La société ARC TECH ARCHITECTURE a commis une faute déontologique, une contrefaçon et a contrevenu aux dispositions de l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle qui considère que les plans et les croquis sont des oeuvres de l’esprit de l’architecte.
La contrefaçon s’apprécie d’après les ressemblances et non d’après les différences. Or il se déduit de l’examen des deux plans qu’ils partagent de nombreuses ressemblances, notamment une structure du bâtiment analogue, en forme de trapèze ; ainsi qu’une conception d’ensemble similaire, avec des locaux destinés à l’exploitation d’un garage automobile installés en rez-de-chaussée, surmontés, au centre du bâtiment, par un logement d’habitation.
La société Arc Tech Architecture a reproduit partiellement les plans réalisés par M. X pour y réaliser des modifications, et qu’elle a, ce faisant, commis une contrefaçon au sens de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, violant ainsi les droits d’auteurs de M. X sur les plans initiaux.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 16 Octobre 2019
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 1702766 – N° Portalis DBVW-V-B7B-GP6G
Décision déférée à la Cour : 25 Avril 2017 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :
SARL ARC TECH ARCHITECTURE
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Karima MIMOUNI, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me Catherine GRIVAUD, avocat à STRASBOURG
INTIME – APPELANT INCIDEMMENT :
Monsieur B X
Représenté par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN G.CAHN T.BORGHI, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre, entendue en son rapport
ROUBLOT, Conseiller
OURIACHI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme STURM
ARRET :
— Contradictoire
— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur B X est architecte. Monsieur C Y a approché M. X afin de construire un garage d’entretien automobile à Bischwiller.
Par arrêté municipal du 27 mai 2013, le permis de construire a été délivré.
Y s’est adressé à la SARL ARC TECH ARCHITECTURE pour réaliser le projet de garage.
Par arrêté municipal du 4 août 2014, un permis de construire modificatif est délivré.
X déposé une plainte auprès du Conseil régional de l’Ordre des Architectes d’Alsace pour non information de la reprise de mission et modification du projet sans accord préalable du concepteur.
Le 24 avril 2015, un procès-verbal de conciliation est dressé.
Par acte d’huissier délivré le 30 novembre 2016, M. X a fait citer la société ARC TECH ARCHITECTURE devant la chambre civile du Tribunal de grande instance de Strasbourg afin d’obtenir le paiement de dommages et intérêts pour avoir recopié ses plans d’architecte.
Par un jugement rendu le 25 avril 2017, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la société ARC TECH ARCHITECTURE à payer M. X la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, à supporter les entiers frais et dépens, à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les juges ont ordonné l’exécution provisoire.
Il a retenu que la société ARC TECH ARCHITECTURE a commis une faute déontologique, une contrefaçon et a contrevenu aux dispositions de l’article L112-2 du code de la propriété
intellectuelle qui considère que les plans et les croquis sont des oeuvres de l’esprit de l’architecte.
La société ARC TECH ARCHITECTURE a interjeté appel par déclaration faite au greffe le 22 juin 2017.
X s’est constitué intimé le 12 septembre 2017 et a formé un appel incident.
Par une ordonnance de référé du 20 novembre 2017, Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de Colmar a débouté la société ARC TECH ARCHITECTURE de sa demande tendant à obtenir le sursis à exécution du jugement rendu le 25 avril 2017 par la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg.
Par des dernières conclusions du 18 janvier 2018, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la société ARC TECH ARCHITECTURE demande l’infirmation du jugement entrepris, que M. X soit débouté, la condamnation de M. X au paiement de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle affirme n’avoir jamais été ni informée des difficultés rencontrées par M. Y avec M. X, ni destinataire des plans qu’aurait établi M. X, que M. Y n’avait fourni à la concluante qu’une esquisse réalisée de sa main de la construction souhaitée, qu’elle n’a eu connaissance des plans de M. X qu’au moment du dépôt de permis de construire, que M. Y a fait appel à la société ARC TECH ARCHITECTURE car l’entreprise de gros oeuvre avait refusé de construire le garage en se fondant sur les plans de M. X, que les plans de M. X étaient irréalisables (absence de mur porteur) et différents (au niveau des ouvertures, des façades, des aménagements).
Elle estime que les éventuelles similitudes entre les deux plans résultent de la volonté du client, que M. Y a présenté le même projet et les mêmes souhaits aux deux cabinets d’architecture, que l’identité de projet n’est pas contestée, qu’il n’y a pas eu copie des plans.
Elle soutient n’avoir jamais reçu d’avertissement de l’ordre des architectes pour avoir copié les plans de M. X, que les prétendus manques de confraternité et de solidarité ne signifient pas qu’il y a eu copie des plans, que l’ordre a reproché à la concluante de ne pas avoir contacté son confrère pour l’informer de la reprise du dossier, que la reprise d’un dossier par un architecte ne peut pas s’analyser en une contrefaçon.
Par des dernières conclusions du 21 novembre 2017, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, M. X demande la condamnation de la société ARC TECH ARCHITECTURE à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de préjudice subi du fait des manquements retenus à leur rencontre, la confirmation du jugement pour le surplus, la condamnation de la société ARC TECH ARCHITECTURE au versement d’un montant de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur appel incident, il demande la mise en compte de l’intégralité des sommes réclamées au titre des dommages et intérêts, soit 10 000 euros.
Au soutien de ses demandes, il prétend que la société ARC TECH ARCHITECTURE a reconnu les faits de copie des plans lors de la tentative de conciliation, que l’ordre a donné un avertissement à titre de sanction, que M. X n’a jamais reçu d’indemnisation du préjudice subi, que ses plans sont des originaux, que ses plans ont été recopiés pour être légèrement modifiés afin d’obtenir un permis modificatif, que la société ARC TECH ARCHITECTURE
ne l’a pas prévenu de la reprise du chantier et de ses plans, qu’il y a acte de contrefaçon, violation des droits d’auteur et atteinte aux droits patrimoniaux.
La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, et des prétentions des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 avril 2019.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 24 juin 2019, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l’appui de leurs allégations.
MOTIFS DE LA DECISION :
— Sur les actes de contrefaçon :
Pour solliciter l’infirmation de la décision entreprise et contester tout acte de contrefaçon, l’appelante soutient en premier lieu qu’elle n’aurait jamais eu communication des plans établis par M. X.
Néanmoins, il n’est pas contestable que l’exemplaire des plans litigieux déposé au titre de la demande de permis de construire est signé par le maître d’ouvrage, M. Y. L’attestation fournie par ce dernier et tendant à montrer qu’il n’a eu communication que d’une esquisse du projet n’apparaît donc pas probante.
De plus, la société Arc Tech Architecture a reconnu, lors de la tentative de conciliation du 23 avril 2015, qu’elle avait été contactée pour établir des plans d’exécution sur la base des plans réalisés par M. X, elle ne peut donc prétendre qu’elle n’en aurait pris connaissance qu’au moment de former une demande de permis de construire. Les plans de M. X étaient donc manifestement connus de la société Arc Tech Architecture lorsqu’elle a repris le projet.
L’appelante prétend ensuite que les plans litigieux n’auraient aucune ressemblance avec les plans préexistants conçus par M. X. Elle expose que si des similitudes indéniables existent, c’est en raison de la nature du terrain, ainsi que des souhaits et du projet du maître d’ouvrage. Elle souligne de nombreuses différences observables entre les deux plans.
Néanmoins, il convient de lui objecter que la contrefaçon s’apprécie d’après les ressemblances et non d’après les différences. Or il se déduit de l’examen des deux plans qu’ils partagent de nombreuses ressemblances, notamment une structure du bâtiment analogue, en forme de trapèze ; ainsi qu’une conception d’ensemble similaire, avec des locaux destinés à l’exploitation d’un garage automobile installés en rez-de-chaussée, surmontés, au centre du bâtiment, par un logement d’habitation.
Le fait, allégué par l’appelante, que les plans de M. X auraient été irréalisables en l’état ‘ ce qui, au demeurant, n’est pas démontré ‘ est indifférent.
Enfin, l’action civile étant totalement indépendante de la procédure disciplinaire ordinale, il est sans emport que la société Arc Tech Architecture ait ou non fait l’objet d’un avertissement de la part du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes, pour les faits litigieux.
C’est donc à bon droit, par des motifs propres et pertinents adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que la société Arc Tech Architecture a reproduit partiellement les plans réalisés par M. X pour y réaliser des modifications, et qu’elle a, ce faisant, commis une contrefaçon au sens de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, violant ainsi les droits d’auteurs de M. X sur les plans initiaux.
À ceci, il convient seulement d’ajouter que la contrefaçon peut parfaitement être caractérisée lorsque la reproduction de l’oeuvre de l’esprit protégée n’est que partielle, comme c’est le cas en l’espèce.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la contrefaçon.
— Sur le préjudice de M. X :
X invoque un préjudice moral ainsi qu’un préjudice résultant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux. Il chiffre ces préjudices à la somme de 10 000 euros, sans davantage de précisions sur l’étendue des dommages subis.
Les dispositions de l’article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, applicables en l’espèce, permettent effectivement l’évaluation forfaire du préjudice subi par la victime d’actes de contrefaçon, et c’est ainsi que doit s’interpréter la demande de M. X.
Compte tenu des éléments de l’affaire, la Cour estime que le premier juge a justement indemnisé le préjudice subi par M. X, par l’allocation d’une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts. Par conséquent, le jugement sera là encore confirmé.
— Sur les demandes accessoires :
La société Arc Tech Architecture, succombante, sera condamnée aux dépens.
L’équité commande l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de M. X, pour la somme de 2 000 euros.
L’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Arc Tech Architecture.
P A R C E S M O T I F S
LA COUR,
CONFIRME le jugement rendu le 25 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
CONDAMNE la société Arc Tech Architecture aux dépens,
CONDAMNE, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, la société Arc Tech Architecture à verser à M. X la somme de 2 000 euros,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Arc Tech Architecture.
LA GREFFIÈRE : LA PRÉSIDENTE