Production Audiovisuelle : 5 juillet 2018
Cour d’appel de Versailles
RG n°
17/04383
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
Renvoi après cassation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JUILLET 2018
N° RG 17/04383
AFFAIRE :
Sophie X…
C/
SAS C8 (ANCIENNEMENT D8)
…
Décision déférée à la cour: Arrêt rendu le 06 juillet 2017 par la Cour de Cassation de PARIS
N° Section:
N° RG : T16-15.950
Copies exécutoires délivrées à :
la AARPI Y… & ASSOCIES
la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés
Copies certifiées conformes délivrées à :
Sophie X…
SAS C8 (ANCIENNEMENT D8), SASU C8 FILMS (ANCIENNEMENT D8 FILMS)
le : 06 juillet 2018
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre:
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 1er septembre 2017 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 06 juillet 2017 cassant et annulant l’arrêt rendu le 1er mars 2016 par la cour d’appel de Versailles (6ème chambre)
Madame Sophie X…
[…]
comparante en personne, assistée de Me William Y… de l’AARPI Y… & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R143
substitué par Me Z…, avocat au barreau de Paris ;
DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
SAS C8 (ANCIENNEMENT D8)
N° SIRET : 444 564 793
[…] / France
représentée par Me Eric A… de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438 – N° du dossier 0434-TIS, M. Eric A… (Avocat) en vertu d’un pouvoir général
SASU C8 FILMS (ANCIENNEMENT D8 FILMS)
N° SIRET : 438 114 746
[…] / France
représentée par Me Eric A… de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438 – N° du dossier 0434-TIS
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 mai 2018, devant la cour composée de:
Monsieur Philippe FLORES, Président,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi, après avoir entendu , avocat général en ses réquisitions,
dans l’affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC
Mme X… a été engagée en qualité d’opératrice synthétiseur ou prompteur pour le tournage et la diffusion de programmes télévisés, suivant divers contrats à durée déterminée d’usage à compter du 22 novembre 2010 par les sociétés Direct Production devenue D8 Films et D8, puis C8 et C8 films, sociétés du groupe CANAL+.
La relation de travail a pris fin le 21 juin 2013.
Mme X… a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 20 janvier 2015, le conseil a débouté Mme X… de l’ensemble de ses demandes.
Mme X… a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt rendu le 1er mars 2016, la cour d’appel de Versailles (sixième chambre) a :
– infirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 20 janvier 2015, et statuant à nouveau :
– requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein la relation contractuelle conclue à compter du 22 novembre 2010 et jusqu’au 21 juin 2013, entre alternativement la société D8 Films (anciennement société Direct Productions) et la société D8 (anciennement Direct 8) et Mme X… ;
– condamné in solidum les sociétés D8 et D8 Films à payer à Mme X…, sur la base d’un salaire de référence de 3 846,90 euros brut/mois, les sommes de 96 956,70 euros au titre des rappels de salaires au titre des années 2010 à 2013, 969,56 euros au titre des congés payés afférents, 7 693,80 euros d’indemnité de préavis, 769,38 euros au titre des congés payés afférents, 1 923,45 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ; avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2014, 3 846,90 euros à titre d’indemnité de requalification, 24 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamné in solidum les sociétés D8 et D8 Films aux dépens de première instance et d’appel.
Le 25 avril 2016, les sociétés D8 et D8 Films ont formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt rendu le 6 juillet 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a fixé le salaire de référence à 3 846,90 euros,
– condamné les sociétés D8 et D8 films à payer à Mme X… les sommes de 96 956,70 euros à titre de rappel de salaire, 969,56 euros pour congés payés, 7 693,80 euros à titre l’indemnité de préavis, 769,38 euros pour congés payés, 1 923,45 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 3 846,90 euros au titre de l’indemnité de requalification, 24 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 1er mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
– a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;
– condamné Mme X… aux dépens ;
– rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 1er septembre 2017, Mme X… a saisi la cour d’appel de Versailles comme cour de renvoi.
Les parties ont été convoquées par le greffe de la cour d’appel par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, Mme X… demande à la cour de:
– dire et juger que le contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à temps plein ;
– fixer son salaire de référence à la somme de 1 827,22 euros bruts ;
– condamner solidairement les sociétés C8 et C8 Films au paiement des sommes de 1 827,22 euros à titre d’indemnité de requalification, 913,61 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 3 654,44 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 365 euros à titre de congés payés afférents, 21 926,64 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner les sociétés C8 et C8 Films au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
– ordonner la capitalisation des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, les sociétés C8 et C8 Films demandent à la cour de :
– confirmer le jugement prononcé le 20 janvier 2015 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté Mme X… de sa demande en rappel de salaire sur temps plein ;
– prendre acte des man’uvres frauduleuses employées par Mme X… pour parvenir (devant la Cour d’appel initiale) et tenter de parvenir (devant la Cour de céans) à ses fins ;
– rappeler Mme X… au droit applicable,
– débouter de plus fort Mme X… de sa demande visant à obtenir le bénéfice d’un temps plein;
– fixer à 990,83 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire) le salaire de référence de Mme X… ;
– fixer à 990,83 euros le montant de l’indemnité de requalification,
– fixer à 1 981,66 euros le montant de l’indemnité de préavis, augmenté de 198,16 euros au titre des congés payés y afférents ;
– fixer l’indemnité de licenciement à 743,12 euros ;
– fixer à 6 mois de salaire l’indemnité prévue à l’article L.1235-3 du code du travail,
– condamner Mme X… à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’audience, les sociétés C8 et C8 Films ont précisé que sur la base des assiettes de calcul respectivement applicables, l’indemnité de requalification devait être fixée à la somme de 741,10 euros, montant du salaire perçu en juin 2013, celle au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à 1548,30 euros correspondant aux salaires perçus sur les six derniers mois, de janvier à juin 2013, et que la base des douze derniers mois de salaire correspondait à 2580 euros.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée:
L’arrêt de la cour d’appel de Versailles a notamment requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein la relation contractuelle conclue à compter du 22 novembre 2010 et jusqu’au 21 juin 2013, entre alternativement la société D8 films, devenue C8 films et la société D8, devenue C8, et Mme X…. Ce chef du dispositif de l’arrêt, qui n’a pas été atteint par la cassation intervenue par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 6 juillet 2017, est désormais irrévocable. La demande de Mme X… est donc sans objet puisque le précédent arrêt de la cour y a déjà fait droit.
Sur la demande de débouté des prétentions de Mme X… au titre d’un contrat de travail à temps plein :
La demande de débouté des demandes de la salariée au titre du contrat de travail à temps plein sont devenues sans objet dès lors que la salariée ne les présente plus à la cour ainsi qu’il résulte du dernier état de ses conclusions, telles qu’elles ont été soutenues oralement à l’audience.
Sur l’indemnité de requalification :
Mme X… réclame l’allocation de 1 827,22 euros en réparation du préjudice qui résulte des conditions irrégulières de recours au contrat de travail à durée déterminée par les sociétés C8 films et C8.
Conformément à l’article L. 1245-2, alinéa 2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il est alloué au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu, avant la saisine de la juridiction.
Le salaire du mois de juin 2013 s’étant élevé à la somme brute de 741,10 euros, ainsi qu’il résulte du bulletin de paie, le montant de l’indemnité de requalification doit être fixé à la somme brute de 1 500 euros bruts afin de compenser le préjudice résultant du recours irrégulier à des contrats de travail à durée déterminée.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture de la relation de travail :
L’employeur qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.
Quant à l’indemnité conventionnelle de licenciement :
En application de l’article V.1.2.2 de la convention collective de la production audiovisuelle, la salariée réclame une indemnité conventionnelle de licenciement de 913,61 euros.
Les sociétés C8 Films et C8 indiquent que l’indemnité conventionnelle de licenciement devait être limitée à la somme de 743,12 euros, sur la base d’un salaire de référence de 990,83 euros.
Aux termes des articles L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et R. 1234-4 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois, soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce dernier cas, toute prime ou gratification à caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
Sur la base des trois derniers mois de salaire, qui est la formule la plus avantageuse pour la salariée, la moyenne des salaires perçus s’élève à 1 502,13 euros, à laquelle doit être ajoutée la prime d’ancienneté auquel la salariée peut prétendre du fait de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, et, en application de l’article IV.3 de la convention collective de la production audiovisuelle, la référence mensuelle de calcul doit être arrêtée à 1547,19 euros. L’indemnité conventionnelle de licenciement sera donc fixée, conformément à l’article V.1.2.2 de la convention collective de la production audiovisuelle à la somme de 773,59 euros bruts.
Quant à l’indemnité de préavis :
Mme X… indique avoir droit à une indemnité de préavis de deux mois en application de l’article V 1.2.1 de la convention collective de la production audiovisuelle, ce qui représente la somme de 3 654,44 euros.
Les sociétés C8 Films et C8 soutiennent que l’indemnité de préavis doit être fixée à 1 981,66 euros.
La rupture étant imputable aux employeurs, le salarié a droit, conformément à l’article L. 1235-4 du code du travail, à une indemnité de préavis d’une durée de deux mois, ainsi qu’il résulte des dispositions conventionnelles. Le montant de cette indemnité de préavis est calculé sur la base des salaires et avantages bruts auxquels aurait pu prétendre le salarié. Au vu des dernières fiches de paye de la salariée l’indemnité de préavis doit être fixée à la somme de 3094,38 euros bruts, outre 309,43 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Quant à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Au vu de l’ancienneté de la salariée (deux ans et demi), de son âge, de sa situation personnelle et des six derniers mois de salaire perçus (4 236,40 euros), l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à la somme de 10 000 euros bruts.
Sur les intérêts légaux :
Conformément aux articles 1153 et 1153-1, devenus les articles1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes allouées de nature contractuelle portent intérêt à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, alors que, les sommes de nature purement indemnitaire portent intérêt à compter du présent arrêt.
En application de l’article 1154 devenu, 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus pour une année entière, seront capitalisés.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les sociétés C8 Films et C8, qui succombent, doivent supporter les dépens.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X… l’intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant sur renvoi après cassation, et dans les limites de celles-ci, publiquement, par arrêt contradictoire,
Condamne in solidum les sociétés C8 Films et C8 à payer à Mme X… les sommes de :
– 1 500 euros bruts à titre d’indemnité de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, avec intérêt au taux légal à compter de ce jour,
– 3094,38 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 309,43 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– 773,59 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, avec les intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– 10 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154, devenu 1343-2 du code civil,
Déboute Mme X… et les sociétés C8 Films et C8 de leurs autres demandes,
Condamne in solidum les sociétés C8 Films et C8 à payer les dépens de l’instance et à verser à Mme X… la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,