Production Audiovisuelle : 16 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/12024
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 16 FEVRIER 2023
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12024 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCOD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 17/05921
APPELANT
Monsieur [M] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929
INTIMEE
SAS PROGRAM 33
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Saskia HENNINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES
La société Program 33 est une société de production de films et de programmes télévisés en charge notamment du magazine culturel ‘Tracks’ diffusé sur la chaîne Arte.
Elle emploie à titre habituel au moins onze salariés.
La convention collective de la production audiovisuelle lui est applicable.
Entre le 6 septembre 2010 et le 14 juin 2017, M. [M] [X] a été embauché à de nombreuses reprises par la société Program 33 en tant qu’assistant de production, chargé de production, assistant réalisateur et réalisateur dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage et a été affecté, au titre de ces contrats, au magazine Tracks.
Sollicitant la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que la résiliation judiciaire de ce contrat, M. [X] a a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 21 juillet 2017 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Program 33 au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement de départage du 15 novembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
Requalifié les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre M. [X] et la société Program 33 en contrat à durée indéterminée,
Condamné la société Program 33 à verser à M. [X] les sommes suivantes :
– 20.000 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des conditions de forme,
– 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,
Débouté M. [X] de toutes ses autres demandes et la société Program 33 de sa demande d’indemnité,
Condamné la société Program 33 aux dépens,
Ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Le 4 décembre 2019, M. [X] a interjeté appel du jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 juin 2022, M. [X] demande à la cour de :
Dire son appel recevable et bien fondé,
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– requalifié ses contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée,
– condamné la société Program 33 à lui verser les sommes suivantes : 20.000 euros à titre d’indemnité de requalification, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des conditions de forme,
Infirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Fixer son salaire de référence à la somme de 4.089,51 euros bruts mensuels et subsidiairement à celle de 2.702,33 euros bruts mensuels,
Constater qu’il a travaillé 376 jours (correspondant à 1.253 heures et 55 minutes) non déclarés et non payés par la société Program 33 entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017,
Condamner la société Program 33 au paiement des sommes suivantes :
– 47.548,65 euros à titre de rappel de salaires des 376 jours (correspondant à 1.253 heures et 55 minutes) travaillés non-déclarés et non payés entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017,
– 4.754,87 euros au titre des congés payés afférents,
– 3.917,96 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017,
– 391,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 24.537,06 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement, 16.213,98 euros nets,
Constater qu’il n’a bénéficié d’aucun contrat écrit pour 376 jours travaillés,
Constater que son emploi de rédacteur relève de l’activité normale et permanente de la société Program 13,
Requalifier ses contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée avec une reprise d’ancienneté au 6 septembre 2010 (premier contrat à durée déterminée irrégulier),
Condamner la société Program 33 à lui payer la somme de 20.000 euros à titre d’indemnité de requalification,
A titre principal,
Dire et juger que la rupture du contrat de travail du 21 juillet 2017 s’analyse en un licenciement nul car intervenue en méconnaissance de la liberté fondamentale d’agir en justice,
Ordonner sa réintégration au sein de la société Program 33 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de rédacteur,
Condamner la société Program 33 au paiement des sommes suivantes : 241.281,09 euros nets à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi entre la rupture des relations contractuelles et sa réintégration, subsidiairement 159.437,47 euros nets, sauf à parfaire à la date de l’audience,
Condamner la société Program 33 au paiement des salaires dus entre juin 2022 et sa date effective de réintégration,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que son licenciement est nul car intervenu en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice,
Condamner la société Program 33 au paiement des sommes suivantes :
– 12.268,53 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, subsidiairement, 8.106,99 euros bruts,
– 1.226,85 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement, 810,70 euros bruts,
– 5.725,31 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement, 3.783,26 euros bruts,
– 49.074,12 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement, 32.427,96 euros bruts,
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la société Program 33 au paiement des sommes suivantes :
– 12.268,53 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, subsidiairement, 8.106,99 euros bruts,
– 1.226,85 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement, 810,70 euros bruts,
– 5.725,31 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement, 3.783,26 euros bruts,
– 49.074,12 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, 32.427,96 euros bruts ;
Condamner la société Program 33 au versement d’une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention (article L.4121-1 du Code du travail),
Condamner la société Program 33 au versement d’une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi, d’un certificat de travail et de bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
Ordonner les intérêts légaux sur les indemnités de rupture à compter de la saisine du conseil de prud’hommes du 21 juillet 2017,
Condamner la société Program 33 au paiement des dépens éventuels.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 29 mai 2020, la société Program 33 demande à la cour de :
Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de 20.000 euros au titre de l’indemnité de requalification, 5.000 euros à titre de non-respect des conditions de forme et 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
Constater que M. [X] a bénéficié d’une rémunération conforme à l’exécution de ses prestations de travail,
Constater que les contrats à durée déterminée d’usage conclus par M. [X] étaient conformes aux dispositions légales,
En conséquence,
Débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes,
Débouter M. [X] de sa demande de réintégration,
Condamner M. [X] au paiement de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Limiter le montant de la condamnation à titre d’indemnité de requalification à la somme de 2.728,17 euros,
Limiter le montant de la condamnation à titre d’indemnité légale de licenciement à la somme de 3.819,44 euros,
Limiter le montant de la condamnation à titre d’indemnité de préavis à la somme de 5.456,34 euros et à la somme de 545,53 euros à titre de congés payés aff érents,
Limiter le montant de la condamnation à titre d’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse à la somme de 16.369 euros.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 29 juin 2022.
MOTIFS
Sur la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée :
M. [X] fait valoir qu’entre 2010 et 2017, il a été en charge, dans le cadre de nombreux contrats à durée déterminée d’usage conclus avec la société Program 33, de la rédaction des émissions produites par celle-ci et plus particulièrement de l’émission Tracks diffusée par Arte.
Il expose que durant cette période, il a été embauché dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée d’usage en tant qu’assistant de production, réalisateur, chargé de production ou 1er assistant réalisateur mais exerçait en réalité toujours le même emploi, à savoir rédacteur du magasine Tracks. Il en déduit que les contrats de travail successifs doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée dans la mesure où l’article V.2.2 de la convention collective applicable stipule que ‘le contrat de travail comporte impérativement les mentions suivantes : (…) 4° la désignation de l’emploi occupé’ et que l’employeur n’a pas désigné son réel emploi (rédacteur) sur ses différents contrats de travail.
M. [X] précise également qu’entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017, il a travaillé, en sus des périodes couvertes par un contrat de travail, 1.253 heures et 55 minutes non déclarées et non payées. Il en déduit qu’en l’absence d’écrit, il bénéficiait au titre de ce temps de travail d’un contrat à durée indéterminée.
Enfin, M. [X] expose que son emploi de rédacteur du magazine Tracks relève de l’activité normale et permanente de la société Program 33 et qu’ainsi ses contrats à durée déterminée d’usage doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée, ce magazine existant depuis 1997.
A l’appui de ses allégations, il produit notamment :
– au titre de l’année 2010, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 6 au 17 septembre (assistant de production), 16 septembre au 22 octobre (réalisateur), 4 au 15 octobre (assistant de production), 22 octobre (réalisateur), 4 novembre (assistant de production), 8 au 19 novembre (assistant de production), 6 au 17 décembre (assistant de production), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2011, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 3 au 14 janvier 2011 (assistant de production), 17 janvier (réalisateur), 1er au 11 février (assistant de production), 17 février au 11 mars (réalisateur), 1er au 11 mars (assistant de production), 26 au 18 avril (réalisateur), 4 au 15 avril (assistant de production), 2 au 13 mai (assistant de production), 6 au 17 juin (assistant de production), 1 au 5 juillet (assistant de production), 1er au 12 août (assistant de production), 19 au 28 septembre (assistant de production), 3 au 7 octobre (assistant de production), 7 au 11 novembre (assistant de production), 5 au 9 décembre (assistant de production), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2012 des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 18 janvier (réalisateur), 6 au 10 février (assistant de production), 11 février (réalisateur), 2 au 6 avril (assistant de production), 7 au 12 mai (assistant de production), 4 au 9 juin et 11 juin (assistant de production), 2 au 7 juillet (assistant de production), 8 juillet (réalisateur), 6 au 11 août (assistant de production), 10 août au 28 septembre (réalisateur), 3 au 8 septembre (assistant de production), 1 au 6 octobre (assistant de production), 8 et9 octobre (réalisateur), 1 au 3 novembre (assistant de production), 5 au 7 novembre (chargé de production), 3 au 8 décembre 2012 (chargé de production), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2013, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 1er au 6 janvier (chargé de production), 7 janvier (réalisateur), 4 au 9 février 2013 (chargé de production), 4 au 8 mars (chargé de production), 1er au 6 avril (chargé de production), 3 mai (réalisateur), 6 au 11 mai (chargé de production), 1er au 6 juillet (chargé de production), 8 au 10 juillet (réalisateur), 2 août (réalisateur), 5 au 10 août (chargé de production), 2 au 7 et 9 au 10 septembre (chargé de production), 8 octobre (réalisateur), 4 au 9 novembre (chargé de production), 12 au 13 novembre (réalisateur), 2 au 4 et 5 au 7 décembre (chargé de production), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2014, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 3 au 8 mars (1er assistant réalisateur), 1 au 7 avril (1er assistant réalisateur), 8 avril (réalisateur), 2 au 7 juin (1er assistant réalisateur), 1 au 5 et 7 juillet (1er assistant réalisateur), 1er au 6 août (1er assistant réalisateur), 1er au 6 septembre (1er assistant réalisateur), 1er octobre (réalisateur), 6 au 11 octobre (1er assistant réalisateur), 4 au 5 novembre (réalisateur), 10 au 14 novembre (1er assistant réalisateur), 1er au 6 décembre (1er assistant réalisateur), 8 et 9 décembre (réalisateur), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2015, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 5 au 10 janvier (1er assistant réalisateur), 2 au 7 février (1er assistant réalisateur), 10 février (réalisateur), 11 au 13 février (réalisateur), 2 au 7 mars (1er assistant réalisateur), 9 au 10 mars (réalisateur), 6 au 10 avril (1er assistant réalisateur),5 au 9 et 12 au 13 mai (réalisateur), 1er au 3 juin (1er assistant réalisateur), 6 au 10 juillet (1er assistant réalisateur), 1er août (réalisateur), 3 au 7 août (1er assistant réalisateur), 6 au 14 octobre (1er assistant réalisateur), 5 octobre (réalisateur), 2 au 6, 12 au 14 novembre (1er assistant réalisateur), 1 au 7, 7 au 9 décembre (1er assistant réalisateur), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2016, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 4 au 8, 11, 12, 13, 14 janvier (directeur de post production), 1er au 5 et du 8 au 11 février (directeur de post production), 1 au 5, 7 au 11 mars (1er assistant réalisateur), 12 mars (réalisateur), 4 au 8, 11 au 15 avril (1er assistant réalisateur), 2,3,4,6,9 au 14 mai (1er assistant réalisateur), 30 mai (réalisateur), 1 au 3, 6 au 10, 13 au 15 juin (1er assistant réalisateur), 16 juin (réalisateur), 1, 4 au 8, 11 au 12 juillet (1er assistant réalisateur), 13 juillet (réalisateur), 1 au 5, 8 au 12 août (1er assistant réalisateur),1, 2, 5 au 9, 12 au 14 septembre (1er assistant réalisateur), 3 au 7, 10 au 14 octobre (1er assistant réalisateur), 2 au 5, 7 au 10 et 14 novembre (1er assistant réalisateur), 1,2, 5, 9, 12, 13 décembre (1er assistant réalisateur), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks,
– au titre de l’année 2017, des contrats à durée déterminée d’usage couvrant les fonctions et les périodes suivantes : 2 au 6, 9 au 13 janvier (1er assistant réalisateur), 15 au 16 février (réalisateur), 1 au 3, 6 au 10, 13 au 14 février (1er assistant réalisateur), 1 au 3, 6 au 10 et 13 au 14 mars (1er assistant réalisateur), 1er et 3 au 7 avril 2017 (réalisateur), 2 au 6 et 9 au 13 mai (1er assistant réalisateur), 1,2,5 au 9,12 au 14 juin 2017 (1er assistant réalisateur), le salarié étant affecté pour l’ensemble de ces contrats à l’émission Tracks.
En défense, la société Program 33 expose que :
– les contrats de travail à durée déterminée d’usage dont a bénéficié M. [X] concernait principalement des fonctions de production (assistant de production jusqu’en août 2012, puis chargé de production à compter de septembre 2012 et enfin 1er assistant réalisateur), mais également ponctuellement des fonctions de réalisation en qualité de réalisateur,
– l’emploi de M. [X] dépendait du maintien de l’émission Tracks qui était lié à la reconduction des contrats conclus entre elle et Arte,
– les dispositions légales et conventionnelles applicables au secteur de l’audiovisuel permettaient la conclusion de contrats de travail à durée déterminée d’usage.
Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Si l’article L.1242-2 du code du travail permet de recourir à des contrats à durée déterminée dits d’usage dans certains secteurs d’activité définis par décret, pour des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et notamment dans les secteurs du spectacle, de l’audiovisuel ou de la production cinématographique, le recours à l’utilisation de ces contrats doit être justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.
En l’occurrence, la société Program 33, qui a employé M. [X], exerce son activité dans le secteur de l’audiovisuel, lequel est mentionné par l’article D. 1242-1 du code du travail comme secteur dans lequel des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus. Pour autant, s’agissant des raisons objectives, la société Program 33 ne produit aucun élément susceptible de démontrer le caractère temporaire des fonctions occupées par le salarié et il apparaît au contraire que celui-ci a travaillé pour la société régulièrement et quasiment tous les mois entre 2010 et 2017 à des fonctions de production au sein de la société Program 33, ces fonctions présentant des dénominations différentes (chargé de production, assistant de réalisation, directeur de post production, 1er assistant de réalisation) mais sans que le sens de celles-ci soit précisé dans les différents contrats d’usage, ceux-ci ne stipulant d’ailleurs pas précisément les missions dévolues au salarié. Par suite, la société ne critique pas utilement dans ses conclusions le fait que ces fonctions soient en réalité la même, comme l’affirme le salarié, à savoir celle de rédacteur du magazine Tracks, M. [X] étant d’ailleurs toujours affecté à ce magazine au titre des différents contrats d’usage produits.
En outre, l’activité même de la société Program 33 consiste à produire pour le compte de diffuseurs des programmes télévisés tout au long de l’année, qu’ils soient maintenus ou renouvelés au fil des saisons.
Ainsi, il résulte de ce qui précède que les emplois occupés par le salarié relevaient manifestement de l’activité permanente et durable de l’entreprise.
Il découle de ces observations que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. [X], la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 septembre 2010, date de prise d’effet du premier contrat à durée déterminée produit.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur le rappel de salaire au titre des jours travaillés non couverts par les contrats de travail à durée déterminée produits :
M. [X] soutient qu’entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017, il a travaillé 1.253 heures et 55 minutes au cours des périodes séparant chaqu’un des contrats de travail à durée déterminée produits et sollicite à ce titre la somme de 47.548,65 euros à titre de rappel de salaire, outre 4.757,87 euros de congés payés afférents. Il soutient également avoir réalisé durant cette période des heures supplémentaires et sollicite à ce titre la somme de 3.917,96 euros à titre de rappel de salaire, outre 391,80 euros de congés payés afférents.
A l’appui de ses allégations, il produit :
– un décompte des heures travaillées au cours des périodes considérées,
– des courriels qu’il a adressés à l’employeur au cours de ces périodes,
– des justificatifs de commandes de repas,
– des attestations d’anciens salariés de l’entreprise mentionnant sa présence au sein de celle-ci.
En défense, la société Program 33 conteste toute relation de travail pendant les périodes séparant les contrats de travail à durée déterminée produits.
***
Lorsque le salarié, qui a effectué des contrat à durée déterminée successifs chez le même employeur, obtient la requalification de ses contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée, il peut prétendre à un rappel de salaire, au titre des périodes qui ont séparé ses contrats à durée déterminée, dès lors qu’il établit qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur pendant ces périodes ou qu’il a réalisé des prestations de travail au profit de celui-ci au cours de ces périodes.
Il appartient à celui qui se prévaut d’une prestation de travail d’en établir l’existence et le contenu. Cependant, en présence d’un contrat apparent, c’est à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
***
En l’espèce et en premier lieu, M. [X] ne soutient pas dans ses écritures qu’il s’est seulement tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstititielles mais expose qu’il a réalisé une prestation de travail au profit de ce dernier.
En second lieu, en l’absence de contrat apparent versé aux débats couvrant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée successifs produits, il appartient à M. [X] d’établir qu’il a réalisé une prestation de travail au profit de la société Program 33 au cours de ces périodes.
Tout d’abord, si l’appelant produit quatre attestations d’anciens salariés (Mmes [N], [F], [U] et M. [I]) affirmant qu’il était généralement présent du lundi au vendredi au sein de l’entreprise, la cour constate que, comme le relève justement la société Program 33, ces salariés ont quitté l’entreprise au plus tard en novembre 2014 et n’ont pu, dès lors attester de l’existence d’une relation de travail entre M. [X] et la société entre novembre 2014 et juillet 2017 au titre des périodes séparant chaque contrat à durée déterminée successifs, soit l’essentiel de la période invoquée par l’appelant au titre de ses demandes salariales. En outre et en tout état de cause, ces attestations ne sont pas suffisamment précises pour établir la réalisation par M. [X] de prestations de travail au profit de la société Program 33, notamment au cours de la période résiduelle invoquée du 21 juillet à octobre 2014.
De même, si l’appelant entend établir les prestations de travail litigieuses en produisant des bons de commande à la société Deliveroo des 15, 16, 18, 19, 21, 22 et 23 mars 2016 qui seraient, selon ses dires, adressés par lui au siège de la société Program 33, la cour constate que ces bons mentionnent ‘[M] [X], frapper à la porte vitrée sans tain au [Adresse 3]’ comme adresse de livraison alors qu’il ressort des bulletins de paye, des conclusions de la société et des pièces contractuelles produites que le siège social de l’intimée est situé au [Adresse 2]. En outre, la société Program 33 n’est nullement mentionnée dans les bons de commande produits. Dès lors, ces pièces ne peuvent établir la relation de travail litigieuse alléguée.
De plus, l’appelant se borne à produire des courriels qu’il a adressés à la société entre 2014 et 2017, sans produire le moindre argumentaire détaillant le contenu peu exploitable de ces documents et sans préciser en quoi ceux-ci étaient de nature à révéler l’existence d’une prestation de travail au profit de la société Program 33 au cours des périodes séparant chaque contrat de travail à durée déterminée successifs. Or, le simple fait d’adresser des courriels à une entreprise ne permet pas d’établir l’existence de prestations de travail réalisées par M. [X] au profit de la société Program 33 au cours de ces périodes.
Enfin, le décompte produit ne peut suffire à lui seul à établir l’existence et le contenu des prestations, ce document ne faisant que reprendre les allégations de l’appelant.
Il se déduit de ce qui précède que M. [X] n’établit pas l’existence et le contenu des prestations de travail qu’il prétend avoir réalisées au profit de la société Program 13 au cours des périodes séparant chacun de ses contrats de travail à durée déterminée successifs.
Il sera donc débouté de ses demandes salariales et le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur la demande indemnitaire pour non-respect des conditions de forme :
Dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [X] demande à la cour la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des conditions de forme. Dans la partie discussion de ses écritures (p.24), le salarié motive cette demande par le fait que l’employeur l’a fait travailler 1.253 heures et 55 minutes entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017 sans qu’aucun contrat écrit ne le prévoit.
En défense, la société sollicite l’infirmation du jugement sur ce point et le débouté de la demande indemnitaire du salarié.
Compte tenu des développements précédents, la demande indemnitaire de M. [X] sera rejetée et le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le montant de la rémunération moyenne mensuelle brut de l’appelant :
Dans ses dernières conclusions (p.23), M. [X] soutient, à titre principal, qu’il bénéficiait au moment de la rupture d’une rémunération moyenne brute de 4.087,54 euros déterminé à partir de la moyenne des salaires qu’il a perçus au titre des 12 derniers mois (2.702,33 euros) et des rémunérations qui ne lui ont pas été versées sur la période comprise entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017. A titre subsidiaire, le salarié soutient, dans l’hypothèse où la cour ne ferait pas droit à ses demandes salariales au titre de la période précitée, que sa rémunération moyenne mensuelle brute est égale à 2.702,33 euros.
Dans ses dernières conclusions (p.12), l’employeur soutient le salaire mensuel moyen brut de M.[X] doit être fixé à la somme de 2.728,17 euros.
En l’espèce, il ressort des bulletins de paye produits que, comme l’établit le salarié dans le décompte mentionné dans ses écritures, la moyenne de ses douze derniers mois de salaire doit être fixé à la somme de 2.702,33 euros bruts
Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
Selon l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 (dissimulation d’activité) ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Il est constant que la dissimulation d’emploi salarié est constituée dès lors que l’employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d’embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu’il omet sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
***
M. [X] soutient qu’entre le 21 juillet 2014 et le 21 juillet 2017, il a travaillé 1.253 heures et 55 minutes au cours des périodes séparant chacun des contrats de travail à durée déterminée produits sans être déclaré ou payé. Il en déduit que l’employeur lui est redevable d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé d’un montant, à titre principal, de 24.537,06 euros nets (calculé à partir d’un salaire mensuel de 4.087,54 euros bruts) et, à titre subsidiaire, de 16.213,98 euros nets (calculé à partir d’un salaire mensuel de 2.702,33 euros).
En défense, la société Program 33 s’oppose à cette demande indemnitaire.
Compte tenu des développements précédents, M. [X] sera débouté de sa demande indemnitaire et le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur l’indemnité de requalification :
Le conseil de prud’hommes a alloué à M. [X] la somme de 20.000 euros à titre d’indemnité de requalification.
Le salarié demande la confirmation du jugement sur ce point.
La société conclut au débouté de cette demande et, à titre subsidiaire, demande à la cour de limiter le montant de cette indemnité à la somme de 2.728,17 euros correspondant, selon elle, à la rémunération moyenne mensuelle de M. [X] et ce conformément aux dispositions de l’article L. 1245-2 du code du travail.
Selon l’article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
L’indemnité de requalification visée à l’article L. 1245-2 du code du travail ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu, avant la saisine de la juridiction prud’homale, au sein de l’entreprise qui a conclu le contrat à durée déterminée.
En premier lieu, comme il a été dit précédemment, la rémunération moyenne mensuelle brute de l’appelant est fixée par la cour à la somme de 2.702,33 euros bruts. En outre, il ressort des bulletins de paye produits que le dernier salaire perçu par le salarié avant la saisine de la juridiction prud’homale était d’un montant brut de 2.800 euros au titre du mois de juin 2017. Par suite, l’indemnité de requalification ne peut être inférieure à cette dernière somme.
En second lieu, il ressort des développements précédents que les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre les parties ont été requalifiés par la cour en un contrat de travail à durée indéterminée. Par suite, l’employeur est redevable à l’égard du salarié d’une indemnité de requalification.
Compte tenu de ces éléments et de la durée durant laquelle le salarié n’a pu bénéficier d’un contrat à durée indéterminée, il sera accordé à M. [X] la somme de 6.000 euros à titre d’indemnité de requalification.
Le jugement sera infirmé en conséquence sur le quantum de l’indemnité allouée.
Sur la rupture du contrat de travail :
Au préalable, la requalification en contrat à durée indéterminée a pour effet de soumettre la rupture du contrat aux règles gouvernant le licenciement et l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée ne peut suffire à justifier la rupture de celui-ci.
En l’espèce, il ressort des éléments produits que, comme il a été dit précédemment, le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties était le 14 juin 2027. Par suite, les relations contractuelles entre M. [X] et la société Program 33 ont pris fin à cette date.
* Sur les demandes à titre principal et à titre subsidiaire d’annulation du licenciement du contrat de travail :
En l’espèce, M. [X] expose que l’employeur a mis fin à son contrat de travail par courrier du 27 juillet 2017 dans lequel il lui a reproché d’avoir saisi le même jour la juridiction prud’homale en requalification de ses contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée et en résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi requalifié.
Il se fonde pour le dire sur le courrier précité et sur des jurisprudences de la Cour de Cassation et de cours d’appel selon lesquelles le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice du droit d’agir en justice, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
Il sollicite ainsi :
– l’annulation de son licenciement,
– sa réintégration,
– le prononcé d’une indemnité pour licenciement nul,
– le paiement des salaires dus entre juin 2022 et la date effective de sa réintégration.
En défense, l’employeur soutient qu’en formant une demande de résiliation judiciaire devant la juridiction prud’homale, M. [X] a manifesté sa volonté de ne plus travailler au sein de la société Program 33 à un moment où aucun contrat de travail n’était plus en cours entre les parties et qu’il a ainsi manifesté son intention de ne plus conclure de nouveaux contrats de travail à durée déterminée.
L’employeur indique également qu’à compter du mois de juin 2017, il a proposé à six salariés affectés au magazine Tracks et embauchés en contrats à durée déterminée de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée. Il précise s’étonner de l’action en justice de M. [X] au moment où un contrat à durée indéterminée lui était proposé et soutient en conséquence que l’appelant est de mauvaise foi et n’a subi aucun préjudice.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que, comme il a été dit précédemment, le dernier contrat de travail à durée déterminée conclu entre l’employeur et le salarié a pris fin le 14 juin 2017. Par suite, l’envoi par la société Program 33 du courrier litigieux est intervenu, comme l’affirme l’intimée, à une époque où les parties n’étaient plus liées par un contrat de travail.
De même, dans son courrier litigieux, l’employeur a indiqué au salarié que ‘c’est avec étonnement que nous venons de recevoir ta saisine prud’homale portant sur une relation de travail sur laquelle tu ne nous as jamais fait part de la moindre insatisfaction, bien au contraire. Tu n’as jamais émis la moindre réserve, ni sur la conclusion des contrats à durée déterminée d’usage, ni sur ton temps de travail ou le régime de prise en charge dont tu bénéficiais. Nous sommes donc extrêmement surpris par ces demandes inattendues. Cela étant rappelé, nous ne pouvons que déplorer ta décision et prendre acte de ta volonté de solliciter la résiliation de ton contrat de travail et donc la rupture de nos relations contractuelles’.
Contrairement aux allégations du salarié, il ne ressort nullement de ce courrier que la société Program 33 a entendu faire cesser toute relation contractuelle avec le salarié en raison de sa saisine du juge prud’homal mais lui a seulement indiqué prendre acte de ses demandes formulées devant le conseil de prud’hommes, à savoir la demande de résiliation de son contrat de travail se traduisant par la rupture de leurs relations contractuelles.
Il se déduit de ce qui précède que le courrier litigieux n’a eu ni pour objet ni pour effet de rompre un contrat de travail existant en raison de l’exercice par M. [X] de son droit d’agir en justice devant le juge prud’homal.
Par suite, l’appelant sera débouté de sa demande d’annulation et de ses demandes subséquentes susmentionnées.
* Sur la demande à titre infiniment subsidiaire de qualification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Comme il a été dit précédemment, la seule arrivée du terme du dernier contrat à durée déterminée est insuffisante à caractériser une cause réelle et sérieuse de rupture, laquelle s’analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par conséquent, M. [X] est bien fondé à réclamer le paiement des indemnités de rupture et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié sollicite à ce titre dans le dispositif de ses conclusions des demandes pécuniaires en distinguant celles qui sont formulées à titre principal et qui sont assises sur une rémunération moyenne mensuelle brute de 4.087,54 euros, de celles qui sont exposées à titre subsidiaire et qui sont assises sur une rémunération moyenne mensuelle brute de 2.702,33 euros.
Pour les raisons évoquées précédemment, seules seront examinées les demandes formulées à titre subsidiaire.
En premier lieu, la cour constate que le salarié ne sollicite pas sa réintégration dans le cadre de ses demandes formulées à titre infiniment subsidiaire.
En deuxième lieu, M. [X] sollicite à titre subsidiaire la somme de 8.106,99 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis de trois mois, outre 810,70 euros bruts.
En défense, l’employeur soutient que le salarié ne peut bénéficier au titre de la convention collective applicable que d’un préavis de deux mois.
En l’espèce, il ressort des dispositions concordantes de l’article L. 1234-1 du code du travail et de l’article V.1.2.1. de la convention collective applicable que le salarié peut seulement solliciter une indemnité compensatrice de deux mois. Il lui sera ainsi alloué à ce titre la somme de 5.404,66 euros bruts, outre 540,46 euros bruts de congés payés afférents. Le jugement sera infirmé en conséquence.
En troisième lieu, le salarié demande à titre subsidiaire une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 3.783,26 euros.
En défense, l’employeur ne conteste pas le montant ainsi sollicité, considérant même dans ses écritures (p.14) que M. [X] pourrait bénéficier d’un montant supérieur de 3.819,44 euros.
Par suite, il sera intégralement fait droit à la demande pécuniaire du salarié et le jugement sera infirmé en conséquence.
En quatrième lieu, M. [X] sollicite à titre subsidiaire la somme de 32.427,96 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En défense, la société demande à la cour de limiter cette demande indemnitaire à la somme de 16.369 euros.
Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.
Compte tenu de l’ancienneté du salarié d’un peu moins de sept ans, de sa rémunération, de son âge au moment de la rupture (35 ans) et au fait qu’en juillet 2021 il n’avait pas retrouvé d’emploi et bénéficiait du RSA, il lui sera accordé la somme de 21.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
En cinquième et dernier lieu, selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il y a lieu d’office d’ordonner à l’employeur le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versé au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
M. [X] reproche à l’employeur de ne lui avoir fait bénéficier d’aucune visite médicale entre septembre 2010 et la date de rupture de son contrat de travail alors que son état de santé s’était dégradé pendant cette période.
Le salarié expose ainsi :
– avoir été victime en avril 2014 d’une thrombose du bras gauche ayant dégénéré en double embolie pulmonaire,
– avoir bénéficié d’un arrêt maladie entre le 23 avril et le 23 mai 2014,
– avoir été victime le 8 juin 2015 d’une résection de la première côte gauche et des scalènes,
– avoir dû reporter son opération à juin 2018 en raison du refus par l’employeur d’accéder à sa demande de conclusion d’un contrat à durée indéterminée comportant une revalorisation salariale.
Il soutient qu’une visite médicale aurait été nécessaire afin de vérifier l’ergonomie de son poste de travail et son aptitude à exercer ses missions et ce, compte tenu notamment du stress et du surmenage professionnel subi. Il soulignait que ses médecins traitants avaient constaté un lien entre ses conditions de travail et l’aggravation de son état de santé.
Il sollicite ainsi la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
A l’appui de ses allégations, M. [X] se réfère dans ses écritures aux pièces suivantes:
– un arrêt de travail pour la période du 23 avril au 23 mai 2014 pour phlébite du membre supérieur gauche,
– un compte-rendu d’électromyographie du 16 décembre 2014 par lequel le docteur [W] de l’hôpital universitaire de [Localité 6] a constaté que le salarié souffrait de ‘douleurs chroniques de l’omoplate et du trapèze gauches évoluant depuis environ quatre ans dans un contexte de surmenage professionnel et de stress’,
– un courrier du 8 décembre 2015 par lequel le docteur [C] de l’hôpital universitaire de [Localité 6] a indiqué que le salarié a subi un premier épisode d’embolie pulmonaire en avril 2014 et qu’il a été opéré le 8 juin 2015 pour plexolyse, artériolyse et phlébolyse avec résection de la première côte,
– des échanges de courriels du 19 août 2016 par lesquels le salarié a demandé à l’employeur de renégocier son contrat et de faire le point sur son salaire,
– un courrier du 20 juillet 2018 par lequel le professeur [H] du centre hospitalier de [5] a certifié que M. [X] a été opérée à deux reprises d’un syndrome bilatéral de la traversée thoraco-brachiale et que celui-ci a été ‘vraissemblablement été favorisé par des conditions de travail peu ergonomiques. Le syndrome de la traversée thoraco-brachiale a été à l’origine des complications cardio-vasculaires notamment de la phlébite et de l’embolie pulmonaire (et non l’inverse). Le syndrome de la traversée thoraco-brachiale résulte de dispositions qui sont très fréquentes dans la population générale et qui deviennent souvent pathologiques à l’occasion de postures non ergonomiques’,
– un courrier du 27 octobre 2018 par lequel le docteur [E] a constaté chez le salarié une ‘douleur et impotence du bras gauche terrain surmenage au travail et mouvements répétitifs et travail peu ergonomique’,
– un courrier du 30 novembre 2018 par lequel le professeur [H] a notamment indiqué que ‘l’activité frénétique en production a contribué à décompenser le syndrome de la traversée thoraco-brachiale et comme mon collègue le docteur [V], je considére que nous avons affaire à une maladie professionnelle’.
En défense, l’employeur conclut au débouté de la demande indemnitaire et expose qu’aucune reconnaissance d’un quelconque accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’est intervenue au cours des relations contractuelles et que le salarié n’établit pas en quoi la non-tenue de visites médicales aurait entraîné une conséquence sur son état de santé.
***
En premier lieu, il ressort des développements précédents que la relation de travail entre la société Program 33 et le salarié s’est étendu sur la période du 6 septembre 2010 au 14 juin 2017.
Dès lors, entre le 6 septembre 2010 et le 31 décembre 2016, M. [X] devait bénéficier, en application des dispositions de l’article R. 4624-10 du code du travail dans ses rédactions antérieures au décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 applicables à la cause, d’un examen médical avant son embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail.
De même, au cours de l’année 2017, le salarié devait bénéficier, en application des dispositions de l’article R. 4624-10 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 applicable à la cause, d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.
Or, en l’espèce, il n’est ni allégué ni justifié par l’employeur qu’au cours de la relation contractuelle, il a fait bénéficier au salarié d’un examen médical ou d’une visite d’information et de prévention au sens des dispositions précitées.
Par suite, comme l’affirme M. [X], l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en méconnaissant les prescriptions mises à sa charge par l’article R. 4624-10 du code du travail.
En second lieu, s’il est vrai qu’au regard des pièces produites une maladie professionnelle ou un accident de travail n’ont pas été déclarés au cours de la période contractuelle au profit du salarié, il n’en demeure pas moins que ce dernier était affecté d’une santé fragile depuis au moins l’année 2014 et que l’employeur ne pouvait l’ignorer puisqu’il ne conteste pas avoir eu connaissance de l’arrêt de travail susmentionné.
L’employeur a ainsi privé le salarié d’un examen médical préalable à son embauche permettant d’apprécier son aptitude à exercer les missions qui lui étaient confiées et, le cas échéant, d’adapter ses conditions de travail à sa santé précaire. Dès lors, la société a causé, par son manquement à son obligation de sécurité, un préjudice au salarié qui doit être fixé à la somme de 5.000 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande du salarié tendant à la remise d’une attestation d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle emploi et de bulletins de paye conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu’il y ait de prononcer une astreinte.
La société Program 33 qui succombe partiellement, est condamnée à verser à M. [X] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. La société sera en revanche déboutée de sa demande sur ce fondement. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement sur le quantum de l’indemnité de requalification et en ce qu’il a :
– condamné la société Program 33 à verser à M. [M] [X] la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité pour non-respect des conditions de forme,
– débouté M. [M] [X] de ses demandes pécuniaires au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et du manquement à l’obligation de sécurité,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la rupture du contrat de travail survenue le 14 juin 2017 est dépourvue de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Program 33 à verser à M. [M] [X] les sommes suivantes:
– 5.404,66 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 540,46 euros bruts de congés payés afférents,
– 3.783,26 euros d’indemnité de licenciement,
– 21.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6.000 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,
ORDONNE à la société Program 33 de remettre à M. [M] [X] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de paye conformes à l’arrêt,
DIT n’y avoir lieu à astreinte,
ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités,
DEBOUTE M. [M] [X] de sa demande indemnitaire au titre du non-respect des conditions de forme,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Program 33 aux dépens d’appel.
La greffière, La présidente.