Production Audiovisuelle : 17 avril 2019 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/04301

Notez ce point juridique

Production Audiovisuelle : 17 avril 2019
Cour d’appel de Versailles
RG n°
16/04301

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 AVRIL 2019

N° RG 16/04301

AFFAIRE :

B… G…

C/

SAS MARTANGE PRODUCTION

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes, formation paritaire – de Boulogne-Billancourt

Section : encadrement

N° RG : 16/00448

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hannelore SCHMIDT

Me Jean-Marie GUILLOUX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur B… G…

né le […] à Paris (75013)

de nationalité française

[…]

Représentant : Me Hannelore SCHMIDT, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0988

APPELANT

****************

SAS MARTANGE PRODUCTION

N° SIRET : 480 915 032

[…]

Représentant : Me Jean-Marie GUILLOUX, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0818, substitué par Me Philippe GUESNIER, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 janvier 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Evelyne SIRE-MARIN, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde Maugendre, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 1er septembre 2016, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

– requalifié les contrats à durée déterminée de M. B… G… en un contrat à durée indéterminée à effet au 25 août 2015,

– fixé la moyenne des salaires à 9 318 euros,

– dit que la rupture du contrat de M. G… s’assimile à un licenciement,

– condamné la société Matrange Productions à verser à M. G… les sommes suivantes :

. 9 318 euros au titre de la requalification du contrat de travail,

. 9 318 euros équivalents à un mois de salaire pour non respect de la procédure de licenciement,

. 4 659 euros au titre du préavis,

. 465,90 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 5 291 euros à titre d’indemnité de congés payés selon la demande du conseil de M. G… ,

. 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée au greffe le 27 septembre 2016, M. G… a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2018.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 24 janvier 2018, M. G… demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée d’usage conclu successivement du 25 août 2015 au 27 janvier 2016 en contrat à durée indéterminée à effet au 25 août 2015,

– infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a fixé la moyenne des rémunérations à la somme de 9 318 euros,

statuant à nouveau,

– fixer la moyenne des rémunérations à la somme de 32 497 euros,

– infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des périodes intermédiaires durant lesquelles il s’est tenu à la disposition de son employeur,

statuant à nouveau,

– condamner la société Martange Productions à lui payer la somme de 101 302,50 euros brute au titre des périodes intermédiaires durant lesquelles il s’est tenu à la disposition de son employeur, ainsi que la somme de 10 130,25 euros à titre de congés payés afférents,

– infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail par la société Martange Productions constitue un licenciement,

statuant à nouveau,

– dire que la rupture du contrat de travail par la société Martange Productions constitue un licenciement abusif,

en conséquence,

– condamner la société Martange Productions à lui payer les sommes suivantes :

. 32 497 euros à titre de dommages et intérêts pour requalification en CDI,

. 194 982 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 16 248,50 euros bruts à t itre d’indemnité de préavis (15 jours),

. 1 624,85 euros bruts à titre de congés payés sur préavis,

. 32 497 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

– confirmer le jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a condamné la société Martange Productions à lui payer la somme de 5291euros bruts à titre d’indemnité de congés payés,

– infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes,

statuant à nouveau,

– ordonner la remise, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, des documents rectifiés suivants : certificat de travail, attestation Pôle Emploi, bulletins de paie de septembre/octobre/novembre/décembre 2015 et janvier/février 2016, solde de tout compte,

– ordonner la publication, aux frais de l’employeur, de la décision à intervenir dans deux journaux nationaux,

– condamner la société Martange Productions à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Martange Productions aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 9 novembre 2018, la société Martange Productions demande à la cour de :

à titre principal,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée de M. G… en un contrat à durée indéterminée à effet au 25août 2015 et l’a condamnée en conséquence au paiement de diverses sommes au titre de cette requalification,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. G… du surplus de ses demandes,

statuant à nouveau :

– dire que le recours à des contrats à durée déterminée d’usage successifs était tout à fait licite,

en conséquence,

– débouter M. G… de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. G… à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. G… aux entiers dépens,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement du conseil en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification de M. G… ,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

. jugé que M. G… ne démontrait pas s’être maintenu à sa disposition permanente,

. débouté M. G… du surplus de ses demandes,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il :

. fixé la moyenne des salaires à 9 318 euros,

. fixé l’indemnité de requalification du contrat de travail à la somme de 9 318 euros,

. fixé le montant de l’indemnité de préavis à la somme de 4 569 euros,

. l’a condamnée au paiement de la somme de 9 318 euros pour le non-respect de la procédure de licenciement,

. l’a condamnée au paiement de la somme de 5 291 euros pour les congés payés,

statuant à nouveau,

– fixer la moyenne des salaires à 6 396,6 euros,

– fixer l’indemnité de requalification du contrat de travail à la somme de 6 396,6 euros,

– fixer le montant de l’indemnité de préavis à la somme de 3198,3 euros,

– constater que M. G… a été réglé de ses congés payés par la caisse des congés spectacles,

– débouter M. G… de sa demande au titre du paiement des indemnités de congés payés,

– débouter M. G… de ses demandes au titre du non-respect de la procédure de licenciement.

A l’audience du 17 avril 2019, M. G… a renoncé à à ses conclusions d’irrecevabilité des pièces 23 à 25 de la société Martange Productions.

LA COUR,

M. B… G… a été employé, selon les lettres d’engagement qu’il produit, à compter des 25, 26 et 27 août 2015 par la société Martange Productions en qualité d’animateur de l’émission « Comment ça va bien ‘ » animée par M. S… V… et diffusée quotidiennement du mois de janvier 2010 jusqu’à son interruption au mois de juin 2016, au rythme de 2 émissions par jour, l’une à 15h40 et la seconde à 16h30, à compter du 1er septembre 2015 (ses pièces n°19 et 29) sur France 2.

Ces émissions étaient enregistrées durant la semaine précédant leur diffusion, à raison de 10 émissions enregistrées en 2 jours.

Du 25 août 2015 au 27 janvier 2016, M. G… était présent dans chacune de ces émissions, du début à la fin de celles-ci, en tant qu’animateur et chroniqueur.

Le 25 février 2016, M. G… a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION DES CONTRATS SUCCESSIFS EN CONTRAT À DURÉE INDÉTERMINÉE,

M. G… soutient que la société Martange Productions ne respectait pas le formalisme inhérent aux contrats d’usage, ce qui impose leur requalification en contrat à durée indéterminée.

Selon lui, ils ne sont pas datés, ne comportent pas d’objet précis en contravention avec l’accord collectif inter branches du 12 octobre 1998, qui impose à l’employeur de faire figurer au contrat l’objet particulier de celui-ci et de justifier du caractère temporaire de cet objet en indiquant son terme par une date ou par l’intervention d’un fait déterminé. M. G… ajoute que les contrats ne faisaient pas référence à la convention collective et n’étaient pas remis dans les deux jours de l’embauche, l’ensemble des contrats ayant été régularisés a posteriori, ce qui constitue une pratique illicite au regard des dispositions de l’article L.1242-13 et de l’article V. 2.2 de la convention collective de la Productions audiovisuelle du 13 décembre 2006.

M. G… fait encore valoir que la société Martange Productions ne respectait pas les conditions de fond du recours au contrat de travail à durée déterminée d’usagecar il a été embauché pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

M. G… précise que la société Martange Productions produisait depuis le 6 janvier 2011 l’émission « Comment ça va bien ‘ », diffusée quotidiennement sur France 2 et que, selon l’attestation de la productrice artistique de l’émission, employée par la société Martange, Mme R… D… , il était « le pilier de l’émission ».

Enfin, M. G… considère que la clause d’exclusivité à laquelle il était soumis, selon les annexes mensuelles de ses contrats de travail (pièces 12 et 31), couvraient également les périodes d’intercontrat, ce qui doit, selon lui, « entraîner la requalification du contrat à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée ».

La société Martange Productions réplique qu’elle a bien respecté les conditions de formalisme exigées par le Code du travail et la Convention collective applicable car les lettres d’engagement écrites du salarié comportent les mentions essentielles telles que retenues par la jurisprudence, à savoir :

. l’emploi occupé par le salarié, à savoir « animateur » ,

· la désignation du programme télévisé sur lequel il officie « Comment ça va bien’ » ,

· les jours de tournages prévus pour lesquels sa présence était requise,

· le lieu de travail du salarié.

En ce qui concerne l’absence de date de signature des contrats de travail, la société Martange Productions estime que M. B… G… ne peut se prévaloir de sa propre négligence car tous les contrats lui ont été régulièrement remis dès son embauche, sur le plateau de tournage de l’émission, à charge pour lui soit de les signer le jour même, soit de les renvoyer signés à la Production dans les deux jours de son embauche, comme indiqué sur les lettres d’engagement, mais que M. B… G… ne les a pas renvoyés signés en temps et heure, obligeant Martange Productions à les lui adresser à nouveau par courrier recommandé en février 2016.

La société Martange Productions précise qu’elle est un producteur audiovisuel indépendant des chaînes de télévision, et soumise comme tel aux aléas des résultats d’audience imposés par les diffuseurs.

Ainsi, France Télévisions, par courrier du 23 février 2016 (pièce 11), a informé la société Martange Productions qu’elle cesserait de diffuser l’émission en juin 2016, comme elle en avait la possibilité, selon un contrat du 31 décembre 2015 avec effet rétroactif au 20 août 2015 selon lequel  » dans le cas où l’audience moyenne des émissions diffusées entre le 31/08/2015 etle 30/10/2015 serait inférieure à 12% sur la cible des individus 4 ans et plus (données Médiamétrie), France Télévisions aura la possibilité d’interrompre sa commande au 31/12/2015″ (Pièce n°4 : Contrat de préachat avec droit à recettes « Comment ça va bien ‘).

La société Martange Productions expose que M. B… G… a été embauché dans le cadre d’une unique émission, pour des missions ponctuelles et limitées dans le temps, de fin août 2015 à fin janvier 2016, tel qu’indiqué dans ses contrats de travail.

Selon la société Martange Productions, le fait de réaliser quatre chroniques quotidiennes ne démontre pas que le poste occupé soit par nature permanent, d’autant que ces chroniques ont été créées pour les besoins de la nouvelle saison télévisuelle de septembre 2015, elles n’existaient pas lors des saisons précédentes, et que certaines ont vite été abandonnées, comme « j’ai fait un rêve » dont la dernière diffusion est intervenue le 23 novembre 2015 (Pièce n°5 : Capture d’écran de la page Youtube « Comment ça va bien ‘ » ).

La société Martange Productions considère que si M. G… a été remplacé par un autre chroniqueur de février à juin 2016, cela ne signifie pas qu’il occupait un emploi permanent, mais que la fonction de chroniqueur était permanente dans cette émission. Ainsi, près d’une cinquantaine d’animateurs se sont succédés depuis la création du programme en 2010 assurant des chroniques différentes et variées selon les saisons télévisuelles.

Enfin, la société Martange Productions conteste la présence d’une « clause d’exclusivité stricto sensu » dans les annexes des contrats de M. G… ; pour elle, il s’agit « d’une clause obligeant le salarié à prévenir préalablement le producteur, afin que le producteur et le diffuseur ne soient pas mis devant le fait accompli par l’animateur qui aurait conclu un contrat pour une intervention sur une chaîne concurrente de celle du diffuseur sans que ce dernier soit préalablement averti ».

En application des articles L.1242-1, L.1242-2 et L.1242-12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée (CDD), qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Lorsque l’activité exercée ou l’emploi occupé présente un caractère permanent, les salariés engagés sur de tels postes ne peuvent l’être que sous le régime du contrat à durée indéterminée.

Selon l’accord-cadre du 18 mars 1999 mis en ‘uvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, la succession de CDD doit répondre à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail. La notion de raisons objectives, au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord cadre doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs.

L’article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Les entreprises peuvent conclure des contrats à durée déterminée pour pourvoir les postes pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ( article L.1242-2, 3° du code du travail).

Aux termes de l’article D.1242-1 du code du travail, les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (…) 6° les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la Productions cinématographique, l’édition phonographique (…).

La possibilité de conclure des contrats à durée déterminée d’usage est prévue et encadrée par l’accord national interprofessionnel de branche de la télédiffusion en date du 12 octobre 1998 étendu par arrêté du 15 janvier 1999 et la convention collective de la Production audiovisuelle du 13 décembre 2006, étendue par arrêté du 24 juillet 2007.

Le seul fait qu’un secteur d’activité figure dans la liste fixée par l’article D. 1242-1 du code du travail ou par l’accord de branche étendu dont relève l’entreprise ne suffit pas à justifier le recours à un contrat à durée déterminée d’usage pour tous les emplois de ce secteur. Il faut également qu’il soit d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison du caractère par nature temporaire de l’emploi concerné pour autant que les conditions de ce recours soient réunies.

Il appartient au juge de contrôler le formalisme des contrats et si l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi.

En l’espèce, il est établi que, du 25 août 2015 au 27 janvier 2016, M. G… était présent dans chacune des 2 émissions quotidiennes « Comment ça va bien ‘ » diffusées sur France 2 et produites par la société Martange Productions, comme l’atteste Mme D…, productrice de l’émission : « (il était présent dans chaque émission) contrairement à tous les autres chroniqueurs car présent sur le plateau durant les deux émissions pour interagir avec les autres chroniqueurs, M. S… V…, et les invités  » (attestation en pièce n°32).

Il présentait pendant les 2 émissions :

– trois chroniques quotidiennes s’intitulant « J’ai fait un rêve » (il s’agissait du portrait de l’invité de la seconde émission, pièces n°14 et 17), « C’est qui celui-là ‘ » consistant en 3 questions posées aux téléspectateurs et aux personnes présentes sur le plateau au cours de la première émission quotidienne, visant à faire deviner qui était l’invité de la seconde émission quotidienne et « C’est quoi ce truc là » au cours de laquelle il présentait un objet insolite (Pièces n°15, 16 et 18), diffusée dans la seconde émission quotidienne,

– une chronique hebdomadaire de vie quotidienne, au cours de laquelle il effectuait un comparatif d’objets sur un thème précis (Pièce n°16), diffusée dans la seconde émission quotidienne.

M. G… a signé 23 lettres d’engagement, chacune pour une à quatre journées de tournage, couvrant la période du 25 août 2015 au 27 janvier 2016 (ses pièces 2, 3 5, 8, 10, 29).

Il n’est pas contesté que le samedi 30 janvier 2016, M. H… C…, producteur exécutif de la société Martange Productions, appelait M. G… pour l’informer que la société avait décidé de le remplacer par un autre chroniqueur, à compter du tournage du mardi 2 février 2016, ce qui a mis fin aux interventions de M. G… dans l’émission.

L’article L. 1242-12 du Code du travail dispose que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ».

Le formalisme inhérent à la conclusion de CDD d’usage est prévu par l’article V.2.2. de la Convention Collective Nationale de la Productions audiovisuelle qui exige un écrit en double exemplaire et l’établissement du contrat de travail lors de l’embauche et la remise au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l’embauche d’un des exemplaires.

L’article V.2.2. de la Convention Collective précise que le contrat de travail comporte impérativement les mentions suivantes :

« – la nature du contrat : contrat à durée déterminée d’usage en application de l’article L. 122-1- 1-3° du code du travail (L1242-2 3° du code du travail actuel),

– l’identité des parties,
– l’objet du recours à un CDD d’usage : le contrat devra porter mention de l’objet pour lequel il est conclu à savoir l’émission, l’épisode, la séquence ou la phase de Productions, auquel le salarié collaborera au titre de son contrat de travail; le cas échéant, le numéro d’objet;

– la durée minimale du contrat de travail dès lors que celui-ci prend fin à la réalisation de son objet, ou la date de fin de contrat s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée à date fixe;

-la date de début du contrat et la période d’emploi :

– s’il s’agit d’un contrat à temps plein, il sera fait mention de la période d’emploi allant de la date d’embauche à la date de fin de contrat, cette dernière étant donnée à titre indicatif car le contrat prendra fin à la réalisation de son objet;

– s’il s’agit d’un contrat avec des périodes de travail discontinues, celles-ci seront communiquées au salarié;

– la fonction occupée dans la convention collective;

– le statut du salarié (cadre ou non-cadre);

-le lieu de travail ou le lieu de travail de rattachement en cas de sites multiples;

-la durée de travail quotidienne ou hebdomadaire de référence applicable au salarié;

– le montant, la composition et la périodicité de versement des éléments contractuels de la rémunération;

-le salaire minimal applicable;

-la durée de la période d’essai, s’il y a lieu;

– l’existence de la présente convention collective et les conditions de sa consultation;

-le numéro d’affiliation du salarié à la caisse des congés spectacles;

-l’existence d’un règlement intérieur et les conditions de sa consultation;

– les nom et adresse des organismes de protection sociale suivants : caisse de retraite complémentaire, institution de prévoyance le cas échéant;

– la validité du contrat de travail sous réserve de la présentation de l’attestation d’aptitude au travail délivrée par le centre médical de la bourse;

– la date de la dernière visite médicale au centre médical de la bourse, copie de l’attestation d’aptitude au travail devant être fournie par le salarié;

– le lieu de dépôt de la déclaration préalable à l’embauche dont copie doit être remise aux salariés qui en feront la demande;

– la mention éventuelle au générique dans les caractères et à un emplacement laissés à discrétion de l’employeur avec l’accord de la chaîne de télévision. »

Les 23  » lettres d’engagement » produites mentionnent le nombre de jours et d’heures travaillés, la qualité d’ « animateur » du salarié, la désignation de l’émission télévisée « Comment ça va bien ‘ », le numéro d’affiliation du salarié à la caisse des congés spectacles, le tarif horaire et le total du salaire brut. Elles sont signées par l’employeur à l’emplacement « visa Production  » et « visa direction ».

Cependant la cour constate que :

– la lettre d’engagement pour la période 25 au 27 août 2015 n’est pas datée (pièce 29), le lieu de travail n’est pas indiqué, ni la date de la dernière visite médicale au centre médical de la bourse.

– concernant les 7 lettres d’engagement pour la période du 1er au 24 septembre 2015 (pièce 10), les 5 lettres d’engagement pour la période du 6 au 28 octobre 2015 (pièce 8) et les 5 lettres d’engagement pour la période du 1er au 16 décembre 2015 (pièce 5) :
elles ne sont pas datées, le lieu de travail n’est pas indiqué, ni la date de la dernière visite médicale au centre médical de la bourse. Elles ne mentionnent que le titre général de l’émission et non pas l’ objet précis pour lequel il a été conclu à savoir le numéro ou la date « de l’émission, l’épisode, la séquence ou la phase de Productions’.

– concernant les 5 lettres d’engagement pour la période du 12 au 27 janvier 2016 (pièces 2 et 3), elles ne sont pas signées de M. G… , mais seulement de «la direction »et de «la Production», le lieu de travail n’est pas indiqué, ni la date de la dernière visite médicale au centre médical de la bourse. Elles ne mentionnent que le titre général de l’émission et non pas l’objet précis pour lequel il a été conclu à savoir le numéro ou la date « de l’émission, l’épisode, la séquence ou la phase de Productions’.

Elles ne sont pas datées par M. G… dans la case ‘visa collaborateur’.

Aucune de ces lettres d’engagement ne mentionne qu’elle a été remise en double exemplaire à l’intéressé.

L’absence des mentions impératives précitées et notamment de l’objet précis pour lequel le contrat a été conclu (à savoir le numéro ou la date de l’émission), l’absence totale de date de ces lettres d’engagement pour la période du 25 août au 16 décembre 2015 et l’absence de date dans la partie réservée à M. G… pour la période du 12 au 27 janvier 2016, ainsi que le défaut de mention de la remise d’un exemplaire à l’intéressé ne permettent pas à la cour de s’assurer que, comme l’exigent la loi et la convention collective, les contrats de travail ont bien été établis lors de l’embauche et la remise au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l’embauche.

Confirmant le jugement, la cour requalifie les contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée.

Par l’effet de la requalification, s’agissant de contrats à durée déterminée irréguliers, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche.

Cette règle s’applique même si la succession de contrat à durée déterminée a été interrompue.

Confirmant le jugement, dit que M. G… était salarié au titre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 25 août 2015 jusqu’au 30 janvier 2016, date de la fin effective de la relation de travail.

SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION EN UN CONTRAT À DURÉE INDÉTERMINÉE À TEMPS COMPLET,

M. G… soutient qu’il s’est toujours tenu à la disposition de la société Martange Productions, depuis son embauche le 24 août 2015, y compris entre les jours de tournage et bénéficiait donc d’un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Il précise que l’annexe de ses contrats comprenait une clause d’exclusivité lui interdisant toute autre activité en tant qu’animateur dans le secteur audiovisuel ou radiophonique et couvrant des périodes d’un mois ont été signées dès l’embauche jusqu’au 30 avril 2016 (pièces n°12 et 31).

Selon M. G… , la société Martange Productions a refusé qu’il participe en tant que chroniqueur à une autre émission intitulée « L’Académie des 9 » (pièce n°28), comme en atteste son agent, Mme Juanita U… T… (pièce n°28), mais également M. H… C…, producteur exécutif de la société Martange Productions (pièce 38) et le mail de M. K… ( pièce 36) auteur et conseiller artistique de l’émission « Comment ça va bien » qui a refusé de signer une attestation pré rédigée par l’employeur.

La société Martange Productions réplique que toutes les lettres d’engagement précisent chaque jour de travail ainsi que la durée du travail effectuée en contrepartie de la rémunération allouée, ce qui est en tout point conforme aux plannings qui ont été adressés à M. G… dès le début de la saison. Ses jours travaillés lui étaient communiqués largement à l’avance, selon ce planning défini bien à l’avance qui lui ont toujours permis de s’organiser en conséquence. (pièce 18 de l’employeur).

Selon la société Martange Productions la clause figurant dans les annexes de ses lettres d’engagement, citée par M. G… , ne saurait être analysée comme étant une clause d’exclusivité et la société Martange Productions n’a jamais été sollicitée par le salarié pour qu’il participe à l’émission « L’Académie des 9 » diffusée sur NRJ 12, comme il l’affirme.

Enfin les attestations produites ne sont pas crédibles car elles émanent d’anciens salariés de Martange Productions, tous en litige avec la société Martange Productions, ainsi que de l’ agent de M. G… .

L’article L. 3123-14 du code du travail dispose, dans sa version applicable au présent litige, que «le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’articleL. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L’avenant au contrat de travail prévu àl’article L. 3123-25mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.»

L’absence de l’une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet ; cette requalification ne consiste cependant qu’en une présomption simple de temps complet et l’employeur peut donc apporter la preuve de la réalité du temps partiel.

En l’espèce, les contrats de travail à durée déterminée d’usage produits aux débats consistent en 23 lettres d’engagement couvrant la période du 25 août 2015 au 27 janvier 2016.

Lors des périodes durant lesquelles était employé parla société Martange Productions, il n’est pas contestable qu’il travaillait à temps partiel. En effet, les lettres d’engagement portent intégralement sur des périodes qui ne correspondent en rien en un temps complet : M. G… travaillait le plus souvent 2 jours par semaine, voire 3 jours lors de la dernière semaine d’août 2015.

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée porte sur le terme et laisse inchangée la durée de travail.

La relation contractuelle a donc été requalifiée en contrat de travail à temps partiel.

M. G… demande la requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet en affirmant, que de fait, il restait à la disposition permanente de la société Martange Productions.

Les plannings versés aux débats par la société Martange Productions (sa pièce 18) concentraient les jours de tournage sur deux jours de la semaine seulement, soit les mardis (19 jours) et les mercredis (18 jours), et accessoirement les jeudis (4 jours).

La cour constate que ces planning correspondent strictement aux jours de travail effectués entre le 25 août 2015 et le 30 janvier 2016 par M. G… , selon ses lettres d’engagement, de sorte de M. G… était théoriquement disponible pratiquement toutes les semaines, les jeudis et vendredis.

Cependant, il résulte de l’article 2 des annexes aux lettres d’engagements et de toutes les annexes aux contrats produites en pièce 12 et signées par M. G… que lui était imposé une clause d’exclusivité mensuelle, renouvelée pendant toute la période contractuelle et jusqu’au 30avril2016.

Cette clause contractuelle indique : « Dans le cas où le salarié envisagera d’effectuer toute prestation en tant qu’animateur dans le secteur audiovisuel ou radiophonique, il s’engage à en faire la demande au producteur afin d’obtenir son accord préalable et écrit. Sont exclus de cette demande obligatoire les activités indiquer en annexe. »

Il s’agit clairement d’une clause d’exclusivité car il n’est pas contesté que les activités annexes qui échappaient à cette clause ne concernaient pas « la fonction d’animateur ».

Mme T…, l’agent de M. G… atteste à cet égard que la société Martange Productions a refusé qu’il participe en tant que chroniqueur à une autre émission intitulé « L’Académie des 9» (pièce n°28 du salarié).

M. H… C…, producteur exécutif de la société Martange Productions (pièce 38) atteste également : « Je peux aussi certifier que la société Martange Productions en la personne de sa Présidente Madame Z… I…, m’a demandé de répondre négativement à la demande de M. B… G… de participer à l’émission l’Académie des 9. Les arguments développés étant que son niveau de rémunération, sa nécessaire préparation et participation à toutes les émissions de CCVB empêchaient une présence régulière dansd’autres programmes » (pièce n°38 du salarié).

Face aux seules dénégations de la société Martange Productions, ces attestations établissent suffisamment que M. G… devait rester à la disposition de la société Martange Productions pendant les périodes où il ne travaillait pas pour l’émission « Comment ça va bien ‘ » en raison de cette clause d’exclusivité.

Infirmant le jugement, la cour fait droit à la demande de rappel des salaires pour ces périodes.

SUR LES CONSÉQUENCES DE LA REQUALIFICATION,

En conséquence de la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 25 août 2015 et jusqu’à la cessation de la relation de travail le 30 janvier 2016, la cour dit que le taux horaire du salaire de M. G… doit être calculé sur la base d’un forfait de 39 heures hebdomadaires ( article 1 de l’annexe à chaque lettre d’engagement) et du salaire perçu chaque mois pour des journées de 8 heures, conformément aux bulletins de paie remis et aux lettres d’engagement prévoyant une durée de 8 heures de travail par journée payée.

A compter du mois de décembre 2015, le taux journalier mentionné sur le bulletin de paie du mois de décembre est inférieur à celui du mois de novembre, en contravention avec les dispositions légales interdisant de baisser le salaire sans l’accord du salarié, le taux retenu pour les mois de décembre 2015 et janvier 2016 sera celui du mois de novembre 2015.

M. G… est bien fondé à solliciter les rappels de salaires suivants :

Durée3

Taux horaire (brut)1

Salaire horaire dû (brut)

Salaire horaire réglé (brut)

Rappel de salaire (brut)

sept-2015

169

164euros

27.716,00euros 13.120,00euros

14.596,00euros Oct-2015 169 171,63euros

29.005,47euros 13.730,00euros

15.275,47euros Nov-2015 169 192,29euros

32.497,01euros 9.230,00euros

23.267,01euros Déc-2015 169 192,29euros2

32.497,01euros 8.710,00euros

23.787,01euros Jan-2015 169 192,29euros

32.497,01euros 8.120,00euros

24.377,01euros TOTAL 101.302,50euros

Infirmant le jugement, la cour fixe la moyenne des rémunérations à la somme de 32 497 euros et condamne la société Martange Productions à verser à M. G… la somme de 101302,50euros au titre du rappel de salaire lié à la requalification des contrats d’usage en contrat à durée indéterminée à temps complet, ainsi que la somme de 10 130,25 euros à titre de congés payés afférents.

Sur l’ indemnité de requalification,

Lorsqu’il est fait droit à sa demande de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en application de l’article L. 1245-2 du code du travail, il est accordé au salarié, une indemnité qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction, si le salarié bénéficie d’une rémunération constante ou à la dernière moyenne de salaire mensuel lorsque la rémunération du salarié connaît des variations importantes.

Infirmant le jugement, la cour condamne la société Martange Productions à verser à M. G… la somme de 32 497 euros au titre de l’indemnité de requalification.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif,

M. G… expose qu’il subit un préjudice considérable du fait de la rupture de son contrat de travail car il a été congédié d’une façon brutale et demande la condamnation de la société Martange Productions à lui verser la somme de 194 982 euros à ce titre.

Il affirme qu’il n’a pu prétendre aux indemnités de Pôle Emploi, ni bénéficier du régime d’indemnisation des intermittents du spectacle, et qu’ayant été soumis à une clause d’exclusivité, il a refusé un poste d’animateur proposé par «l’Académie des 9 », programme diffusé par la chaîne NRJ12, pour septembre, octobre et novembre 2015 (sa pièce n°28).

La société Martange Productions réplique que M. G… ne peut arguer de la précarité de contrats à durée déterminée qui lui auraient été imposés par Martange Productions, car le secteur de l’audiovisuel fonctionne de cette manière. Par ailleurs, selon la société Martange Productions, M.G… a pu bénéficier d’une exposition médiatique certaine qui lui a permis de travailler ensuite en qualité d’animateur sur le programme « Le Zap » diffusé sur la chaîne CSTAR à la rentrée 2016-2017, comme l’indique sa fiche « Wikipédia ».

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée entraîne, en cas de rupture des relations contractuelles, l’application des règles de rupture propres aux règles du licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L’employeur qui n’a pas respecté ces règles s’expose aux sanctions prévues par le code du travail en plus de l’indemnité de requalification, celle-ci étant allouée sans préjudice de l’application des règles régissant la rupture des contrats à durée indéterminée. En l’espèce, le fait, pour l’employeur, d’invoquer exclusivement, pour mettre fin aux relations contractuelles, le terme d’un contrat improprement qualifié de contrat à durée déterminée s’analyse en un licenciement qui à défaut d’être motivé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Justifiant d’une ancienneté inférieure à deux ans, le salarié peut prétendre à l’indemnisation du préjudice né de la rupture abusive de son contrat de travail à durée indéterminée sur le fondement de l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur lors des faits.

Il n’est pas contesté qu’après 5 mois d’émissions régulières, M. H… C…, producteur exécutif de la société Martange Productions, appelait le samedi 30 janvier 2016 M. G… pour l’informer qu’il n’était pas attendu sur le tournage le mardi 2 février 2016, la société ayant décidé de remplacer M. G… par un autre chroniqueur, sans autre forme de ménagement, et sans préavis (pièces n°21 et 22 du salarié et pièce 38: attestation de M. C…).

En considération du fait que M. G… a été brutalement privé d’emploi, dans des conditions blessantes, qu’ il était âgé de 38 ans, mais qu’il a pu retrouver ensuite un emploi sur la chaîne CSTAR, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 33 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Infirmant le jugement, la cour condamne la société Martange Productions à verser à M. G… la somme de 33 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement abusif.

Sur l’indemnité de préavis :

En application de l’article L.1234-1-1° du Code du travail, M. G… avait moins de six mois d’ancienneté à la notification de la rupture de son contrat de travail.

L’article V.1.2.1 de la convention collective de l’audiovisuel fixe en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l’initiative de l’employeur, si le salarié justifie chez le même employeur d’une ancienneté inférieure à 6 mois, une durée de préavis égale à 1 jour par semaine calendaire, dans la limite de 15 jours, soit 32 497 euros / 30 jours X 15.

Infirmant le jugement, la cour condamne la société Martange Productions à verser à M. G… la somme de 16 248,50 euros au titre de l’indemnité de préavis et de 1 624,85 euros brut s’agissant des congés payés afférents.

Sur l’indemnité de congés payés :

M.Van Khache affirme que la société Martange Productions ne lui a versé aucun congé payé du 24 août 2015 au 31 janvier 2016.

La société Martange Productions réplique que M. G… a été réglé de ses congés payés par la caisse de congés spectacles, chargée de gérer le régime d’indemnisation des congés payés des salariés intermittents des métiers du spectacle.

Il résulte de la pièce 15 de l’employeur que M. G… était affilié à la caisse de congés spectacles à laquelle il revenait de régler les indemnités de congés payés dues à M. G… .

Infirmant le jugement, la cour rejette la demande au titre de l’indemnité de congés payés.

Sur l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

Le salarié ne justifiant ni même n’alléguant avoir subi un préjudice spécifique, il convient, infirmant le jugement, de rejeter la demande au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Sur la remise des documents,

Il conviendra d’ordonner la remise par la société Martange Productions à M. G… d’une attestation Pôle Emploi, des bulletins de paie rectificatifs, d’un certificat de travail et du solde de tout compte, sans qu’il y ait lieu à astreinte de ce chef.

La cour rejette la demande de M. G… d’ordonner la publication, aux frais de l’employeur, de la décision à intervenir dans deux journaux nationaux.

Il convient de rejeter les autres demandes, fins et conclusions.

SUR L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Ajoutant au jugement, la cour condamne la société Martange Productions à verser à une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel et la condamne aux dépens de la procédure d’appel et ceux de la procédure en première instance.

La demande présentée sur le même fondement par la société Martange Productions, qui succombe, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement, en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée.

Infirme le jugement pour le surplus,

Dit que M. G… était salarié au titre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 25 août 2015 jusqu’au 30 janvier 2016,

Fixe la moyenne des rémunérations à la somme de 32 497 euros,

Condamne la SAS Martange Productions à payer à M. G… les sommes suivantes :

. 101 302,50 euros au titre du rappel de salaire lié à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet,

. 10 130,25 euros à titre de congés payés afférents,

. 32 497 euros au titre de l’indemnité de requalification,

Dit que la rupture du contrat de travail par la SAS Martange Productions constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Martange Productions à verser à M. G… les sommes suivantes :

. 33 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement abusif,

. 16 248,50 euros au titre de l’indemnité de préavis et de 1 624,85 euros brut s’agissant des congés payés afférents.

Rejette la demande au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

Rejette la demande au titre de l’indemnité de congés payés,

Ordonne la remise par la SAS Martange Productions à M. G… d’une attestation Pôle Emploi, des bulletins de paie rectificatifs, d’un certificat de travail et du solde de tout compte,

Dit n’y avoir lieu à astreinte de ce chef,

Rejette la demande d’ordonner la publication, aux frais de l’employeur, de la décision à intervenir dans deux journaux nationaux,

Rejette les autres demandes, fins et conclusions,

Condamne la SAS Martange Productions à verser à M. G… une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Condamne la SAS Martange Productions aux dépens de la procédure d’appel et de la procédure de première instance.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Mme Clotilde Maugendre, présidente et Mme Corinne Delannoy greffière.

La greffière La présidente

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top