Propriété intellectuelle : Nullité de jugement et contrefaçon de marque

Notez ce point juridique

Le tribunal de grande instance de Lille n’avait compétence ni pour statuer sur la demande formée par la société Mega sound concept en contrefaçon de la marque de l’Union européenne sonovente, ni sur la demande reconventionnelle en nullité de celle-ci.

Toutefois, la saisine d’une juridiction matériellement incompétente n’entraîne pas la nullité du jugement rendu par cette dernière. Il appartient à la partie qui se prévaut de cette incompétence de

soulever une exception d’incompétence, ce que n’a pas fait la société Mega sound concept.

Par ailleurs, il résulte de l’article 76 du code de procédure civile que « devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française», ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La demande en nullité du jugement sera dès lors rejetée.

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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 23/09/2021

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N° de MINUTE :

N° RG 19/02621 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SKSG

Jugement (N° 18/01361) rendu le 20 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

La SARL Méga Sound Concept

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Antoine-Lalance Muriel, membre du cabinet AL Avocats, barreau de Paris

INTIMÉ

Monsieur A Z

né le […] à […]

demeurant […]

[…]

bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 591780022021001069 du 09/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai

représenté par Me X-Pierre Congos, membre de la SELARL Congos Lemaire, avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l’audience publique du 29 juin 2021 tenue par Sophie Tuffreau magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : C D

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

E F-G, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

X-François Le Pouliquen, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par E F-G, président et C D, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 mai 2020

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Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 20 septembre 2018 ;

Vu la déclaration d’appel de la société Mega sound concept reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 3 mai 2019 ;

Vu les conclusions de la société Mega sound concept déposées au greffe le 4 février 2020 ;

Vu les conclusions de Monsieur A Z déposées au greffe le 4 novembre 2019 ;

Vu l’ordonnance de clôture prise le 25 mai 2020 ;

Vu l’arrêt avant dire droit du 15 avril 2021;

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Mega sound concept, immatriculée au RCS d’Évry depuis le 27 novembre 1997, exerce une activité de vente à distance sur catalogue de matériel de sonorisation et d’éclairage.

Elle a déposé les marques suivantes :

‘ sonovente, marque de l’Union européenne déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209

‘ SONOVENTE SONO-ÉCLAIRAGE-VIDEO LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997, marque déposée le 19 juillet 2006 sous le […]

‘ SONOVENTE SONO-ÉCLAIRAGE-VIDEO.com LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997, marque semi figurative déposée le 30 avril 2004 sous le n° 3289830.

Elle a déposé auprès du RCS différents noms commerciaux :

‘sonovente.fr

‘sonovente.com

‘sono-vente.fr

‘sono-vente.com

‘sonolight.fr

‘sonovideolight.fr

‘soundlight

‘maxi sono

La société Mega sound concept a également enregistré les noms de domaines suivants :

‘sonovente.com depuis le 21 décembre 2008

‘sonovente.fr depuis le 1er mars 2002

‘sonovente.net depuis le 3 octobre 2003

‘sono-vente.fr depuis le 1er mars 2002

‘sono-vente.com depuis le 16 novembre 2000.

La société Mega sound concept exploite un site Internet accessible à l’URL www.sonovente.com.

Monsieur A Z exerce une activité de prestation de services techniques événementiels et la vente de matériel sous l’enseigne commerciale « pro-sono ». Il possède également un site internet accessible via l’URL www.pro-sono.fr qui contient un catalogue de ses produits disponibles.

Monsieur A Z a également associé son nom à celui de Madame Y pour former le nom commercial pro-sono.fr Y B Z A.

Suivant ordonnance de référé du 17 décembre 2013, le président du tribunal de grande instance de Lille a notamment ordonné à Madame B Y de supprimer la page de son site internet www.pro-sono.fr/pro-sonovente/fr et le logo mentionnant le vocable contrefaisant « sonovente ».

À la suite de cette condamnation, Monsieur A Z a envoyé un e-mail le 1er janvier 2014 aux termes duquel il informait avoir transféré le site Internet www.prosono.fr sous un autre n° SIREN.

Sur ce site Internet, il était possible d’accéder à un catalogue de vente en ligne qui permettait l’accès à une page dont l’URL est www.pro-sono.fr/pro-sonovente/fr/, faisant ensuite apparaître un logo « pro-sono vente ».

Suivant ordonnance du 11 mars 2014, le juge des référés de Lille saisi par la société Mega sound concept a ordonné à Monsieur A Z de supprimer de la page de son site internet le lien de redirection vers la page http://pro-sono.fr/pro-sonovente/fr/ et de supprimer le logo mentionnant le vocable « sonovente ».

Suivant arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d’appel de Douai, l’ordonnance a été annulée faute pour la demanderesse d’avoir assigné au fond dans les délais requis.

C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier du 12 août 2016, la société Mega sound concept a fait

assigner au fond Monsieur A Z devant le tribunal de grande instance de Lille.

Le 27 septembre 2016, Monsieur A Z a déposé à l’INPI la marque « Pro-Sonovente » sous le n° 4302669 dans les produits et services de la classe 35.

*

* *

Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :

‘rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur A Z tirée de la prescription de l’action

‘prononcé la nullité de la marque sonovente, marque déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept faute de caractère distinctif

‘débouté en conséquence la société Mega sound concept de ses demandes au titre de la contrefaçon de la marque sonovente, marque déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209

‘dit que Monsieur Z a commis des actes de contrefaçon des marques SONOVENTE SONO-ECLAIRAGE-VIDEO LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997 et SONOVENTE SONO-ECLAIRAGE-VIDEO.COM LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997 déposées par la société Mega sound concept

‘condamné Monsieur Z à verser à la société Mega sound concept une somme de 3000 euros en réparation de son préjudice financier

‘condamné Monsieur Z à verser à la société Mega sound concept une somme de 3000 euros en réparation de son préjudice d’image

‘ordonné à Monsieur Z, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de supprimer de la page de son site Internet www.pro-sono.fr et de son site Internet www.pro-sono.com le lien de redirection vers la page http://www.pro-sono.fr/pro-sonovente/fr/ dans les 8 jours à compter de la signification du jugement

‘ordonné à Monsieur Z sous astreinte de 150 euros par jour de retard de supprimer de la page de son site Internet www.pro-sono.fr et de son site Internet www.pro-sono.com toute référence aux marques SONOVENTE SONO-ECLAIRAGE-VIDEO LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997 et SONOVENTE SONO-ECLAIRAGE-VIDEO.COM LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997 déposées par la société Mega sound concept dans les 8 jours à compter de la signification du jugement

‘annulé pour dépôt frauduleux la marque « pro-sonovente » déposée le 27 septembre 2016 sous le n° 4302669 en classe 41 par Monsieur Z

‘débouté Monsieur Z de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts

‘condamné Monsieur Z à verser à la société Mega sound concept la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

‘condamné Monsieur Z au paiement des frais et dépens de l’instance

‘ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège, la société Mega sound concept a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :

‘prononcé la nullité de la marque sonovente, marque déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept faute de caractère distinctif

‘débouté en conséquence la société Mega sound concept de ses demandes au titre de la contrefaçon de la marque sonovente, marque déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209

‘ordonné l’exécution provisoire du jugement.

*

* *

Dans ses conclusions déposées au greffe le 4 février 2020, la société Mega sound concept demande à la cour de :

À titre principal,

‘annuler le jugement entrepris en ses dispositions prononçant la nullité de la marque de l’Union européenne sonovente n° 5498209 et la déboutant de ses demandes sur le fondement de cette dernière, une telle demande étant irrecevable

‘confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions

À titre subsidiaire,

‘infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité de la marque de l’Union européenne sonovente n° 5498209 et l’a déboutée de ses demandes sur le fondement de cette dernière

‘juger qu’en exploitant le site internet www.pro-sono.fr/pro-sonovente/fr/ ainsi qu’un logo mentionnant le vocable sonovente et en procédant au dépôt de la marque française pro-sonovente n° 4302669, Monsieur Z a commis des actes de contrefaçon de la marque sonovente n° 5498209

‘ordonner à Monsieur Z de communiquer, dans un délai de 15 jours à compter du prononcé du « jugement à intervenir », une attestation comptable certifiée conforme mentionnant le chiffre d’affaires réalisé dans le cadre de l’exploitation de son site internet durant les années 2014, 2015 et 2016 et le nombres de visites des pages comportant les reproductions litigieuses durant cette même période, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et surseoir à statuer sur la question de la réparation du préjudice subi par la société Mega sound concept au titre des actes de contrefaçon de la marque sonovente n° 5498209

‘condamner Monsieur Z au paiement de la somme de 15’000 euros en réparation du préjudice moral et d’images subies par la société Mega sound concept

Dans l’hypothèse où la cour considérerait l’appel incident de Monsieur A Z recevable, confirmer le jugement entrepris sur les autres chefs

En tout état de cause,

‘débouter Monsieur Z de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions contraires aux présentes

‘condamner Monsieur Z à payer à la société Mega sound concept la somme de 15’000 euros en

application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

‘condamner Monsieur Z aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit de la SCP Processuel.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 4 novembre 2019, Monsieur A Z demande à la cour de :

‘déclarer l’appelant, demandeur en première instance, irrecevable en son action

‘le débouter de l’ensemble de ses demandes

‘à titre subsidiaire, le débouter de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires aux écritures

‘vu le caractère courant des vocables « vente » « sono » et sonovente, débouter le demandeur de l’ensemble de ses demandes

‘en tout état de cause, condamner le demandeur au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

‘condamner le demandeur au paiement de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

L’ordonnance de clôture a été prise le 25 mai 2020.

*

* *

Par note du 30 mars 2021, la cour a invité les parties à justifier de la communication de la date à laquelle la demande reconventionnelle en nullité de la marque européenne sonovente a été introduite à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (Office), et ce avant le 9 avril 2021.

Par note déposée au greffe le 8 avril 2021, la société Mega sound concept a fait valoir que la demande reconventionnelle en nullité de marque ne relevait pas de la compétence de la présente cour mais de la cour d’appel de Paris et qu’une recherche réalisée sur le site Internet de l’Office ne permettait pas de constater que cette dernière avait été destinataire d’une quelconque information quant à la demande reconventionnelle en nullité formulée par Monsieur Z.

Par arrêt du 15 avril 2021, la cour a :

‘renvoyé l’affaire à l’audience du 29 juin 2021 à 14 heures ;

‘invité les parties à justifier de l’inscription de la demande reconventionnelle en nullité de la marque sonovente, déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept, à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle ;

‘réservé les demandes.

Par courrier du 22 juin 2021, la société Mega sound concept a justifié avoir adressé à l’Office de la demande reconventionnelle en nullité de la marque de l’Union européenne sonovente n° 5498209.

Par message RPVA du 22 juin 2021, le conseil de Monsieur Z a sollicité le report de l’audience prévue le 29 juin 2021. Il ne s’est pas présenté à l’audience afin de soutenir cette demande de report, à laquelle il n’a pas été fait droit par le conseiller rapporteur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I’Sur la recevabilité des demandes formées par Monsieur Z

Il résulte des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile que :

« Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. »

Si Monsieur Z indique dans le dispositif de ses conclusions « l’intimé formant appel incident », il ne sollicite toutefois l’infirmation d’aucun des chefs du jugement entrepris, se bornant à solliciter l’irrecevabilité du demandeur en première instance en son action et le débouté de ce dernier de ses demandes. Or, la demande de la société Mega sound concept consiste uniquement, après réformation du jugement entrepris en ce qu’il a annulé la marque européenne dont elle est titulaire et l’a déboutée de sa demande en condamnation, en la condamnation de Monsieur Z de ce chef.

Par ailleurs, dans le corps de ses conclusions, l’intimé ne critique aucun chef du jugement et se limite à demander « au tribunal » le débouté du demandeur de ses demandes.

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la présente cour est saisie d’un appel incident de Monsieur Z.

II’ Sur la demande de la société Mega sound concept en nullité du jugement

En première instance, la société Mega sound concept demandait au tribunal de constater la contrefaçon de la marque de l’Union européenne sonovente, déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 dans les classes 11, 15, 16, 18, 25, 28, 35, 38, 39 et 41.

Considérant que cette marque n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage conformément aux

dispositions de l’article L 111-2 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal de grande instance a prononcé sa nullité.

La société Mega sound concept soulève à cet égard l’incompétence du tribunal pour statuer sur la validité ou la contrefaçon d’une marque de l’Union européenne, seul le tribunal de grande instance de Paris étant compétent pour connaître des demandes relatives à une telle marque. Ce n’est que dans l’hypothèse où la cour considérerait qu’elle est compétente pour statuer sur une telle demande, qu’elle sollicite l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Monsieur Z à lui payer des dommages et intérêts du chef de contrefaçon de cette marque.

En l’espèce, la demande en contrefaçon de la marque sonovente, déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept, et la demande reconventionnelle en nullité de cette marque faite par Monsieur Z portent sur une marque de l’Union européenne. L’assignation devant le tribunal de grande instance de Lille ayant été délivrée le 12 août 2016, s’appliquent dès lors les dispositions du règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009.

À cet égard, il résulte des dispositions de l’article 95 de ce règlement que :

« Les États membres désignent sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et de deuxième instance, ci-après dénommé « tribunaux des marques de l’union européenne», chargées de remplir les fonctions qui leur sont attribuées par le présent règlement. [‘] »

L’article 96 du même règlement prévoit que « les tribunaux des marques de l’Union européenne ont compétence exclusive :

a) pour toutes les actions en contrefaçon et-si le droit national les admet- en menace de contrefaçon d’une marque de l’Union européenne ;

b) pour les actions en déclaration de non contrefaçon, si le droit national les admet ;

c) pour toutes les actions intentées à la suite de faits visés à l’article 9 ter, paragraphe 2 ;

d) pour les demandes reconventionnelles en déchéance ou en nullité de la marque de l’Union européenne visées à l’article 100. »

Par ailleurs, l’article 100 précise que « La demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité ne peut être fondée que sur les causes de déchéance ou de nullité prévues par le présent règlement. »

Conformément à l’article L717-4 du code de la propriété intellectuelle, lequel prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine le siège et le ressort des juridictions de première instance et d’appel qui sont seules compétentes pour connaître des actions et des demandes prévues à l’article précité, l’article R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire dispose que « le tribunal judiciaire compétent pour connaître des actions en matière de marque de l’Union européenne, dessins et modèles communautaires, dans les cas et conditions prévues par le code de la propriété intellectuelle, est celui de Paris. »

Le tribunal de grande instance de Lille n’avait donc compétence ni pour statuer sur la demande formée par la société Mega sound concept en contrefaçon de la marque de l’Union européenne sonovente, déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 dans les classes 11, 15,16, 18,25, 28,35, 38,39 et 41, ni sur la demande reconventionnelle en nullité de celle-ci.

Toutefois, la saisine d’une juridiction matériellement incompétente n’entraîne pas la nullité du jugement rendu par cette dernière. Il appartient à la partie qui se prévaut de cette incompétence de

soulever une exception d’incompétence, ce que n’a pas fait la société Mega sound concept.

Par ailleurs, il résulte de l’article 76 du code de procédure civile que « devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française», ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La demande en nullité du jugement sera dès lors rejetée.

III’ Sur la demande de Monsieur Z en nullité de la marque sonovente

La société Mega sound concept fait valoir d’une part que le tribunal de grande instance n’était pas saisi par Monsieur Z d’une demande en nullité de la marque européenne et, d’autre part, que le signe sonovente est intrinsèquement distinctif.

Dans ses conclusions déposées devant le tribunal de grande instance de Lille, Monsieur Z indiquait en page 9 :

« En conséquence le vocable sonovente ne peut constituer une marque au sens de l’article L 711-2 du CPI.

En conséquence la marque déposée ‘SONO VENTE’doit être déclarée nulle et de nul effet à l’égard de Monsieur Z. »

À cet égard, les dispositions de l’article 768 du code de procédure civile selon lesquelles « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » ont été créées par le décret du 6 mai 2017, applicable uniquement aux instances introduites à compter du 11 mai 2017, soit postérieurement à l’introduction de la présente instance. C’est donc à juste titre que le tribunal a statué sur cette demande, bien que n’ayant pas été reprise dans le dispositif des conclusions.

S’agissant d’une marque de l’Union européenne, il convient d’appliquer les dispositions du règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009.

Il résulte des dispositions de l’article 52 de ce règlement que :

«1. La nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a) lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7;

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

2. Lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

3. Si la cause de nullité n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés. »

L’article 7 du règlement précise que « Sont refusés à l’enregistrement: [‘] les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

À cet égard, la société Mega sound concept fait valoir que le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié par rapport aux produits et services visés à l’enregistrement et que ni le vocable « sonovente » pris dans son ensemble, ni chacun des termes le composant, à savoir « sono » et « vente » pris distinctement dans le langage courant ou professionnel, ne sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuel de l’un quelconque des produits ou des services visés au dépôt.

Par ailleurs, elle soutient justifier de ce que la marque sonovente a fait l’objet d’un usage continu, intense et de longue durée, tel qu’il a, à tout le moins, acquis un tel caractère de par son usage.

En l’espèce, la marque sonovente a été enregistrée dans les produits et services suivants :

« 11 : appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires.

15 : instruments de musique.

16 : papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliure ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matière collante) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; caractères d’imprimerie ; clichés.

18 : cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie.

25 : vêtements, chaussures, chapellerie.

28 : jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ; décorations pour arbre de Noël.

35 : publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau.

38 : télécommunications.

39 : transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages.

41 : éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles. »

Ainsi, contrairement à ce qu’ont indiqué les premiers juges, le terme « sono », utilisé dans la marque sonovente, ne vient pas désigner le matériel de sonorisation.

Dès lors, le terme « sonovente », lequel ne relève pas du langage courant pour désigner les produits ou les services enregistrés ou leurs caractéristiques essentielles, est propre à conférer à cette marque un caractère distinctif lui permettant d’être enregistré en tant que telle.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la marque sonovente déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept faute de caractère distinctif. Monsieur Z sera débouté de sa demande à ce titre.

IV-Sur la demande de la société Mega sound concept en contrefaçon de la marque sonovente n° 5498209

La société Mega sound concept fait valoir que , d’une part, la marque sonovente a été reproduite de façon illégitime sur le site Internet www.pro-sono.fr à tout le moins depuis l’année 2013 sous la forme de logo mentionnant le vocable « SONO vente » et, d’autre part, que Monsieur Z a déposé auprès de l’INPI la marque française Pro-Sonovente pour désigner des services identiques ou quasi identiques en classe 35.

Il résulte de l’article 9 du règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 que :

« 1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice. »

En l’espèce, par ordonnance de référé du 17 décembre 2013, il a été ordonné à Madame B Y de supprimer dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l’ordonnance, d’une part, la page de son site Internet www.pro-sono.fr/pro-sonovente/fr/ en ce qu’elle mentionnait le vocable contrefaisant « sonovente » et, d’autre part, le logo mentionnant le vocable contrefaisant « sonovente » figurant sur toutes les pages de son site Internet accessible à www.pro-sono.fr et www.pro-sono.com.

Par e-mail du 1er janvier 2014, Monsieur A Z a informé la société Mega sound concept que le site www.pro-sono.fr/pro-sonovente de PRO-SONO avait été supprimé suite à la suspension de l’accord avec Madame Y et qu’il avait été remis en service avec son propre n° SIREN en tant que responsable originel du site.

Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que sur ce site Internet figure toujours le logo avec le vocable pro-sono vente qui reproduit donc la marque appartenant à la société Mega sound concept et que le moteur de recherche Google fait encore apparaître ce vocable accompagné du site pro-sono.fr de Monsieur A Z.

Par ailleurs, il ressort de l’extrait de la page Internet exploitée par Monsieur Z qu’étaient proposés à la vente des éclairages, des produits identiques aux « appareils d’éclairage » visés en classe 11 par la marque de l’Union européenne sonovente.

La reproduction d’une marque avec adjonction de mots est constitutive d’une contrefaçon.

En ce qui concerne la marque Pro-Sonovente déposée le 27 septembre 2016 par Monsieur Z sous le n° 4302669 en classe 41 et annulée pour dépôt frauduleux par le jugement entrepris, il n’est apporté la preuve d’aucun d’usage de cette marque, de sorte que les faits de contrefaçon ne sont pas établis.

En conséquence, Monsieur Z a commis des actes de contrefaçon de la marque sonovente n° 5498209, déposée par la société Mega sound concept le 24 novembre 2006, en usant d’un lien de

redirection et d’un logo comprenant le terme « sonovente ».

V’Sur la demande de la société Mega sound concept en dommages et intérêts

La société Mega sound concept sollicite la somme de 15’000 euros en réparation du préjudice moral et d’image subi.

Si elle demande à ce qu’il soit ordonné à Monsieur Z de communiquer une attestation comptable certifiée conforme mentionnant le chiffre d’affaires réalisé dans le cadre de l’exploitation de son site Internet de 2014 à 2016 et le nombres de visites des pages comportant les reproductions litigieuses durant cette même période, elle ne formule toutefois aucune demande au titre d’un préjudice matériel, étant relevé qu’est définitif le chef du jugement lui ayant octroyé la somme de 3000 euros en réparation du préjudice matériel subi au titre de la contrefaçon des marques SONOVENTE SONO-ECLAIRAGE-VIDEO LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997 et SONOVENTE SONO-ECLAIRAGE-VIDEO.COM LE SPÉCIALISTE VPC DEPUIS 1997.

La société Mega sound concept, laquelle ne verse par ailleurs aucune information permettant d’établir son préjudice, sera dès lors déboutée de sa demande de communication des pièces comptables.

S’agissant du préjudice d’image, Monsieur Z a porté atteinte à l’image de la société Mega sound concept en contrefaisant sa marque sonovente, et plus particulièrement en ayant laissé le lien Internet contre faisant diriger les internautes vers un site en maintenance pouvant apporter des inquiétudes sur sa pérennité à ses clients. Ce préjudice sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 1 000 euros à laquelle Monsieur Z sera condamné.

VI’Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

Monsieur Z, qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel et à payer à la société Mega sound système une indemnité qu’il y a lieu de chiffrer équitablement à la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort ;

Rejette la demande de nullité du jugement en ses dispositions prononçant la nullité de la marque de l’Union européenne sonovente n° 5498209 et la déboutant de ses demandes sur le fondement de cette dernière ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘prononcé la nullité de la marque sonovente, marque déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept faute de caractère distinctif

‘débouté en conséquence la société Mega sound concept de ses demandes au titre de la contrefaçon de la marque sonovente, marque déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Monsieur Z de sa demande en prononcé de la nullité de la marque de l’Union européenne sonovente, déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound

concept ;

Dit que Monsieur Z a commis des actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne sonovente, déposée le 24 novembre 2006 sous le n° 5498209 par la société Mega sound concept ;

Condamne Monsieur A Z à payer à la société Mega sound concept la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice d’image subi par la contrefaçon de la marque de l’Union européenne sonovente n° 5498209 ;

Déboute la société Mega sound concept de sa demande en communication des pièces comptables sous astreinte ;

Condamne Monsieur A Z à payer à la société Mega sound concept la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne Monsieur A Z aux dépens d’appel ;

Autorise la SCP Processuel à recouvrer directement auprès de la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier Le président

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