Marque distinctive
La société vente-privee.com a obtenu gain de cause sur la validité de sa marque du même nom. En première instance la marque « Vente privée » avait été annulée pour défaut de distinctivité. Selon l’article L714-3, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est distinctive. Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont aussi dépourvus de caractère distinctif :
- a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
- b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service.
Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage.
La portée de cet article doit être appréciée à la lumière de l’article 3 de la directive (CE) n° 89/104 du 21 décembre 1988, codifiée par la directive (CE) n° 2008/.95 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, dont il est la transposition en droit interne. Une marque est ainsi susceptible d’être déclarée nulle non seulement si elle est composée exclusivement de signes usuels pour désigner les produits ou services visés à son dépôt, mais encore si elle est par elle-même dépourvue de caractère distinctif. Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au regard de tous ses éléments constitutifs pris dans leur ensemble au jour de son dépôt au regard des produits et/ou services désignés et du public auquel les produits ou services s’adressent.
Notion de vente privée
Les termes ‘vente privée’, au singulier ou au pluriel, sont utilisés en langue française et connus du public comme visant des ventes ponctuelles proposées à un cercle déterminé d’acheteurs potentiels – invités, abonnés, membres, adhérents…soit à des personnes remplissant une condition d’appartenance à un groupe, peu important que ces personnes soient le cas échéant en nombre très élevé, et que ce concept a été adapté au Web où il s’y est installé plus récemment. La société Showroomprive.com ayant contesté la validité de la marque venteprivee.com ne justifie pas de développement significatif de ce concept sur Internet avant son introduction en 2001. Au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers, de présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail et des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site Web marchand, désignés à l’enregistrement, la marque vente-privée.com était à la date de son dépôt, compte tenu de son caractère usuel et descriptif, dépourvue de caractère distinctif au regard des exigences de l’article L711-2, a) et b) du code de la propriété intellectuelle.
Caractère distinctif par l’usage
Toutefois, cette marque a acquis son caractère distinctif par l’usage. L’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle permet d’apprécier l’acquisition, par une marque initialement dépourvue de caractère distinctif, de sa distinctivité, en tenant compte de l’usage qui en a été fait après l’enregistrement. La société Vente-privee.com a établi la preuve d’un usage continu, intense et de longue durée, à titre de marque – soit pour identifier les produits et services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée – du signe « vente-privée.com », notamment par ‘la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque (…)’ (CJCE, 4 mai 1999, C-109/97, Windsurfing Chiemsee). A cet égard, il y a lieu de rappeler que la CJUE a précisé que « le caractère distinctif d’une marque visé à l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, peut être acquis en conséquence de l’usage de cette marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec elle » (07 juillet 2005, C-353-03, Nestlé).
Pour rappel, la société Vente-privée.com, dont la seule activité est toujours identifiée sous le signe éponyme, est en première position sur le marché des ventes événementielles sur internet en France, dont elle détient près de 90 % de parts. L’importance de son chiffre d’affaires (passé de plus de 300 000 000 € HT en 2007 à 1,6 milliards d’euros TTC en 2013), de l’audience de son site internet (placé depuis 2005 parmi les 15 sites marchands les plus visités en France) et du nombre de ses membres (11 millions en France en 2011), témoignent de l’intensité et de l’étendue de son activité et, partant, de l’exploitation du signe litigieux, qui n’ont fait que croître depuis le lancement de l’activité en 2001. Elle justifie d’investissements considérables pour des actions de promotion et de publicité dans toutes sortes de médias. La notoriété du site internet Vente-privee.com est mesurée par un sondage Sofrès de 2006 (un cyber-acheteur sur trois le connaît, une étude Direct Panel de 2008 (cité spontanément par plus d’un acheteur en ligne sur cinq et connu par près de six sur sept d’entre eux) et un sondage LH2 de mars 2014 (76 % des cyber-acheteurs le connaissent, comme 55 % du grand public). Il en est de même pour sa marque, figurant parmi ‘les marques préférées des français’, selon un sondage Capital-BVA-Leo Burnett, Capital de juillet 2011. Il s’en déduit qu’une ‘fraction significative’ du public concerné perçoit la marque vente-privée.com comme identifiant les services de vente au détail de produits ou services d’origines diverses désignés par elle comme provenant d’une entreprise déterminée.