Propriété intellectuelle : Prescription des actes de parasitisme

Notez ce point juridique

Selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le délai de prescription ne commence pas à courir du jour où les faits de concurrence déloyale ou de parasitisme prennent fin. En effet, une action en concurrence déloyale et parasitaire, de nature délictuelle, est soumise au régime de la prescription de l’article 2224 du code civil précité, et le délai quinquennal court à compter du jour de la manifestation du dommage pour la victime, peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 07 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 17/21373 – n° Portalis 35L7-V-B7B-B4P3W

Décision déférée à la Cour : jugement du 23 octobre 2017 -Tribunal de commerce de Paris – 15e chambre – RG n°2015010458

APPELANTES AU PRINCIPAL, APPELANTES EN INTERVENTION FORCEE

S.A.S. WILL HOLDING, agissant en la personne de son président, M. Z Y, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Bordeaux sous le numéro 419 343 553

S.A.S. WILL DISTRIBUTION – agissant en la personne de sa présidente, la S.A.S. WILL HOLDING, agissant elle-même en la personne de son président, M. Z Y, domicilié en cette qualité au siège social situé […]

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Bordeaux sous le numéro 520 465 576

Représentées par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque W 09

Assistées de Me Vincent POLLARD plaidant pour le Cabinet TAJ, avocat au barreau de BORDEAUX, case 732

INTIMEES

S.A.R.L. LA TOQUE CUIVREE BEGLES BOSC, exerçant sous l’enseigne la toque cuivrée, prise en la personne de son gérant, M. A X, domicilié en cette qualité au siège social situé

126, boulevard Jean-Jacques Bosc

[…]

S.A.R.L. LA TOQUE CUIVREE SAINT PROJET, exerçant sous l’enseigne la toque cuivrée, prise en la personne de son gérant, M. A X, domicilié en cette qualité au siège social situé

82-84, rue Sainte-Catherine

[…]

Immatriculée au rcs de Bordeaux sous le numéro 840 325 500

Représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 151

Assistées de Me Caroline PAUNIERES plaidant pour la SELARL LEXYMORE, avocate au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 23 octobre 2017 par le tribunal de commerce de Paris ;

Vu l’appel interjeté le 21 novembre 2017 par les sociétés Will Holding et Will Distribution ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°3) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 11 avril 2019 par les sociétés Will Holding et Will Distribution, appelantes et intimées incidentes ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°4) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 06 août 2019 par les sociétés La Toque Cuivrée, intimées et appelantes incidentes ;

Vu l’ordonnance de clôture du 16 janvier 2020.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Will Holding avait pour activité jusqu’au 3 octobre 2010, la fabrication et la distribution des cannelés de marque Y, ainsi que l’animation du réseau de magasins et boutiques sous enseigne Y dédiées exclusivement à la vente aux particuliers de cannelés et de macarons.

A partir du 3 octobre 2010, cette activité a été transférée à la société Will Distribution, la société Will Holding conservant la détention de participations et la concession de licences. La société Will Distribution se présente comme l’animatrice du réseau Y et précise que l’enseigne Y est présente à travers 17 points de vente et le site internet Y.com.

Les sociétés La Toque Cuivrée (LTC) ont pour activité la vente aux particuliers dans des magasins dédiés, de pâtisseries et cannelés.

Les sociétés Will Holding et Will Distribution (Y) considérant que les sociétés LTC se sont progressivement emparées de leur identification visuelle et de leurs codes de communication, ont fait établir des procès-verbaux de constat par huissier de justice notamment sur le site internet la-toque-cuivree.fr.

Elles ont alors fait assigner 18 sociétés LTC (correspondant aux magasins ouverts sous cette enseigne dans la région de Bordeaux ainsi que dans d’autres régions de France) devant le tribunal de commerce de Paris par actes des 3 février 2015, 3 et 4 octobre 2016 en concurrence parasitaire.

Le jugement déféré du tribunal de commerce de Paris a :

— dit que les sociétés Y ont intérêt et qualité à agir ;

— dit irrecevable la demande de prescription des sociétés LTC ;

— dit que les sociétés Y ont qualité à agir solidairement contre toutes les sociétés LTC ;

— dit que les sociétés LTC n’ont pas commis d’actes de parasitisme à l’encontre des sociétés Y ;

— débouté les sociétés Y de leurs demandes de réparation du préjudice et de dommages et intérêts, ainsi que de toutes leurs demandes d’interdiction ou de destruction sous astreinte ;

— condamné les sociétés LTC à payer solidairement aux sociétés Y la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice pour mention trompeuse ;

— débouté les sociétés Y de leurs demandes de publication ;

— débouté les sociétés LTC de leurs demandes reconventionnelles ;

— dit qu’il n’y a pas lieu à l’allocation d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie ;

— rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

— condamné les sociétés LTC solidairement aux dépens.

Les sociétés Y ont relevé appel de cette décision.

Par actes du 12 avril 2019, elles ont fait assigner en intervention forcée devant la cour les sociétés […], […].

Vingt sociétés LTC correspondant à vingt boutiques à l’enseigne La Toque Cuivrée sont désormais dans la cause.

Par leurs dernières conclusions, les sociétés Y sollicitent de la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

— débouté les sociétés LTC de leurs fins de non-recevoir ;

— condamné les sociétés LTC pour mention trompeuse ;

— débouté les sociétés LTC de leur demande de dommages et intérêts au titre du dénigrement ;

— pour le surplus, statuant à nouveau, dire et juger que :

— les sociétés LTC ont commis des actes de parasitisme à leur encontre ;

— ordonner, sous astreintes, qu’il soit mis un terme aux actes de concurrence parasitaire par la cessation de l’usage de leur identité visuelle et de leurs codes de communication par lesdites sociétés LTC, en faisant :

— interdiction d’utiliser, apposer, ou faire figurer tout élément de couleur rouge, sur quelque support que ce soit, et notamment sur les devantures, murs, panneaux, affiches, prospectus, site Internet, comptoirs, éléments de mobilier, tenues du personnel, produits dérivés, sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— interdiction d’utiliser des packagings de couleur rouge, sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— interdiction d’utiliser, apposer, ou faire figurer des logos de cannelés sous un angle de « vue plongée », sur quelque support que ce soit, et notamment sur les devantures, murs, panneaux, affiches, prospectus, site Internet, comptoirs, éléments de mobilier, emballages, sachets, tenues du personnel, produits dérivés, sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— interdiction d’utiliser, apposer, ou faire figurer des reproductions de photographies de cannelés alignés de manière symétrique sous un angle de «vue plongée», sur quelque support que ce soit, et notamment sur les devantures, murs, panneaux, affiches, prospectus, site Internet, comptoirs, éléments de mobilier, emballages, sachets, tenues du personnel, produits dérivés, sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— interdiction d’utiliser les dénominations cannelé «lunch» et cannelé «bouchée», sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— interdiction, si la preuve d’un mode de fabrication artisanale des cannelés n’était pas rapportée par lesdites sociétés LTC, de faire usage de la mention «fabrication artisanale» sur quelque support que ce soit, et notamment sur les devantures, murs, panneaux, affiches, prospectus, site Internet, comptoirs, éléments de mobilier, emballages, sachets, tenues du personnel, produits dérivés, sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée, et ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— ordonner, au surplus, la destruction (i) de tout élément de couleur rouge utilisé par lesdites sociétés LTC, y compris les packagings, les devantures, les murs, les panneaux, les affiches, les prospectus, le site Internet, les comptoirs, les éléments de mobilier, les tenues du personnel, les produits dérivés et logos, (ii) de tout élément où figure un logo de cannelé identique ou similaire au logo Y sous un angle de «vue plongée», (iii) de toute reproduction de visuels identiques ou similaires aux dessins et photographies de cannelés utilisés par elles, (iv) de tout élément utilisant les dénominations cannelé «lunch» et cannelé «bouchée», et (v) le cas échéant, de tout élément utilisé par lesdites sociétés LTC et faisant usage de la mention «fabrication artisanale» et ce, dans un délai de trente jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard ;

— se réserver la liquidation des astreintes conformément aux dispositions des articles 35 et 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;

— condamner solidairement lesdites sociétés LTC à leur verser la somme de 6.076.055,63 euros en réparation de leur préjudice matériel, décomposée comme suit :

—  525.379,55 euros (497.989 euros HT) au titre de la perte subie et du gain manqué ;

—  262.656,68 euros au titre de la diminution d’un avantage concurrentiel ;

—  5.288.019,40 euros au titre des économies indûment réalisées par les sociétés LTC, soit :

—  5.138.019,40 euros au titre de l’économie tirée de la reprise de l’identité visuelle, des codes de communication et de la notoriété de Y ;

—  150.000 euros au titre de l’économie tirée de la prétendue «fabrication artisanale» des cannelés des sociétés LTC ;

— condamner solidairement les sociétés LTC à leur verser la somme de 600.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

— ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir au sein de cinq publications, écrites ou Internet, de leur choix et aux frais des sociétés LTC, dans la limite d’un montant total de 8.000 euros HT ;

— ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir, en intégralité, pendant une durée de quatre-vingt-dix jours consécutifs, à compter du prononcé de la décision à intervenir, en partie supérieure de la page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse www.la-toque-cuivree.fr (ou tout autre adresse qui lui serait substituée) et dans une police de taille similaire au reste de ce site et ce, dans les quinze jours suivants la date de la décision à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

— débouter, les sociétés LTC de toutes leurs demandes tendant notamment à la réformation du jugement sur certains chefs (dont le défaut d’intérêt à agir de la Société Will Holding, la prescription, la qualité à agir contre toutes les sociétés LTC, le caract è re trompeur de la mention relative à la fabrication artisanale de leurs cannelés et les faits de dénigrement fautifs) ainsi qu’à sa confirmation sur l’absence de parasitisme, l’absence de caractère trompeur fondé sur l’utilisation du terme «l’authentique» et le défaut de condamnation aux dommages et intérêts sollicités notamment à titre de réparation ou au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— plus généralement, débouter les sociétés LTC de toutes leurs demandes, fins et prétentions, formées notamment, par voie d’appel incident ;

— condamner solidairement les sociétés LTC à leur payer la somme de 80.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de la première instance et d’appel, en ce compris les frais de constat d’huissier visés en pièces n° 11, 12, 13, 37, 38, 39 et 83.

Par leurs dernières conclusions les sociétés LTC sollicitent de la cour de :

A titre principal, sur les fins de non-recevoir,

— réformer le jugement entrepris sur la fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt et de qualité à agir des sociétés Y, et, statuant à nouveau, dire que la société Will Holding est dépourvue d’intérêt et de qualité à agir notamment sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, à leur encontre,

— réformer le jugement entrepris sur la fin de non-recevoir pour prescription des actions civiles fondées sur des faits antérieurs au 3 février 2010, et, statuant à nouveau, dire que les sociétés Y sont irrecevables, pour cause de prescription à faire état de faits antérieurs de 5 ans à la date de l’assignation (3 février 2015), notamment sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire,

— réformer le jugement entrepris sur la fin de non-recevoir pour défaut de qualité des sociétés Baillardan à agir solidairement contre elles et, statuant à nouveau, dire que les sociétés Y sont irrecevables à agir à leur encontre en l’absence de démonstration de l’existence d’une faute personnelle imputable à chacune d’entre elles ayant concouru au dommage allégué,

A titre subsidiaire, sur le fond,

— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elles n’ont pas commis d’actes de parasitisme à l’encontre des sociétés Y et débouté celles-ci de leurs demandes à ce titre,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il les a condamnées à payer solidairement aux sociétés Y la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice pour mention trompeuse, et statuant à nouveau débouter les sociétés Y de l’ensemble de leurs demandes sur le fondement de la publicité trompeuse,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés Y de leur demande de réparation au titre de la publicité trompeuse fondée sur leur utilisation du terme «l’authentique»,

A titre infiniment subsidiaire, sur le prejudice, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés Y de toutes leurs demandes pécuniaires et de mesures complémentaires à leur égard,

A titre reconventionnel,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté leurs demandes reconventionnelles, et statuant à nouveau :

– condamner in solidum les sociétés Y à leur verser la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice matériel et moral causé par les faits de dénigrement fautifs ;

En tout etat de cause,

— débouter les sociétés Y de l’intégralité de leurs demandes,

— ordonner la publication par extraits du jugement à intervenir au sein de deux publications de leur choix et aux frais exclusivement avancés par les sociétés Y, étant précisé que le coût de chacune de ces insertions ne pourra pas excéder la somme de 4.500 euros,

— ordonner la publication aux frais exclusifs des sociétés Y du dispositif intégral de la décision à intervenir sur la page d’accueil du site internet www.Y.com pendant une période de trois mois à compter de la première mise en ligne et ce, dans un délai de 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, selon les modalités suivantes : la publication devra être effectuée sur la partie supérieure de la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse internet susvisée, de façon visible, et en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée et en police de caractère de type Arial 14, droit, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 2010 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « communiqué judiciaire » en lettres capitales et en police de caractère de type Arial 16,

— condamner in solidum les sociétés Y au paiement de la somme de 80.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum les sociétés Y aux entiers dépens de l’instance dont distraction.

A titre liminaire, il convient de relever que l’organisation des réseaux de distribution Y et LTC sont différents.

Le réseau Y est composé d’établissements secondaires ou de licenciés, géré par la société Will Distribution qui est la tête de réseau depuis le 3 décembre 2010, prenant en charge les activités de fabrication, de distribution et les investissements. Le réseau bénéficie d’une identitié visuelle et de codes de communication harmonisés développés par la tête de réseau.

S’agissant du réseau La Toque Cuivrée, chaque magasin de vente de pâtisserie à l’enseigne La Toque Cuivrée est exploité par une personne morale distincte, ce qui explique la mise en cause de vingt sociétés LTC par les sociétés Y soit les sociétés LTC Artigues, Eysines, Gradignan, […], […], […], Arcachon, […], Niort, Clermont, Bouliac, Gambetta, Place D E, Brest, […].

Il doit être également précisé qu’une société holding et de centrale d’achats ‘La Toque Cuivrée’ a été créée en 2011 et n’est pas dans la cause.

Les sociétés Y reprochent aux sociétés LTC des agissements parasitaires par la reprise de l’identité visuelle et des codes de communication de Y.

Néanmoins, les vingt sociétés LTC intimées sont des personnalités juridiques distinctes et sauf à méconnaître l’autonomie des personnes morales, il n’existe pas de ‘groupe La Toque Cuivrée’ ainsi que les sociétés Y qualifie à tort dans leurs écritures les intimées.

Sur les fins de non-recevoir

Selon les dispositions de l’article 122 du code de précédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Les sociétés LTC opposent aux sociétés Y plusieurs fins de non-recevoir fondées sur le défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société Will Holding, sur la prescription de l’action pour les faits antérieurs à 5 ans au jour de l’assignation et enfin le défaut de qualité à agir des appelantes solidairement à l’encontre de vingt sociétés LTC, faute de démonstration d’une faute imputable à chacune d’entre elles.

L’article 31 du code de procédure civile prévoit que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article 32 du même code précise qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Les sociétés LTC contestent l’intérêt à agir de la société Will Holding en concurrence parasitaire sur le fondement de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, aux motifs que celle-ci n’est présente dans la cause qu’en qualité de société mère de la société Will Distribution et qu’elle n’est plus en charge de la distribution et des investissements concernant les produits Y.

Or, il ressort des éléments fournis aux débats que la société Will Holding créée le 26 juin 1998 a jusqu’au 3 décembre 2010 supporté l’ensemble des investissements entrepris pour développer l’image du réseau Y dont il est reproché aux sociétés LTC de bénéficier sans bourse délier des éléments caractéristiques des codes de communication et de l’identité. Aussi, la société Will Holding n’agit pas seulement en qualité de société mère de la société Will Distribution créée le 23 février 2010, et qui est désormais la tête de réseau Y, mais en raison des sommes qu’elle a elle-même investies et doit en conséquence être considérée comme ayant qualité et intérêt à agir en concurrence parasitaire contre les sociétés LTC.

Les sociétés LTC opposent également aux sociétés Y de ne pas avoir établi pour chacune des vingt sociétés intimées l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité distincts et considère que ‘l’absence de ventilation des fautes et des préjudices, poste par poste, rend les

demandes … à leur encontre indéterminées et indéterminables au sens des articles 4, 5, et 16 du code de procédure civile’ et qu’elles sont donc irrecevables.

Ainsi qu’il a été précédemment rappelé, les vingt sociétés LTC intimées sont des personnalités juridiques distinctes et les actes déloyaux doivent être caractérisés par les sociétés Y à l’égard de chacune des intimées, celles-ci pouvant néanmoins être condamnées in solidum à indemniser les appelantes si elles ont concouru à la réalisation d’un même préjudice.

Toutefois, le défaut de caractérisation de la faute de chacune des sociétés intimées relève de l’appréciation du fond du litige et ne constitue nullement une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile ci-avant rappelé.

Les sociétés LTC soulèvent également l’irrecevabilité pour cause de prescription des demandes des sociétés Y pour les faits antérieurs au 3 février 2010.

Selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Y, le délai de prescription ne commence pas à courir du jour où les faits de concurrence déloyale ou de parasitisme prennent fin. En effet, une action en concurrence déloyale et parasitaire, de nature délictuelle, est soumise au régime de la prescription de l’article 2224 du code civil précité, et le délai quinquennal court à compter du jour de la manifestation du dommage pour les sociétés Y ou de la date à laquelle il a été révélé aux appelantes si celles-ci établissent ne pas en avoir eu précédemment connaissance, peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée.

Aussi, il convient d’apprécier pour les sociétés Y la date à laquelle le dommage s’est réalisé sachant qu’elles reprochent aux sociétés LTC des actes déloyaux cumulés soit l’utilisation de ses codes de communication tels que la couleur rouge (devantures, vitrines, enseignes, packagings d’emballage de cannelés), les photographies macro des cannelés, un logo représentant un imposant cannelé sous un angle de vue plongée, ou encore les noms des cannelés, les vidéos promotionnelles et publicités.

Les sociétés assignées par actes du 3 février 2015 devant le tribunal de commerce de Paris sont les sociétés LTC Artigues, LTC Eysines, […], […], […], […], […], […], […], […], […], […] et […]. Les sociétés […], […], […], LTC D E ont été assignées devant le tribunal de commerce de Paris par actes des 3 et 4 octobre 2016. Les sociétés […], […] ont quant à elles été attraites directement devant la cour par actes du 12 avril 2019.

Or, selon les pièces dont dispose la cour, sur les vingt sociétés LTC dans la cause, dix-huit d’entre elles ont été constituées moins de cinq années avant l’assignation qui les a fait intervenir dans la présente instance. La manifestation du dommage issu des actes déloyaux dont se seraient rendues coupables ces sociétés est donc intervenue pour les sociétés Y moins de 5 ans avant l’acte introductif d’instance. L’action des sociétés Y est donc recevable en ce qu’elle est formée contre les sociétés […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], LTC D E, […], […].

S’agissant des sociétés LTC Eysines et LTC Artigues qui ont été créées plus de cinq années avant l’acte introductif d’instance du 3 février 2015, la société LTC Artigues ayant été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 19 avril 2005 avec un début d’activités au 1er avril 2005 et la société LTC Eysines le 22 avril 2009 avec un début d’activités au 1er mars 2009, il ressort des éléments fournis aux débats que les sociétés Y reprochent aux sociétés LTC des actes de parasitisme fondés sur un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité qui se sont révélés aux appelantes au plus tôt à la fin de l’année 2010 avec les créations plus nombreuses des magasins à l’enseigne La Toque Cuivrée dont celui de Gradignan en novembre 2010, les évolutions du logo des sociétés LTC utilisé comme enseigne et de la présentation du site internet la-toque-cuivree.fr. La manifestation du dommage issu des actes de parasitisme est donc postérieure au 3 février 2010 et l’action des sociétés Y contre les sociétés LTC Eysines et LTC Artigues n’est pas non plus prescrite.

La demande de prescription des sociétés LTC, déclarée à tort irrecevable par les premiers juges, doit être rejetée et le jugement confirmé en ce qu’il a retenu la qualité et l’intérêt à agir des sociétés demanderesses.

Sur les agissements parasitaires

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Les sociétés Y reprochent aux sociétés LTC de commercialiser à moindre coût des cannelés dans des points de vente peu onéreux et de profiter de l’effet attractif qu’elles ont développé en sélectionnant les points de vente situés dans des lieux préférentiels et de passage pour faire connaître leurs cannelés selon des codes de communication bien définis autour de la couleur rouge, qui ont contribué à la connaissance de l’identité visuelle Y sur le segment de marché étroit du cannelé, et ainsi de profiter sans bourse délier de la notoriété acquise grâce à de lourds investissements.

Les sociétés Y critiquent le jugement déféré en ce qu’il a rejeté leurs demandes en procédant à une analyse individuelle de chacun des faits reprochés et non à une appréciation globale des faits de parasitisme.

Les sociétés LTC font quant à elles valoir que les éléments revendiqués sont banals et courants et n’ont aucune valeur intrinsèque et doivent en vertu du principe de la libre concurrence, rester à la disposition de tous.

Selon les éléments fournis au débat par les sociétés Y, il apparaît que la société Will Holding puis la société Will Distribution à compter du 3 décembre 2010, ont investi pour développer l’identité visuelle de ‘l’entreprise Y’ autour de la couleur rouge dont est revêtue la façade des boutiques, couleur qui est également utilisée pour l’aménagement intérieur de celles-ci, murs et mobiliers, les emballages des cannelés, les produits dérivés, les tenues des vendeuses ou encore la présentation du site internet Y.com. Il ressort également que les appelantes ont choisi un positionnement haut de gamme de l’image de leur produit, le cannelé, corroboré par des investissements conséquents pour les emplacements des magasins (15 millions d’euros de loyers entre 1999 et 2013) notamment au centre de la ville de Bordeaux, l’agencement, l’aménagement et l’installation de ceux-ci (environ 2 millions d’euros soit 2.002 euros par m²) ou la présentation des produits y compris leur conditionnement (50.531 euros HT entre 1999 et 2013).

Selon des articles de presse versés au débat (pièces 1, 8, 45, 46, 78, 79 et 80), en 2013 ‘l’entreprise Y’ bénéficiait d’une notoriété certaine tant au niveau local que national comme celle ayant fait connaître le cannelé au delà de la région bordelaise grâce à des concepts marketing innovants faisant de cette pâtisserie un produit de luxe.

Les sociétés Y considèrent alors avoir créé une valeur économique individualisée, fruits de leurs investissements dont auraient indûment profité les sociétés LTC.

Ainsi que le font pertinemment valoir les sociétés LTC, le seul choix de la couleur rouge pour identifier l’activité de vente de cannelés ne constitue pas en soi une valeur économique individualisée dont les sociétés Y peuvent se prévaloir. En effet, à supposer que le fondateur de ‘l’entreprise Y’ en 1987 a été le premier à utiliser cette couleur en association avec le cannelé de Bordeaux, la ‘confrérie du cannelé’ utilisant également dans le milieu des années 1980 cette couleur tant dans son logo que dans les attributs de ses membres (cape notamment), le rouge est une couleur primaire dont il ne peut être reproché l’usage à un concurrent ce d’autant que cette couleur est, tout comme le cannelé, associée à la ville de Bordeaux, ainsi qu’en témoignent les nombreux éléments produits au débat par les sociétés LTC et non utilement critiqués par les sociétés Y.

La valeur économique individualisée résultant d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et des investissements dont peuvent se prévaloir les appelantes est donc l’utilisation d’une nuance de couleur rouge (Pantone 187C) sur l’ensemble des éléments de leur identité visuelle (devantures, emballages, accessoires, matériels, tenues des vendeuses …), ainsi qu’elles le reconnaissent en page 68 de leurs écritures, associée à une image haut de gamme qui se caractérise par l’agencement soigné des magasins situés dans les meilleurs quartiers commerçants, la tenue des vendeuses, la qualité de la présentation des cannelés et de leurs emballages.

Aussi, les sociétés Y ne peuvent être suivies lorsqu’elles affirment que la seule couleur rouge est leur élément caractéristique et devient un élément de rattachement qu’elles peuvent s’approprier. La circonstance qu’un article paru sur le site ladepeche.fr du 16 octobre 2018 mentionne ‘si la boîte est rouge elle vient forcément de la maison Y’ (pièce 108 des appelantes) n’est pas suffisante pour considérer que les sociétés Y sont fondées à interdire à leurs concurrents tels les sociétés LTC, distributeurs de cannelés, d’utiliser la couleur rouge pour commercialiser leurs propres produits sauf à méconnaître le liberté du commerce et de l’industrie, ce quand bien même, ces concurrents peuvent également utiliser une autre couleur.

Les sociétés Y reprochent aux sociétés LTC, outre la reprise de la couleur rouge, celle de leur logo historique représentant un cannelé, de la police d’écriture et des fonds de présentation beige, des devantures des points de vente, de la situation géographique des points de vente, des trois formats de cannelés et leurs noms associés, des visuels haut de gamme du site internet www.Y.com, des ‘écrins’ à cannelés, des tenues des vendeuses ainsi que les vidéos promotionnelles autour du centre-ville de Bordeaux.

Elles expliquent que le magasin exploité par la société LTC Artigues depuis 2005 ne ‘laissait pas à l’époque présager un comportement parasitaire particulier’ malgré l’usage d’un auvent de couleur rouge. Elles considèrent ensuite que ‘le groupe La Toque Cuivrée’ va aggraver son comportement suiveur à partir de 2009 en apposant à l’occasion des créations des sociétés LTC Eysines et Gradignan en 2009 et 2010 un logo de couleur rouge sur lequel figurent les mentions ‘La Toque Cuivrée’ et ‘Cannelés de Bordeaux’ de couleur blanc cassé ainsi que le dessin d’un cannelé représenté en contre-plongée inspiré du logo historique de Y, et par la création d’un site internet la-toque-cuivrée.fr courant 2007 qui arbore largement la couleur rouge, puis la modification de ce site en 2011 suivant l’évolution du site Y.com, par la présence de bandeaux de rubriques de couleur rouge, ce site comportant en outre la mention ‘fabrication artisanale’, et proposant à la vente trois tailles de cannelés avec des noms et des poids identiques aux siens. Elles ajoutent que ce comportement a été réitéré en 2017 en reprenant comme le site Y.com, une page d’accueil avec une mise en page multimédia, les vidéos mises en ligne rappelant celles du site Y. Elles font également valoir que les emballages utilisés par les sociétés LTC de couleur rouge alors qu’ils étaient auparavant blancs et la reproduction macro de cannelés créés à sa demande sur les murs de façade des magasins des sociétés LTC et à l’intérieur de ceux-ci, rappellent leurs codes de communication.

Elles soutiennent que ces reprises sont d’autant plus critiquables au vu de l’étroitesse du marché du cannelé artisanal, la notoriété de Y, la proximité géographique des boutiques, la connaissance personnelle par M. X, fondateur des société LTC, de M. Y, l’inspiration injustifiée au vu de l’identité visuelle totalement différente des autres concurrents, du choix du même fournisseur en emballages cartonnés, des prix 50 à 70% moins chers, de la mention du caractère artisanal des cannelés supprimée en cours d’instance sur le site internet des sociétés LTC, de la publicité axée sur la couleur rouge, de la croissance exponentielle du chiffre d’affaires des magasins des sociétés LTC ainsi que de la reprise de l’ensemble des codes de l’identité de Y dans leur globalité.

Les sociétés Y soutiennent à tort que les sociétés intimées participent collectivement à la réalisation d’actes de concurrence parasitaire ayant entraîné l’entier dommage dont elles sont ‘co-auteurs’ et que tous les faits reprochés aux intimées sont indivisibles, alors qu’elles poursuivent vingt sociétés LTC créées entre les années 2005 et 2018, dont certaines ont été attraites directement devant la cour puisque créées postérieurement aux assignations devant le tribunal de commerce de Paris, et dont il a été précédemment rappelé qu’il s’agit de vingt personnalités juridiques distinctes.

Les sociétés Y doivent donc caractériser le comportement fautif de chacune des intimées qui pourront être condamnées in solidum à l’indemnisation des appelantes si les manquements des sociétés LTC ont participé au même préjudice.

Or, il n’est pas discuté que chacune de ces sociétés qui exploite une boutique à l’enseigne ‘La Toque Cuivrée’ adopte une présentation distincte de son établissement notamment de sa devanture et de son installation intérieure ainsi qu’il résulte du procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 22 novembre 2018 et fourni par les intimées (pièce n° 164 des sociétés LTC).

Pour démontrer les actes de parasitisme, les sociétés Y ont fait établir des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice.

Un procès-verbal du 20 août 2014 (pièce 37) de constat à l’extérieur de trois boutiques à l’enseigne ‘La Toque Cuivrée’ sises à Gradignan, Le Bousquat et Mérignac par lequel l’huissier instrumentaire constate que les façades de ces boutiques comportent des éléments de couleur rouge (banne, bandeau), un logo ovale à fond rouge avec inscriptions et dessin de cannelé à l’intérieur d’un ton beige ‘La Toque Cuivrée Cannelés de Bordeaux’ et pour les magasins du Bousquat et de Mérignac, une ‘ grande photographie en contre-plongée de cannelés’, et en suite d’un achat dans la boutique de Draguignan, constate que la personne ayant procédé à cet achat lui remet une boîte cartonnée de couleur rouge bordeaux au niveau de sa partie superieure, blanche au niveau de son fond, avec multitude de petits cannelés dessinés sur sa face superieure à fond rouge et un ballotin de couleur extérieure entièrement rouge bordeaux avec nombreuses inscriptions ‘La Toque Cuivrée Cannelés de Bordeaux’ et des dessins de cannelés.

Un procès-verbal de constat du 8 septembre 2014 à l’extérieur de la boutique à l’enseigne ‘La Toque Cuivrée’ sise à Toulouse (pièce 38) par lequel l’huissier instrumentaire constate des panneaux indicateurs placés à l’entrée du parking comportant le logo ‘La Toque Cuivrée’ ci-dessus décrit ainsi que la photographie de gâteaux de type cannelés, le logo étant également représenté sur le toit abri extérieur et la façade extérieure du magasin sur laquelle l’huissier constate la présence d’un film plaqué sur lequel sont représentés plusieurs cannelés, ces représentations étant également présentes à l’intérieur du magasin visible de l’extérieur. Il peut être également relevé au vu des clichés joints au procès-verbal que la façade du magasin est entièrement rouge alors que l’intérieur est de couleur claire.

Les sociétés Baillardan ont par ailleurs fait dresser des procès-verbaux de constat sur le site la-toque cuivrée.fr.

Un procès-verbal de constat d’achat dressé le 31 octobre 2014 sur le site la-toque-cuivrée.fr sur lequel il peut être constaté la présence d’un logo La Toque Cuivrée de couleur rouge, un bandeau comportant les rubriques du site également de couleur rouge et deux pavés offrant le choix de la commande en ligne et de l’achat en ligne également de couleur rouge, le reste de la page étant de couleur claire où il peut être lu sur un bandeau ‘La Toque Cuivrée fabrication artisanale de cannelés de Bordeaux’ et remarqué la photographie de trois cannelés de taille différente dénommés du plus grand au plus petit ‘Gros’, ‘Lunch’ et ‘Bouchée’. Est également constatée par procès-verbal du 5 novembre 2014, la réception des produits commandés dans un colis estampillé ‘cannelés de Bordeaux’ dans lequel se trouvent, outre les cannelés dans un sac en plastique comportant le logo ‘La Toque cuivrée’, un emballage en carton de couleur rouge de type ballotin sur lequel sont inscrits en lettres de couleurs beige ‘La Toque Cuivrée Cannelés de Bordeaux’ et quatre cannelés dessinés de façon réaliste.

Deux procès-verbaux dressés le 31 octobre 2014 (pièces 12 et 13), le premier sur le site archive.org montrant l’évolution du site la-toque-cuivrée.fr de 2007 à 2011, le second sur les sites Y.com et la-toque-cuivrée.fr ainsi que sur le page Facebook ‘Toque Cuivrée’.

Un procès-verbal établi le 25 mai 2016 (pièce 83) sur le site internet la-toque-cuivrée.fr sur lequel il peut être constaté la présence du logo ‘La Toque Cuivrée’ précédemment décrit et la présence en partie haute d’un bandeau à l’intérieur duquel défile une vidéo accompagnée d’une bande sonore sur laquelle figure des lieux de la ville de Bordeaux (Pont de pierre, place de la bourse, Fontaine des trois grâces, les quais de Bordeaux et le miroir d’eau).

Elles ont enfin fait dresser un procès-verbal de constat le 8 août 2014 relatif à la campagne d’affiches publicitaires ‘La Toque Cuivrée’ dans la ville de Bordeaux.

Les sociétés Y qui procèdent à une approche globale de l’ensemble des éléments qu’elles considèrent comme constituant des actes de concurrence parasitaire s’abstiennent de démontrer quels sont les éléments de l’identité visuelle ci-avant caractérisée qui seraient repris de manière fautive par chacune des intimées.

Il doit tout d’abord être relevé par la cour que les divers constats établis sur le site la-toque-cuivrée.fr ne permettent pas de déterminer laquelle des sociétés intimées est l’éditrice de ce site. De même, aucun élément ne vient établir lesquelles de ces sociétés sont à l’origine de la campagne de publicité objet du procès-verbal de constat en date du 8 août 2014.

Aussi, les fautes alléguées par les sociétés Y au titre des éléments apparaissant sur le site Internet critiqué ou sur la campagne d’affichage publicitaire constatée par huissier de justice ne peuvent être retenues par la cour, ces fautes ne pouvant être imputées à l’ensemble des intimées ainsi que le demandent les appelantes, étant relevé que certaines d’entre elles ont été constituées postérieurement aux fait reprochés et constatés.

Pour ce qui concerne les devantures de magasins, seules celles des magasins de Gradignan, Le Bousquat, Mérignac, Toulouse, Arcachon, Pessac, Eysines, Artigues, Libourne, Bouliac, […], […] et D E ont fait l’objet des procès-verbaux de constat précités y compris celui dressé le 22 novembre 2018 à la demande des intimées, les autres devantures étant reproduites sur des photocopies de photographies (pièce 107 des appelantes) non datées, dont les circonstances de fixation sont inconnues de la cour et dont la qualité rend peu aisée l’appréciation des éléments qui seraient inspirés à tort de l’identité visuelle et des codes de communication des sociétés Y. Seuls les procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice seront en conséquence retenus.

S’agissant du logo ‘La toque cuivrée’ de couleur rouge (Pantone 195C) où figure une représentation d’un cannelé autour de laquelle les mentions ‘La Toque Cuivrée’ et ‘Cannelés de Bordeaux’ sont écrites en lettres cursives de couleur blanc cassé, logo qui apparaît utilisé sur toutes les devantures des magasins objets des procès-verbaux de constat, il sera relevé avec les sociétés LTC que cette représentation réaliste d’un cannelé à douze faces se distingue notablement du logo utilisé par les sociétés Y constitué d’une représentation plus stylisée du cannelé, certes également représenté en contre-plongée, mais comportant sept faces, et même depuis 2013, ainsi qu’il résulte de la publicité figurant dans le magazine Le Mag Sud Ouest paru le 6 juillet 2013, d’une représentation encore plus stylisée en vue verticale comportant quatre faces, cette représentation de cannelé étant accompagnée du nom de ‘Y’ inscrite en-dessous en lettres bâtons.

S’il ressort que les appelantes utilisent toujours la première représentation du cannelé ci-dessus décrite, elles ne peuvent revendiquer au titre du parasitisme la figuration en contre-plongée du cannelé, celle-ci étant au vu des éléments fournis au débat celle retenue également par la confrérie des cannelés dans les années 1980 et également utilisée par d’autres fabricants de cette pâtisserie. A cet égard, la représentation réaliste d’un cannelé dont se prévalent également les sociétés Y et qui figure sur un petit emballage papier ou sur un emballage carton enveloppant un cannelé, éléments non datés et dont il ne peut être affirmé qu’ils sont encore utilisés, est inopérante, les sociétés appelantes ne démontrant pas que cette dernière participe de l’identité visuelle Y. En outre, la circonstance que ces logos soient tous deux représentés de couleur blanc cassé sur fond rouge est insuffisante à caractériser des actes de parasitisme au regard des développements qui précèdent, les nuances de couleur utilisées n’étant pas les mêmes et l’association de ces deux tons ne constituant pas à elle seule la valeur économique créée par les sociétés Y et ci-avant définie.

Pour ce qui concerne les emballages, il ressort du procès-verbal de constat en date du 20 août 2014 que le magasin de Draguignan utilise une boîte cartonnée de couleur rouge bordeaux avec multitude de petits cannelés dessinés et un ballotin de couleur extérieur entièrement rouge bordeaux avec nombreuses inscriptions ‘La Toque Cuivrée Cannelés de Bordeaux’ et des dessins de cannelés. L’examen de ces emballages par la cour font ressortir une couleur rouge différente de celle utilisée par les sociétés Y et surtout des conditionnements traditionnels qui se distinguent nettement des ‘écrins’ dont se prévalent les appelantes et pour la création desquels elle a procédé à des investissements conséquents et ce quand bien même les sociétés LTC ont le même fournisseur d’emballages que les sociétés Y.

Il résulte également que les magasins de […], Mérignac, Arcachon et Libourne utilisent sur leurs devantures des photographies macro de cannelés représentant ces gâteaux alignés de manière symétrique et régulière sous un angle de vue plongée donnant un effet de masse. Toutefois, ces images assimilées à une fournée de cannelés sortant du four, sont au vu des éléments fournis par les sociétés LTC, utilisées par d’autres fabricants de cannelés, et ne sont pas spontanément associées par le public aux sociétés Y. Cette utilisation est donc insuffisante à caractériser une faute de ces sociétés alors que les procès-verbaux de constat montrent que celles-ci utilisent de manière ponctuelle des éléments de couleur rouge (banne ou bandeau) sur leur devanture en grande partie de couleur claire, et que la nuance de rouge Pantone 195C utilisée se distingue, comme l’ont à juste titre relevé les premiers juges, ‘à l’oeil nu’ de celle utilisée par les sociétés Y.

Il en va de même du magasin ‘La Toque Cuivrée’ sis à Artigues objet d’un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 11 juin 2015 fourni au débat par les intimées.

La circonstance que la devanture du magasin de Toulouse est entièrement de couleur rouge, comporte un logo La Toque Cuivrée, une large photographie macro de cannelés, présente également dans le magasin, est également insuffisante à caractériser le comportement parasite de la société LTC Toulouse. En effet, outre que la nuance de rouge utilisée est différente, le logo comportant une représentation de cannelé occupe la quasi totalité de la devanture ce qui la différencie singulièrement de celle des appelantes dont il n’est pas usuel d’apposer leur logo en grand format, l’agencement intérieur du magasin ne comporte aucun élément de couleur rouge et les photographies macro de cannelés recouvrant les vitrines et le mur du fond ne rappelant nullement les codes de communication innovants des sociétés Y.

En outre, à supposer démontrée l’utilisation par chacune des intimées des termes ‘lunch’ et ‘bouchée’ en association avec des cannelés de taille différente, le seul élément fourni à cet égard étant le procès-verbal de constat sur le site internet la-toque-cuivrée.fr dont la société éditrice n’est pas connue, il est établi en défense que les trois tailles de cannelés (gros, moyen, petit) sont proposées par la majorité des fabricants de cannelés car correspondant aux moules mis à leur disposition et que l’association qui est faite des termes ci-avant rappelés (‘lunch’ associé au cannelé moyen et ‘bouchée’ au petit cannelé) ne peut être considérée à elle seule comme une valeur économique individualisée des sociétés Y dont la reprise serait constitutive d’acte de parasitisme.

Il convient également de relever avec les intimées qu’outre les devantures différentes et propres à chaque magasin ‘La Toque Cuivrée’, l’aménagement intérieur des boutiques est dépourvu de toute décoration sophistiquée et que leur simplicité se démarque notablement des boutiques exploitées par les sociétés Y à l’ambiance haut de gamme comme rappelé à plusieurs reprises dans les écritures des sociétés appelantes, que les tenues des vendeuses sont également dissemblables (blouses violettes pour les sociétés LTC, tailleur rouge pour les vendeuses des sociétés Y), et que les intimées n’ont pas développé comme les appelantes une politique de produits dérivés.

Les sociétés Y ne peuvent arguer de l’installation de sociétés LTC et de l’ouverture de leurs magasins dans le centre de la ville de Bordeaux, ce comportement ne pouvant être considéré comme fautif au regard du principe de la liberté d’établissement, étant relevé qu’à la différence des magasins des sociétés Y implantés dans le centre de Bordeaux, les gares et aéroports bordelais et parisiens, les sociétés LTC sont implantées pour la majorité dans la périphérie de la ville de Bordeaux ou dans des villes de province où les sociétés appelantes ne sont pas présentes.

De même, l’usage de l’expression ‘cannelés de Bordeaux’ par les sociétés LTC qui se trouvent en périphérie de cette agglomération n’est pas plus déloyale, cette expression ne faisant nullement référence aux sociétés Y.

Aussi, les sociétés Y échouent à démontrer la captation et l’utilisation intentionnelle par les sociétés LTC de la valeur économique qu’elles ont créé ou de leur notoriété afin de bénéficier d’un avantage concurrentiel sur le marché notamment pour commercialiser leurs produits à moindre coût et ce malgré un succès commercial rapide rencontré par les sociétés LTC sur le marché restreint du cannelé.

Elles seront en conséquence déboutées de l’ensemble de leurs demandes au titre des agissements parasitaires et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

Au vu des développements qui précèdent, l’utilisation de la mention ‘fabrication artisanale’ sur le site la-toque-cuivrée.fr constatée par procès-verbal du 31 octobre 2014 ne peut pas être retenue par la cour au titre des pratiques commerciales trompeuses invoquées par les appelantes au visa de l’article L. 121-1, I, 2° b) du code de la consommation, aucun élément ne venant démontrer laquelle des sociétés intimées est l’éditrice du site en cause à la date d’établissement du constat.

Les appelantes se contentant d’incriminer l’ensemble des sociétés LTC en ce compris celles créées postérieurement à l’établissement dudit procès-verbal, aucun élément ne permet de retenir une faute des intimées à ce titre, étant précisé que la cessation de l’utilisation de cette expression a été constatée par procès-verbal d’huissier de justice le 25 mai 2016.

De même, à supposer que la mention ‘l’authentique cannelé de Bordeaux’ utilisée dans les publicités à l’enseigne ‘La Toque Cuivrée’ affichée dans les rues de Bordeaux et objet d’un procès-verbal de constat en date du 8 août 2014 ou l’expression ‘Goûtez le meilleur’ comprise dans une publicité parue en première page du quotidien ‘Sud Ouest’ en date du 8 novembre 2018, puissent être considérées  comme trompeuses en ce qu’elles sont de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé, voire dénigrante, aucun élément fourni par les appelantes ne démontre laquelle des sociétés intimées est à l’origine de ces campagnes publicitaires et donc l’auteur de la faute alléguée.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné solidairement les sociétés LTC à payer la somme de 50.000 euros aux sociétés Baillardan pour mention trompeuse.

Sur les demandes des sociétés LTC au titre du dénigrement

Les sociétés LTC reprochent aux sociétés Y de communiquer par voie de presse des propos dénigrants, propos tenus par Mme F Y dans le cadre d’un entretien accordé au site latribune.fr objet d’un article publié le 4 octobre 2016 évoquant une action en justice qui n’a pas encore donné lieu à une décision.

Les propos de Mme Y, épouse du fondateur des sociétés Y, rapportés dans l’article en cause intitulé ‘A Bordeaux la guerre du cannelé aura bien lieu’, sont : ‘Certains concurrents sèment la confusion dans la tête des consommateurs. Ils pratiquent une politique de low cost quand nous visons un marché haut de gamme avec des produits de qualité et une fabrication artisanale, donc forcément plus chers à l’arrivée… et comme par hasard ils utilisent un code couleur très proche du notre.’

La divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement peu important qu’elle soit exacte.

Toutefois, ainsi que le font pertinemment valoir les sociétés Y, outre que Mme Y n’exerce aucun mandat social en leur sein et ne les représente pas, les sociétés LTC ne pouvant utilement alléguer que celle-ci se comporte comme une dirigeante de fait, les propos précités sont généraux, ne mentionnent pas directement, ni indirectement, les sociétés LTC, les références à une politique ‘low cost’ et au code couleur étant trop allusives pour que le lecteur identifie les intimées, ni devine une action judiciaire future, et ne sont donc pas de nature à jeter le discrédit sur les sociétés LTC. Les développements du journaliste entourant ces propos, qui cherchent à attirer le lecteur en évoquant directement la concurrence soutenue entre les enseignes Y et La Toque Cuivrée, les différends qui les opposent et un procès en préparation dont l’issue pourrait être défavorable aux sociétés LTC ne sont pas imputables aux sociétés Y.

Il résulte de ce qui précède que les sociétés LTC ne démontrent pas que les sociétés Y ont commis une faute constitutive de concurrence déloyale par dénigrement. Le jugement entrepris mérite en conséquence confirmation en ce qu’il a débouté les sociétés LTC de leurs demandes de dommages et intérêts et de publication judiciaire.

Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à l’infirmation des dispositions du jugement concernant les dépens.

Parties perdantes, les sociétés Y sont condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel et à payer aux sociétés LTC, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme globale de 40.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit irrecevable la demande de prescription des sociétés

La Toque Cuivrée, condamné les sociétés La Toque Cuivrée à payer solidairement aux sociétés Y la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice pour mention trompeuse et condamné les sociétés La Toque Cuivrée aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

Déboute les sociétés Will Holding et Will Distribution de leurs demandes au titre de la publicité trompeuse,

Condamne in solidum les sociétés Will Holding et Will Distribution aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Will Holding et Will Distribution à payer aux sociétés La Toque Cuivrée Artigues, Eysines, Gradignan, […], […], […], Arcachon, […], Niort, Clermont, Bouliac, Gambetta, Place D E, Brest, […], la somme globale de 40.000 euros,

Condamne in solidum les sociétés Will Holding et Will Distribution aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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