principal d’un contrat de travail avec la Sacem, et que la Sacd a perçu au titre de l’année 2012 près de 195 millions d’euros, avec une baisse générale du niveau de perception de 8% (- 9 millions d’euros) et une augmentation des charges de l’ordre de 400 000 euros. Cette note comprend également un tableau justifiant que le compte d’exploitation a été déficitaire au titre des exercices 2011 et 2012 à hauteur respectivement de 4,5 millions d’euros et de 4,2 millions d’euros (tableau n°10) et un tableau présentant le ratio charges d’exploitation/perceptions qui est passé de 16,2 % à 17,7 % de 2011 à 2012 (tableau n°11);
— l’extrait d’un plaquette publicitaire de la Sacem de janvier 2015 indiquant que « la musique et l’humour c’est la Sacem » ;
— le communiqué de presse de la Sacem du 12 janvier 2017 qui indique que la Sacem et la société IBM développent une nouvelle plateforme globale de gestion des droits d’auteur pour la musique en ligne ;
— le procès-verbal de réunion du CHSCT du 27 février 2014 dans lequel il est mentionné (page 4) : « Aujourd’hui les délégués utilisent les moyens matériels et logistiques de la Sacem pour mener à bien leur mission Sacd. Il aurait donc été nécessaire pour la Sacd de trouver pour eux des espaces de travail et une infrastructure propre à la Sacd avec toutes les conséquences pratiques que nous pouvons imaginer ».
La Sacd soutient que la modification de son environnement du fait de la rupture de son partenariat avec la Sacem a entraîné la nécessité de procéder à la réorganisation de son mode de perception de droits d’auteurs en province, afin d’assurer la sauvegarde de son activité impactée par se changement.
Toutefois, elle ne verse aux débats aucun élément sur sa situation économique au cours des années 2013 et 2014, année du licenciement de M. X, et notamment aucun état financier pour ces deux années ou les années antérieures. Elle ne justifie donc pas des conséquences financières qu’a eu sur ses résultats la rupture du protocole avec la Sacem.
Elle ne justifie pas non plus de l’augmentation prévisible des charges du fait de la réorganisation nécessaire de la perception en province, se contentant d’affirmer qu’il n’était « ni viable, ni réaliste » de créer au sein de chacune des délégations régionales des infrastructures dédiées à leur mission, alors que le coût prévisionnel des infrastructures nécessaires à l’installation des délégués n’est jamais chiffré ou évalué, et qu’elle envisage pourtant dans la lettre de licenciement le redéploiement « d’ici 12 à 18 mois, d’équipes en province afin de préserver la relation de proximité aux usagers ». La Sacd ne démontre donc pas que les charges supplémentaires dont elle se prévaut sans les chiffrer devaient peser sur sa compétitivité et nécessiteraient la sauvegarde de celle-ci.
Par ailleurs, elle soutient que la réorganisation des délégués mixtes avait pour but d’éviter la perte potentielle de la perception des droits d’auteur du spectacle vivant en province qui représente 25 millions d’euros de ressources. Toutefois, elle ne verse aux débats aucun élément justifiant de ce risque de perte, en dehors de ses propres affirmations.
Enfin, elle invoque un contexte concurrentiel menaçant sa compétitivité suite à la rupture du protocole avec la Sacem, ce qui entraînerait une concurrence accrue de celle-ci dans le répertoire de l’humour et du one man show, l’un des plus lucratifs du secteur. Toutefois, la Sacd ne verse pour en justifier que deux articles de journaux postérieurs au licenciement faisant état d’activités de la Sacem dans le domaine de l’humour et de la musique en ligne, sans qu’aucun élément financier ne vienne démontrer un quelconque impact sur le montant des droits d’auteurs recouvrés par la Sacd dans ce répertoire.
La Sacd ne justifie donc pas qu’une réorganisation était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Aussi, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le motif économique du licenciement était établi, et de constater que le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu d’étudier le moyen tiré de l’obligation de reclassement.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable en l’espèce, la Sacd employant plus de 10 salariés, et au vu de l’ancienneté du salarié à la date d’effet de la rupture (9 années), de son âge (36 ans) et de son salaire mensuel (2 869,38 ‘), et en l’absence de toute information sur sa situation professionnelle actuelle alors qu’il bénéficiait également d’un contrat à temps plein avec la Sacem, il y a lieu de fixer à la somme de 18 000 ‘ l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due par l’employeur.
Sur l’ordre des licenciements :
M. X sollicite des dommages intérêts pour défaut de fixation de l’ordre des licenciements par la Sacd dans le plan de sauvegarde de l’emploi.
Toutefois, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. X, a dans sa décision du 3 octobre 2014 jugé qu’il ressortait « des dispositions du PSE que le projet concernait l’ensemble de la population homogène des délégués régionaux mixtes, statut employé ; que par suite, les critères d’ordre de licenciement n’ont pas vocation à s’appliquer, l’ensemble des postes de la catégorie professionnelle des délégués régionaux mixtes étant supprimé ; qu’en outre, le requérant ne saurait utilement invoquer une prétendue inégalité de traitement en se prévalant de ce que la Sacd continue d’employer trois délégués régionaux exclusifs dès lors que ces délégués exclusifs ne relèvent pas de la même catégorie professionnelle et sont dans une situation différente ».
Aussi, sous le couvert d’une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts pour violation des critères d’ordre des licenciements, le salarié conteste la conformité aux dispositions législatives des critères d’ordre des licenciements tels que fixés dans le plan de sauvegarde de l’emploi, alors que leur contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative. Le salarié ne peut donc, contester cette conformité devant le juge judiciaire.
Sa demande sera donc rejetée.
Sur l’obligation d’information sur le droit individuel à la formation :
M. X indique qu’il n’a reçu aucune information sur le droit individuel à la formation (DIF) par la Sacd lors de son licenciement.
Toutefois, il résulte de la lettre du licenciement du 22 mai 2014 que celle-ci mentionne en page 4 : « S’agissant de votre droit individuel à la formation (DIF) et compte tenu de votre emploi à temps plein à la Sacem, vous n’avez pas acquis de droit au DIF au sein de la Sacd. De même, vous continuerez à bénéficier de votre couverture mutuelle et prévoyance Sacem sans changement ».
Il n’est pas contesté par M. X qu’il a bénéficié de son droit individuel à la formation par la Sacem dans le cadre de son contrat à temps plein.
Aussi, la Sacd a-t-elle rempli son obligation d’information au vu des termes employés dans la lettre de licenciement rappelés ci-dessus.
En outre, M. X ne fait état d’aucun préjudice particulier.
Il ne sera donc pas fait droit à sa demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les indemnités supra-légales pris au titre du PSE :
M. X soutient qu’il aurait dû percevoir les indemnités supra-légales dans le cadre du PSE, en raison de l’engagement unilatéral de l’employeur.
Il ne verse toutefois aucune pièce en soutien de cette demande, et les procès-verbaux de réunion du comité d’entreprise dans le cadre des procédures de consultation ne font pas état d’un tel engagement de la part de l’employeur.
Aussi, en l’absence de tout élément probant, cette demande sera rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le non respect de l’obligation de sécurité :
M. X indique qu’il a travaillé en parallèle pour la Sacem et la Sacd de 2005 à 2014, sans que la Sacd ne se soucie du respect des durées maximales du travail et de son droit au repos.
Il résulte du protocole d’accord relatif au réseau partagé du 19 mars 2012 au titre de la durée du travail (page 4) que « l’activité des délégués régionaux mixtes exercée pour le compte de la Sacd est une activité secondaire et accessoire à l’activité principale exercée à temps complet (dans l’hypothèse d’un contrat de travail à temps plein) pour le compte de la Sacem. Ces fonctions impliquent une grande autonomie dans l’organisation du temps de travail et donc dans la répartition quotidienne et hebdomadaire de leurs activités pour le compte des deux employeurs. Dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions pour le réseau partagé, les délégués régionaux mixtes sont soumis à l’ensemble des dispositions légales relatives à la durée du travail adaptées à leur situation particulière. »
M. X ne verse ni son contrat de travail auprès de la Sacem pour justifier de sa durée contractuelle, ni aucun élément sur les horaires effectués pour le compte de chacun de ses employeurs, et ne mentionne pas les durées quotidiennes ou hebdomadaires qu’il aurait effectuées.
De même, l’employeur ne justifie pas avoir respecté ces durées légales.
Toutefois, M. X n’invoquant aucun préjudice particulier, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Sur la reclassification du statut d’employé en celui de cadre :
M. X soutient qu’il avait le statut de cadre au sein de la Sacem et d’employé au sein de la Sacd, alors qu’il y occupait des fonctions identiques, et que les délégués régionaux exclusivement affectés à la Sacd ont le statut de cadre. Il sollicite donc sa reclassification au statut de cadre, et des dommages intérêts pour la perte de cotisations retraite.
Il verse aux débats pour en justifier le tableau de calcul de représentativité pour la désignation des délégués syndicaux, en indiquant que le quatrième collège est composé de l’ensemble des délégués régionaux, mixtes ou exclusifs, et le protocole d’accord préélectoral du 30 avril 2010 pour les élections des délégués du personnel, qui mentionne quatre collèges : employés, agents de maîtrise, cadres et délégués régionaux.
Cependant, M. X ne verse aux débats ni son contrat de travail avec la Sacem, pour justifier de son statut de cadre, ni aucun élément de nature à établir les fonctions qu’il exerçait réellement au sein de la Sacem et de la Sacd. En outre, aucun des éléments produits ne justifie que le salarié aurait dû bénéficier du statut de cadre, puisque le protocole électoral au sein de la Sacd distingue le collège des délégués régionaux de celui des cadres.
En l’absence de tout élément probant, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de reclassification.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. X la totalité des frais qu’il a dû supporter au cours de la présente instance. La Sacd, qui succombe et supportera les dépens, sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Et statuant à nouveau sur le seul chef de jugement infirmé,
DIT que le licenciement de M. Y X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (Sacd) à payer à M. Y X les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt pour celles à caractère indemnitaire :
— 18 000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 1 500 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT qu’il n’y a pas lieu d’assortir d’une astreinte la remise par la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (Sacd) au profit de M. X d’un bulletin de salaire, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un certificat de travail conformes à la décision ;
ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d’indemnités ;
CONDAMNE la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (Sacd) au paiement des dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE