Fait musical peu connu, David Gilmour (Pink Floyd) a utilisé, avec l’autorisation du producteur et de l’auteur, le jingle de la SNCF constitué des quatre notes Do, Sol, La bémol et Mi bémol, pour composer l’œuvre musicale « Rattle That Lock ». Le chanteur / compositeur avait réalisé un enregistrement du jingle avec son téléphone sur le quai de la gare d’Aix-en-Provence pendant l’été 2013, extrait qui est devenu ‘la partie clavier du titre ‘ « Rattle That Lock » (sans avoir été rejoué au clavier).
L’auteur et son producteur ont poursuivi les producteurs du titre (les sociétés DGML et Sony) pour contrefaçon en faisant valoir un dépassement des actes autorisées sur le jingle. La juridiction n’a retenu aucun acte de contrefaçon.
Portée de la cession des droits
Le 5 décembre 2014 la société DGML agissant pour le compte de David Gilmour, auteur, et la société Sixième Son Edition, éditeur du jingle ont conclu un contrat relatif au partage des revenus, à la titularité des droits d’auteur, à la licence du droit de reproduction mécanique, et aux droits moraux de ‘l’oeuvre comprenant un extrait de l’oeuvre musicale intitulée Le Lien SNCF’, oeuvre seconde désormais connue sous le titre ‘Rattle that lock’.
Un avenant a par ailleurs été régularisé le 15 avril 2015 entre la société Sixième Son Communication, éditeur de l’œuvre intitulée ‘Le Lien SNCF’ et producteur des enregistrements, et la SNCF, titulaire d’une licence exclusive d’exploitation de son identité sonore, par lequel la SNCF autorise la société Sixième Son à collaborer avec David Gilmour et la société DGML en vue de la création d’une oeuvre nouvelle dérivée de l’identité sonore de la société SNCF, cette autorisation étant consentie à titre gratuit, pour le monde entier, et pour toute la durée de protection de l’oeuvre .
Le contrat stipule en son article 1 un ‘partage des revenus’ relativement à ‘l’œuvre’ qui est ‘une composition musicale avec paroles écrites par l’Auteur et le Coauteur’ laquelle ‘comprend un extrait de l’oeuvre musicale intitulée ‘Le lien SNCF’ (ci-après dénommé le ‘Sample’), l’exploitation de la musique et des paroles étant répartie à hauteur de 87,5% pour l’Auteur et 12,5% pour le Coauteur, et l’exploitation de la musique seule répartie à concurrence de 75% pour l’Auteur et 25% pour le Coauteur.
L’article 3 intitulé ‘Licence du droit de reproduction mécanique et de synchronisation stipule :
3-1 ‘Le Coauteur et/ou l’Editeur cèdent par les présentes à l’Auteur, ou s’engagent à ce que l’Auteur puisse acquérir auprès de tout tiers sur demande, des licences du droit de reproduction mécanique et/ou de synchronisation (et en premier lieu les licences droit de reproduction mécanique) et/ou toute autre autorisation ou licence applicable, dans le respect de la part détenue par le Coauteur au sein de l’oeuvre, afin de permettre à l’Auteur d’exploiter l’Oeuvre et/ou le Sample (sans autre consultation du Coauteur) dans le monde entier, par tout moyen et sur tout support, sous réserve du paiement des redevances éditoriales habituelles selon les taux conformes aux usages ou règlementaires tels qu’applicables à tout moment dans le pays concerné, à l’exception des Etats-Unis ou du Canada où les trois quart du taux légal pour le droit de reproduction mécanique sera acceptable.
3-2 Nonobstant ce qui précède, l’Auteur n’utilisera pas et n’exploitera pas (et n’autorisera ni l’utilisation, ni l’exploitation) de l’Oeuvre et/ou du Sample dans le cadre de toutes publicités ou promotion pour des marques visant à promouvoir les biens, produits ou services d’un tiers
3-4 L’Auteur sera autorisé à modifier, compléter et/ou modifier l’Oeuvre (y compris afin de lever toute ambiguïté, la composition du Coauteur) et/ou le Sample à l’entière discrétion de l’Auteur, sans autre consultation du Coauteur et/ou de l’Editeur.
3.5 Sous réserve que l’Auteur obtienne toute autorisation de tiers concernés (y compris auprès du propriétaire de tout enregistrement sonore comprenant le Sample), et qu’il s’acquitte de tous les frais nécessaires y afférents, le Coauteur et/ou l’Editeur acceptent par les présentes que l’Auteur soit autorisé à intégrer le Sample à l »oeuvre et à l’exploiter en vertu des conditions visées dans le présent Contrat’.
Autorisation d’exploiter parfaite
Ces dispositions établissent qu’une autorisation a été donnée à David Gilmour d’exploiter l’extrait de l’enregistrement de la composition musicale ‘Le Lien SNCF’ : « David Gilmour est autorisé à intégrer le sample à l’oeuvre, à le modifier et à l’exploiter sous réserve de l’autorisation du ‘propriétaire de tout enregistrement sonore comprenant le sample », le sample pouvant dès lors être compris comme l’extrait de l’enregistrement sonore de la composition musicale ‘le Lien SNCF’, et le propriétaire, à savoir la SNCF, ayant expressément donné son autorisation par avenant.
En outre, le contrat ne contient aucune disposition précisant en préambule que l’autorisation donnée à ‘l’Auteur’ d’exploiter un extrait de la composition musicale ‘le Lien SNCF’au sein de son œuvre ne vaut pas autorisation d’exploiter un extrait de l’enregistrement sonore de ladite composition, qui devrait faire l’objet d’un contrat séparé à conclure avec la société Sixième Son en sa qualité de producteur dudit enregistrement.
Enfin, le contrat stipule que ‘le coauteur accepte et reconnaît, par les présentes, qu’il a entendu et approuvé la Composition’, ladite ‘composition’ étant définie comme ‘la composition intégrant un extrait de la composition musicale intitulée Le lien SNCF’, de sorte qu’il est ainsi établi que prélablement à la conclusion du contrat, l’auteur avait écouté l’oeuvre litigieuse, au moins dans sa version initiale, et ce sans qu’il soit démontré ni même vraiment allégué que la version qu’il aurait entendu et approuvé antérieurement au contrat reprenait seulement les notes de la composition musicale ‘Le Lien SNCF’ et non son enregistrement.
A noter que David Gilmour a fait écouter à l’auteur du jingle la version finale de ‘Rattle that lock’ et que le lendemain ce dernier a envoyé un message ne laissant transparaître aucune difficulté quant à cet enregistrement, pas plus que plusieurs semaines après à l’occasion d’un entretien diffusé sur RTL dans lequel il exprimait son plaisir et sa fierté d’avoir été associé à ce projet, ajoutant que l’album ‘a une qualité sonore absolument exceptionnelle’, cet enthousiasme n’étant dès lors pas compatible avec la violation alléguée des dispositions contractuelles négociées entre professionnels, et ce alors que la double qualité de producteur et d’éditeur de la société Sixième Son Communication était connue et régulièrement rappelée.
______________________________________________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 15 JUIN 2021
Numéro d’inscription au répertoire général :19/14255 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKTW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris – 3e chambre – 2e section – RG n° 17/00096
APPELANTE
SAS SIXIEME SON COMMUNICATION
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 402 188 759
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée et assistée de Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
INTIMÉES
Société David Gilmour E F
Société de droit anglais (private F company)
Enregistrée sous le numéro 012 092 13
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
[…]
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Eric LAUVAUX de la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
SAS SONY E ENTERTAINMENT FRANCE SAS
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 542 055 603
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Eric LAUVAUX de la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 31 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l’appel interjeté le 11 juillet 2019 par la société Sixième Son Communication,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 juillet 2020 par la société Sixième Son Communication, appelante et intimée incidente,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 novembre 2020 par la société David Gilmour E F (DGML) et la société Sony E Entertainment France (Sony E), intimées et appelantes incidentes,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 19 janvier 2021,
SUR CE, LA COUR :
La société Sixième Son Communication, fondée en 1995 par Y X, se présente comme leader mondial du design musical et de l’identité sonore des marques ou des entreprises. Elle a pour activité principale la sonorisation d’espaces commerciaux et revendique une clientèle prestigieuse, titulaire de marques renommées telles que Coca-Cola, Peugeot, Samsung ou La Française Des Jeux.
Elle expose être l’éditeur musical de l’oeuvre intitulée «’Le Lien SNCF», jingle de la SNCF, constitué des quatre notes Do, Sol, La bémol et Mi bémol, composé par Y X, issu d’une oeuvre d’une durée d’environ deux minutes déposée le 9 décembre 2004 à la SACEM.
La société Sixième Son Communication revendique aussi la qualité de producteur de cette oeuvre , et être titulaire en conséquence des droits voisins relatifs à l’enregistrement de la dite oeuvre .
En qualité d’éditeur de l’oeuvre et de producteur de l’enregistrement, elle a conclu le 6 décembre 2004 avec la SNCF, qui utilise cette identité sonore depuis le 15 mars 2005, un contrat de licence exclusive d’exploitation, ayant fait l’objet depuis lors de nombreux avenants destinés à préciser les conditions de nouveaux usages du jingle.
La société David Gilmour E Ltd assure la production phonographique et l’édition musicale des compositions de David Gilmour, artiste-interprète, musicien et auteur-compositeur connu en particulier comme chanteur et guitariste du groupe Pink Floyd.
Il est exposé que David Gilmour a enregistré sur son téléphone portable alors qu’il se trouvait dans la gare d’Aix-en-Provence pendant l’été 2013 le jingle de la SNCF, et qu’il a demandé à son agent B C de se rapprocher des créateurs dudit jingle .
B C et D X se sont rencontrés pour la première fois le 31 octobre 2013, et selon la société DGML B C lui a fait écouter la version initiale d’un enregistrement composé par David Gilmour, enregistré avec ses musiciens et intégrant un extrait de la composition musicale ’le lien SNCF’.
Le 5 décembre 2014 la société DGML agissant pour le compte de David Gilmour, auteur, Y X, co-auteur, et la société Sixième Son Edition, éditeur, ont conclu un contrat relatif au partage des revenus, à la titularité des droits d’auteur, à la licence du droit de reproduction mécanique, et aux droits moraux de ‘l’oeuvre comprenant un extrait de l’oeuvre musicale intitulée Le Lien SNCF’, oeuvre seconde désormais connue sous le titre ‘Rattle that lock’.
Un avenant n°16 a par ailleurs été régularisé le 15 avril 2015 entre la société Sixième Son Communication, éditeur de l’oeuvre intitulée ‘Le Lien SNCF’ et producteur des enregistrements, et la SNCF, titulaire d’une licence exclusive d’exploitation de son identité sonore, par lequel la SNCF autorise la société Sixième Son à collaborer avec M. David Gilmour et la société DGML en vue de la création d’une oeuvre nouvelle dérivée de l’identité sonore de la société SNCF, cette autorisation étant consentie à titre gratuit, pour le monde entier, et pour toute la durée de protection de l’oeuvre .
Le 23 juin 2015, David Gilmour a invité M. D X à son domicile, et lui a fait écouter la version finale de la chanson ‘Rattle that Lock’, l’album sur lequel figure le titre ‘Rattle that lock’ étant commercialisé à partir du 17 juillet 2015.
Les relations entre les parties se sont tendues à partir de mi-juillet 2015, la société DGML reprochant à M. D X une violation de son obligation de confidentialité avant la sortie de l’album, et la société Sixième Son faisant grief à la société David Gilmour d’utiliser, sans autorisation, au sein du phonogramme, l’enregistrement de l’oeuvre ‘le Lien SNCF’.
Par acte d’huissier respectivement délivrés à la société DGML et à la société Sony les 27 décembre 2016 et 17 janvier 2017, la société Sixième Son Communication a fait assigner celles-ci en la violation de ses droits de producteur de phonogramme.
Par jugement en date du 31 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris a notamment:
DIT que la société David Gilmour td a obtenu les autorisations nécessaires, tant au titre des droits d’auteur que des droits voisins, lui permettant d’incorporer l’enregistrement du jingle de la SNCF effectué par David Gilmour au sein du titre «’Rattle That Lock » ;
REJETE les demandes au titre de la contrefaçon formées à l’encontre des sociétés David Gilmour E Ltd et Sony E Entertainment France ;
REJETE les demandes réparatrices et indemnitaires subséquentes ;
DIT n’y avoir lieu d’ordonner des mesures de publication ;
DEBOUTE les sociétés David Gilmour E Ltd et Sony E Entertainment France de leur demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive’;
CONDAMNE la société Sixième Son Communication à payer aux sociétés David Gilmour E Ltd et Sony E Entertainment ensemble une somme de 40.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Sixième Son Communication aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Sur la violation des droits voisins de la société Sixième Son Communication
La société Sixième Son Communication prétend que dès le début des échanges entre les parties, l’objet des discussions portait uniquement sur l’utilisation des quatre notes extraites de l »oeuvre composée par M. X protégée au titre des droits d’auteur et qu’il n’a jamais été question de l’utilisation d’un sample de l’enregistrement, c’est-à-dire la reproduction du phonogramme produit par Sixième Son. Elle soutient que même si M. X a posé à M. B C, agent de M. David Gilmour, la question de savoir si ce dernier allait utiliser le sample tel qu’il l’a enregistré à la gare dans son nouveau titre qui allait devenir ‘Rattle that lock’, aucune réponse ne lui a été apportée et que M. Y X n’a donc pu écouter la version finale de ce titre que lors de sa visite aux studios de M. David Gilmour le 23 juin 2015.
Elle soutient que le seul accord écrit entre les parties, à savoir le contrat de co-autorat signé le 5 décembre 2014 portait sur les droits d’auteur et de l’édition musicale de l »oeuvre composite « Rattle That Lock », et considère qu’en tant que productrice de l’enregistrement de l »oeuvre «’Lien SNCF’» composée par M. X, elle aurait dû être sollicitée pour donner son autorisation afin de reproduire cet enregistrement dans l »oeuvre composite ‘Rattle that lock’, conformément aux pratiques du secteur selon lesquelles le producteur sollicite deux autorisations en cas d’utilisation d’un sample’: la première pour l’utilisation de l »oeuvre d’une part et la seconde pour l’utilisation de l’enregistrement d’autre part.
L’appelante reproche au tribunal d’avoir dénaturé les termes du contrat du 5 décembre 2014 qui ne comprend, selon elle, aucune référence à l’extrait du phonogramme, le terme «’Sample’» étant défini dans l’article premier comme un extrait d’un fragment de la composition musicale (l »oeuvre elle-même) qui ne devrait pas être confondu avec l’extrait du phonogramme consistant en l’enregistrement de l »oeuvre . Elle ajoute que les termes du contrat excluent expressément les droits sur l’enregistrement phonographique, la portée de l’autorisation donnée par le contrat du 5 décembre 2014 étant donc limitée à l’incorporation du «’Sample’» défini comme un «’extrait de l »oeuvre ‘».
L’appelant en conclut que la reproduction sans son autorisation de l’enregistrement qu’elle a produit, au sein des différentes versions du titre « Rattle That Lock » interprété par l’artiste David Gilmour et exploitées par les sociétés DGML et Sony E constitue des actes de contrefaçon sanctionnés par l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle.
En réponse, les sociétés David Gilmour E F et Sony E font valoir que dès l’origine et jusqu’à la version commercialisée de ‘Rattle that lock’, l’enregistrement réalisé par David Gilmour avec son téléphone dans la gare d’Aix-en-Provence a été utilisé par David Gilmour et ses musiciens. Elles exposent que la première version du titre comportant la reproduction du jingle – et non les mêmes notes jouées au clavier – a été enregistrée le 19 septembre 2013 et que lorsque B C ct Y X se sont rencontrés le 31 octobre 2013, c’est cet enregistrement qui a été écouté et évoqué sans qu’aucune objection soit alors émise. Elles relèvent que la version finale du titre a été présentée à Y X le 23 juin 2015 dans le studio de David Gilmour et que Y X n’a jamais fait part d’un mécontentement alors qu’à ce moment-là il était possible de ne pas inclure l’enregistrement du jingle.
Elles prétendent que Y X a été tenu informé de l’avancement du projet et impliqué dans l’organisation de la promotion du titre ‘Rattle that lock’, et que l’autorisation donnée au titre du contrat du 5 décembre 2014 porte sur la possibilité d’incorporer le sample du jingle, c’est-à-dire l’enregistrement du jingle dans le titre ‘Rattle that lock’, la seule réserve imposée à l’article 3.5 du contrat étant l’obtention de l’autorisation des tiers concernés, c’est-à-dire la SNCF. Elles relèvent que conformément à l’article 3.5 du contrat, l’appelante s’est rapprochée de la SNCF afin d’obtenir son accord pour la reproduction du jingle et que cette dernière ayant donné son autorisation, un avenant n°16 a été porté au contrat liant les sociétés Sixième Son Communication et la SNCF. Elles en concluent que toutes les autorisations nécessaires lui ont été consenties tant au titre des droits d’auteur que des droits voisins.
Elles font observer que la société Sixième Son Communication n’a remis en cause la portée des autorisations obtenues qu’après que la société DGML a fait part à Y X de son mécontentement quant à la violation de son obligation de confidentialité, et font valoir que si la société DGML a proposé à l’appelante de signer un «’Master Sample Clearance Agreement’», c’était uniquement pour mettre fin à leur différend de façon amiable.
Sur la portée du contrat conclu le 5 décembre 2014 entre la société DGML, Y X, et la société Sixième Son
La cour constate que le contrat litigieux a été conclu le 5 décembre 2014, entre la société DGML agissant pour le compte de David Gilmour, ‘dénommé l’Auteur’, Y X, ‘dénommé le Coauteur’, et la société Sixième Son Edition, ‘dénommée l’Editeur’, étant précisé qu’il n’est pas contesté, ainsi que l’a pertinemment relevé le tribunal, qu’il n’existe pas de société Sixième Son Edition, et qu’il s’agit donc de la personne morale, partie à l’instance, dénommée Sixième Son Communication.
Le contrat stipule en son article 1 un ‘partage des revenus’ relativement à ‘l’ŒUVRE’ qui est ‘une composition musicale avec paroles écrites par l’Auteur et le Coauteur’ laquelle ‘comprend un extrait de l’oeuvre musicale intitulée ‘Le lien SNCF’ (ci-après dénommé le ‘Sample’), l’exploitation de la musique et des paroles étant répartie à hauteur de 87,5% pour l’Auteur et 12,5% pour le Coauteur, et l’exploitation de la musique seule répartie à concurrence de 75% pour l’Auteur et 25% pour le Coauteur.
L’article 3 intitulé ‘Licence du droit de reproduction mécanique et de synchronisation stipule :
3-1 ‘Le Coauteur et/ou l’Editeur cèdent par les présentes à l’Auteur, ou s’engagent à ce que l’Auteur puisse acquérir auprès de tout tiers sur demande, des licences du droit de reproduction mécanique et/ou de synchronisation (et en premier lieu les licences droit de reproduction mécanique) et/ou toute autre autorisation ou licence applicable, dans le respect de la part détenue par le Coauteur au sein de l’oeuvre , afin de permettre à l’Auteur d’exploiter l’Oeuvre et/ou le Sample (sans autre consultation du Coauteur) dans le monde entier, par tout moyen et sur tout support, sous réserve du paiement des redevances éditoriales habituelles selon les taux conformes aux usages ou règlementaires tels qu’applicables à tout moment dans le pays concerné, à l’exception des Etats-Unis ou du Canada où les trois quart du taux légal pour le droit de reproduction mécanique sera acceptable.
3-2 Nonobstant ce qui précède, l’Auteur n’utilisera pas et n’exploitera pas (et n’autorisera ni l’utilisation, ni l’exploitation) de l’Oeuvre et/ou du Sample dans le cadre de toutes publicités ou promotion pour des marques visant à promouvoir les biens, produits ou services d’un tiers
3-4 L’Auteur sera autorisé à modifier, compléter et/ou modifier l’Oeuvre (y compris afin de lever toute ambiguïté, la composition du Coauteur) et/ou le Sample à l’entière discrétion de l’Auteur, sans autre consultation du Coauteur et/ou de l’Editeur.
3.5 Sous réserve que l’Auteur obtienne toute autorisation de tiers concernés (y compris auprès du propriétaire de tout enregistrement sonore comprenant le Sample), et qu’il s’acquitte de tous les frais nécessaires y afférents, le Coauteur et/ou l’Editeur acceptent par les présentes que l’Auteur soit autorisé à intégrer le Sample à l »oeuvre et à l’exploiter en vertu des conditions visées dans le présent Contrat’.
La société Sixième Son prétend qu’il résulterait clairement des termes du contrat mentionnant ‘l’extrait de l’oeuvre musicale intitulée Le Lien SNCF’ et non pas l’extrait de l’enregistrement de l’oeuvre Le Lien SNCF’, et dénommant la société Sixième Son ‘Editeur’ et non pas producteur, que cet accord contiendrait des dispositions claires excluant toute autorisation donnée à David Gilmour relativement à l’exploitation des droits voisins sur l’enregistrement de l’oeuvre ‘Le Lien SNCF’.
La cour constate que, contrairement aux allégations de la société Sixième Son, les dispositions contractuelles susvisées n’excluent pas de manière claire et non équivoque qu’une autorisation ait été donnée à David Gilmour d’exploiter l’extrait de l’enregistrement de la composition musicale ‘Le Lien SNCF’, alors au contraire que les articles 3.1 à 3.5 stipulent que David Gilmour est autorisé à intégrer le sample à l’oeuvre , à le modifier et à l’exploiter sous réserve de l’autorisation du ‘propriétaire de tout enregistrement sonore comprenant le sample’, le sample pouvant dès lors être compris comme l’extrait de l’enregistrement sonore de la composition musicale ‘le Lien SNCF’, et le propriétaire, à savoir la SNCF, ayant expressément donné son autorisation par avenant du 15 avril 2015 au contrat conclu le 6 décembre 2004 entre les sociétés Sixième Son et SNCF. En outre, le contrat litigieux du 5 décembre 2014 ne contient aucune disposition précisant en préambule que l’autorisation donnée à ‘l’Auteur’ d’exploiter un extrait de la composition musicale ‘le Lien SNCF’au sein de son oeuvre , ne vaut pas autorisation d’exploiter un extrait de l’enregistrement sonore de ladite composition, qui devrait faire l’objet d’un contrat séparé à conclure avec la société Sixième Son en sa qualité de producteur dudit enregistrement. Enfin l’article 4 du contrat stipule que ‘le co-auteur accepte et reconnaît, par les présentes, qu’il a entendu et approuvé la Composition’, ladite ‘composition’ étant définie à l’article 1 comme ‘la composition intégrant un extrait de la composition musicale intitulée Le lien SNCF’, de sorte qu’il est ainsi établi que préalablement à la conclusion du contrat, D X avait écouté l’oeuvre litigieuse, au moins dans sa version initiale, et ce sans qu’il soit démontré ni même vraiment allégué que la version qu’il aurait entendu et approuvé antérieurement au contrat reprenait seulement les notes de la composition musicale ‘Le Lien SNCF’ et non son enregistrement.
Dès lors, c’est sans encourir le grief de dénaturation des clauses du contrat que les premiers juges ont cherché la commune intention des parties, et ont relevé que M. D X, dans son message adressé le 2 décembre 2013 à M. B C, lui précisait que lui-même en tant qu’auteur et Sixième Son Communication en tant que producteur avaient donné l’autorisation à la SNCF d’utiliser la composition musicale et son enregistrement, les premiers juges observant en outre pertinemment qu’il n’était ni établi ni allégué que cette cession des droits d’exploitation du jingle de la SNCF aurait donné lieu à deux actes distincts ayant respectivement pour objet l’oeuvre musicale et son enregistrement. C’est également à juste titre que les premiers juges ont retenu que le contexte factuel dans lequel se sont déroulées les relations pré-contractuelles, et notamment l’enregistrement communiqué par David Gilmour préalablement à la rencontre du 31 octobre 2013 intégrant l’extrait de l’enregistrement du jingle de la SNCF ayant fait l’objet d’un constat d’huissier de justice le 7 mars 2017 corroboré par l’attestation de l’ingénieur du son du 23 février 2017 exposant avoir utilisé la captation réalisée par David Gilmour dans la gare pour la mettre en boucle et constituer la base musicale de ‘Rattle that lock’, établit que l’autorisation sollicitée et consentie portait bien sur un extrait de l’oeuvre ainsi que de son enregistrement, ceci n’étant pas contredit par l’interview de David Gilmour le 9 juillet 2015 expliquant que l’enregistrement réalisé avec son téléphone sur le quai de la gare est devenu ‘la partie clavier du morceau’, ce qui peut être compris comme ‘à la place de la partie clavier’ et non comme le fait que cet extrait aurait été rejoué au clavier.
Il n’est enfin pas contesté, ainsi que l’ont pertinemment relevé les premiers juges, que David Gilmour a fait écouter à D X la version finale de ‘Rattle that lock’ le 23 juin 2015, et que le lendemain ce dernier a envoyé un message ne laissant transparaître aucune difficulté quant à cet enregistrement, pas plus que plusieurs semaines après le 9 juillet 2015 à l’occasion d’un entretien diffusé sur RTL dans lequel il exprimait son plaisir et sa fierté d’avoir été associé à ce projet, ajoutant que l’album ‘a une qualité sonore absolument exceptionnelle’, cet enthousiasme n’étant dès lors pas compatible, ainsi que l’a retenu à juste titre le tribunal, avec la violation alléguée des dispositions contractuelles négociées entre professionnels, et ce alors que la double qualité de producteur et d’éditeur de la société Sixième Son Communication était connue et régulièrement rappelée.
L’ensemble de ces éléments, et sans qu’il soit nécessaire de se livrer à une interprétation de tous les emails échangés entre les parties, révèle une commune intention des parties d’autoriser, dans le cadre du même contrat, l’exploitation d’un extrait de l’oeuvre ‘Le Lien SNCF’ et de son enregistrement, le projet de contrat dit ‘Master sample clearance agreement’ établi en février 2016, dans la phase pré-contentieuse plus de six mois après que les relations entre les parties se sont détériorées, ne contredisant pas une telle intention, mais établissant tout au plus la volonté de la société DGML de mettre un terme amiable au différend l’opposant à la société Sixième Son.
Il s’ensuit que les demandes de la société Sixième Son Communication de dire que les sociétés DGML et Sony E ont commis des actes de contrefaçon en incorporant l’enregistrement du jingle de la SNCF au sein de l’enregistrement du titre ‘Rattle that lock’ interprété par David Gilmour et produit par la société DGML, et porté atteinte aux droits du producteur de phonogramme de la société Sixième Son, ainsi que l’ensemble de ses demandes subséquentes en cessation, injonction de communication, publication et condamnation à des dommages-intérêts, seront rejetées. Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé de ces chefs.
Sur la procédure abusive
Les sociétés DGML et Sony E demandent l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a rejeté leur demande au titre de la procédure abusive. Elles font valoir que M. X avait connaissance, dès l’origine, de l’utilisation de l’enregistrement du jingle dans le titre «’Rattle That Lock’» et que l’appelante a attendu la commercialisation du titre pour exprimer son mécontentement après qu’elles ont reproché à M. X d’avoir violé la confidentialité avant la sortie du titre. Elles ajoutent que malgré les efforts qu’elles ont entrepris pour trouver une solution amiable, l’appelante a souhaité rendre le litige public afin de porter atteinte à leur réputation ainsi qu’à celle de David Gilmour.
La société Sixième Son soutient qu’elle entend seulement faire valoir ses droits, et que les intimées ne démontrent pas en quoi la présente procédure aurait dégénéré en abus de son droit à agir en justice. Elle demande donc la confirmation du jugement déféré sur ce point.
La cour rappelle que l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit, qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que lorsque la preuve d’une faute est rapportée.
En l’espèce, le fait que la société Sixème Son n’a commencé à exprimer ses réserves relativement au titre ‘Rattle that lock’ qu’à la fin du mois de juillet, après la sortie de l’album alors que M. X avait pris connaissance de la version définitive de cet enregistrement plusieurs semaines avant la sortie du titre, dès le 23 juin 2015, est insuffisant à démontrer la mauvaise foi ou le caractère malveillant de l’action de la société Sixième Son Communication, aucune volonté d’exploiter la présente procédure dans les media ou dans le milieu de la production de disques aux fins de jeter le discrédit sur la société DGML n’étant démontrée. La demande de la société DGML au titre de la procédure abusive sera rejetée, et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne la société Sixième Son Communication aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile la condamne à verser à ce titre pour les frais irrépétibles d’appel une somme complémentaire globale de 10 000 euros aux sociétés David Gilmour E F et Sony E Entertainement France.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE