Propriété intellectuelle : Edition d’œuvres contemporaines : affaire Sou Fujimoto

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L’association d’un galeriste et d’un marchand d’art pour commander des œuvres d’art en vue de les revendre peut s’analyser en société en participation avec affectio societatis. Attention toutefois, à bien encadrer le financement des pertes en l’absence d’acheteur desdites œuvres.     

Contrat de commande de maison d’art contemporain  

Un marchand de tableaux, a conclu avec l’exploitant une galerie d’art, un contrat en vue de l’édition à un tirage limité à douze, d’une oeuvre architecturale consistant en la maison ‘Many small cubes’ conçue par architecte japonais Sou Fujimoto. Dans le cadre de ce contrat, le marchand de tableaux s’engageait à assurer le financement intégral de la première maison pour la somme de 285 000 € qui devait lui être remboursée dès la vente de celle-ci, les parties se partageant le bénéfice d’exploitation résultant de la vente des maisons suivantes.

Les mêmes parties ont conclu un contrat identique pour la construction d’une maison ‘Fleur’,  par lequel le marchand de tableaux s’engageait à assurer le financement de la construction de la première maison pour la somme de 270 000 €. Pour le financement de cette maison le marchand de tableaux obtenait un prêt de 270 000 € moyennant un intérêt de 8,5% de la société hongkongaise Link ressources HK ltd, selon un accord de partenariat.  

Les maisons en question ont été construites et exposées mais n’ont pas trouvé acquéreurs.

Après l’échec d’une tentative de médiation, le marchand de tableaux a fait assigner le galeriste afin d’obtenir la restitution de la somme de 550 000 € investie dans ces deux opérations, outre des dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la non-exécution des deux contrats.

Le jugement a été confirmé en ce qu’il a retenu que le marchand d’art ne rapportait pas la preuve d’une réticence dolosive de la part de son cocontractant alors qu’il ne peut se déduire du refus de ce dernier de donner suite à une offre d’achat de la maison Fleur par le galeriste,  qu’il n’était pas réellement intéressé par l’exploitation commerciale des oeuvres architecturales lors de la conclusion des deux contrats.  

Le galeriste n’a pas souhaité donné suite à cette proposition parce qu’il estimait le prix offert soit 400 000 € insuffisant alors que la réalisation de la maison et son exposition à Art Basel étaient encore récentes et qu’il pouvait espérer une offre plus favorable.

Il ne peut non plus être retenu un désintérêt du galeriste pour la promotion de ces réalisations alors qu’il n’est pas contesté qu’il est à l’origine de leur exposition à la Fiac et dans les jardins du château d’Asnières pour Many small cubes et à Art Basel pour Flower house.

Cession parfaite des droits d’édition

Par ailleurs, aux termes des deux contrats conclus, le galeriste devait apporter les droits d’édition des oeuvres architecturales concédés par chacun des deux architectes afin d’en céder 50% au marchand d’art.

Par le contrat conclu, chacun des deux architectes avait cédé au marchand d’art son droit d’éditer douze exemplaires d’une œuvre architecturale consistant en une petite maison, qui devenait la propriété de l’éditeur (celui-ci pouvait la vendre, moyennant le paiement à l’architecte de 10% HT du prix de vente).

Ainsi, le marchand d’art justifiait être titulaire des droits d’édition des oeuvres architecturales en cause. Il n’était d’ailleurs pas fait mention de difficultés survenues postérieurement à propos de la cession de leurs droits patrimoniaux. Ainsi, il ne pouvait être retenu que le marchand aurait été trompé à ce sujet et que le galeriste n’aurait pas effectué les apports prévus aux contrats.

S’agissant d’un défaut d’affectio societatis, le marchand reprochait au galeriste de ne pas lui donner des comptes sur l’utilisation des fonds qu’il a apportés, néanmoins ceux-ci étaient destinés à la réalisation d’une première maison pour chacun des deux architectes et que celles-ci ont effectivement été construites et exposées.

Par ailleurs, il ne pouvait se déduire du comportement du galeriste que celui-ci se soit désintéressé de l’exploitation des oeuvres architecturales en cause et que l’échec commercial de leurs projets lui soit imputable. Il ne pouvait non plus être retenu que le marchand soit le seul à supporter la charge financière de cet échec commercial alors que de son côté le galeriste a assuré le transport, l’exposition et l’entreposage des oeuvres ainsi que les frais d’édition des ouvrages destinés à la promotion des architectes.

En conséquence, la juridiction a retenu la qualification de société en participation entre les parties.  

Enfin, si le désaccord entre les deux associés était désormais manifeste, il appartenait au marchand d’art d’établir qu’il paralysait le fonctionnement de la société; or le fait pour le galeriste d’avoir refusé de donner suite à une unique offre ne s’analyse pas en une volonté de bloquer la réalisation du projet commun. Les demandes d’indemnisation du marchand d’art ont donc été écartées.

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