REPUBLIQUE FRANÇAISE 17 octobre 2024
Cour d’appel de Metz RG n° 23/01987 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français Minute n°24/00297 N° RG 23/01987 – N° Portalis DBVS-V-B7H-GBKF Notification le Date réception Appelant : Intimé : Clause exécutoire délivrée le à : Recours Formé le : Par : COUR D’APPEL DE METZ 5ème CHAMBRE CIVILE VISITES DOMICILIAIRES ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2024 APPELANTS Monsieur [T] [I] [Adresse 2] [Localité 4] Comparant, représenté par Me David TRUCHE, avocat au barreau de PARIS Société SAS TA GROUPE [Adresse 1] [Localité 3] Non comparante, représentée par Me David TRUCHE, avocat au barreau de PARIS INTIMÉ DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES [W] [H] [Adresse 6] [Localité 5] Non comparant, représenté par Me Jean DI FRANCESCO, substitué par Me NEZONDET, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR M. Pierre CASTELLI, Président de chambre magistrat délégué par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Metz Assisté lors de débats de Mme Sonia DE SOUSA, Greffier DÉBATS L’affaire a été débattue le 01 Février 2024 et le prononcé de la décision fixé au 05 mai 2024 ; Qu’à cette date le prorogé de l’affaire a été fixé au 11 juillet 2024 ; Qu’à cette date le prorogé de l’affaire a été fixé au 26 aout 2024 ; Qu’à cette date le prorogé de l’affaire a été fixé au 26 septembre 2024 ;Q u’à cette date le prorogé de l’affaire a été fixé à ce jour ; Ordonnance prononcée par mise à disposition au greffe de la Cour d’appel de Metz conformément aux dispositions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, en présence de Mme Sonia DE SOUSA, Greffier Le 18 septembre 2023, le directeur général des finances publiques, agissant à l’encontre de la société TA GROUPE, qui serait présumée s’être soustraite à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les sociétés ou des taxes sur le chiffre d’affaires en minorant son chiffre d’affaires, a obtenu du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Thionville l’autorisation, conformément à l’article L 16 B du livre des procédures fiscales, de procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux suivants :
– locaux et dépendances sis [Adresse 2] à [Localité 4] (57) et [Adresse 1] à [Localité 3] (57) susceptibles d’être occupés par un certain nombre de personnes et d’organismes cités dans l’ordonnance dont la société TA GROUPE et M. [T] [I]. Les opérations de visites et de saisies ont eu lieu le 21 septembre 2023. La société TA GROUPE et M. [T] [I] ont interjeté appel et formé un recours, par déclaration postée par lettre recommandée avec accusé de réception le 4 octobre 2023, respectivement à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Thionville le 18 septembre 2023 et à l’encontre des opérations de visite et de saisie intervenues le 21 septembre 2023. Par conclusions transmises par RPVA le 4 janvier 2024, soutenues à l’audience, la société TA GROUPE et M. [T] [I] demandent à la juridiction d’appel, au visa de l’article L 16 B du livre des procédures fiscales et de l’article 14 du règlement UE 2016-679 du 21 avril 2016 de : – infirmer et annuler en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Thionville le 18 septembre 2023, – annuler les procès-verbaux consécutifs aux opérations de visite domiciliaire et de saisie, – ordonner la restitution sans délai de l’ensemble des pièces et documents saisis à l’occasion des opérations de visite domiciliaire et de saisie sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, – ordonner la destruction sans délai de toutes copies de pièces ou documents saisis à l’occasion des opérations de visite domiciliaire et de saisie, – condamner la direction nationale des enquêtes fiscales à payer à la société TA GROUPE et M. [T] [I], chacun, la somme de 5000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – . condamner la direction nationale des enquêtes fiscales aux dépens. Au soutien de leurs demandes la société TA GROUPE et M. [T] [I] exposent que la société TA GROUPE exerce une activité de taxi essentiellement à destination de patients en provenance ou en direction d’établissements de santé ou de professionnels, qu’elle n’est ainsi payée que rarement en espèces et que la comparaison du chiffre d’affaires qu’elle réalise avec d’autres sociétés de même nature devait être effectuée non par salarié mais par autorisation de stationnement de sorte que les éléments recueillis par l’administration étaient insuffisants pour caractériser une présomption de fraude. La société TA GROUPE et M. [T] [I] ajoutent que les données personnelles de Mme [S] [E] ont été utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été collectées, qu’elle n’en a pas été informée et qu’en conséquence l’administration a violé les dispositions de l’article 14 du règlement général sur la protection des données (RGPD). Par conclusions non datées déposées et reprises à l’audience, le directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques, chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, demande la confirmation de l’ordonnance déférée, le rejet des demandes, fins et conclusions de la société TA GROUPE et de M. [T] [I] ainsi que leur condamnation aux dépens et au paiement de la somme de 2000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile. Au soutien de ses conclusions et à l’inverse des appelants, le directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques, chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, estime avoir apporté au juge de première instance les éléments nécessaires qui lui permettaient de présumer que la société TA GROUPE minorait son chiffre d’affaires, tant en matière d’impôt sur les sociétés que de taxes sur le chiffre d’affaires , en omettant sciemment de passer l’intégralité de ses écritures comptables et il ajoute que les conditions de l’article 23 du RGPD étaient remplies de sorte que l’administration fiscale était exonérée de son devoir d’information. Vu les débats ayant eu lieu à l’audience du premier février 2024. MOTIFS DE LA DECISION
Sur le respect des règles garantissant la protection des données La société TA GROUPE et M. [T] [I] font grief à l’administration d’avoir méconnu l’obligation d’information qui était à sa charge, à l’égard de Mme [S] [E], en vertu de l’article 14 du règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016, lors de la collecte de ses données personnelles. Cependant, il est relevé à cet égard, selon les alinéas 4 et 5 de l’article 48 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifié, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qu’en application de l’article 23 du RGPD, le droit à l’information ne s’applique pas aux données collectées et utilisées lors d’un traitement mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission, soit de contrôler ou de recouvrer des impositions, soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement, à des amendes administratives ou à des pénalités. Or en l’espèce il est rappelé que la société TA GROUPE est soupçonnée d’avoir minoré son chiffre d’affaires en omettant sciemment de passer l’intégralité de ses écritures comptables, tant en matière d’impôt sur les sociétés que de taxes sur le chiffre d’affaires. Conformément aux alinéas 4 et 5 de l’article 48 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifié, l’administration n’avait donc pas à respecter une quelconque obligation d’information lors de la collecte des données personnelles de Mme [S] [E] puisque la délivrance de cette information aurait compromis le résultat de la visite domiciliaire qui était projetée. Sur le bien-fondé de l’appel et du recours Selon l’article L 16 B du livre des procédures fiscales, lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie quel qu’en soit le support. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des liberté et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite. Le juge motive sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Il est rappelé que le juge apprécie l’existence de présomptions de fraude sans être tenu de s’expliquer sur la proportionnalité de la mesure qu’il ordonne. En l’espèce, il résulte des pièces qui ont été produites par l’administration fiscale que le chiffre d’affaires par salarié réalisé par la société TA GROUPE pour les années 2020, 2021 et 2022 était très inférieur à la moyenne de celui généré par des sociétés comparables durant ces mêmes exercices, le différentiel s’élevant à 4752 € pour 2020, 23 255 € pour 2021 et 24 967 € pour 2022 et qu’il en était de même du coût moyen par salarié supporté par la société TA GROUPE pour ces mêmes années qui était également très inférieur à la moyenne établie pour des sociétés comparables, la différence étant de 35 % pour 2020, 37 % pour 2021 et 50 % pour 2022. Certes, ainsi que l’ont relevé la société TA GROUPE et M. [T] [I], l’organisation interne de chaque société comparée à la société TA GROUPE n’était pas connue et le nombre de salariés générant un chiffre d’affaires pour chaque société n’était donc pas identifié, de sorte que la comparaison entre la société TA GROUPE et les autres sociétés pouvait être sujette à caution. Les différences constatées étaient toutefois importantes et il pouvait dès lors être raisonnablement présumé par l’administration fiscale qu’elles ne pouvaient être justifiées uniquement par une disparité d’organisation interne et par un nombre de salariés distinct affecté à la production. De plus, il ressort également des pièces versées aux débats par l’administration fiscale: que la société TA GROUPE n’a pas déposé d’espèces sur son compte bancaire durant les mois de décembre 2019 et 2020, que les justificatifs du paiement de plusieurs factures correspondant à des courses de faible valeur n’ont pas été fournis, que le mode de règlement : espèces ou autres, sur d’autres factures n’a pas été précisé. Il se déduit donc de l’ensemble de ces éléments qu’à la date du dépôt de sa requête par l’administration fiscale, il existait des indices exacts et suffisants de nature à établir que la société TA GROUPE minorait son chiffre d’affaires, tant en matière d’impôt sur les sociétés que de taxes sur le chiffre d’affaires, en omettant sciemment de passer l’intégralité de ses écritures comptables. Dès lors que ces indices étaient relevés par le juge des libertés et de la détention, la mise en oeuvre de la procédure visée à l’article L 16 B du livre des procédure fiscale était justifiée sans que le juge n’ait à s’interroger sur la proportionnalité de la mesure qu’il ordonnait. En conséquence, l’ordonnance rendue le 18 septembre 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Thionville est confirmée et par suite la société TA GROUPE et M. [T] [I] sont déboutés de leur demande d’annulation des procès-verbaux consécutifs aux opérations de visite domiciliaire et de saisie. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile La société TA GROUPE et M. [T] [I] qui succombent en la présente instance sont condamnés aux dépens et déboutés de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit du directeur général des finances publiques. PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition publique au greffe, contradictoirement et en dernier ressort : CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Thionville le 18 septembre 2023, DEBOUTONS en conséquence la société TA GROUPE et M. [T] [I] de leur demande d’annulation des procès-verbaux consécutifs aux opérations de visite domiciliaire et de saisie, CONDAMNONS la société TA GROUPE et M. [T] [I] aux dépens, REJETONS les demandes de la société TA GROUPE, de M. [T] [I] et du directeur général des finances publiques, fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. Ainsi jugé et mis à disposition au greffe le 17 octobre 2024. Le greffier, Le président de chambre, |
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