Les pénalités de retard en cas de défaut de paiement des redevances de marques sont soumises au pouvoir modérateur du juge. Le taux d’intérêt de 12 % prévu au contrat de licence de marque est bien une clause pénale.
Or, l’article 1152 ancien du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de la cause prévoit que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Constitue une clause pénale la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée
C’est donc à bon droit et de manière pertinente que le tribunal de commerce a ramené le taux d’intérêt à 3 % sur ces sommes, à compter de l’assignation du concédant.
_________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 01 MARS 2021
(Rédacteur : Monsieur Robert CHELLE, Président)
N° RG 18/01046 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KJNT
SAS CHORUS
c/
Monsieur A X
SARL Y COMMUNICATION
SARL LMPS-PUB
SARL NICOM
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 janvier 2018 (R.G. 2016F00694) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 22 février 2018
APPELANTE :
SAS CHORUS prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité au siége sis, […]
représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Nathalie CASTAGNON, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur A X, de nationalité Française, demeurant […]
SARL Y COMMUNICATION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, […]
SARL LMPS-PUB prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, […]
SARL NICOM prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, […]
représentés par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 février 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Robert CHELLE, Président,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Catherine BRISSET, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
— contradictoire
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Chorus, spécialisée dans la signalétique, la communication visuelle et la réalisation d’enseignes, a signé entre fin 2008 et début 2009 des contrats de concession de licence de la marque « C » et « Chorus Boutique » avec la Sarl Y Communication, agence à Amiens, la Sarl LMPS-Pub, agence à Beauvais, la Sarl Nicom, agence à Deauville, et M. X, agence à Berck, pour une durée de sept ans, renouvelable par période d’un an sauf dénonciation avec préavis de six mois.
Le 4 septembre 2015, par un courrier commun avec d’autres concessionnaires, les sociétés Y, LMPS, Nicom et M. X ont indiqué à la société Chorus leur souhait de renouveler le contrat de licence de marque à de nouvelles conditions. Aucun nouveau contrat à de nouvelles conditions n’a en définitive été signé après discussions entre les parties. Un litige s’est élevé sur la date et les modalités de fin des contrats.
Par actes des 17 et 20 juin 2016, la société Chorus a assigné les sociétés Y, LMPS, Nicom et M. X devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de paiement des redevances dues jusqu’à l’échéance des contrats et de réparation pour rupture illicite du contrat, pour utilisation illicite des signes du réseau et pour concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux :
— S’est déclaré incompétent sur la demande d’usurpation et tentatives d’appropriations des marques C D, Pao D et Sign’Services,
— A renvoyé l’affaire, sur cette demande uniquement, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en application des dispositions de l’article 96 du code de procédure civile,
— S’est déclaré compétent pour le reste des demandes,
— A condamné la société LMPS-Pub à payer à la société Chorus la somme de 3×540 euros, soit 1 620 euros TTC, assortie des intérêts au taux de 3% à compter du 20 janvier 2016,
— A condamné la société Nicom à payer à la société Chorus la somme de 2×540 euros, soit 1 080 euros TTC, assortie d’un intérêt au taux de 3% à compter du 20 janvier 2016,
— A condamné M. X à payer à la société Chorus la somme de 5×540 euros, soit 2 060 euros TTC, assortie d’un intérêt au taux de 3% à compter du 20 janvier 2016,
— A ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 20 janvier 2016,
— A débouté la société Chorus du surplus de ses demandes,
— A débouté les sociétés LMPS-Pub, Y, Nicom et M. X de leurs demandes reconventionnelles,
— Ordonné l’exécution provisoire,
— Condamné solidairement les sociétés LMPS-Pub, Y, Nicom et M. X à payer à la société Chorus la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration du 22 février 2018, la société Chorus a interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des chefs de la décision, qu’elle a expressément énumérés, intimant M. X et les sociétés Y, LMPS-Pub et Nicom.
L’affaire, initialement fixée au 16 mars 2020 pour être plaidée, a été renvoyée à la mise en état pour qu’il soit statué sur la recevabilité de l’appel. Par ordonnance devenue définitive du 29 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré l’appel recevable.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées en dernier lieu le 6 novembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Chorus demande à la cour de :
Infirmer le jugement
(I) en ce qu’il a déclaré incompétent le tribunal de commerce sur la demande d’usurpation et tentatives d’appropriations des marques C D, PAO D et SIGN’SERVICES et renvoyé l’affaire, sur cette demande uniquement, devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en application des dispositions de l’article 96 du CPC ;
(II) en ce qu’il a condamné la société LMPS PUB SARL à payer à la société CHORUS la somme de 3 * 540,00 € = 1.620,00 € TTC (MILLE SIX CENT VINGT EUROS) assortie des intérêts au taux de 3% à compter du 20 janvier 2016, la société NICOM SARL à payer à la société CHORUS la somme de 2 * 540,00 € = 1.080,00 € TTC (MILLE QUATRE VINGT EUROS) assortie d’un intérêt au taux de 3% à compter du 20 janvier 2016, Monsieur A X à payer à la société CHORUS la somme de 5 * 540,00 € = 2.060,00 € TTC (DEUX MILLE SOIXANTE EUROS) assortie d’un intérêt au taux de 3 % à compter du 20
janvier 2016 ; (iii) et en ce qu’il a débouté la société CHORUS de ses demandes au visa des anciens articles 1134 et suivants et 1147 du Code civil et du nouvel article 1240 du même code, tendant à voir condamner les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X à devoir régler à la société CHORUS les redevances dues jusqu’à l’échéance des contrats, augmentées de l’intérêt de retard au taux contractuel de 12%, en sus d’une indemnité de 400.000,00 € en réparation des préjudices subis et de 6.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et à devoir cesser l’usage illicite des signes distinctifs de la marque sous astreinte.
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X aux dépens de première instance, sauf à y ajouter les frais des constats d’huissiers, et en ce qu’il a débouté les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X de leurs demandes.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dire et juger que les contrats des sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et celui de Monsieur A X se sont renouvelés automatiquement pour une durée d’un an faute d’avoir été dénoncés dans le délai de préavis prévu au contrat ; que les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X ont commis des manquements contractuels graves consistant à avoir rompu les contrats avant leur terme, à avoir violé la clause de non concurrence des contrats, et à faire usage de manière illicite des signes distinctifs du réseau ou apparentés au réseau C ; et dire et juger que les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société CHORUS.
En conséquence :
Condamner les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X à devoir régler à la société CHORUS les redevances dues jusqu’à l’échéance des contrats, augmentées de l’intérêt de retard au taux contractuel de 12%, soit :
— la société LMPS PUB à devoir la somme de 6.197,27 €
— la société Y COMMUNICATION à devoir la somme de 6.708,53 €
— la société NICOM à devoir la somme de 6.708,53 €
— Monsieur A X à devoir la somme de 6.693,41 €
Ordonner la capitalisation des intérêts.
Condamner in solidum les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X à devoir régler à la société CHORUS la somme de 400.000,00 € au titre de la réparation des préjudices résultant de la concurrence déloyale, du parasitisme économique, des atteintes portées à l’encontre de l’enseigne, et de la violation de la clause de non concurrence.
Ordonner aux sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et à Monsieur A X de cesser d’utiliser les signes distinctifs du réseau C (C BOUTIQUE, C D, C SIGN SERVICES, SIGN SERVICES) et tous autres signes relatifs au réseau C, et de cesser l’exploitation de tous signes similaires et apparentés au réseau du concédant soit les signes PAO D, ou leur Interdire de les utiliser, sur tout support que ce soit dont Internet, sous astreinte de 500,00 € par jour de retard constaté huit jours après la signification de la décision à intervenir.
Condamner in solidum les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X à devoir régler les dépens d’appel.
Condamner in solidum les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X à devoir régler à la société CHORUS la somme de 10.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Débouter les sociétés LMPS PUB, Y COMMUNICATION et NICOM et Monsieur A X de l’ensemble de leurs demandes.
Outre les diverses demandes reprises intégralement ci-dessus en italique de « dire que », qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, la société Chorus fait notamment valoir qu’aucune demande ne fut formulée au titre d’un acte de contrefaçon ; que l’ensemble des demandes relevait de la compétence du tribunal de commerce ; qu’elle n’a fait que faire évoluer son logo et sa charte graphique ; que faute, pour les intimés, d’avoir dénoncé le contrat en respectant le préavis, celui-ci a été renouvelé pour une durée d’un an ; qu’elle a toujours dit aux intimés qu’elle acceptait de renouveler leurs contrats conformément à leur volonté ; qu’il n’y avait aucun obstacle à ce que les intimés signent le nouveau contrat comme l’avaient fait les autres licenciés ; que le préavis de six mois était adapté à des relations contractuelles de dix ans ; que la clause de non-concurrence ne pouvait être déclarée non-écrite sur le fondement de l’article L. 341-2 du code de commerce, inapplicable aux contrats litigieux ; qu’elle avait des intérêts légitimes à préserver, notamment la préservation de l’identité commune d’une réseau pourvu d’une notoriété ; que la clause de non-concurrence est valable car sa mise en ‘uvre est indifférente aux circonstances entourant la fin des relations contractuelles ; que les intimés ont créé un réseau concurrent du réseau C dès leur sortie de ce dernier en utilisant des signes distinctifs proches ; que les intimés ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; que le taux d’intérêt de 12% était raisonnable ; que les faits reprochés aux intimés l’ont profondément déstabilisée.
Par conclusions déposées en dernier lieu le 8 août 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, les intimés demandent à la cour de :
[…]
DIRE ET JUGER que les actions et demandes présentées par la société CHORUS sont relatives à la protection de ses marques et portent également sur une question connexe de concurrence déloyale.
En conséquence,
CONFIRMER la décision du Tribunal de Commerce de Bordeaux du 26 janvier 2018 qui s’est déclaré incompétent sur la demande d’usurpation et tentative d’appropriation des marques C D, P.A.O D et SIGNSERVICES.
SE DECLARER incompétent pour connaître des demandes formées parla société CHORUS contre les sociétés NICOM, Y COMMUNICATION, LMPS PUB et Monsieur A X, suivant assignation en date du 20 juin 2016:
DIRE ET JUGER que ces demandes relèvent de la compétence exclusive du Tribunal de
Grande Instance de BORDEAUX ;
Sur le fond :
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société LMPS PUB SARL à payer à la société CHORUS SAS la somme de 3 x 540 € = 1 620 € TTC assortie des intérêts au taux de 3 % à compter du 20 janvier 2016.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société NICOM à payer à la société CHORUS SAS la somme de 2 x 540 € = 1 080 € TTC assortie des intérêts au taux de 3 % à compter du 20 janvier 2016.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Monsieur A X à payer à la société CHORUS SAS la somme de 5 x 540 € = 2 060 €
TTC assortie des intérêts au taux de 3 %
à compter du 20 janvier 2016.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 20 janvier 2016.
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société CHORUS SAS du surplus de ses demandes et :
INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté les sociétés LMPS PUB SARL, Y COMMUNICATION SARL, NICOM EURL et Monsieur A X de leurs demandes reconventionnelles,
INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a condamné solidairement les sociétés LMPS PUB SARL, Y COMMUNICATION SARL, NICOM EURL et Monsieur A X à payer à CHORUS SAS la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
DIRE ET JUGER que les contrats de licence de marque C BOUTIQUE ont été rompus unilatéralement par la société CHORUS à la date du 16′ novembre 2015 par suite du changement de marque exploitée.
En conséquence,
CONDAMNER la société CHORUS à rembourser à chacun des concessionnaires les redevances payées à compter du 18 novembre 2015 jusqu’à l’échéance du contrat, soit en l’espèce:
— A la société LMPS 938.98 € HT
— A la société Y COMMUNICATION 3 354.24 € HT
— A Monsieur A X 1 859.28 € HT
— A la société NICOM 1 654 € HT
DIRE ET JUGER en tout état de cause que les concessionnaires étaient en droit de ne pas renouveler les contrats.
DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause il ne saurait être opposé aux concessionnaires de faute dans l’éventuel non-respect des délais de notification des non-renouvellements des contrats au regard de la croyance dans laquelle la société CHORUS les a maintenus jusqu’au 14 septembre 2015 de la conclusion d’un nouveau contrat.
DIRE ET JUGER que les concessionnaires n’ont commis aucune faute susceptible d’être qualifiée de concurrence déloyale.
DIRE ET JUGER que la société CHORUS ne démontre pas l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice à charge des concessionnaires.
DIRE ET JUGER que la société CHORUS présente une demande de réparation forfaitaire irrecevable faute de justification comptable et financière de ses préjudices.
DEBOUTER en conséquence la société CHORUS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
DIRE ET JUGER que l’enseigne P.A.O D est dans le domaine public et à la libre disposition des opérateurs économiques.
DEBOUTER en conséquence la société CHORUS de sa demande de condamnation sous astreinte des concessionnaires à cesser l’utilisation de l’expression « P.A.O D ».
CONDAMNER la société CHORUS à verser à chacune des sociétés NICOM, LMPS, Y COMMUNICATION et à Monsieur A X, une indemnité de 30000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, vexatoire et injustifiée.
CONDAMNER la société CHORUS à verser à chacune des sociétés NICOM, LMPS, Y COMMUNICATION et à Monsieur A X une indemnité qu’il n’apparaît pas inéquitable de fixer à 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la société CHORUS aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Outre les diverses demandes reprises intégralement ci-dessus en italique de « dire que », qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, les intimés font en sus valoir que les demandes formulées au titre de l’action en concurrence déloyale relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Bordeaux car la société Chorus fonde son argumentation sur la contrefaçon de ses marques ; que les demandes formées sont connexes et indivisibles ; que la concession portait seulement sur le marque C Boutique ; qu’à partir du 1er novembre 2015, le société Chorus a cessé d’exécuter le contrat en adoptant l’exploitation d’une nouvelle marque et charte graphique, sans concertation avec les concessionnaires ; que cet abandon de marque s’analyse comme une rupture fautive du contrat ; que la société Chorus a refusé la conclusions du nouveau contrat aux conditions qu’ils avaient sollicitées ; que le contrat se trouvait non renouvelé du fait de la société Chorus ; que la clause de non-concurrence n’a donc pas vocation à s’appliquer ; que la clause n’est pas valablement limitée dans l’espace ; qu’ils ont créé un réseau informel et que la communication est irréprochable ; que la société Chorus n’est pas titulaire d’une marque C D ; qu’il ne ressort aucun préjudice réparable pour la société Chorus ; que la société Chorus ne rapporte pas la preuve d’un trouble actuel et certain.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 18 janvier 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence pour statuer sur une demande relative aux marques
La société Chorus demande d’abord l’infirmation du jugement en ce qu’il s’est déclaré incompétent « sur la demande d’usurpation et tentatives d’appropriation des marques C D, Pao D et Sign’Services » et à renvoyé sur cette demande au tribunal de grande instance de Bordeaux.
L’appelante fait valoir que sa demande a été mal interprétée, qui ne se fondait pas sur une contrefaçon de la marque au sens de l’article L. 716-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, mais sur un manquement contractuel consistant en la poursuite de l’utilisation postcontractuelle des signes distinctifs du concédant, comprenant ses marques, sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil.
Les intimés opposent les dispositions de l’article L. 716-3 ancien du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits de la cause avant sa modification par l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2020, qui disposait que les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.
Ils en concluent que les demandes formulées au titre de l’action en concurrence déloyale relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Bordeaux et non de la juridiction commerciale.
Ils font valoir que la société Chorus, loin de se situer sur les seules inexécutions contractuelles, fonde l’intégralité de son argumentation sur la contrefaçon de ses marques et accuse les concessionnaires d’exploiter désormais leur fonds de commerce sous une enseigne contrefaisante, en l’espèce PAO D.
Pour autant, il est constant que la société Chorus a expressément entendu placer ses demandes sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens et 1240 nouveau du code civil, invoquant non pas une contrefaçon de ses marques, mais l’absence de cessation de leur utilisation par les licenciés après la fin des contrats.
Dans ces conditions, le litige ne constitue pas une demande relative aux marques, mais un affaire de responsabilité contractuelle et délictuelle, y compris sous la forme particulière d’une concurrence déloyale, et il n’y avait pas lieu pour la juridiction commerciale de se déclarer incompétente.
Le jugement sera réformé en ce sens, et la cour connaîtra de l’entier litige, étant observé qu’elle ne saurait dès lors se prononcer sur une contrefaçon de marque.
* * *
Le litige concerne l’action de la société Chorus contre les 4 intimés pour : une rupture illicite du contrat avant son terme ; une violation de clause de non-concurrence post-contractuelle ; une concurrence déloyale par parasitisme.
Les intimés demandent pour leur part l’infirmation du jugement en ce qu’il les a condamnés à payer des sommes au titre de redevances, et demandent le remboursement de redevances payées entre le 1er novembre 2015 jusqu’à échéance du contrat.
Sur la rupture des contrats
La société Chorus reproche aux intimés d’avoir rompu leurs engagements dès fin 2015 sans respecter l’échéance de leur contrat.
Elle fait valoir que les relations étaient conclues pour 7 ans et renouvelable tacitement sauf dénonciation avec un préavis de 6 mois, et qu’il y a eu rupture anticipée, de sorte qu’elle réclame le paiement des redevances dues jusqu’à échéance des contrats, augmentées de l’intérêt de retard au taux contractuel de 12%.
Les intimés opposent que la société Chorus a abandonné l’exploitation de la marque concédée « C Boutique » le 5 novembre 2015 avec la conséquence que le contrat a été de ce fait résilié à cette date ; que le concédant avait annoncé dès octobre 2014 que les contrats ne seraient pas renouvelés, si bien qu’ils n’avaient pas à dénoncer le contrat ni à respecter le préavis contractuel ;
que les contrats n’ont pas été rompus, mais simplement non renouvelés.
Les intimés demandent alors de condamner la société Chorus à leur rembourser les redevances payées à compter du 18 novembre 2015 jusqu’à l’échéance du contrat, soit :
— A la société LMPS 938.98 € HT
— A la société Y 3 354.24 € HT
— A M. X 1 859.28 € HT
— A la société NICOM 1 654 € HT
Il est constant que les contrats étaient prévus pour une durée de 7 ans renouvelable tacitement par période annuelle sauf dénonciation avec un préavis de 6 mois.
Il apparaît des explications des intimés que les quatre concessionnaires ont notifié à la société Chorus des lettres expédiées entre le 9 septembre et le 6 octobre 2015 relatives au renouvellement des contrats.
Ainsi, les contrats, au vu des pièces produites par Chorus pour la signature, et par les concessionnaires pour la résiliation, ont été respectivement d’une part signés et d’autre part dénoncés dans les conditions de fait suivantes :
Sarl Y : 10 octobre 2008 (pièce 3) / 2 octobre 2015 (pièce 10 signée M. Z)
Sarl LMPS : 1er décembre 2008 (pièce 2) / 6 octobre 2015 (pièce 11)
Sarl Nicom :16 février 2009 (pièce 4) / 5 octobre 2015 (pièce 9)
M. X : 9 mars 2009 (pièce 5) / 9 septembre 2015 (pièce 7)
Il ressort de ces éléments de fait que la société Y, la société LMPS et la société Nicom n’ont pas procédé à la dénonciation dans le délai contractuel de 6 mois, la lettre de M. X ayant été adressée au jour anniversaire. Toutefois, la société Chorus est fondée à considérer que, contrairement aux autres lettres de résiliation, celle de M. X, au demeurant intitulée « Renouvellement de contrat de concession », et non « résiliation contrat de licence » comme celles des 3 sociétés, pouvait être considérée ambiguë puisque se limitant à « informer » que « nous ne renouvellerons pas notre collaboration si les conditions ne sont pas conformes à celles annoncées soit 299 € HT mensuel hors indexation pour une durée de 10 ans », même si, depuis, l’intention de M. X de ne pas renouveler son contrat est manifeste et entendue en ce sens par le concédant.
Les intimés ne sont pas fondés à se prévaloir pour la rupture des contrats de leur lettre commune du 4 septembre 2015 (leur pièce 6), signée d’ailleurs avec 3 autres concessionnaires qui ne sont pas ici dans la cause, et qui au contraire informe la société Chorus de leur « décision de renouveler le contrat de concession », certes en demandant de nouvelles conditions. Ce courrier omet de préciser expressément et clairement qu’ils auraient entendu ne pas renouveler leur contrat si les conditions demandées n’étaient pas accordées.
Les concessionnaires sont donc chacun juridiquement engagés pour un an supplémentaire, leurs lettres ne pouvant prendre effet que pour l’échéance suivante.
Les intimés opposent alors que le contrat aurait en réalité été résilié antérieurement aux torts de la cédante, en ce que Chorus aurait cessé unilatéralement d’exécuter les contrats en cessant d’exploiter la marque « C Boutique » au profit d’une enseigne « C Sign’Services ».
Or, il ressort plus exactement des contrats produits par le cédant et signés par les concessionnaires (pièces précitées) que ce contrat comprend les marques « C » et « C Boutique », et la société Chorus est fondée à soutenir qu’il s’agissait d’une simple évolution du logo, de l’enseigne et de la charte graphique, à laquelle LMPS, Nicom et M. X ont d’ailleurs participé, et alors que les marques concédées n’ont pas été abandonnées.
Il n’y a donc pas lieu à prononcer une rupture du contrat aux torts de Chorus au 1er novembre 2015 pour un changement allégué et non établi de marque exploitée, ni aux remboursements de redevances demandés par les concessionnaires.
Les échéances des contrats reconduits automatiquement, à défaut de dénonciation dans le délai prévu étaient donc les suivantes :
— Pour la société LMPS PUB : 1er décembre 2016
— Pour la société Y COMMUNICATION : 10 octobre 2016
— Pour la société NICOM : 16 février 2017
— Pour Monsieur A X : 09 mars 2017
Il ressort d’ailleurs implicitement de cette demande de la société Chorus qu’elle considère que les contrats se sont arrêtés ensuite par simple non renouvellement, puisqu’elle ne demande plus de redevances après cette reconduction d’un an.
Le montant de la redevance, indexation comprise définie au contrat (Article XII) s’élevait respectivement :
— Pour la société LMPS PUB : 469,49 € HT
— Pour la société Y COMMUNICATION : 465,87 € HT
— Pour la société NICOM : 465,87 € HT
— Pour Monsieur A X : 464,82 € HT
La société LMPS a cessé de régler les redevances à compter du mois de janvier 2016 ; La société Y à compter du 02 avril 2016 ; La société NICOM à compter du 15 février 2016 ;
M. X à compter du mois de mars 2016.
Ainsi il est justifié que les manques à gagner au titre des redevances restant dues s’élèvent aux montants suivants :
Pour la société LMPS PUB : 6.197,27 € TTC [(469,49 € HT x 11 mois) + 20% TVA]
Pour la société Y COMMUNICATION : 6.708,53 € TTC [(465,87 € HT x 12 mois) + 20%]
Pour la société NICOM : 6.708,53 € TTC [(465,87 € HT x 12 mois) + 20%]
Pour Monsieur A X : 6.693,41 € TTC [(464,82 € HT x 12 mois) + 20%]
Ces montants ne sont que la conséquence de l’exécution normale du contrat qui n’avait pas été régulièrement résilié, et non une clause pénale. Le jugement qui a réduit ces montants en les qualifiant à tort de clause pénale sera réformé en ce sens.
En revanche, le taux d’intérêt de 12 % prévu au contrat est bien une clause pénale, comme l’a jugé exactement le tribunal, ce qui est reconnu par Chorus qui écrit expressément « la clause prévoyant des pénalités de retard à un caractère comminatoire. Elle a ainsi pour but d’inciter les retardataires fautifs à régler les dettes qui leur incombent, justifiant donc un taux d’intérêt suffisamment dissuasif pour être efficace et donner tout son sens à la clause »
Or, l’article 1152 ancien du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de la cause prévoit que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Constitue une clause pénale la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée
C’est donc à bon droit et de manière pertinente que le tribunal de commerce a ramené le taux d’intérêt à 3 % sur ces sommes, à compter de l’assignation du 20 janvier 2016.
La capitalisation des intérêts demandée sera ordonnée.
Il est donc à relever que les parties s’accordent ainsi pour considérer que les contrats ont pris fin, et, après leur renouvellement litigieux tranché ci-dessus, il doit être considéré qu’ils ont pris fin par simple non-renouvellement après préavis, comme prévu par les conventions.
Sur les dommages-intérêts demandés par la société Chorus
La société appelante demande aussi des dommages-intérêts d’un montant de 400 000 euros pour les quatre, à prononcer in solidum.
Elle se fonde sur la réparation de préjudices causés par de la concurrence déloyale, du parasitisme économique, des atteintes portées à l’encontre de l’enseigne, et la violation de la clause de non concurrence.
L’appelante ne saurait par ailleurs invoquer un préjudice causé par la fin des contrats, qui, comme analysé ci-dessus, s’avère ne pas être fautive, mais conforme à la procédure contractuelle.
La société Chorus se livre à nombre de considérations pour affirmer que la clause de non concurrence contractuelle figurant dans les conventions était valide, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal (pages 19 à 23).
Il doit être ici rappelé que, s’agissant de la fin des relations contractuelles, il résulte de l’analyse ci-dessus que les contrats se sont poursuivis pour une année, jusqu’à fin 2016 début 2017 selon les cas, puis ont cessé par non renouvellement en vertu des lettres précitées adressées par les concessionnaires.
Or, la clause contenue dans les quatre contrats litigieux (pièces précitées), portant le n° 14.3, est ainsi libellée :
« En cas de résiliation de la licence, du fait de la licenciée, la licenciée s’engage à ne pas exploiter le même type d’activité pendant une durée de trois ans sur l’ensemble du territoire concédé et des départements limitrophes ».
Il résulte de cette rédaction claire et non ambiguë que, en l’espèce, la clause ne saurait être invoquée, aucune résiliation du fait de la licenciée n’étant prononcée, et les contrats s’étant terminés par simple non-renouvellement. La discussion sur sa validité est donc sans objet.
Il ne saurait non plus être retenu davantage les conditions irrégulières de la dénonciation du contrat, dont la conséquence a déjà été analysée ci-dessus comme étant l’obligation de payer l’année de redevances jusqu’à l’échéance suivante. La rupture des contrats n’est pas jugée fautive pour le surplus et ne saurait entraîner des dommages-intérêts.
Ne reste donc au titre des dommages-intérêts demandés que la concurrence déloyale par parasitisme et utilisation de signes distinctifs de nature à créer la confusion dans l’esprit de la clientèle, ce qui ne constitue qu’une seule et même demande.
A cet égard, la société Chorus estime qu’elle a démontré que les ex-licenciés utilisent les signes distinctifs du réseau C ainsi que tout signe similaire de ralliement de la clientèle, caractérisant de manière indéniable un manquement à la loyauté commerciale ; que les procès-verbaux de constat d’huissier versés aux débats ne sauraient être remis en question (ses pièces n° 23 à 30 et 42).
C’est toutefois de manière erronée qu’elle affirme ensuite que « les intimés n’ont jamais démontré qu’ils auraient cessé l’utilisation des signes distinctifs », inversant ainsi la charge de la preuve qui pèse sur elle.
Il apparaît en réalité que la société Chorus reproche plus exactement aux intimés d’avoir utilisé une marque ou signe d’enseigne « PAO D » pour se place dans son sillage, caractérisant un acte de parasitisme, en ce qu’ils utilisent ainsi des signes distinctifs proches de ceux de sa marque « C », alors que l’ancien licencié est tenu de plein droit, à la cessation du contrat de licence, d’abandonner les signes distinctifs du réseau.
Le tribunal de commerce n’a pas tranché la demande ainsi présentée, ayant considéré à tort in limine litis, comme évoqué ci-dessus, qu’il s’agissait d’une question de marques relevant du tribunal de grande instance, alors que la demande est seulement fondée sur la concurrence déloyale.
La concurrence déloyale est constituée de l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents.
Fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 et applicable aux faits de la cause, désormais prévus par les articles 1240 et 1241 du même code, la concurrence déloyale est une forme particulière de faute engageant la responsabilité civile de droit commun en raison d’un abus de la liberté de la concurrence caractérisé par un comportement déloyal. Par conséquent, il revient au demandeur de démontrer l’existence d’une faute, d’une préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. A ce titre, la faute, conformément à la responsabilité civile de droit commun, n’a pas à être intentionnelle.
En l’espèce, sont visés par la société Chorus le parasitisme et la confusion comme cas de concurrence déloyale pratiquée par les intimés.
Le parasitisme est un acte de concurrence déloyale qui est défini comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
La confusion consiste dans l’acte d’imitation d’éléments distinctifs d’un concurrent qui est susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Il peut s’agir par exemple de l’imitation d’un signe distinctif, d’un produit, d’une marque, d’une enseigne, d’une D visant à profiter de la notoriété du concurrent.
Les anciens concessionnaires, outre des considérations qui s’avèrent superflues relatives à la clause de non-concurrence, opposent que le fait qu’ils se soient regroupés informellement sous l’enseigne commerciale « P.A.O. D » ne peut être considéré comme un acte de concurrence déloyale. Ils tiennent à insister tout particulièrement sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un « réseau ».
Les intimés font valoir que l’enseigne « P.A.O. D » est utilisée comme enseigne commerciale ne porte nullement atteinte aux signes distinctifs de la société Chorus, qui développe son réseau sous la marque « C
Sign’Service » après avoir utilisé « C Boutique ». Ils ajoutent que pour l’INPI l’expression « P.A.O. D » doit rester dans le domaine public, et que la société Chorus ne saurait l’interdire, ce qui n’est pas ici pertinent.
En effet, les considérations des deux parties sur les tentatives infructueuses d’un dépôt de marque par les intimés auprès de l’INPI ne sauraient être ici suivies, la présente cour, comme elle l’a relevé ci-dessus, n’étant pas saisie d’une question de marque déposée ou non ni de sa contrefaçon, mais d’une action en responsabilité. Cette discussion est donc ici sans objet.
Le débat n’est donc pas ici d’aborder les marques et enseignes « C » et « PAO » ou « P.A.O » sous l’angle de leur dépôt ou de leur exclusivité, mais de savoir si les intimés ont commis une action de concurrence déloyale par parasitisme, le cas échéant en faisant usage de ces signes après la rupture des contrats.
Il est également indifférent à cet égard de savoir si la société Chorus aurait elle-même entrepris une action de parasitisme envers une société Signarama, qui n’est pas dans la cause, en adoptant l’enseigne Sign’Service.
Les intimés font valoir que chaque concessionnaire a au contraire engagé sans délai de nombreuses démarches pour obtenir des effacements de référencement sur internet, a procédé au changement de son nom commercial et demandé la modification de son référencement Pages Jaunes, et entrepris des actions auprès de sa clientèle (leurs pièces 42, 43 et 44).
Il convient d’abord de relever que les constats invoqués par l’appelante, dressés entre janvier et mars 2016 (pièces 23 à 30), s’ils tendent à démontrer :
— l’utilisation à ces dates d’enseignes « C Boutique » à Amiens (société Y, pièce 24), « P.A.O D » à Beauvais (société LMPS, pièce 23), « P.A.O D » à Deauville-Touques (société Nicom, pièce 25), et encore « P.A.O D » à Berck (M. X, pièce 26) ;
— ou de même sur les sites Web des concessionnaires, l’utilisation de « P.A.O D » : beauvaispaopublicite.com (pièce 27), amienspaopublicite.com (pièce 28), D-enseigne-deauville.fr (pièce 29), et berkpaopublicite.com (pièce 30),
ne suffisent pas à caractériser à eux seuls une concurrence déloyale, dès lors qu’aux dates où ils ont été dressés, les concessionnaires concernés détenaient toujours la licence « C » et « C Boutique », puisqu’il résulte de l’analyse même de la société Chorus ci-dessus traitée que les contrats avaient été renouvelés pour n’avoir pas été dénoncés dans les délais contractuels, et que d’ailleurs, les concessionnaires sont ici condamnés à payer des redevances pour cette période. Il ne saurait être demandé sans contradiction aux cessionnaires de payer des redevances pour utiliser une marque, et leur reprocher cette utilisation pour la période soumise à ces redevances.
Pour mémoire, il résulte des écritures mêmes de la société Chorus reprises ci-dessus pour ce qui est de la rupture des contrats, que les contrats ont pris fin les :
— Pour la société LMPS PUB : 1er décembre 2016
— Pour la société Y COMMUNICATION : 10 octobre 2016
— Pour la société NICOM : 16 février 2017
— Pour Monsieur A X : 09 mars 2017
Les lettres de mise en demeure de cesser d’utiliser les signes distinctifs du concédant adressées aux 4 intimés par la société Chorus le 29 mars et 27 avril 2016 (ses pièces 31 et 32) sont donc tout aussi inopérantes que les constats antérieurs aux dates ci-dessus.
Seul le constat du 10 octobre 2017 (pièce 42) est postérieur à la fin de l’ensemble des contrats concernant les intimés dans la présente cause.
Il ressort de ce constat que le site « www.amienspaopublicite.com » apparaît dans les résultats lors d’une recherche Google « C boutique Amiens », ce qui signe une indexation volontaire par l’administrateur du site, et que le mot « C » apparaît expressément dans le code source de la page d’accueil du site. Il en est de même pour le site « www.D-enseigne-deauville.fr ».
Ces sites concernent donc la société Y (Amiens), dont le contrat avec Chorus avait expiré le 10 octobre 2016, et la société Nicom (Deauville), dont le contrat avait expiré le 16 février 2017.
Il en résulte expressément l’utilisation par ces deux sociétés du mot « C » comme mot-clef dans la page d’accueil de leur site Web, ce qui a pour conséquence de diriger sur ce site les utilisateurs qui font une recherche comportant le mot « C » via les résultats des moteurs de recherche.
Les intimés ne s’expliquent pas sur ces constatations objectives d’un huissier de justice le 10 octobre 2017, au profit de longues explications agrémentées de photos sur les enseignes relevées par les précédents constats (page 30 à 37 de leurs conclusions), qui ne sont pourtant pas ici utiles.
En revanche, leurs conclusions reconnaissent (page 31) qu’ils utilisent l’enseigne « P.A.O D », pour affirmer que cette enseigne ne porte nullement atteinte aux signes distinctifs de la société Chorus, tout en tentant, pour la première fois en cause d’appel, de faire valoir que le sigle PAO, usuellement utilisé comme abréviation de « publication assistée par ordinateur », désignerait la « production de documents publicitaires à l’aide d’un ordinateur »
Pour autant, et alors que cette signification du sigle PAO ne se retrouve pas sur les documents diffusés par les intimés, force est de relever que ces trois lettres sont extrêmement proches de la marque « C », seul le « N » en étant absent, et alors que les lettres utilisées le sont dans le même ordre.
Le débat n’est pas ici de savoir si l’utilisation du sigle PAO est licite ou si le sigle constitue ou non une marque déposable, mais de déterminer si les intimés, par leur utilisation de ce sigle après avoir perdu l’usage de la marque « C », ont tenté de se placer dans le sillage de la société Chorus en utilisant une enseigne d’une grande proximité avec la marque précédente.
L’usage du sigle « PAO », de nature à entraîner la confusion dans l’esprit de la clientèle avec la marque « C » qu’ils venaient d’abandonner, outre, pour deux des anciens concessionnaires, le référencement abusif du mot « C » dans la page d’accueil de leur site Web, constituent des actes de parasitisme pour tirer profit sans effort de la notoriété de la marque appartenant à la société Chorus, et l’imitation des éléments distincts de la marque est de nature à créer la confusion dans l’esprit de la clientèle.
La concurrence déloyale reprochée par la société Chorus à ses quatre anciens concessionnaires est donc suffisamment établie.
C’est vainement que les intimés argumentent sur l’absence de démonstration par Chorus de son préjudice. En effet, un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale, générateur d’un trouble commercial, fût-il seulement moral.
En l’espèce, c’est toutefois par des arguments particulièrement succincts que la société Chorus (page 33 de ses conclusions) fait état de son préjudice, mélangeant d’ailleurs un préjudice résultant de la rupture des contrats, préjudice qui ne saurait pourtant être invoqué au vu des explications ci-dessus sur les conditions de la rupture, et celui pouvant provenir de la concurrence déloyale (début de la page 34 de ses conclusions). Ce n’est qu’en considération du chiffre d’affaires prêté aux intimés que la société Chorus réclame, d’ailleurs par une somme globale à payer in solidum et sans distinguer les anciens concessionnaires, ni s’en expliquer davantage, 400 000 euros de dommages-intérêts.
La société Chorus ne se prévaut donc pas d’une perte de chiffre d’affaires qui aurait résulté des agissements reprochés aux intimés, et qui aurait pu servir de base à l’estimation de son préjudice. Il n’est pas non plus allégué une augmentation du chiffre d’affaires des intimés, qui aurait constitué le bénéfice pour eux de leurs man’uvres qualifiées de concurrence déloyale.
En considération de ces éléments et des pièces versées, et notamment des chiffres d’affaires des intimés, la cour est en mesure d’arrêter la réparation du préjudice de la société Chorus par le versement de 5 000 euros par chacun des ex-concessionnaires.
Il n’y a pas lieu de condamner particulièrement les intimés à cesser sous astreinte à utiliser les signes distinctifs du réseau « C », sauf pour eux à tenir compte de leur condamnation pour concurrence déloyale.
Sur les autres demandes
Comme déjà relevé ci-dessus, les diverses dispositions du dispositif des conclusions qui demandent de « constater » ou « dire que » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer davantage.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge in solidum de la Sarl Y Communication, la Sarl LMPS-Pub, la Sarl Nicom, et M. X.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 26 janvier 2018,
Et, statuant à nouveau,
Rejette l’exception d’incompétence soulevée par la Sarl Y Communication, la Sarl LMPS-Pub, la Sarl Nicom, et M. X,
Dit n’y avoir lieu à prononcer une rupture du contrat aux torts de la société Chorus au 1er novembre 2015, et déboute la Sarl Y Communication, la Sarl LMPS-Pub, la Sarl Nicom, et M. X de leurs demandes de remboursement de redevances,
Dit que les contrats de concession de licence de marque conclus avec la société Chorus se sont renouvelés automatiquement jusqu’aux dates suivantes :
— Pour la société LMPS PUB : 1er décembre 2016
— Pour la société Y COMMUNICATION : 10 octobre 2016
— Pour la société NICOM : 16 février 2017
— Pour Monsieur A X : 09 mars 2017
Condamne à payer à la société Chorus, au titre des redevances restant dues :
— la société LMPS PUB : 6 197,27 euros TTC
— la société Y COMMUNICATION : 6 708,53 euros TTC
— la société NICOM : 6 08,53 euros TTC
— Monsieur A X : 6.693,41 euros TTC
Dit que ces sommes seront assorties d’un intérêt au taux de 3 % à compter du 20 janvier
2016,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Déboute la société Chorus du surplus de ses demandes à ce titre,
Condamne la Sarl Y Communication, la Sarl LMPS-Pub, la Sarl Nicom, et M. X à payer, chacun, à la société Chorus la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
Déboute la société Chorus du surplus de ses demandes à ce titre,
Dit n’y avoir lieu à condamner sous astreinte les intimés à cesser d’utiliser les signes distinctifs du réseau « C »,
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la Sarl Y Communication, la Sarl LMPS-Pub, la Sarl Nicom, et M. X aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.