Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 26 mars 2008, 07-88.554, Publié au bulletin

Notez ce point juridique

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 26 mars 2008, 07-88.554, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-D… Mohcin,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de VERSAILLES, en date du 13 novembre 2007, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de vols aggravés et destruction du bien d’autrui, en récidive, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 28 janvier 2008, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’article 4 VI de l’ordonnance du 2 février 1945, des articles 171,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande aux fins d’annulation présentée par Mohcin D… ;

 » aux motifs que, l’article 4 VI de l’ordonnance du 2 février 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 applicable dans la présente procédure, prévoit dans son dernier alinéa que  » lorsque l’enregistrement ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d’interrogatoire qui précise la nature de cette impossibilité. Le procureur de la République ou le juge d’instruction en est immédiatement avisé  » ; qu’en l’espèce, s’agissant de  » l’impossibilité technique « , il est avancé par le requérant et dans le mémoire de Sidney E… que cette dernière était connue dès le 5 septembre 2007, puisque dans l’audition du mineur William X… par le gardien de la paix Matthieu Y…, le procès-verbal 2007 / 003077 / 35) fait mention que le logiciel d’enregistrement ne fonctionne pas ; qu’il aurait dû y être remédié par l’intervention d’un informaticien, et le procureur avisé ; que tout d’abord, l’on ne saurait retenir avec certitude que le système d’enregistrement était en permanence en panne, des dysfonctionnements pouvant intervenir de manière aléatoire ; que, comme le relève le procureur général dans ses réquisitions écrites, il n’est pas établi que les fonctionnaires de police non techniciens en informatique connaissaient cette impossibilité technique pour les autres auditions ; que si, quand William X… était entendu le 5 septembre à 14 heures 40, le gardien de la paix Matthieu Y… a pu constater la défaillance à cet instant du logiciel d’enregistrement, il n’en demeure pas moins que les autres gardés à vue ont été entendus par d’autres fonctionnaires de police les 6 et 7 septembre 2007 ; que ceux-ci ont pu légitimement croire que le système d’enregistrement fonctionnait, à tel point qu’aucun procès-verbal des autres auditions intervenues les 6 et 7 septembre ne fait état du dysfonctionnement du logiciel constaté la veille (procès-verbal 2007 / 2445 / 19,20,21,23,24,25 et 38) ; que, de surcroît, même le gardien de la paix Matthieu Y… qui avait interrogé William X… et avait fait mention de cette panne pour l’audition de ce dernier n’en a pas fait mention le lendemain au cours de l’audition de Jonathanne F… (procès-verbal 2007 / 2445 / 22), ni le lendemain pour l’audition de Birny Z… (procès-verbal 2007 / 2445 / 26 et 29), ce dont on peut déduire qu’à ce moment-là, le matériel paraissait fonctionner ; que pour les cinq gardés à vue autres que William X…, c’est-à-dire Mohcin D…, Wissem A…, Jonathanne F…, Birny Z… et Sidney E…, il résulte des mentions du procès-verbal dressé par Bernard C…, brigadier chef, officier de police judiciaire, que les fonctionnaires de police n’ont constaté la panne en réalité qu’en toute fin de garde à vue, soit le 7 septembre 2007 à 13 heures 20 (procès-verbal 2007 / 003077 / 74), auquel fait suite le procès-verbal dressé à 13 heures 30 (procès-verbal 2007 / 2445 / 38), au moment où ils ont décidé de graver sur CD-Rom les auditions qu’ils pensaient légitimement avoir enregistrées ; qu’ils ne pouvaient dès lors en faire mention dans les procès-verbaux d’interrogatoire ; que, s’agissant de l’information du procureur de la République, la loi du 5 mars 2007 dispose qu’en cas d’impossibilité technique de réaliser les enregistrements audiovisuels, le procureur de la République doit en être immédiatement avisé ; que cependant, sauf en ce qui concerne le procès-verbal d’audition de William X… du 5 septembre 2003, que l’appel a posteriori du procureur de la République aurait été à l’évidence sans incidence sur le déroulement des auditions déjà actées, étant au demeurant relevé que les gardés à vue ont été présentés au parquet le même jour à 14 heures 30 (procès-verbal 2007 / 003077 / 27), c’est-à-dire à un moment immédiatement voisin de celui où la panne est apparue pour l’ensemble des auditions des cinq gardés à vue autres que William X… ; qu’il résulte de ce qui précède que s’agissant des cinq déférés puis mis en examen qu’il n’a pas été porté atteinte aux dispositions de l’article 4 VI de l’ordonnance du 2 février 1945 ; que l’annulation de l’audition de William X… qui, par contre, doit être prononcée, ne saurait entraîner celle d’autres pièces de la procédure et notamment les auditions des mis en examen, n’en étant pas le support nécessaire ; qu’il y a lieu en conséquence de prononcer une annulation partielle relative à la seule audition de William X… selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt (…) (arrêt, p. 7 et 8) ;

 » alors que, premièrement, le défaut d’enregistrement audiovisuel d’un interrogatoire n’est justifié qu’en présence d’une impossibilité insurmontable ; qu’en faisant seulement état d’une impossibilité technique, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

 » alors que, deuxièmement, même s’il existe une difficulté insurmontable, elle doit être consignée au procès-verbal et celui-ci doit préciser la nature de l’obstacle rencontré ainsi que les diligences qui ont été accomplies pour le surmonter ; qu’en se bornant à faire état d’une impossibilité technique, les énonciations du procès-verbal étaient beaucoup trop générales pour permettre un contrôle a posteriori ; qu’à cet égard également, l’annulation était encourue ; qu’en refusant de la prononcer, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

 » alors que, troisièmement, l’avis du ministère public doit être immédiatement requis ; que cette formalité a été instituée pour permettre au parquet de prendre connaissance de l’obstacle et de prescrire les mesures qu’il estime opportunes ; que cette formalité est substantielle ; qu’à défaut, la nullité est encourue dans la mesure où l’inobservation de la formalité porte nécessairement atteinte aux droits du mineur ; qu’à cet égard également, les juges du fond ont violé les textes susvisés  » ;

Vu l’article 4 VI de l’ordonnance du 2 février 1945 ;

Attendu que, selon ce texte, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, lorsque l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d’interrogatoire, qui précise la nature de cette impossibilité, et le procureur de la République ou le juge d’instruction en est immédiatement avisé ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à compter du 5 septembre 2007, plusieurs mineurs ont été interpellés et placés en garde à vue ; que, dès ce jour, lors de l’audition de l’un d’eux, les fonctionnaires de police ont mentionné que le logiciel destiné à enregistrer cet interrogatoire ne fonctionnait pas ; que les autres mineurs, dont Mohcin D…, ont été interrogés à plusieurs reprises jusqu’au 7 septembre 2007 ; que dans des procès-verbaux de renseignements établis en fin de procédure, les enquêteurs ont mentionné que le disque dur de l’ordinateur et le logiciel  » video-gav  » n’avaient pas conservé les enregistrements et que, malgré plusieurs tentatives, le système n’avait pu être remis en état de fonctionnement ;

Attendu que, pour écarter l’exception de nullité tirée du défaut d’enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs gardés à vue et de l’absence d’information immédiate du procureur de la République, l’arrêt relève, notamment, que les fonctionnaires de police ayant procédé, les 6 et 7 septembre 2007, aux interrogatoires des cinq mineurs gardés à vue, dont Mohcin D…, ont pu légitimement croire que le logiciel d’enregistrement, qui avait connu des défaillances lors de l’interrogatoire d’un autre mineur, le 5 septembre 2007, fonctionnait à nouveau de façon correcte ; que les juges ajoutent que la panne n’a été détectée qu’en toute fin de garde à vue de ces cinq mineurs, au moment où il a été décidé de graver leurs auditions sur cédérom et que l’information a posteriori du procureur de la République aurait été sans incidence sur le déroulement des auditions déjà actées ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’impossibilité technique invoquée, d’une part, n’a pas été mentionnée dans le procès-verbal d’interrogatoire du mineur gardé à vue, et, d’autre part, n’a pas été portée immédiatement à la connaissance du procureur de la République, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, en date du 13 novembre 2007, en ses seules dispositions portant refus de l’annulation des interrogatoires de Mohcin D…, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, M. Guérin conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Charpenel ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top