Qualifier des contrats de cession d’ensemble contractuel permet de les soumettre aux mêmes conditions contractuelles, notamment sur le volet de la résiliation.
Une Société a fait assigner une artiste devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse aux fins qu’il lui soit ordonné de signer toutes les oeuvres qu’elle a créées en atelier ainsi que toutes les oeuvres créées dans l’intervalle de cette instance, sous peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir.
Le contrat de collaboration signé par l’artiste et la société avait accordé à cette dernière le droit exclusif de financer, de produire, d’éditer, d’exposer, de représenter, de promouvoir et de commercialiser les oeuvres conçues par l’Artiste ; en cette qualité, la société détenait la propriété matérielle des oeuvres conçues par l’Artiste et qui ont déjà été produites et fabriquées … ainsi que (de celles) qui seront conçues par l’artiste, produites et fabriquées par la société à l’avenir.
Le même contrat avait aussi défini les ‘obligations de l’Artiste’ : « L’artiste s’engage à consacrer toute son énergie créative à la réalisation d’oeuvres d’art afin d’assurer, sous réserve de l’exercice de son droit de divulgation, un volume d’oeuvres permettant à la société d’organiser des expositions et une exploitation soutenue des créations artistiques qu’elle édite. En conséquence, (elle) s’engage, d’une année sur l’autre, à créer un volume d’oeuvres au moins équivalent à celui créé l’année précédente … (et donc) un nombre d’oeuvres qui permette à la société de réaliser un chiffre d’affaire hors taxes sur la vente des oeuvres au moins égal à celui de l’année précédente ; qu’aux termes de l’article 6.1, l’artiste et F B autorisent la société à reproduire les oeuvres, pour les besoins de leur exploitation ».
Par ces termes, son économie générale et les parties intervenantes, cet acte sous seing privé a été rapproché d’un autre contrat de cession partielle de droits signé, le même jour, par l’artiste mais aussi du « contrat de licence, d’image et de nom » également signé par les parties.
Les trois contrats précités, signés concomitamment, ont été considérés comme interdépendants en ce qu’ils participent tous d’un montage intellectuel visant à démembrer les droits de propriété intellectuelle de l’artiste, voire à s’assurer, à terme, de la quasi exclusivité de sa production artistique ; ils constituent donc bien, de part ces liens objectifs, un ensemble contractuel relevant dans sa globalité du droit de la propriété littéraire et intellectuelle.
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT DU 10 JUIN 2021
N° 2021/367
N° RG 20/10714
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGPKE
SOCIETE I
C/
C A
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me BADIE
Me LEROUX
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le président du tribunal judiciaire de Grasse en date du 22 Octobre 2020 enregistrée au répertoire général sous le
n° 20/00307.
APPELANTE
Société X., société à responsabilité limitée, dont le siège social est 1820 Chemin de Saint-Bernard – 06220 VALLAURIS
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEE
Madame C A
née le […] à BOURGES,
demeurant […]
représentée et assistée par Me Patrick LEROUX, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 20 Avril 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur D E, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. D E, Président
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Sophie SETRICK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2021.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2021,
Signé par M. D E, président et Mme Sophie SETRICK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame C A dite X est une artiste peintre et sculpteuse de renommée internationale. L’édition et la commercialisation de ses sculptures sont assurées par la société à responsabilité limitée (SARL) I dont elle est associée avec messieurs Y, Z et F B.
Le 16 avril 2015, Mme A, M. F B, son concubin, et la Société X. ont signé un contrat de collaboration et de dépôt d’oeuvres d’art à effet rétroactif au 1er janvier précédent. L’artiste s’est notamment engagée à consacrer toute son énergie créative à la réalisation d’oeuvres afin d’assurer, sous réserve de l’exercice de son droit de divulgation, un volume permettant à la Société X. d’organiser des expositions et une exploitation soutenue de ses créations artistiques.
La Société X. s’est quant à elle engagée à prendre en charge les frais de production des oeuvres et à mettre à disposition de l’artiste ses ateliers ainsi que du matériel.
Par actes sous seing privé du 16 avril 2015, Mme A a cédé à M. F B 50 % de ses droits portant sur ses oeuvres d’art et consenti à la Société X., en présence du précité, un ‘contrat de licence, d’image et de nom’. Par acte du 17 juillet suivant, elle a partiellement cédé à son concubin ses marques, dessins, modèles et noms de domaine.
Selon la Société X., les difficultés ont débutées au début de l’année 2020, concomitamment à la séparation du couple B-A. Elle se serait alors heurtée au refus de l’artiste de signer des oeuvres vendues par ses soins, pour lesquelles des commandes fermes, accompagnées d’acomptes, avaient été passées et qui devaient être immédiatement livrées.
Par acte d’huissier en date du 17 février 2020, la Société X. a fait assigner Mme C A devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse aux fins qu’il lui soit ordonné de signer toutes les oeuvres qu’elle a créées en atelier ainsi que toutes les oeuvres créées dans l’intervalle de cette instance, sous peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir.
Par ordonnance en date du 22 octobre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse :
— s’est déclaré incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé ;
— a dit que le dossier serait transmis par le greffe avec une copie de la décision de renvoi à défaut d’appel ;
— a réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Selon déclaration reçue au greffe le 5 novembre 2020, la Société X. a interjeté appel de cette décision et déposé une requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe sur le fondement des dispositions de l’article 84 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 18 novembre 2020, la présidente de la chambre 1-2 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a fixé par priorité l’affaire à l’audience du 5 janvier 2021 et dit que la Société X. devrait faire assigner Mme A conformément aux dispositions de l’article 920 du code de procédure civile.
Par acte d’huissier en date du 9 décembre 2020, la Société X. a fait signifier à Mme A la déclaration d’appel, la requête aux fins d’assignation à jour fixe et l’ordonnance du 18 novembre précédent.
Par dernières conclusions transmises le 12 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Société X. demande à la cour :
— sur la compétence :
‘ de juger que le président du tribunal judiciaire de Grasse est compétent pour statuer sur le présent litige ;
‘ en conséquence, d’infirmer l’ordonnance du 22 octobre 2020 sur sa déclaration d’incompétence au profit du président du tribunal judiciaire de Marseille et de débouter Mme A de l’intégralité de ses demandes ;
— sur l’évocation du litige :
‘ de juger qu’il y a lieu d’évoquer cette affaire afin de lui donner une solution définitive dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice ;
‘ de débouter Mme A de l’intégralité de ses demandes ;
‘ d’ordonner à Mme C A de signer toutes les oeuvres qu’elle a créées en atelier ainsi que toutes les oeuvres créées dans l’intervalle de cette instance, sous peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;
— en tout état de cause, de condamner Mme C A à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par dernières conclusions transmises le 16 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme A sollicite de la cour :
— à titre principal qu’elle :
‘ confirme en toute ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse le 22 octobre 2020 ;
‘ renvoie l’affaire par devant madame ou monsieur le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en matière de référé ;
— à titre subsidiaire, dans le cas où la cour déciderait d’évoquer l’affaire :
‘ constate l’existence de contestations sérieuses l’ayant conduite à faire valoir dans un premier temps son exception d’inexécution et dans un second temps à procéder à la résiliation du contrat de collaboration dans les conditions prévues au contrat ;
‘ constate que la Société X. a saisi les juges du fond des mêmes demandes que celles portées devant le juge des référés ;
‘ dise par conséquent n’y avoir lieu à référé ;
— en tout état de cause :
‘ déboute la Société X. de toutes ses demandes ;
‘ condamne la Société X. à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamne la Société X. aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exception d’incompétence
Attendu qu’aux termes de l’article L 331-1 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire ; que l’article D 211-6-1 du même code dispose : le siège et le ressort des tribunaux judiciaires ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, sont fixés conformément au tableau VI annexé au présent code ; que le tribunal judiciaire de Marseille est ainsi
désigné pour connaître des actions de ce type engagées sur les ressorts des cours d’appel d’Aix-en-Provence, Bastia, Montpellier et Nîmes ;
Attendu que le contrat de collaboration signé par Mme A, M. F B et la Société X., le 16 avril 2015, stipule, en son article 1.1, qu’il emporte résiliation du Contrat d’Artiste du 10 février 2014 auquel il se substitue à partir du 1er janvier 2015 ; que l’article 1.2 précise : par le présent contrat … l’Artiste et M. B accordent à la société le droit exclusif de financer, de produire, d’éditer, d’exposer, de représenter, de promouvoir et de commercialiser les oeuvres conçues par l’Artiste ; que l’article 1.3 ajoute : en cette qualité, la société détient la propriété matérielle de ces oeuvres conçues par l’Artiste et qui ont déjà été produites et fabriquées … ainsi que (de celles) qui seront conçues par l’artiste, produites et fabriquées par la société à l’avenir ;
Attendu que l’article 4 du même contrat définit comme suit les ‘obligations de l’Artiste’ : L’artiste s’engage à consacrer toute son énergie créative à la réalisation d’oeuvres d’art afin d’assurer, sous réserve de l’exercice de son droit de divulgation, un volume d’oeuvres permettant à la société d’organiser des expositions et une exploitation soutenue des créations artistiques qu’elle édite. En conséquence, (elle) s’engage, d’une année sur l’autre, à créer un volume d’oeuvres au moins équivalent à celui créé l’année précédente … (et donc) un nombre d’oeuvres qui permette à la société de réaliser un chiffre d’affaire hors taxes sur la vente des oeuvres au moins égal à celui de l’année précédente ; qu’aux termes de l’article 6.1, l’artiste et F B autorisent la société à reproduire les oeuvres, pour les besoins de leur exploitation ;
Attendu que par ses termes, son économie générale et les parties intervenantes, cet acte sous seing privé doit être rapproché du contrat de cession partielle de droits signé, le même jour, par Mme A et M. B ; que celui-ci stipule en effet que l’artiste cède à son concubin de l’époque, la cote part de copropriété indivise de 50 % du stock virtuel d’oeuvres existantes et à venir et des droits patrimoniaux qui y sont attachés (articles 2.1.1 et 2.1.2) … en contrepartie (des) investissements financiers et humains réalisés par M. B (article 5) ; que c’est en cette qualité que ce dernier est intervenu au contrat de collaboration ;
Qu’enfin, ledit contrat de collaboration doit être mis en perspective avec le contrat dit ‘de licence, d’image et de nom’, également signé le 16 avril 2015 par Mme A et la Société X., en présence de M. B, contrat aux termes duquel le Concédant concède à titre exclusif au Licencié, qui l’accepte de manière pleine et entière, le droit d’utiliser son image … (et) son nom (article 1) et lui consent à cette fin et à titre exclusif, un mandat d’exploitation (article 2) ;
Attendu dès lors que les trois contrats précités, signés concomitamment, doivent être considérés comme interdépendants non seulement en ce que le ‘contrat de cession partielle de droits’ définit les qualités de M. B dans les deux autres actes mais aussi en ce qu’ils participent tous d’un montage intellectuel visant à démembrer les droits de propriété intellectuelle de Mme A, voire à s’assurer, à terme, de la quasi exclusivité de sa production artistique ; qu’ils constituent donc bien, de part ces liens objectifs, un ensemble contractuel relevant dans sa globalité du droit de la propriété littéraire et intellectuelle ;
Attendu par ailleurs que la signature d’une oeuvre d’art par son créateur s’analyse comme une appropriation intellectuelle ; que cet acte, qui ne peut être réduit à sa simple dimension matérielle, revêt importance singulière lorsque, comme en l’espèce, l’oeuvre signée a été conçue par un artiste dit ‘conceptuel’ qui en a délégué la confection à un tiers ; que cela est d’autant plus avéré dans la présente affaire, que l’ensemble contractuel précité, dans lequel il s’opère, entraîne dépossession de Mme A de la moitié de ses droits intellectuels et de la totalité de ses droits de regard sur les modalités de commercialisation, production, reproduction, exposition, promotion et commercialisation de ses oeuvres ;
Attendu dès lors que c’est des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a considéré que la demande qui lui était présentée d’ordonner à l’artiste de signer ses oeuvres nécessite d’apprécier les obligations de chacune des parties et leurs éventuels manquements dans un cadre contractuel ayant trait au droit de propriété littéraire et artistique ; que lesdites obligations sont actuellement discutées dans le cadre de plusieurs procédures engagées devant le tribunal judiciaire de Marseille ; que l’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce que le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse s’est déclaré incompétent au profit de cette juridiction, spécialisée en la matière ;
Sur la demande d’évocation
Attendu qu’aux termes de l’article 88 du code de procédure civile, lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction ;
Attendu que la cour d’appel d’Aix-en-Provence est juridiction d’appel du tribunal judiciaire de Marseille ; que compte tenu des instances pendantes au fond devant cette juridiction, de l’enjeu du présent litige et de l’urgence alléguée par la Société X., il est très vraisemblable que la décision qui sera rendue par le juge de première instance, quel qu’en soit l’orientation, sera frappée d’appel ; qu’il convient dès lors, tant dans l’intérêt des parties que dans une optique de bonne administration de la Justice, d’évoquer l’affaire ;
Sur le trouble manifestement illicite
Attendu qu’aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite : dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ;
Attendu qu’aux termes de l’article 8-1 du contrat de collaboration, pour toute la durée du contrat, la société reversera à l’Artiste et à F B un pourcentage égal à 10 % du prix de vente public hors taxes de chacune des oeuvres produites et vendues ; que l’article 8.2 précise que ce pourcentage … sera ensuite réparti de la manière suivante : 50 % pour l’Artiste et 50 % pour F B ; qu’enfin, l’article 9 stipule : chacune des parties pourra résilier de plein droit le présent contrat en cas de manquement par l’autre partie à l’une quelconque de ses obligations ;
Attendu que, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 3 mars 2020, le conseil de Mme A a, après analyse de sa comptabilité des années 2015 à 2019, mis la Société X. en demeure de verser à sa cliente la somme de 433 090,75 euros correspondant à 5 % du chiffre d’affaire hors taxe cumulé lié à la vente de ses oeuvres, évalué à 8 661 815 euros hors taxes depuis le 1er janvier 2015; que, par courrier daté du 16 mars suivant, cette dernière a réévalué à 8 119 958 euros le chiffre d’affaire considéré, ramenant à 405 998 euros le montant de la redevance que (l’artiste) pourrait revendiquer, et souligné que le montant perçu par Mme A G (s’élevait), au moins, à 577 114 euros ; que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 25 mars 2020, cette dernière a notifié à l’appelante la résiliation immédiate du contrat de collaboration conformément aux stipulations de son article 9 ; que, par acte d’huissier en date du 12 mai suivant, elle l’a faite assigner devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de l’entendre condamner à lui verser la somme précitée au titre des redevances dues ainsi que 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que, comme le souligne l’intimée dans son courrier en réponse du 19 mars 2020, aucune des écritures passées dans les ‘grands livres de comptes généraux’ de la Société X. ne semble, en première analyse, concerner ou s’apparenter au paiement des redevances dues en exécution de l’article 8-1, précité, du contrat de collaboration ; que si des sommes ont bien été versées à Mme A, elle en a bénéficié en sa qualité, non contestée, de salariée (compte 421 :1 000 euros par mois), par imputation sur son compte courant d’associée (compte n° 45510) et au titre de la mise à disposition d’une carte bancaire (compte n° 46712) ; qu’il est également possible, voire vraisemblable, qu’elle ait profité des très importants ‘frais de déplacement’, ‘mission-réception’ ou d’ ‘hôtel’ enregistrés dans les écritures comptables sous les numéros de comptes 62510, 62530, 62570 et 62580 ;
Attendu que l’ensemble de ces éléments souligne le sérieux de l’exception d’inexécution soulevée par Mme A pour justifier la résiliation du contrat de collaboration par application de son article 9 ; que la validité dudit contrat est également discutée, devant la juridiction du fond, sur le terrain de la capacité qu’avait cette dernière de céder (concomitamment) 50 % ses droits à M. B et donc sur la qualité de cocontractant de ce dernier ; que s’il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de se laisser attraire plus avant dans ces débats, actuellement pendants devant la juridiction du fond, il ne peut néanmoins que constater, qu’en l’état de ces contestations, le trouble causé à la Société X. par le refus de l’intimée de signer les oeuvres crées en atelier ne peut être qualifié de manifestement illicite ; qu’il n’y a donc lieu à référé sur les demandes d’exécution forcée formulées par l’appelante ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu qu’il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Attendu que la Société X., qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte ; qu’il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense en première instance et appel ; qu’il lui sera donc alloué une somme de 2 500 euros ;
Que H I supportera en outre les dépens de première instance et d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse s’est déclaré incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé et a réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;
Evoquant l’affaire pour le surplus,
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande d’exécution sous astreinte formulée par la Société X. ;
Condamne la Société X. à verser à Mme C A la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Société X. aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière Le président