Production Audiovisuelle : 17 avril 2019
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/04937
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 AVRIL 2019
N° RG 15/04937
AFFAIRE :
SAS FREMANTLE MEDIA FRANCE
C/
[A] [R]
SARL D’HOME
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2011 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
N° RG : 11/00544
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Eric MANCA
Me Manuel DAMBRIN
Me Ingrid ZAFRANI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS FREMANTLE MEDIA FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 404 102 402
représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438
APPELANTE
****************
Monsieur [A] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (92), de nationalité française
comparant en personne, assisté de Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1894
SARL D’HOME
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 530 246448
représentée par Me Ingrid ZAFRANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2431
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue le 12 février 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Maryse LESAULT, Présidente,
Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL
FAITS ET PROCÉDURE,
M. [A] [R] (ci-après M. [R]) a été engagé par contrats à durée déterminée d’usage par la société D’HOME PRODUCTIONS du 24 septembre 2006 au 31 mai 2007 en qualité d’assistant de production pour collaborer au tournage de l’émission télévisée D&CO dont l’objet consiste à filmer la rénovation d’un logement par une équipe d’ouvriers et de techniciens dans les délais les plus restreints.
Il a ensuite été engagé par la société FREMANTLEMEDIA France à compter du 23 mai 2007 jusqu’au 2 février 2010 aux termes de contrats à durée déterminée d’usage pour participer à la réalisation de la même émission en qualité de chef costumier ou d’accessoiriste.
Par requête du 22 mars 2011, M. [R] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Boulogne Billancourt et a sollicité devant le bureau de jugement de voir requalifier les contrats à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein et la rupture de la relation de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il a demandé de voir condamner la société D’HOME PRODUCTIONS à lui régler les sommes suivantes :
– 6.490 euros à titre de rappel de salaire du fait de la fonction de premier assistant décorateur,
– 649 euros au titre des congés payés afférents,
– 2.021 euros à titre de rappel de salaire du fait de la requalification,
– 13.293,97 euros au titre des heures supplémentaires et 1.329,39 euros au titre des congés payés afférents,
– 524,37 euros au titre de la majoration pour travail de nuit,
– 1.000 euros à titre d’indemnité pour non respect du repos journalier et hebdomadaire,
M.[R] a par ailleurs sollicité la condamnation de la société FREMANTLEMEDIA France à lui régler les sommes suivantes:
– 4.042 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 404,20 euros au titre des congés payés afférents
-.1.111,55 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
-.33.212 euros à titre de rappel de salaire du fait de la fonction de premier assistant décorateur
– 3.321,20 euros au titre des congés payés afférents
– 2.021 euros à titre de rappel de salaire du fait de la requalification
– 45.241,81 euros à titre d’heures supplémentaires et 4.524,18 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.671,43 euros à titre de majoration pour travail de nuit,
– 40.000 euros à titre d’indemnité pour non respect du repos journalier et hebdomadaire,
– 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6.266,37 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance, droit Assedic
– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 15.477 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
Il a également demandé de voir condamner solidairement la société D’HOME PRODUCTIONS et la société FREMANTLEMEDIA France à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et voir ordonner la remise du certificat de travail, de l’attestation Pôle emploi et de bulletins de paie rectificatifs sous astreintes de 50 euros par jour de retard, le prononcé des intérêts légaux depuis la saisine s’agissant des indemnités de rupture et à compter du prononcé du jugement sur les autres indemnités et la condamnation solidaire des deux sociétés aux dépens.
Par jugement du 6 décembre 2011, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a:
– condamné la société D’HOME PRODUCTIONS à verser à M. [R] les sommes suivantes:
– 6.490 euros au titre de la requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet du 24 septembre 2006 au 31 mai 2007 outre la somme de 649 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.666,50 euros à titre d’indemnité de requalification
– condamné la société FREMANTLEMEDIA France à verser à M. [R] les sommes suivantes:
– 33.212 euros au titre de la requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet du 2 juin 2007 au 2 février 2010 outre la somme de 3.321,20 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.717 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– 3.434,00 euros à titre d’ indemnité compensatrice de préavis et 343,40 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.111,55 euros à titre d’ indemnité conventionnelle de licenciement,
– 17.170 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– dit que ces condamnations sont assorties de l’intérêt au taux légal à compter de sa saisine pour les créances résultant du contrat de travail et à compter du prononcé pour les créances de nature indemnitaire,
– condamné solidairement les sociétés D’HOME PRODUCTIONS et FREMANTLEMEDIA France à verser à M. [R] la somme de 950,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [R] de ses demandes complémentaires,
– ordonné la remise des documents suivants :
– certificat de travail,
– attestation Pôle emploi,
– bulletins de paye rectificatifs,
sous astreinte de 15 euros par jour de retard pour l’ensemble des documents sous 8 jours à compter de la notification du jugement et ce pendant 30 jours, le conseil s’en réservant la liquidation,
– ordonné l’exécution provisoire sur l’entier jugement,
– condamné de façon solidaire les sociétés D’HOME PRODUCTIONS et FREMANTLEMEDIA France aux entiers dépens.
Par déclarations du 20 décembre 2011, M.[R] a interjeté un appel total du jugement et la société FREMANTLEMEDIA France a relevé appel partiel du jugement en ce qu’il a requalifié les contrats en contrat à durée indéterminée et requalifié en temps plein la relation de travail entre le 2 juin 2007 et le 2 février 2010 .
Les deux affaires ont fait l’objet d’une jonction à l’audience du 16 septembre 2013 et d’une ordonnance de radiation le même jour.
Après rétablissement des affaires, les parties ont été convoquées en dernier lieu à l’audience du 12 février 2019.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, M. [R] demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– requalifié la relation de travail avec la société D’HOME PRODUCTIONS en contrat à durée indéterminée à temps complet du 24 septembre 2006 au 31 mai 2007,
– requalifié la relation de travail avec la société FREMANTLEMEDIA France en contrat à durée indéterminée à temps complet du 2 juin 2007 au 2 février 2010,
– l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau,
– condamner la société D’HOME PRODUCTIONS à lui payer :
– à titre de rappel de salaire pour les jours travaillés, non payés : 7.957,34 euros,
– à titre de congés payés afférents : 795,73 euros,
– à titre de rémunération des périodes interstitielles : 13.272,56 euros,
– à titre de congés payés afférents :1.327,25 euros,
– à titre d’indemnité pour travail dissimulé :20.012,28 euros,
– à titre de dommages et intérêts pour violation des temps de repos : 5.000 euros,
– à titre d’indemnité de requalification : 3.335,38 euros
– condamner la société FREMANTLEMEDIA France à lui payer :
– à titre de rappel de salaire pour les jours travaillés, non payés : 41.122,91 euros,
– à titre de congés payés afférents : 4.112,29 euros,
– à titre de rémunération des périodes interstitielles : 74.748,16 euros,
– au titre de congés payés afférents : 7.474,81 euros,
– à titre de repos compensateur non pris pour réduction des repos journaliers : 8.990,81 euros,
– au titre de congés payés afférents : 899,08 euros,
– à titre d’indemnité pour travail dissimulé : 25.688,16 euros,
– à titre de dommages et intérêts pour violation des temps de repos : 15.000 euros,
– à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 8.562,72 euros,
– au titre de congés payés afférents : 856,27 euros,
– à titre d’indemnité de licenciement : 2.426,09 euros,
– à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40.000,00 euros,
– à titre d’indemnité de requalification : 4.281,36 euros,
– condamner les sociétés D’HOME PRODUCTIONS et FREMANTLEMEDIA France à lui remettre des bulletins de paie conformes à l’arrêt rendu,
– condamner les sociétés D’HOME PRODUCTIONS et FREMANTLEMEDIA France à lui payer, chacune, la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, la société FREMANTLEMEDIA FRANCE demande à la cour de :
A titre principal,
– infirmer le jugement prononcé le 6 décembre 2011 par le Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt et débouter M. [R] de sa demande de requalification,
En conséquence,
– dire et juger régulier, au regard de l’usage constant propre au secteur de l’audiovisuel, le recours à l’emploi intermittent pour l’emploi occupé par M. [R],
– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions attachées à sa demande de requalification,
A titre subsidiaire,
– fixer à 10.000,00 euros le montant de l’indemnité de l’article L.1235-3 du code du travail,
– fixer à 1.514,58 euros le montant de l’indemnité de requalification,
– fixer à 3.029,16 euros le montant de l’indemnité de préavis, augmentée de 302,91 euros au titre des congés payés y afférents,
– fixer l’indemnité conventionnelle sur l’assiette du salaire de référence (1.514,58 euros), soit 757,29 euros,
En tout état de cause :
– débouter M. [R] de sa demande en rappel de salaire sur temps plein (infirmer le jugement sur ce point) et les demandes y attachées,
– débouter M. [R] de sa demande en rappel de salaire sur heures supplémentaires (confirmer le jugement sur ce point) et des demandes subséquentes y attachées (repos compensateur et violation du temps de repos),
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande en indemnité pour travail dissimulé.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, la société D’HOME PRODUCTIONS demande à la cour de :
– confirmer les termes du jugement du Conseil des prud’hommes de Boulogne Billancourt, la concernant, en toutes ses dispositions, excepté quant au quantum du rappel de salaire consécutif à la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée et des congés payés afférents.
En conséquence :
– dire et juger que le rappel de salaire consécutif à la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée s’élève à la somme de 6.336,94 euros, et les congés afférents à 633 euros,
En conséquence :
– condamner M. [R] à lui rembourser la somme de 169,06 euros correspondant au trop perçu au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents,
Statuant à nouveau :
– déclarer M. [R] irrecevable en sa demande de condamnation de la société D’HOME, pour travail dissimulé,
– condamner M. [R] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [R] aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens
MOTIFS,
1- Sur la relation de travail entre M.[R] et la société D’HOME PRODUCTIONS
M. [R] sollicite la requalification des contrats à durée déterminée d’usage conclus entre le 24 septembre 2006 et le 31 mai 2007 en contrat à durée indéterminée à temps plein.
Il fait valoir que les contrats ne sont pas signés, qu’ils ne lui ont été remis qu’après la période travaillée ce, en infraction avec les termes de l’article L 1242-13 du code du travail.
Il énonce que certains contrats écrits font défaut et soulève le défaut d’usage pour conclure des contrats à durée déterminée relativement à l’emploi d’assistant de production et l’utilisation abusive du recours à de tels contrats.
Il demande par ailleurs un rappel de salaire au titre d’heures de travail effectuées et non rémunérées et sollicite à ce titre la condamnation de la société D’HOME PRODUCTIONS à lui régler la somme de 7.957,34 euros outre 795,73 euros au titre des congés payés afférents.
Il sollicite enfin le paiement de la somme de 13.272,56 euros à titre de rémunération des périodes interstitielles outre 1.327,25 euros au titre des congés payés afférents, celles de 20.012,28 euros à titre de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé, de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des temps de repos hebdomadaire et journalier outre le paiement par la société D’HOME PRODUCTIONS d’une indemnité de requalification à hauteur de 3.335,38 euros, montant auquel il évalue son salaire mensuel de référence.
La société D’HOME PRODUCTIONS, tout en opposant la régularité du recours à des contrats à durée déterminée d’usage sollicite cependant de la cour, après avoir pris acte de l’absence de signature de certains contrats, la confirmation des termes du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé leur requalification, à l’exception du quantum des sommes ordonnées à titre de rappel de salaire.
Elle fait valoir sur ce point que M. [R] a particulièrement varié dans le quantum des sommes demandées, que sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé est irrecevable car nouvelle devant la cour, que le salarié ne peut non plus fonder sa demande au titre d’heures supplémentaires sur la base d’agendas établis pour les besoins de la cause.
Elle observe que le rappel de salaire doit être calculé sur la base du salaire minimal brut mensuel pour 35 heures d’un assistant de production dans les termes de la convention collective nationale de la production audiovisuelle.
Sans s’opposer à l’indemnité de requalification retenue par le Conseil de Prud’hommes pour un montant de 1.666,50 euros, la société D’HOME PRODUCTIONS demande le rejet des demandes de M. [R] au titre de la rémunération interstitielle et de dommages et intérêts au titre de la méconnaissance du repos hebdomadaire et journalier.
Il convient de rappeler que l’article R. 1452-6 du code du travail, en vertu duquel les demandes nouvelles sont recevables lorsque leur fondement est né postérieurement à la saisine du Conseil de prud’hommes, qui a été abrogé par décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, est applicable aux instances introduites devant le Conseil de prud’hommes avant le 1er août 2016, conformément aux dispositions de l’article 45 du même décret.
En conséquence, et étant observé que l’instance a été introduite devant le Conseil de Prud’hommes le 22 mars 2011, la fin de non recevoir soulevée doit être rejetée.
La société D’HOME PRODUCTION sollicitant la confirmation du jugement en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et ce point n’étant ainsi pas discuté entre les parties, il sera fait droit à la demande de M. [R] de ce chef.
Il est rappelé que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
Sur ce point, M. [R] sollicite en premier lieu le paiement d’heures supplémentaires.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Il résulte ici des bulletins de salaire de M. [R] que celui ci était rémunéré à raison de 8 heures travaillées pour chacun des jours durant lequel il était employé.
L’intéressé produit aux débats des agendas pour les années 2006 et 2007 au sein desquels il a mentionné des horaires de travail débutant entre 7h et 7h 30 le matin et finissant entre 21h et 23h.
Si ces agendas sont en effet vierges de toute autre mention, il convient d’observer que le salarié produit un article de presse tiré de l’hebdomadaire ‘Télé 2 semaines’, aux termes duquel, photographies à l’appui, il est fait état de journées de travail particulièrement longues (18 heures) afin de terminer les travaux, la cour observant que le principe même de l’émission D&CO visant la rénovation d’un intérieur dans des délais restreints induisait de lourds horaires durant ce laps de temps.
Les feuilles de service produites également justifient quant à elles de départs de l’équipe technique à 7h30 et de fin de tournage entre 19h et 20h en moyenne.
Ces éléments permettent d’étayer la demande.
Etant relevé qu’il se déduit des pièces par ailleurs produites que certains travaux étaient effectués avant même l’arrivée de l’équipe technique, que des temps de pause étaient aménagés, la société D’HOME PRODUCTIONS sera condamnée à régler à M. [R] la somme de 5.155,92 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 515,59 euros au titre des congés payés afférents.
S’agissant du paiement des périodes interstitielles sollicité en second lieu, il est rappelé que le salarié ne peut prétendre à un rappel de salaire qu’à la condition de justifier qu’il se trouvait, pendant ces périodes, à la disposition de l’employeur.
En l’espèce, M. [R] justifie aux débats du caractère particulièrement rapproché des contrats dont il a fait l’objet.
Les contrats se succèdent en effet de façon continue de septembre 2006 à février 2007 et d’avril à mai 2007, la succession particulièrement rapprochée des dates d’embauche justifiant de l’impossibilité du salarié d’exercer toute autre activité professionnelle.
Dès lors, étant retenu au regard de ces éléments et de la justification de tout autre revenu perçu par le salarié pendant ce laps de temps que M. [R] s’est tenu à la disposition de la société D’HOME PRODUCTIONS durant la période s’étendant du 24 septembre 2006 au 31 mai 2007 mais étant également tenu compte des jours ouvrables de travail durant cette période et des congés pris par l’intéressé, l’employeur sera condamné à régler à M. [R] la somme de 7.520 euros à titre de rappel de salaire outre 752 euros au titre des congés payés afférents.
S’agissant de l’indemnité pour travail dissimulé également sollicitée, il est rappelé que la dissimulation d’emploi salarié visée à l’article L 8221-5 du code du travail doit avoir un caractère intentionnel, qu’il ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Or, ce caractère intentionnel ne se déduit pas des pièces ici produites ce qui doit conduire à rejeter la demande de ce chef.
S’agissant de la violation des temps de repos, la cour observe qu’il se déduit des dates mêmes des contrats de travail que M. [R] a été amené à travailler 7 jours d’affilée du 24 au 30 septembre, du 19 au 25 novembre 2006, du 22 au 27 janvier 2007.
Dès lors, et si la violation des temps de repos journaliers n’est pas pour sa part justifiée par les pièces produites, la société D’HOME PRODUCTIONS sera condamnée, au titre de la violation des temps de repos hebdomadaires et de l’impact s’en déduisant sur la santé du salarié, à régler à M. [R] la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts.
S’agissant enfin de l’indemnité de requalification, M. [R] fait valoir que son salaire mensuel de référence doit être fixé à 3.335,38 euros après avoir tenu compte de la moyenne des sommes perçues à ce titre au cours des douze derniers mois et réintégration des heures travaillées non rémunérées et des périodes interstitielles.
Etant tenu compte des heures supplémentaires et des périodes interstitielles ici retenues, il sera alloué à M. [R] une somme de 2.405,65 euros à titre d’indemnité de requalification, correspondant au montant du salaire mensuel de référence ici retenu.
2- Sur la relation de travail entre M.[R] et la société FREMANTLEMEDIA France
M. [R] sollicite la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Il relève le défaut de contrats écrits, le défaut de la justification d’un usage permettant de fonder le recours aux contrats à durée déterminée pour l’emploi considéré, l’absence de toute justification par l’employeur des raisons objectives permettant le recours à de tels contrats.
Il fait valoir que ses fonctions réelles correspondaient à celles d’un ‘homme à tout faire’ sur les tournages et relève à cet égard que la qualification de ses emplois par l’employeur a varié alors qu’il a été engagé en tant qu’accessoiriste mais aussi de chef costumier (13, 14, 21 et 22 juin 2007),
La Cour observe qu’hormis neuf contrats communiqués aux débats par M. [R] et un par la société FREMANTLEMEDIA France, celle-ci se limite à produire des attestations Pôle Emploi à compter du 23 mai 2007 mentionnant que M. [R] occupe un emploi de chef costumier puis à partir du 13 juin 2007 un emploi d’accessoiriste.
Or, de telles pièces ne permettent pas de vérifier que chaque contrat conclu comportait le motif du recours soit précisément la mention de l’objet pour lequel il a été conclu de même que l’émission concernée.
La production de ces contrats s’imposait d’autant plus qu’il existe des discordances entre les mentions portées sur les attestations Pôle Emploi et les contrats lorsque ceux ci sont produits.
Ainsi l’attestation Pôle Emploi vise pour les périodes du 13 juin et du 18 au 19 juin 2007 le recrutement de M .[R] en qualité d’accessoiriste alors que les contrats afférents visent son engagement en qualité de chef costumier, la cour observant que dans certaines feuilles de tournage (pièces 17.45, 17.50, 17.54 du salarié), il est mentionné que le salarié est ‘assistant déco’.
Or, il convient de relever qu’en matière de contrat à durée déterminée d’usage, il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Le défaut de production des contrats hormis les dix susvisés ne permet donc pas de procéder à la vérification du bien fondé du recours aux contrats d’usage laquelle s’effectue sur la base d’une catégorie d’emploi devant explicitement être visée dans ces documents.
Ces éléments conduiront à confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la relation de travail en un contrat à durée indéterminée.
Cette requalification ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
S’agissant du paiement des heures supplémentaires sollicité, il résulte ici des bulletins de salaire de M. [R] que celui ci était rémunéré à raison de 8 heures travaillées pour chacun des jours durant lequel il était employé.
L’intéressé produit aux débats ses agendas pour la période s’étendant de 2007 à 2010 au sein desquels il a mentionné des horaires de travail débutant entre 7h et 7h 30 le matin et finissant entre 21h et 23h.
Si ces agendas sont vierges de toute autre mention, il convient d’observer, comme il l’a déjà été noté, que le salarié produit, un article de presse tiré de l’hebdomadaire ‘Télé 2 semaines’, aux termes duquel, photographies à l’appui, il est fait état de journées de travail particulièrement longues (18heures) au titre de l’émission D&Co ce, afin de terminer les travaux.
Monsieur [P], collègue de travail, fait état dans son attestation de ce que les journées de travail normales ne suffisaient pas pour mener à bien les nombreux chantiers réalisés ce qui induisait des dépassements d’horaires systématiques.
De plus, les feuilles de service produites par l’intéressé, justifient de départs de l’équipe technique à 7h30 et de fin de tournage entre 19h et 20h en moyenne durant la période considérée.
Ces éléments permettent d’étayer la demande.
Etant également pris en compte le fait que certains travaux étaient effectués avant même l’arrivée de l’équipe technique, que des temps de pause étaient aménagés, et au regard des éléments dont dispose la Cour, la société FREMANTLEMEDIA France sera condamnée à régler à M. [R] la somme de 20.368,46 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 2.036 euros au titre des congés payés afférents.
S’agissant des périodes interstitielles, les certificats d’emploi et déclarations Pôle Emploi produits aux débats justifient ici que M. [R] a travaillé 63 jours sur l’année 2007, 87 jours sur l’année 2008, 72 jours sur l’année 2009 et 2 jours sur l’année 2010 soit un total de 224 jours sur 33 mois.
La moyenne mensuelle des jours travaillées est au maximum de 10 en 2007, de 8 en 2008, les périodes travaillées devenant très espacées à partir de juillet 2009.
Il résulte par ailleurs des pièces produites que l’intéressé était, pour le moins à compter de novembre 2008, averti des journées de tournage, la justification n’étant pas donnée par M. [R] de ce que l’employeur l’avertissait tardivement de ces dates.
Ces éléments ne permettent pas dès lors de retenir à l’encontre de la société FREMANTLEMEDIA France une condamnation en paiement au titre des périodes interstitielles, le salarié ne justifiant pas avoir été à sa disposition durant celles ci.
La demande relative à l’indemnité pour travail dissimulé fera l’objet d’un rejet à défaut de la justification du caractère intentionnel de la dissimulation d’un emploi salarié par la société FREMANTLEMEDIA France.
S’agissant de l’irrespect par cette société du repos quotidien minimal de 11 heures consécutives, la Cour a ici retenu que M. [R] a effectué des heures supplémentaires pendant ses journées travaillées.
Etant considéré que ces journées de travail étaient regroupées sur des périodes courtes d’une à deux semaines maximum durant lequel le travail était intensif, les éléments dont dispose la Cour lui permettent de condamner la société FREMANTLEMEDIA France au titre du défaut de respect du repos quotidien minimal à payer à M. [R] la somme de 6.590,85 euros outre 659,08 euros au titre des congés payés afférents.
Il se déduit par ailleurs des pièces produites que M. [R] a fréquemment travaillé sur des périodes de plus de six jours consécutifs, dimanches compris, soit notamment du 23 au 29 septembre 2007, du 12 au 18 novembre 2007, du 15 au 22 mars 2008, du 24 au 31 mai 2008, du 2 au 9 juillet 2008, du 15 au 23 octobre 2009, du 16 au 22 février 2009, du 2 au 9 avril 2009 et du 1er au 7 juillet 2009.
La violation des temps de repos hebdomadaire s’en déduisant conduira à condamner la société FREMANTLEMEDIA France à lui régler la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts.
S’agissant de la rupture du contrat de travail ici requalifié, il ne peut qu’être constaté le défaut de toute procédure et de motifs la justifiant.
Au vu des pièces et des explications fournies, du montant de la rémunération versée à M. [R] (soit un salaire moyen ici retenu au montant de 2.051,99 euros compte tenu des rappels de salaire tels que visés dans le présent arrêt), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la société FREMANTLEMEDIA France sera condamnée à lui régler la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’indemnité compensatrice de préavis s’établit à la somme de 4.103,98 euros dans les termes de la convention collective applicable outre 410,39 euros au titre des congés payés afférents.
L’indemnité conventionnelle de licenciement sera retenue pour sa part au montant de 1.573,16 euros et l’indemnité de requalification à la somme de 2.051,99 euros.
Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Chaque société devra remettre à M. [R] un bulletin de salaire conforme à la présente décision.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
statuant par arrêt contradictoire
1) S’agissant de la relation de travail entre la société D’HOME PRODUCTIONS et M. [A] [R]
REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la société D’HOME PRODUCTIONS ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein pour la période s’étendant du 24 septembre 2006 au 31 mai 2007,
L’infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société D’HOME PRODUCTIONS à payer à M. [A] [R] les sommes suivantes:
– 5.155,92 euros à titre d’heures supplémentaires et 515,59 euros au titre des congés payés afférents
– 7.520 euros à titre de rémunération des périodes interstitielles
– 752 euros euros au titre des congés payés afférents
– 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des temps de repos hebdomadaire
– 2.405,65 euros à titre d’indemnité de requalification
REJETTE ses autres demandes.
2) s’agissant de la relation de travail entre la société FREMANTLEMEDIA France et M. [A] [R]
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée pour la période s’étendant du 23 mai 2007 au 2 février 2010 ;
L’infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société FREMANTLEMEDIA France à payer à M. [A] [R] les sommes suivantes :
– 20.368,46 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 2.036 euros au titre des congés payés afférents.
– 6.590,85 euros outre 659,08 euros au titre des congés payés afférents.
– 7.500 euros à titre de dommages et intérêts.
– 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 4.103,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 410,39 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.573,16 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 2.051,99 euros à titre d’indemnité de requalification
REJETTE ses autres demandes ;
DIT que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par chacune des sociétés de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
DIT que la société D’HOME PRODUCTIONS et la société FREMANTLEMEDIA France devront remettre chacune à M. [A] [R] un bulletin de salaire rectificatif conforme au présent arrêt ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la société D’HOME PRODUCTIONS et la société FREMANTLEMEDIA France à payer à M. [A] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande de ce chef ;
CONDAMNE in solidum la société D’HOME PRODUCTIONS et la société FREMANTLEMEDIA France aux dépens.
– Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,