L’adoption, sans nécessité même alléguée, d’un emballage extrêmement proche, qui vise manifestement à induire le consommateur en erreur, constitue une faute distincte de concurrence déloyale.
La reprise des éléments visuels de l’emballage du produit – qui constitue un élément essentiel de démarcation vis-à-vis des produits concurrents puisque les formules des produits en cause sont dans le domaine public – vise à créer un risque de confusion pour le consommateur et est donc fautive.
La concurrence déloyale trouve son fondement dans l’article 1240 du code civil qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Elle doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
En l’occurrence, les emballages des produits CARTILAMIN-E présentent des ressemblances telles avec les emballages des produits CARTILAMINE (même forme rectangulaire ; dimensions presque identiques ; même présentation avec le nom du produit en haut sur fond blanc, le tiret du signe CARTILAMIN-E étant à peine visible de telle sorte qu’on lit sur les deux boîtes : CARTILAMINE ; même soulignement du nom du produit par un épais trait bleu foncé sur lequel est inscrit le même type de produit (‘1500″) ; même paysage vallonné bleuté en fond ; même silhouette stylisée d’homme courant vu de profil droit sur la gauche de la boîte ; mêmes codes couleurs (blanc/bleu/orange) ; même positionnement du texte sur la partie droite de la boîte), les différences étant insignifiantes, au point que M. Y qui les invoque ne les détaille pas, que le consommateur sera nécessairement induit en erreur et achètera le produit CARTILAMIN-E en croyant acquérir le produit CARTILAMINE.
_________________________________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 13 AVRIL 2021
Numéro d’inscription au répertoire général:16/19598 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZVWN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 3e section – RG n° 13/17304
APPELANTES
La société A – LABORATOIRES DES FORMES GALÉNIQUES, S.A.S.,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’ANGERS sous le n° 503 837 882,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Assistée de Me Thierry BOISNARD de la société d’avocats LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS
SARL B,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS n° 422 070 078,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
INTIMÉS
La société A – LABORATOIRES DES FORMES GALÉNIQUES, S.A.S.,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’ANGERS sous le n° 503 837 882,
pri
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Assistée de Me Thierry BOISNARD de la société d’avocats LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS
SARL B,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS n° 422 070 078,
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Monsieur N-O Y
Né le […] à […]
De nationalité française
[…]
[…]
Représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
SA E SCIENCES SA
Société anonyme de droit belge
Immatriculée sous le numéro d’entreprise 818 060 980
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
1180 UCCLE
BELGIQUE
Représentée par Me Bernard VATIER de l’AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
Assistée de Me Arthur FABRE de l’AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
SARL E-X
Représentée par Maître J REIS es qualité de curateur demeurant […], nommée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Luxembourg en date du 22 juillet 2013
L8041 Strassen […]
LUXEMBOURG
Représentée par Me N-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053
PARTIES INTERVENANTES
SARL AXYME
Représentée par N Charles DEMORTIER, mandataire judiciaire, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société B, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de PARIS du 11 décembre 2019
[…]
[…]
Non représentée
Société Z HEALTHCARE UG (haftungsbeschränkt),
Société de droit allemand,
Immatriculée au RC de Charlottenburg sous le numéro HRB 171654 B
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Bürgestrasse, 82
[…]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Françoise BARUTEL, conseillère,
Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
‘ contradictoire
‘ par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
‘ signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSÉ DU LITIGE
La société de droit luxembourgeois E-X, dont Monsieur N-O Y est l’associé et qui a pour gérant Monsieur I C (lequel est également un associé de la société E-SCIENCES), est titulaire des marques françaises verbales suivantes, pour les avoir acquises de la société allemande MEMBRAMED HEALTHFOOD, suivant convention de cession du 3 décembre 2004′:
— ’COGNITO’, déposée le 12 avril 1999, enregistrée à l’INPI sous le numéro 99786549 dans les classes 5, 29, 32 et renouvelée, désignant notamment des ‘aliments diététiques destinés ou non à un traitement médical’; produits phospholipidiques, notamment les aliments diététiques destinés ou non à un traitement médical’; produits vitaminiques’; compléments nutritionnels non destinés à un traitement médical »;
— ’CARTILAMINE’, déposée le 28 septembre 1999, enregistrée à l’INPI sous le numéro 99815340 dans les classes 5, 29, 32 et renouvelée, visant les mêmes produits.
La société E-X a commercialisé en France, sous ces deux marques, des compléments alimentaires, par l’intermédiaire, d’une part, de la société B, ayant pour activité la promotion de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques et dont le gérant est M. N-O Y, et de la société E-SCIENCES, spécialisée dans la distribution de compléments alimentaires, depuis le début des années 2000, suivant accord non-écrit (pour la vente auprès de pharmacies et grossistes), et par l’intermédiaire, d’autre part, de la société E-SCIENCES, pour la vente par internet et par correspondance, suivant contrat de e-distribution du 14 janvier 2011.
La société E-X a été déclarée en faillite par jugement du tribunal de Luxembourg du 22 juillet 2013, et Me J D a été désignée ès qualités de curatrice à la faillite.
Dans le cadre d’une procédure d’enchères organisée par Me D, ès qualités, la société E-SCIENCES a obtenu, suivant convention de cession du 7 octobre 2013 inscrite au registre national des marques, la cession à son profit des marques précitées ‘COGNITO’ et ‘CARTILAMINE’.
La société B a déposé, le 31 juillet 2013, concomitamment à la faillite de la société E-X, la marque ‘CARTILAMIN-E’, désignant des produits et services des classes 5, 29 et 32, à l’encontre de laquelle la société E-SCIENCES a formé opposition.
Après décisions du directeur de l’INPI des 7 mars et 16 avril 2014, l’enregistrement de la marque ‘CARTILAMIN-E’ a été limité aux produits suivants’: ‘viande, poisson, volaille et gibier’; crustacés (non vivants)’; bières’, la société B ayant renoncé à désigner les ‘produits pharmaceutiques et vétérinaires’; aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire’; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux’.
Ayant fait constater, par procès-verbal du 17 octobre 2013, la poursuite par la société B de la commercialisation des produits ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ sur son site internet www.societe-B.com, alors que celle-ci ne pouvait ignorer le transfert de propriété des marques, et ayant été informée de la commercialisation par cette même société, de produits dénommés CARTILAMIN-E, la société E-SCIENCES a adressé une mise en demeure à la société B puis, après y avoir été autorisée, a fait procéder à une saisie-contrefaçon, le 31 octobre 2013, entre les mains de la société de logistique MOVIANTO. Cette saisie-contrefaçon a notamment révélé que les produits CARTILAMIN-E étaient fabriqués par la société A LABORATOIRES DES FORMES GALENIQUES (ci-après, la société’A), ayant pour activité notamment la fabrication et le négoce de produits de pharmacie et de formes galéniques, avant d’être livrés à la société MOVIANTO.
Le 7 novembre 2013, la société E-SCIENCES a mis en demeure la société A de cesser ces agissements.
Le 10 décembre 2013, la société E-SCIENCES a fait diligenter une autre saisie-contrefaçon au sein de la société MONACO LOGISTIQUE.
Par acte du 27 novembre 2013, la société E-SCIENCES a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, la société B en contrefaçon des marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ et en concurrence déloyale.
Par actes du 22 avril 2014, la société E-SCIENCES a appelé en intervention forcée M. N-O Y, gérant de la société B, ainsi que la société A pour obtenir notamment leur condamnation in solidum pour ces mêmes faits.
Par ordonnances du 6 juin 2014 et du 5 décembre 2014, le juge de la mise en état a débouté la société E-SCIENCES de ses incidents tendant respectivement à l’organisation de mesures provisoires et de droit d’information et à la vérification de signature de documents argués de faux.
Par acte du 16 septembre 2015, la société B a fait assigner en intervention forcée la société E-X et Me J D ès qualités.
Par jugement rendu le 16 septembre 2016 le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris :
— s’est déclaré incompétent pour connaître de la validité ou de l’opposabilité à la société B de la procédure d’enchères organisée par Me D, curatrice à la faillite de la société E-X,
— a rejeté la demande de sursis à statuer sollicitée par la société B et M. N-O Y,
— a débouté la société E-SCIENCES de ses réclamations formées à l’encontre de M. N-O Y, à titre personnel,
— a dit sans objet la contestation de la validité de la demande d’enregistrement de la marque ‘CARTILAMIN-E’ déposée par la société B, du fait de son retrait partiel visant les ‘produits pharmaceutiques et vétérinaires, aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux’,
— a dit que la société B, en fabriquant, commercialisant, proposant à la vente, représentant sur le site internet www.societe-B.com des produits ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ sans
autorisation de la titulaire des marques, a commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques ‘CARTILAMINE’ n° 99815340 et ‘COGNITO’ n° 99786549 de la société E-SCIENCES,
— a dit que les sociétés B et A, en fabriquant, commercialisant, proposant à la vente, représentant sur le site internet www.societe-B.com des produits CARTILAMIN-E sans autorisation de la titulaire, ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque ‘CARTILAMINE’ n°99815340 appartenant à la société E-SCIENCES,
— a dit qu’en adoptant des emballages similaires, en se livrant à des actes de dénigrement et à une substitution de produits dans les commandes, les sociétés B et A ont commis des actes distincts de concurrence déloyale,
— a condamné la société B à payer à la société E-SCIENCES la somme de 280 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de la marque ‘CARTILAMINE’,
— a dit la société A tenue in solidum avec la société B, à hauteur de la somme de 140 000 euros,
— a condamné la société B à payer à la société E-SCIENCES la somme de 10 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de la marque ‘COGNITO’,
— a condamné in solidum les sociétés B et A à payer à la société E-SCIENCES la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,
— a interdit aux sociétés B et A d’offrir à la vente, de commercialiser et d’assurer la promotion des produits Cartilamine, Cognito et Cartilamin-E, et ce sous astreinte de 300 euros par infraction constatée à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement,
— a interdit aux mêmes tout usage de la marque ‘CARTILAMINE’ ou de tout signe similaire tel que Cartilamin-E, et de la marque ‘COGNITO’ pour des produits et services visés à l’enregistrement, et notamment à la société B de représenter sur le site internet www.societe-B.com, les marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement,
— a ordonné la destruction, sous contrôle d’huissier, des stocks des produits Cartilamine, Cartilamin-E et Cognito détenus directement ou indirectement par la société B, aux frais de celle-ci, sous astreinte de 1 000 euros par jour passé le délai de quinze jours suivant la signification du présent jugement,
— a autorisé la société E-SCIENCES à publier sur la page d’accueil de son site internet www.E-X.com, pendant une durée de 30 jours à compter de la signification du jugement, le communiqué suivant : «’Le tribunal de grande instance de Paris, a par jugement du 16 septembre 2016, condamné les sociétés B et A, pour contrefaçon par reproduction des marques CARTILAMINE et COGNITO, appartenant à la société E-SCIENCES; dit que les produits Cartilamin-E constituaient une contrefaçon par imitation de la marque CARTILAMINE et alloué à la société E-SCIENCES, les sommes de 280. 000 euros et 10.000 euros, en réparation des actes de contrefaçon, et celle de 50.000 euros, en réparation des faits distincts de concurrence déloyale’»,
— a ordonné à la société B de publier sur la page d’accueil de son site internet www.societe-B.com, pendant une durée de 30 jours à compter de la signification du jugement, du même communiqué, sous astreinte de 500 euros, passé le délai de huit joins suivant la signification du jugement,
— s’est réservé la liquidation des astreintes,
— a rejeté l’appel en garantie de la société A à l’encontre de la société B,
— a débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,
— a condamné les sociétés B et A aux dépens, y ajoutant les frais de saisie-contrefaçon, dont distraction au profit de Me Bemard Vatier, avocat,
— a condamné les mêmes in solidum à payer à la société E-SCIENCES une indemnité de 10 000 euros, pour frais irrépétibles, et à Me D, ès qualités, la somme de 3 000 euros,
— a ordonné l’exécution provisoire, à l’exclusion de la destruction des produits et des mesures de publication de la décision.
La société A a interjeté appel de ce jugement, le 29 septembre 2016, puis la société B, les 17 octobre et 6 décembre 2016. La jonction des trois procédures a été ordonnée par le conseiller de la mise en état le 25 septembre 2018.
Les sociétés appelantes ont saisi le premier président de la cour de demandes en suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré. Leurs demandes ont été rejetées par deux ordonnances rendues le 6 juin 2017.
Suite au jugement déféré, M. Y et son fils, M. K Y, associés uniques de la société B ont, par acte de cession du 3 avril 2018, cédé leurs parts à la société de droit allemand MM Z L (ci-après, la société’Z), qui a également pour dirigeant M. N-O Y. Le même jour, la société Z, en tant qu’associée unique de la société B, a décidé la dissolution de cette dernière et la transmission universelle de son patrimoine à son propre bénéfice. Le 26 juin 2018, la société B a cédé son fonds de commerce à la société PHARMEFFICARE, créée le même jour par M. Y. Une opposition ayant été formée à la dissolution de la société B par le comptable public du service des impôts des entreprises de Paris 1er devant le tribunal de commerce de Paris, procédure à laquelle est intervenue volontairement la société E-SCIENCES, le tribunal, par jugement du 7 février 2020, a fait droit à la demande d’opposition à dissolution, privant d’effet la transmission universelle de patrimoine au bénéfice de la société Z, et jugé ladite dissolution inopposable à la société E-SCIENCES jusqu’au complet paiement des sommes dues en exécution du jugement du 16 septembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Paris.
Par ailleurs, par jugement du 11 décembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société B et désigné la société AXYME, en la personne de Me N-Charles DEMORTIER, en qualité de mandataire liquidateur. La société E-SCIENCES a produit sa créance au passif de la société B et assigné en intervention forcée, par acte du 21 janvier 2020, la société AXYME représentée par Me DEMORTIER, ès qualités de liquidateur de la société B.
La société E-SCIENCES a également assigné en intervention forcée la société allemande Z.
Dans ses dernières conclusions numérotées 4 transmises le 27 janvier 2021, la société A demande à la cour :
— de juger la société A recevable et bien fondée en l’intégralité de ses demandes,
— d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions lui causant grief et, statuant à nouveau :
— à titre liminaire,
— de décerner acte à la société A de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à la compétence du tribunal, à la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée le 11 mai 2016, à la validité et l’opposabilité du contrat de cession [de marques] conclu le 7 octobre 2013 entre la société E-X et la société E-SCIENCES et à la rupture du contrat de promotion conclu le 3 Janvier 2003,
— à titre principal,
— de juger que la société A n’a commis aucun acte de contrefaçon ni aucun acte de concurrence déloyale,
— d’annuler le constat d’huissier de justice réalisé le 25 février 2014, l’huissier de justice ayant excédé ses pouvoirs, et de l’écarter des débats,
— de débouter la société E-SCIENCES de l’intégralité de son appel incident et de ses demandes, formées à l’encontre de la société A,
— à titre subsidiaire,
— de réduire les demandes indemnitaires de la société E-SCIENCES à de plus justes proportions,
— de débouter la société E-SCIENCES du surplus de ces demandes de condamnation,
— en toute hypothèse,
— de condamner la société B à garantir et relever indemne la société A de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge,
— de condamner in solidum les sociétés E-SCIENCES et B à payer à la société A la somme de 25 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— de condamner les mêmes in solidum à supporter les entiers dépens de l’instance, lesquels seront recouvrés par la SELARL LEXCAP conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 23 février 2017, la société B et M. N-O Y demandent à la cour :
— d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a’:
— débouté la société E-SCIENCES de ses réclamations formées à l’encontre de N-O Y, à titre personnel,
— dit sans objet la contestation de la validité de la demande d’enregistrement de la marque ‘CARTILAMIN-E’ formée par la société B, du fait de son retrait partiel visant les ‘produits pharmaceutiques et vétérinaires, aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire’; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux’,
— rejeté la demande de dommage et intérêts, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, présentée par Me D,
— et statuant à nouveau’:
— de juger que la société E-SCIENCES s’est rendue coupable de fraude au préjudice de la société B,
— de déclarer inopposable à la société B, dans le cadre de la présente procédure, la convention de cessions de marques signée le 7 octobre 2013 entre la société E-SCIENCES et Me J D, ès qualités de curatrice à la faillite de la société E-X.
— de débouter la société E-SCIENCES et Me J D, ès qualités, de toutes leurs demandes,
— subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions les dommages-intérêts alloués à la société E-SCIENCES,
— de rejeter les demandes de destruction des produits argués de contrefaçon par huissier et sous astreinte, ainsi que les demandes de publication de la décision,
— de juger que la société E-SCIENCES est devenue, de fait, le successeur en droit de la société E-X, et qu’elle doit dès lors assurer la continuité du contrat conclu entre la société E-X et la société B le 3 janvier 2003,
— de condamner en conséquence la société E-SCIENCES à payer à la société B la somme de 1 332 000 euros TTC en application du contrat conclu le 3 janvier 2003, sauf à actualiser ce montant au jour de l’arrêt à intervenir,
— de condamner la société E-SCIENCES à payer à la société B la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
— de la condamner aux entiers dépens de l’instance et dire que ceux-ci pourront être directement recouvrés, pour ceux la concernant par Me Anne-Marie OUDINOT, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3 transmises le 12 janvier 2021, la société E-SCIENCES demande à la cour :
— de confirmer le jugement, sauf en ce qui concerne les demandes visées ci-après,
— d’infirmer le jugement sur les demandes suivantes et statuant de nouveau :
— de juger que M. Y a commis une faute personnelle, détachable de ses fonctions, justifiant sa condamnation, in solidum avec B, Z et A, à indemniser E-SCIENCES de son préjudice,
— de condamner M. Y à supporter, à ce titre, tous les sommes à la charge d’B, de Z et de A en première instance et en cause d’appel,
— de condamner in solidum B, Z, A et M. Y à payer à E-SCIENCES :
— la somme de 500 000 €, sauf à parfaire, à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de la marque ‘CARTILAMINE’ n° 99815340,
— la somme de 20 000 €, sauf à parfaire, à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de la marque ‘COGNITO’ n° 99786549,
— la somme de 200 000 € à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait des actes de concurrence
déloyale,
— de fixer la créance échue chirographaire d’E-SCIENCES au passif de la liquidation judiciaire d’B à la somme de 750 000 € (500 000 € + 20 000 € + 200 000 € + 30 000 €),
— d’ordonner la déconsignation de la somme de 40 000 € au bénéfice de la société E-SCIENCES,
— de débouter B, Z, A et M. Y de l’ensemble de leurs demandes,
— de condamner in solidum B, Z, A et M. Y à payer à E-SCIENCES la somme de 30 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,
— de condamner in solidum B, Z, A et M. Y à payer à E-SCIENCES aux entiers dépens, en cause d’appel, et d’autoriser Me Bernard VATIER, avocat, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 15 mars 2017 par Me D, en qualité de curatrice de la société E-X, demande à la cour :
— de confirmer le jugement en :
— se déclarant incompétente au profit du tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière commerciale pour statuer sur la validité et/ou l’opposabilité des cessions opérées,
— déboutant la société B de ses demandes concernant la cession et/ou ses effets des marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ au profit de la société E-X,
— confirmant la condamnation de la société B à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance
— en tout état de cause,
— de condamner la société B à payer à Me D, es qualités, la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 559 du code de procédure civile,
— de condamner la société B à payer à Me D, es qualités, une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens pour la procédure d’appel.
La société Z n’a pas constitué avocat.
La société AXYME, représentée par Me DEMORTIER, ès qualités de liquidateur de la société B, n’a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 2 décembre 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société E-SCIENCES tendant à la déconsignation de la somme de 40 000 € versée en garantie de la saisie-contrefaçon réalisée le 31 octobre 2013 et réservé les dépens de l’incident.
L’ordonnance de clôture est du 2 février 2021.
MOTIFS DE L’ARRÊT
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les chefs du jugement non critiqués
La cour constate que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a :
— rejeté la demande de sursis à statuer sollicitée par la société B et M. Y,
— dit sans objet la contestation par la société E-SCIENCES de la validité de la demande d’enregistrement de la marque ‘CARTILAMIN-E’ déposée par la société B, du fait de son retrait partiel visant les ‘produits pharmaceutiques et vétérinaires, aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux’.
Il sera confirmé de ces chefs pour les justes motifs qu’il comporte.
Sur les conséquences de la non-constitution de Me DEMORTIER, ès qualités de liquidateur de la société B
La cour constate que du fait de la non-constitution de Me DEMORTIER, ès qualités de liquidateur de la société B, cette dernière, qui a perdu la capacité à intervenir seule à la procédure en application de l’article L.641-9 du code de commerce, n’est plus représentée et ne soutient plus son appel. Il en résulte que la cour n’est plus saisie des demandes et moyens dirigés contre les chefs du jugement initialement critiqués par la société B alors in bonis formulées dans ses conclusions précitées transmises le 23 février 2017. La cour n’est donc pas saisie, en particulier, de la demande en paiement fondée sur le contrat du 3 janvier 2003 présentée par la société B dans les conclusions transmises le 23 février 2017.
La cour est en revanche valablement saisie des conclusions du 23 février 2017 en ce qu’elles ont été transmises par M. Y, agissant titre personnel.
Sur les demandes de la société E-SCIENCES
Sur la validité du procès-verbal de constat du 25 février 2014
La société A demande l’annulation du constat d’huissier établi le 25 février 2014 à la requête de la société E-SCIENCES dans une pharmacie de Saint-Laurent-du-Var (06) aux motifs, d’une part, que le pharmacien a manifestement été préalablement contacté par la société E-SCIENCES pour qu’il l’autorise à faire réaliser le constat et que la société E-SCIENCES ‘a [alors] parfaitement pu solliciter ce professionnel pour qu’il organise ses linéaires de manière à placer les produits litigieux à la demande de son fournisseur’ et, d’autre part, que l’huissier de justice a commis un excès de pouvoir en ne se contentant pas de constater la présence des produits litigieux mais en se livrant à une véritable appréciation du prétendu risque de confusion.
La société E-SCIENCES répond que les allégations de la société A sont dénuées de sérieux et non prouvées et que celle-ci procède à une lecture tronquée du procès-verbal de constat.
Ceci étant exposé, les huissiers de justice sont habilités par l’article 1er de l’ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945 à effectuer sur requête de particuliers, « des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ».
En l’espèce, il ne ressort nullement du procès-verbal établi par l’huissier de justice que ce dernier a invité le pharmacien à réorganiser la présentation de ses produits pour les besoins du constat. Par ailleurs, en mentionnant ‘Je constate visiblement une certaine confusion dans la présentation des articles dont l’aspect extérieur s’y prête’, l’huissier de justice se réfère manifestement, non au risque de confusion nécessaire à la caractérisation d’actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale, mais au désordre dans les rayonnages ou les linéaires de la pharmacie, ce qui est confirmé par la mention précédente : ‘Ces produits à vendre sont situés à proximité l’un de l’autre, et je constate même, une certaine confusion dans les rangements. Une boîte de la marque CARTILAMIN-E est rangée sur la même ligne que la boîte d’aspect comparable de marque CARTILAMINE’. En outre, l’huissier de justice a annexé à son procès-verbal des clichés photographiques permettant de vérifier ses constatations.
C’est donc à juste raison que les premiers juges ont estimé que la contestation de la validité du procès-verbal de constat du 25 février 2014 était inopérante.
La demande de la société A sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes en contrefaçon de marques
Sur la fraude commise par la société E-SCIENCES au préjudice de la société B et l’inopposabilité à cette dernière de la convention de cession de marques du 7 octobre 2013 conclue entre la curatrice de la société E-X et la société E-SCIENCES
M. Y soutient que l’acquisition des marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ par la société E-SCIENCES s’est réalisée à la suite d’une série d’actes frauduleux au préjudice de la société B. Il expose qu’à compter de l’année 2010, au cours de laquelle M. C, gérant d’E-X, est devenu également administrateur délégué de la société E-SCIENCES, celle-ci s’est progressivement substituée à la société B dans la distribution des produits CARTILAMINE et COGNITO, malgré l’existence d’un contrat de promotion de ces produits conclu le 3 janvier 2003 entre B et E-X. Il M que la mise en faillite de la société E-X s’est réalisée de façon frauduleuse, dans le but notamment de transférer les actifs de cette société à la société E-SCIENCES par l’entremise de M. C, et que la cession des marques est irrégulière, et doit donc être déclarée inopposable à la société B dès lors que Me D (curatrice d’E-X) a organisé la vente seulement quelques jours après le jugement de faillite alors qu’elle n’était pas encore autorisée à le faire et que la société E-SCIENCES a payé un prix moindre que celui offert par la société B. Il ajoute que la société E-SCIENCES a acquis, sans bourse délier, d’autres actifs incorporels d’E-X, alors qu’elle n’en est pas le successeur en droit et qu’B a été éliminée de la commercialisation des produits CARTILAMINE et COGNITO. Il fait valoir que le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de la régularité de la faillite de la société luxembourgeoise E-X, alors qu’il s’agit de marques françaises, opposées devant une juridiction française pour des faits commis sur le territoire français, et qu’il lui était seulement demandé de constater la fraude commise, de dire en conséquence que la cession de marques était inopposable à la société B et de rejeter les demandes en contrefaçon.
Me D, ès qualité de curatrice de la société E-X répond que la faillite de la société E-X a été ouverte au Luxembourg en application de la loi luxembourgeoise et que la cession des marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ ayant été réalisée dans le cadre de cette procédure collective, seul le tribunal d’arrondissement luxembourgeois ayant ouvert la faillite serait compétent pour connaître de la demande relative à l’inopposabilité à B des cessions de marques. Subsidiairement, elle fait valoir que la cession des marques a été réalisée conformément à la loi luxembourgeoise et que la société B aurait pu former un recours devant le tribunal du lieu de la faillite pour solliciter la nullité des actes de cession, ce qu’elle n’a pas fait. Elle demande ainsi la confirmation du jugement déféré.
La société E-SCIENCES demande également la confirmation. Elle conteste l’irrégularité de la cession des marques qui a eu lieu le 7 octobre 2013, après le jugement autorisant la vente des actifs, pour un prix supérieur à l’offre ultime proposée par la société B dans le cadre des enchères. Elle nie l’existence d’une quelconque fraude en soulignant que la société B n’a pas formé de recours devant le tribunal du lieu de la faillite pour solliciter la nullité de la cession.
La société A s’en rapporte à justice.
C’est pour de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de la régularité de la procédure de faillite ouverte à l’égard de la société luxembourgeoise E-X par une juridiction luxembourgeoise, en application de la loi luxembourgeoise, et qu’il a également décliné sa compétence pour apprécier l’inopposabilité de la cession des marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ à la société E-SCIENCES, cette cession étant intervenue dans le cadre de ladite procédure de faillite luxembourgeoise.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les actes de contrefaçon de marques et leur imputation à la société A
La société A soutient que la marque ‘CARTILAMIN-E’ prétendument contrefaisante ayant été déposée uniquement par la société B et qu’elle même n’ayant fabriqué des compléments alimentaires portant le signe CARTILAMIN-E argués de contrefaçon qu’à la demande et sur les instructions de la société B, qui s’est présentée comme titulaire des droits sur ledit signe et qui distribuait le produit initial E-X sous la marque ‘CARTILAMINE’, elle ne peut être tenue responsable de contrefaçon par imitation de la marque ‘CARTILAMINE’, précisant que les emballages, étuis, notices et blisters en aluminium ont été réalisés, non par elle-même, mais par la société FRELLER.
Il est indiqué expressément dans les conclusions transmises par la société B et M. Y (page 26) que les actes de contrefaçon allégués ne sont pas contestés.
La société E-SCIENCES demande la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu l’existence d’actes de contrefaçon de ses deux marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ imputables à la société B et, pour ce qui concerne la contrefaçon par imitation de la marque ‘CARTILAMINE’, également à la société A. Elle fait valoir que la société A, qui fabriquait à la demande de la société B les compléments alimentaires sous la marque ‘CARTILAMIN-E’, et dans trois références/conditionnements différents, et livrait ensuite les produits aux logisticiens (notamment ceux chez qui les saisies ont été faites), ne peut contester avoir fait un usage illicite de la marque contrefaisante.
C’est par des motifs exacts et pertinents tant en fait qu’en droit, que la cour adopte, que le tribunal a reconnu la contrefaçon par reproduction des marques ‘CARTILAMINE’ et ‘COGNITO’ de la société E-SCIENCES, résultant de la commercialisation par la société B, tant sur son site internet qu’auprès de logisticiens à l’intention des pharmacies et parapharmacies, de compléments alimentaires revêtus de l’une ou l’autre desdites marques reproduites à l’identique.
C’est également par des motifs exacts et pertinents tant en fait qu’en droit, que la cour adopte, que le tribunal a reconnu la contrefaçon par imitation de la marque ‘CARTILAMINE’ résultant de la commercialisation par la société B, selon les mêmes réseaux de distribution, de compléments alimentaires revêtus du signe ‘CARTILAMIN-E’, dans des conditions susceptibles d’engendrer un risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne des produits considérés. C’est à juste raison que le tribunal a retenu la co-responsabilité des sociétés B et A exclusivement pour ces actes de contrefaçon par imitation de la marque ‘CARTILAMINE’. Il est en effet constant que la société A a fabriqué, à la demande de la société B, les compléments alimentaires sous la marque ‘CARTILAMIN-E’, a fait réaliser les emballages par un sous-traitant, a livré les produits aux sociétés de logistique MOVIANTO et MONACO
LOGISTIQUE chez qui les saisies ont été réalisées (procès-verbaux de saisie, respectivement, des 30 octobre 2013 et 10 décembre 2013), lesquelles ont approvisionné les officines pour le compte de la société B. La bonne foi étant indifférente en matière de contrefaçon, il importe peu, au stade de la caractérisation des faits, que la société A ait fabriqué les produits à la demande et sur les instructions de la société B, que cette dernière ait été inscrite au registre national de marques comme régulièrement titulaire de la marque ‘CARTILAMIN-E’ et ait distribué des produits ‘CARTILAMINE’ lorsque la marque appartenait à la société E-X ou encore que les packagings aient été réalisés par le sous-traitant FRELLER, là encore selon les instructions de la société B, toutes ces circonstances étant sans conséquence sur les atteintes portées à la marque ‘CARTILAMINE’ de la société E-SCIENCES par la société A.
Le jugement sera donc confirmé sur tous ces chefs.
Sur la demande en concurrence déloyale
La société E-SCIENCES reproche aux sociétés B et A des actes de concurrence déloyale distincts renforçant la confusion résultant de la contrefaçon de la marque ‘CARTILAMINE’, consistant, d’une part, en l’utilisation d’un emballage extrêmement proche de celui des produits CARTILAMINE, ainsi qu’il résulte du constat réalisé le 25 février 2014, et, d’autre part, en des manoeuvres visant à tromper les officines et le public (livraison de produits CARTILAMIN-E en lieu et place de produits CARTILAMINE, présentation du CARTILAMIN-E comme la nouvelle formule du produit, indication qu’elle est le repreneur de la marque ‘CARTILAMINE’). Elle dénonce également au titre d’actes de concurrence déloyale distincts, une campagne de dénigrement, la société B ayant indiqué aux pharmaciens que les produits CARTILAMINE étaient périmés ou non-conformes à la réglementation en utilisant un document établi par la société A. Ces actes, selon la société E-SCIENCES, ont eu pour effet direct l’annulation de commandes de produits CARTILAMINE.
M. Y répond que les emballages en cause présentent des différences importantes et qu’en tout cas, la société E-SCIENCES ne détient aucun droit sur les emballages du produit CARTILAMINE, que la substitution des commandes ne se trouve pas démontrée par les pièces fournies par la société E-SCIENCES, que la société B n’a jamais soutenu que les produits étaient périmés, ce qui aurait pu être aisément vérifiable au vu des dates de péremption figurant sur les emballages. Il maintient que le produit CARTILAMINE n’est pas conforme à la réglementation européenne, contrairement aux produits CARTILAMIN-E, et indique que c’est en se fondant sur un rapport établi par la société A, qui ne vise aucunement la société E-SCIENCES, que la société B a pu livrer cette information à la clientèle, tout en affirmant qu’il n’existe aucune preuve de la diffusion de ce rapport auprès de cette clientèle.
La société A fait valoir que ce n’est pas elle mais la société FRELLER qui a fabriqué les emballages litigieux à partir des instructions de la société B qui, seule, a choisi les illustrations, et qu’elle même n’a fait que réceptionner les emballages. Elle indique que si elle a bien rédigé un rapport comparatif entre le produit de la société E-X et celui de la société B, c’est à la demande et au seul bénéfice de cette dernière et pour un usage exclusivement interne, qu’elle n’a jamais diffusé ce rapport auprès de la clientèle de la société E-SCIENCES, qu’en outre, ledit rapport faisait état d’éléments scientifiques et réglementaires objectifs.
La concurrence déloyale trouve son fondement dans l’article 1240 du code civil qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Elle doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
Sur l’emballage des produits CARTILAMIN-E
La cour constate, comme les premiers juges, que les emballages des produits CARTILAMIN-E présentent des ressemblances telles avec les emballages des produits CARTILAMINE (même forme rectangulaire ; dimensions presque identiques ; même présentation avec le nom du produit en haut sur fond blanc, le tiret du signe CARTILAMIN-E étant à peine visible de telle sorte qu’on lit sur les deux boîtes : CARTILAMINE ; même soulignement du nom du produit par un épais trait bleu foncé sur lequel est inscrit le même type de produit (‘1500″) ; même paysage vallonné bleuté en fond ; même silhouette stylisée d’homme courant vu de profil droit sur la gauche de la boîte ; mêmes codes couleurs (blanc/bleu/orange) ; même positionnement du texte sur la partie droite de la boîte), les différences étant insignifiantes, au point que M. Y qui les invoque ne les détaille pas, que le consommateur sera nécessairement induit en erreur et achètera le produit CARTILAMIN-E en croyant acquérir le produit CARTILAMINE.
L’adoption, sans nécessité même alléguée, d’un emballage extrêmement proche, qui vise manifestement à induire le consommateur en erreur, constitue une faute distincte de concurrence déloyale.
M. Y M vainement que la société E-SCIENCES ne détient aucun droit sur les emballages du produit CARTILAMINE, dès lors que la reprise des éléments visuels de l’emballage du produit – qui, comme le souligne la société E-SCIENCES, constitue un élément essentiel de démarcation vis-à-vis des produits concurrents puisque les formules des produits en cause sont dans le domaine public – vise à créer un risque de confusion pour le consommateur et est donc fautive.
Cependant, la société A plaide à juste raison que si elle a fait fabriquer en 2013 les emballages du produit CARTILAMIN-E, c’est sur les instructions de la société B à laquelle elle rendait compte et dont elle attendait des avis (‘Comme convenu, vous trouverez ci-joint le plan de découpe et de pliage des notices (…) si ça peut vous permettre d’avancer, voici un exemple…’) (courriel du 17 septembre 2013 – sa pièce 7), à une époque où la marque ‘CARTILAMIN-E’ déposée le 31 juillet 2013 par la société B protégeait encore valablement des compléments alimentaires et alors que les produits CARTILAMINE de la société E-X avaient été précédemment régulièrement distribués par la société B. Aucun élément ne permet de considérer que la société A a elle-même défini les éléments visuels de l’emballage du CARTILAMIN-E et qu’elle avait connaissance de la cession des deux marques de la société E-X à la société E-SCIENCES par acte du 7 octobre 2013. Sa participation fautive à ces actes de concurrence déloyale ne sera par conséquent pas retenue, la circonstance qu’elle a retiré sa part de bénéfices dans la vente des emballages ne pouvant suffire à caractériser cette faute. Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur les manoeuvres destinées à tromper les officines et les consommateurs
Comme le tribunal l’a jugé, les échanges de courriels avec des officines et des clients (pièces 24, 26 et 40) établissent la substitution de commandes, des produits CARTILAMIN-E ayant été livrés en lieu et place de produits CARTILAMINE, la société B se présentant faussement comme le repreneur de la marque CARTILAMINE, ce que la faillite de la société E-X et le dépôt de la marque ‘CARTILAMIN-E’ ne pouvaient autoriser.
Sur le dénigrement
Le dénigrement consiste à porter atteinte à l’image d’une entreprise ou d’un produit, désignés ou identifiables, afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d’arguments répréhensibles, peu important qu’ils aient une base exacte, diffusés afin de toucher ses clients.
En l’espèce, l’attestation de M. F, commercial de la société E-SCIENCES, corroborée par un échange de courriels avec la pharmacie MERCIER, établit que ‘le réseau B’ affirmait après de clients de la société E-SCIENCES que les produits de cette dernière étaient ‘périmés’, non conformes aux normes européennes. C’est du reste ce qui ressort très expressément du « Rapport de comparaison entre la version 1 du produit Cartilamine à marque ‘E-X » et de la version 2 du produit du produit Cartilamine à marque ‘B’ » adressé aux pharmacies dans lequel on peut lire ‘Ce rapport a pour objectif de souligner les non-conformités du produit version 1 (CARTILAMINE) vis-à-vis de la réglementation française ainsi que les improbabilités techniques du produit’ et qui conclut que ‘Ce produit (CARTILAMINE 1500 mg) est certainement non-conforme vis-à-vis des dosages déclarés en glucosamine réelle. Le doute persiste vis-à-vis de la molécule. Ce qui est certains c’est que ce produit ainsi conditionné est non conforme au regard des autorités françaises vis-à-vis de son dosage déclaré, des allégations produits et de l’incohérence des indications de poids.
Ce produit n’a donc pas pu faire l’objet d’un enregistrement officiel en France ou alors il y a de nombreux mois et dans ce cadre, la société E-X est responsable de la révision du dosage et du dossier puisque metteur sur le marché du produit fini.
Malgré tout, cet état de fait n’est pas sans risque pour les distributeurs (pharmaciens, magasin spécialisé’) pouvant être déclarés comme co-responsables (…)
Le but de ce rapport est de mettre en opposition un produit du passé et un produit actuel conforme aux exigences de la réglementation et des patients. Le fait de ne pas tenir compte des obligations officielles peut être assimilé à de la tromperie ou à une mauvaise connaissance de la matière et du marché, ou peut-être les deux, c’est à mon sens très grave quand on se veut proche de la médecine naturelle et des patients. C’est une crise de confiance de notre métier qu’il faut sans cesse éviter en expliquant les choses, par compétence et surtout transparence. C’est ce que nous avons fait en collaboration avec la société B pour la version 2 du produit Cartilamine 1500″.
Il ressort des conclusions de M. Y (page 23) que la société B a effectivement soutenu et maintenu que ‘le CARTILAMINE d’E-Sciences, anciennement diffusé par E-X, n'[était] pas conforme à la réglementation’ et qu’elle avait ‘livré cette information à la clientèle’ en se fondant sur le rapport précité. C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la diffusion de ce rapport n’était pas contestée par la société B – la société E-SCIENCES soulignant d’ailleurs pertinemment qu’elle n’aurait pu obtenir ce rapport s’il n’avait été diffusé -, et que les informations qu’il contient, fussent-elles avérées, ont un caractère dénigrant.
Il est constant que ce rapport a été établi par la société A. Celle-ci prétend que ce document, qui lui a été commandé par la société B, était ‘un simple document de travail’,’un dossier technique’, destiné à ‘un usage exclusivement interne’, mais elle indique également avoir fourni ce rapport en vue d’un ‘congrès qui devait se tenir en octobre 2013″, ce qui paraît incompatible avec l’usage interne revendiqué. Du reste, comme le souligne la société B, la phrase précitée du rapport ‘C’est ce que nous avons fait en collaboration avec la société B pour la version 2 du produit Cartilamine 1500″ montre que la société A s’adresse elle-même à la clientèle et non à la société B. Sa responsabilité dans les faits de dénigrement dénoncés doit donc être confirmée.
Sur les mesures réparatrices
Sur les demandes indemnitaires
Pour contester le montant des dommages et intérêts accordés en première instance, M. Y fait valoir que les ventes de CARTILAMIN-E ont été très faibles depuis l’introduction de l’instance, sur la base d’une attestation de l’expert-comptable de la société B (du 1/10/2013 au 30/04/2014 : 101 696 € TTC de chiffre d’affaires ; 45 664 € TTC de marge brute ; 28 401 € TTC de marge nette), l’activité COGNITO étant tout à fait résiduelle, que la fabrication et la vente des produits ont été arrêtées à la fin avril 2014, que le stock aux mains des logisticiens est aujourd’hui périmé, voire détruit, et ne peut donner lieu à indemnisation.
La société A rappelle le faible chiffre d’affaires réalisé par la société B avec la commercialisation des produits argués de contrefaçon et ajoute que les demandes indemnitaires de la société E-SCIENCES ne sont pas justifiées. En toute hypothèse, elle demande la réduction du montant de l’indemnisation à de plus justes proportions.
La société E-SCIENCES estime, à partir notamment des deux saisies- contrefaçon réalisées dans les entreprises de logistique et des ventes sur internet, que les bénéfices d’B et A cumulés ne peuvent être inférieurs à 400 000 euros. Elle conteste la force probante de l’attestation de l’expert-comptable de la société B et relève que la société A ne verse aucun document au soutien de sa demande de réduction du montant des dommages et intérêts. Elle invoque aussi un manque à gagner du fait que nombre de pharmaciens ont refusé de passer commande auprès d’elle en raison de la coexistence de la marque CARTILAMINE et de la marque contrefaisante CARTILAMIN-E, ainsi qu’un préjudice moral découlant de l’atteinte portée à la valeur de sa marque. Elle soutient que les actes de concurrence déloyale ont porté une grave atteinte à son image, contribué à sa perte de chiffre d’affaires et entraîné des frais supplémentaires, notamment pour réparer les dégâts en termes de communication auprès des pharmacies.
La cour estime que le tribunal, par de justes motifs qu’elle adopte, a procédé à une exacte appréciation des préjudices subis par la société E-SCIENCES en lui allouant la somme de 280 000 € au titre de la contrefaçon de sa marque ‘CARTILAMINE’, celle de 10 000 € pour la contrefaçon de sa marque ‘COGNITO’ et celle de 50 000 € pour réparer les conséquences des faits de concurrence déloyale.
Il sera seulement ajouté que l’attestation établie par l’expert-comptable de la société B, qui n’est corroborée par aucune pièce comptable objective (bons de commande, bons de livraison, factures…), mentionne le chiffre d’affaires réalisé avec la société MOVIANTO mais non celui réalisé avec la société MONACO LOGISTIQUE, et que l’affirmation de M. Y selon laquelle les ventes effectuées par cette dernière correspondent à l’intitulé ‘ventes directes B’ ne peut être vérifiée. En outre, comme le souligne la société E-SCIENCES, le chiffre d’affaires de 101 696 € TTC qui y est mentionné n’apparaît pas cohérent avec les quantités de CARTILAMIN-E livrées aux clients d’B pendant des périodes brèves (3 893 boîtes du 29 au 31 octobre 2013 et 1 542 boîtes du 20 novembre au 10 décembre 2013, le prix moyen d’une boîte s’établissant à 29 €), comme constaté lors des saisies de 31 octobre et 10 décembre 2013.
Les sommes allouées constitueront une créance de la société E-SCIENCES, fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société B.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la société A sera tenue in solidum avec la société B à hauteur de la somme de 140 000 € au titre de l’indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon de la marque ‘CARTILAMINE’ (280 000 €).
En revanche, la responsabilité de la société A n’étant retenue, en ce qui concerne la concurrence déloyale, que pour le dénigrement via le rapport établi à la demande de la société B, elle ne sera tenue in solidum qu’à hauteur de la somme de 15 000 € sur les 50 000 € alloués. Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la demande de condamnation in solidum de la société Z
En cause d’appel, comme il a été dit, la société E-SCIENCES a assigné en intervention forcée la société Z, devenue associée unique de la société B à la suite de la cession des parts détenues de MM. N-O et K Y dans cette dernière, pour obtenir sa condamnation in solidum aux côtés des sociétés B et A et de M. Y.
Par jugement du 7 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a fait droit à la demande d’opposition à la dissolution de la société B formée par le Trésor, privant d’effet la transmission universelle du patrimoine de la société B au bénéfice de la société Z, et condamné les sociétés B et Z à procéder in solidum au remboursement à la société E-SCIENCES des sommes dues en exécution du jugement dont appel. La société E-SCIENCES indique sans être contredite que le jugement du tribunal de commerce est aujourd’hui définitif.
Il y a lieu dans ces conditions de faire droit à la demande de condamnation in solidum de la société Z.
Sur les autres mesures
Le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux mesures complémentaires d’interdiction et de destruction, M. Y affirmant, mais sans en justifier, que les stocks restants sont périmés et ont été nécessairement détruits.
Il sera également confirmé en ce qu’il a autorisé la société E-SCIENCES à publier le communiqué précité, avec cette précision toutefois que cette publication interviendra sur le propre site de cette dernière et non sur le site www.E-X.com de la société luxembourgeoise E-SCIENCES en faillite, ce qui ne se justifie pas comme le souligne M. Y.
Compte tenu de la liquidation judiciaire de la société B, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’information formulée par la société E-X.
Sur la responsabilité personnelle de M. Y
M. Y soutient n’avoir commis aucune faute détachable de ses fonctions et demande la confirmation du jugement déféré qui a rejeté les demandes dirigées contre lui à titre personnel. Il fait valoir qu’il n’a cherché qu’à défendre les intérêts de la société B, bafoués par les agissements frauduleux de la société E-SCIENCES et de M. G, dénoncés dans le cadre de cette instance et d’une procédure introduite au Luxembourg, qu’aucune circonstance ne justifie qu’il soit tenu personnellement responsable des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par son entreprise.
La société E-SCIENCES demande la réformation du jugement déféré en ce qu’il a écarté la responsabilité personnelle de M. Y en soutenant que ce dernier a commis une faute d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses activités de dirigeant. Elle relève que M. Y a participé activement aux faits de contrefaçon et de concurrence déloyale, tout en connaissant les enjeux commerciaux et pécuniaires attachés à la marque ‘CARTILAMINE’, qu’il a procédé au dépôt de la marque ‘CARTILAMIN-E’, avant même que la liquidation judiciaire de la société E-SCIENCES ne soit prononcée et que c’est à sa demande que la société A a établi le rapport de comparaison des produits ainsi que les emballages litigieux. Elle ajoute, en cause d’appel, que M. Y a organisé le transfert des actifs de la société B pendant la présente instance au profit de la société de droit allemand Z créée à cette occasion, et la cession du fonds de commerce d’B à la société PHARMEFFICARE, sans même en informer la cour, dans le but de dissiper les biens de la société B.
La responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité, dépassant les simples conséquences d’une mauvaise gestion, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions.
En l’espèce, l’implication personnelle de M. Y dans les faits de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale commis par la société B dont il était le gérant n’est pas établie précisément, le tribunal ayant en particulier relevé à juste raison que la marque litigieuse ‘CARTILAMIN-E’ a été déposée, non par M. Y à titre personnel, mais par la société B.
En revanche, les faits intervenus postérieurement au prononcé du jugement dont appel, relatifs au démantèlement de la société B et au transfert de ses actifs au bénéfice de sociétés créées par M. Y, dépassent assurément les limites d’une gestion offensive et caractérisent une faute d’une particulière gravité, dépassant les simples conséquences d’une mauvaise gestion, incompatible avec l’exercice normal des fonctions de dirigeant. Ils justifient à eux seuls la condamnation solidaire de M. Y à réparer les préjudices subis par la société E-SCIENCES.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la société E-SCIENCES de ses demandes formées à l’encontre de M. Y à titre personnel et ce dernier sera condamné in solidum aux côtés des sociétés B, A et Z à réparer les préjudices subis par la société E-SCIENCES.
Sur la demande de déconsignation de la somme de 40 000 € versée en garantie de la saisie-contrefaçon réalisée le 31 octobre 2013
Il est constant que par requête du 30 octobre 2013, la société E-SCIENCES a sollicité du président du tribunal de grande instance de Paris l’autorisation de faire procéder à la saisie réelle de la totalité des exemplaires des produits marqués CARTILAMIN-E entre les mains de la société MOVIANTO et que par ordonnance du 30 octobre 2013, il a été fait droit à cette requête en subordonnant son exécution à la consignation d’une somme de 40 000 € auprès du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, la consignation et la saisie ayant été réalisées le 31 octobre 2013.
Le sens de cet arrêt conduit à faire droit à la demande de déconsignation de la somme de 40 000 € formée par la société E-SCIENCES.
Sur la demande de la société A en garantie de la société B
La société A sollicite la garantie de la société B en faisant valoir que cette dernière s’est toujours présentée comme titulaire des droits sur la marque ‘CARTILAMIN-E’, que le produit initial de la société E-X de marque ‘CARTILAMINE’ était régulièrement distribué par la société B et que c’est de façon déloyale que la société B l’a sollicitée pour qu’elle fabrique les produits CARTILAMIN-E. Elle ajoute que ni M. Y ni la société B ne s’opposent à sa demande de garantie.
Au moment des faits retenus à l’encontre de la société A (2013), la société B détenait une marque ‘CARTILAMIN-E’ couvrant régulièrement les compléments alimentaires. Il ressort des courriels produits par la société A qu’elle a été contactée par la société B, en août 2013, pour concevoir et fabriquer un complément alimentaire à base de glucosamine et de chondroïtine, puis pour améliorer un produit CARTILAMINE présenté comme distribué par la société E-X et distribué par la société B, les produits devant être revêtus de la marque ‘CARTILAMIN-E’. Le rapport précité dans lequel la société A établit un comparatif entre le produit E-X et le produit B lui a été commandé par la société B. Rien ne permet de contredire la société A lorsqu’elle affirme qu’elle ignorait tout, avant l’instance introduite par la société E-SCIENCES, du litige opposant MM. Y et C et des conditions dans lesquelles les marques de la société E-X avaient été cédées à la société E-SCIENCES. Enfin, dans un courriel du 26 mars 2014, M. Y indiquait à M. H de A : ‘ je suis extrêmement surpris que tu puisses être mêlé à une affaire juridique qui concerne B et moi-même (ex-actionnaire Effiscience) versus la société E-Sciences. Mais puisque tel est le cas (…) je me dois de te tenir au courant et rappeler que c’est bien moi qui t’ai contacté pour fabriquer une glucosamine qui serait totalement en conformité avec les normes européennes, que ce soit dans sa composition et dans es allégations. C’est ce que nous avons réalisé avec le produit CARTILAMIN-E, qui a été validé par la DGCCRF (…) Saches que ta responsabilité n’est pas engagée dans cette affaire…’.
Les conditions sont réunies pour faire droit à la demande de garantie à l’encontre de laquelle aucune opposition n’est formulée.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’amende civile demandée par Me D, ès qualités de curatrice de la société E-SCIENCES
La mise en oeuvre de l’amende civile prévue à l’article 559 du code de procédure civile n’appartient pas aux parties et la cour estime que les conditions d’application de ces dispositions ne sont, en l’espèce, pas réunies.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les sociétés B, celle-ci représentée par son mandataire-liquidateur, A, Z et M. Y, parties perdantes, seront condamnés aux dépens d’appel, la société B, représentée par son mandataire-liquidateur, et M. Y supporteront en outre les dépens de l’incident de déconsignation réservés par le conseiller de la mise en état. Me VATIER, avocat, sera autorisé à recouvrer directement contre les parties condamnées aux dépens ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La société A gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance.
Les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance sont confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge des sociétés B, celle-ci représentée par son mandataire-liquidateur, A, Z et de M. Y in solidum, au titre des frais non compris dans les dépens d’appel exposés par la société E-SCIENCES, peut être équitablement fixée à 30 000 €. La société B, représentée par son mandataire-liquidateur, paiera en outre à la société E-X, représentée par sa curatrice, la somme de 3 000 € sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Par arrêt rendu par défaut,
Constate que du fait de la non constitution de la société AXYME, en la personne de Me DEMORTIER, ès qualités de liquidateur de la société B, la cour n’est pas valablement saisie de la demande en paiement fondée sur le contrat du 3 janvier 2003 présentée par la société B dans les conclusions transmises le 23 février 2017,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
— dit qu’en adoptant des emballages similaires, la société A a commis des actes distincts de concurrence déloyale,
— condamné in solidum les sociétés B et A à payer à la société E-SCIENCES la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,
— débouté la société E-SCIENCES de ses réclamations formées à l’encontre de M. N-O Y à titre personnel,
— rejeté l’appel en garantie de la société A à l’encontre de la société B,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute la société E-SCIENCES de sa demande en concurrence déloyale à l’encontre de la société A en ce que cette demande porte sur l’adoption d’emballages similaires,
Condamne la société B, représentée par son mandataire-liquidateur, à payer à la société E-SCIENCES la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et dit que la société A sera tenue in solidum avec la société B à hauteur de la somme de 15 000 €,
Condamne M. Y à titre personnel in solidum aux côtés des sociétés B, A et Z à réparer les préjudices subis par la société E-SCIENCES,
Dit que la société B, représentée par son mandataire-liquidateur, devra garantie à la société A pour toutes les condamnations prononcées à son encontre,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Rejette la demande de la société A en nullité du procès-verbal de constat du 25 février 2014,
Dit que les dommages et intérêts alloués et mis à la charge de la société B constitueront une créance de la société E-SCIENCES, fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société B,
Dit que la société de droit allemand Z sera tenue in solidum avec les sociétés B, A et M. Y au paiement des dommages et intérêts alloués à la société E-SCIENCES,
Autorise la société E-SCIENCES à publier le communiqué prévu au jugement sur son propre site internet et non sur le site www.E-X.com de la société luxembourgeoise E-SCIENCES en faillite,
Ordonne la déconsignation de la somme de 40 000 € prévue par l’ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris du 30 octobre 2013,
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 559 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés B, celle-ci représentée par son mandataire-liquidateur, A, Z et M. Y aux dépens d’appel, dont distraction au bénéfice de Me VATIER, avocat,
Condamne la société B, représentée par son mandataire-liquidateur, et M. Y aux dépens de l’incident de déconsignation (ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 décembre 2020),
Condamne les sociétés B, celle-ci représentée par son mandataire-liquidateur, A, Z et M. Y in solidum à payer à la société E-SCIENCES la somme de 30 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Condamne la société B, représentée par son mandataire-liquidateur, à payer à la société E-X, représentée par Me J D, ès qualités de curatrice à la faillite, la somme de 3 000 € sur le même fondement pour la procédure d’appel,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE