REPUBLIQUE FRANÇAISE 23 mai 2024
Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00669 S.A.R.L. PIRETTI
C/ [O] [B] Etablissement Public POLE EMPLOI BOURGOGNE FRANCHE-COMTE C.C.C le 23/05/24 à -Me Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 23/05/24 à: -Me : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE DIJON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 23 MAI 2024 MINUTE N° N° RG 22/00669 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GBNA Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 29 septembre 2022, enregistrée sous le n° 21/00290 APPELANTE : S.A.R.L. PIRETTI [Adresse 7] [Localité 3] représentée par Me Jean-François MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Maître Nathalie RIGNAULT, avocat au barreau de DIJON INTIMÉS : [O] [B] [Adresse 4] [Adresse 5] [Localité 2] représenté par Me Christophe CHATRIOT de la SCP SCP D’AVOCATS PIZZOLATO – CHATRIOT, avocat au barreau de DIJON Etablissement Public POLE EMPLOI BOURGOGNE FRANCHE-COMTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 6] INTERVENANT VOLONTAIRE représentée par Me Anne GESLAIN de la SELARL DU PARC – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Pauline CORDIN, avocat au barreau de DIJON COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de : Olivier MANSION, président de chambre, Fabienne RAYON, présidente de chambre, Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller, GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN, ARRÊT : rendu contradictoirement, PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE
M. [O] [B] a été embauché par la société PIRETTI par un contrat à durée indéterminée à compter du 2 septembre 2002 en qualité de chauffeur livreur. Le 4 mars 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 mars suivant, assorti d’une mise à pied conservatoire. Le 1er avril 2021, il a été licencié pour faute grave. Par requête du 18 mai 2021, il a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon aux fins de contester son licenciement et de condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire au titre des sommes indûment prélevées sur le bulletin de salaire de mars 2021 et des dommages-intérêts pour procédure irrégulière. Par jugement du 29 septembre 2022, le conseil de prud’hommes de Dijon a accueilli l’essentiel des demandes du salarié. Par déclaration formée le 10 octobre 2022, la société PIRETTI a relevé appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions du 5 mars 2024, l’appelante demande de: – réformer le jugement déféré en ce qu’il : * a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, * l’a condamnée à lui verser les sommes suivantes : – 15 135,58 euros nets à titre d’indemnité de licenciement, – 31 217,12 euros nets à titre de dommages-intérêts, – 5 675,94 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 567,59 euros au titre des congés payés afférents, – 2 286,52 euros bruts au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire, outre 228,65 euros bruts au titre des congés payés afférents, – 360 euros bruts au titre de la prime de bilan 2019 et 90 euros bruts au titre de la prime de bilan 2021, – 1 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, * ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage payées depuis le jour du licenciement jusqu’au prononcé du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités, – admettre le procès-verbal de constat du 26 mai 2021 comme moyen de preuve des négligences de M. [B], – juger que le licenciement est justifié par une faute grave, – débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, – débouter en tout état de cause M. [B] de son appel incident sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 41 149,94 euros, – débouter Pôle Emploi de sa demande, – condamner M. [B] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, – fixer le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme maximale de 8 513,67 euros. Aux termes de ses dernières conclusions du 6 mars 2024, M. [B] demande de: à titre principal, – juger que l’employeur n’apporte pas la preuve d’une faute grave, – juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu’il doit être requalifié en licenciement abusif, – juger que M. [B] n’a pas perçu la rémunération qui lui était due, – confirmer le jugement déféré en ce qu’il a : * jugé que le licenciement sans cause réelle et sérieuse, * condamné la société PIRETTI à lui verser les sommes suivantes : – 15 135,58 euros nets à titre d’indemnité de licenciement, – 5 675,94 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 567,59 euros bruts au titre des congés payés afférents, – 2 286,52 euros bruts au titre de la mise à pied, outre 228,65 euros bruts au titre des congés payés afférents, * condamné la société PIRETTI à lui verser 360 euros brut au titre de la prime de bilan 2019 et 90 euros bruts au titre de la quote-part de prime de bilan pour 2021, * condamné la société PIRETTI à lui remettre les documents de fin de contrat corrigés au regard du présent jugement, * rappelé que, par application des dispositions de l’article R.1454-14 du code du travail, les demandes visées à l’article R.1454-28 du Code du travail sont exécutoires de droit dans la limite de 9 mois de salaire, * fixé la moyenne des salaires à 2 837,92 euros bruts, * précisé que, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal : à compter de la demande de réception de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 19 mai 2021, pour toutes les sommes de nature salariale, à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme, * condamné la société PIRETTI à lui verser 1 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société PIRETTI de sa demande au titre du même article, * ordonné à la société PIRETTI de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées du jour du licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités chômage, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, * dit que les entiers dépens seront supportés en tant que de besoin par la société PIRETTI, – l’infirmer en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des sommes prétendument indûment prélevées sur le bulletin de salaire du mois de mars 2021, – condamner la société PIRETTI à lui payer la somme de : * 41 149,94 euros bruts à titre dommages-intérêts pour licenciement abusif, * 1 738,55 euros à titre de rappel de salaire au titre des sommes indûment prélevées sur le bulletin de salaire du mois de mars 2021, outre 173,85 euros au titre des congés payés afférents, à titre subsidiaire, – juger que la procédure de licenciement est irrégulière, – condamner la société PIRETTI à lui payer la somme de 2 899,66 euros bruts à titre d’indemnité pour procédure irrégulière, en tout état de cause, – condamner la société PIRETTI à lui remettre les documents légaux conformes à la décision à intervenir, à savoir le certificat de travail, l’attestation Pôle Emploi et le bulletin de salaire, – condamner la société PIRETTI à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. Aux termes de ses dernières conclusions du 11 janvier 2023, Pôle Emploi demande de : – lui donner acte de son intervention, – statuer ce que de droit sur le mérite de l’appel formé par la société PIRETTI, – dans le cas où la Cour confirmerait le jugement déféré sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, ordonner à la société PIRETTI de lui rembourser la somme de 8 978,40 euros avec intérêts au taux légal de la date du jugement jusqu’au parfait paiement, – la condamner à lui payer la somme de 450 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, en tant que de besoin, aux dépens. Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur le bien fondé du licenciement : La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié. Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement. La lettre de licenciement du 1er avril 2021 est rédigée dans les termes suivants : ‘Le 2 mars, alors que deviez livrer du gazole à la société SOBECA, vous avez, par négligence, vidé 4 000 litres de GNR dans la cuve à gazole. Cela a entraîné la nécessité pour nous d’intervenir en urgence, à la demande de notre client, afin d’effectuer un prélèvement, vider intégralement les 16 100 litres de gazole pollué de GNR de leur cuve, et la leur remplir à nouveau de la même quantité, à nos frais. Cette négligence est inadmissible, puisque vous deviez éviter tout mélange à l’aide de votre plan de chargement et des indicateurs produit dont est équipé votre véhicule et vous montrer attentif, pendant toute l’opération de dépotage. L’aide-mémoire du chauffeur livreur, que vous avez en votre possession, spécifie bien « lors du dépotage : rester impérativement le plus près possible du pistolet, ou du camion en cas de livraison gravitaire et ne pas se laisser distraire. » D’ailleurs cette aide mémoire indique également qu’il est interdit de fumer. Or, la cabine de votre camion était remplie de mégots et de briquets, au mépris des consignes. Malheureusement, votre négligence a causé un préjudice considérable pour l’entreprise. Il ne s’agissait en outre pas d’un évènement isolé puisque vous aviez déjà commis strictement la même erreur lors de la livraison de notre client BONGARZONE en juillet 2019. A l’époque, nous avions fait le choix de ne pas vous sanctionner compte tenu de votre ancienneté, et ce malgré un avertissement du 24 août 2017 pour non respect des consignes de travail La réitération de faits identiques n’est pas admissible. Il s’avère en effet que vos collègues nous ont rapporté que vous étiez très souvent occupé sur votre téléphone portable au lieu d’être attentif à votre travail. Cela a au demeurant été confirmé au visionnage de nos bandes vidéos. Votre attitude a généré cette erreur dramatique de livraison du 2 mars, mettant à mal notre image professionnelle’ (pièce n°6). M. [B] conteste les faits et oppose que : – l’avertissement du 24 août 2017 pour non-respect des consignes de travail, dont il ne se souvenait pas, porte sur des faits anciens sans rapports avec les motifs du licenciement. En outre, la société PIRETTI ne produit aucun élément pour justifier de la réalité, de la conformité et de l’opposabilité de cet avertissement, de sorte qu’elle ne saurait l’invoquer ni se prévaloir de ce fait prescrit à l’appui du licenciement, – il conteste toute erreur de livraison en juillet 2019 et l’employeur omet de communiquer le procès-verbal d’expertise pourtant annexé à la note d’expertise qu’il produit. En outre, les bons de livraisons ne permettent pas d’identifier une quelconque erreur de livraison et aucune sanction disciplinaire n’a été prise à son encontre, la société ne justifiant pas son affirmation selon laquelle « sur les six derniers mois, plusieurs mises en garde et rappels des instructions » lui ont été délivrés, – il n’a jamais été interdit aux chauffeurs livreurs de la société de fumer dans la cabine de leur camion lors des trajets à partir du moment où ils se trouvent seuls, ce que l’employeur a admis lors de l’entretien préalable (pièce n°2). En outre, la société ne justifie pas de la remise de « l’aide-mémoire du chauffeur-livreur » qu’elle verse aux débats, ni d’ailleurs les autres documents. Enfin, les consignes ADR précisent que « au cours des manutentions, il est interdit de fumer au voisinage des véhicules et dans les véhicules », ce qui implique a contrario qu’il n’est pas interdit de fumer dans la cabine après les manutentions lorsque le véhicule est vide et les règles sur le transport de carburant n’indiquent pas le contraire. Au surplus, la société ne prouve pas qu’il a fumé au cours des manutentions, – le grief relatif au manque d’attention est très vague puisque les faits ne sont pas datés et les lieux pas précisés. L’employeur ne produit aucune attestation des salariés ni les données issues des dispositifs de vidéosurveillance malgré une demande en ce sens (pièce n°4), – la société PIRETTI communique le formulaire de déclaration à la CNIL de son dispositif de vidéosurveillance, ainsi qu’une note d’information sur ledit dispositif, formulaire non daté ni signé qui fait mention que la vidéosurveillance a uniquement pour objet de déterminer l’origine d’un acte de malveillance et aucunement de surveillance du personnel ni de contrôle des horaires. Or il n’en a aucunement été informé et la durée de conservation des données excède les 30 jours prévus dans la déclaration, de sorte que l’utilisation par l’employeur des données de vidéosurveillance est illégale. La pièce adverse n°7, qui exploite, après l’expiration du délai légal de conservation, les images de vidéosurveillance, devra donc être écartée des débats, – s’agissant de l’erreur de livraison du 2 mars 2021, le conseil de prud’hommes a souverainement relevé que ce fait n’est pas précisément daté, l’année n’étant pas mentionnée, ce qui ne permet pas de vérifier à quelle date les faits se sont précisément déroulés, ni si ce fait lui est imputable ou s’il était prescrit au moment de l’engagement de la procédure disciplinaire. Bien que n’ayant pas invoqué cette imprécision et la prescription des faits qui se seraient déroulés le 2 mars 2021 devant le conseil de prud’hommes , le salarié s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur les conséquences de cette imprécision de la part de l’employeur, – disposant d’une expertise certaine dans la livraison de combustibles pour en avoir effectué des milliers, il a été demandé à la société PIRETTI d’apporter des explications sur ce fait du 2 mars en produisant les bons de commande, les données du volucompteur de son camion et tout document de nature à justifier des constatations faites sur place (pièce n°4), demande à laquelle l’employeur n’a pas répondu, se bornant à affirmer que « son erreur peut provenir soit du chargement des produits dans les cuves à l’entrepôt de la société PIRETTI, en confondant l’identification du produit sur les cuves, soit au moment du déchargement en vidant la mauvaise cuve dans la mauvaise citerne », transformant une erreur de livraison en une erreur de chargement alors que l’entretien préalable comme la lettre de licenciement ne font mention que d’une erreur de livraison. Or lors des opérations de chargement, la borne complète et imprime automatiquement un « ticket de chargement » dont l’employeur pourrait aisément justifier afin de démontrer une erreur de chargement, ce qu’elle ne fait pas, – des bons de livraison sont également édités automatiquement par une borne située sur le camion avant d’être signés. Ces bons de livraison sont versés aux débats par l’employeur et malgré la médiocrité des copies, il est indiqué que les quantités livrées à la société SOBECA étaient de 6 000 litres de GNR et 12 000 litres de gazole, soit exactement à la commande du client qui a d’ailleurs signé et apposé le tampon de sa société à la fin du document. Il est plus que surprenant qu’une partie seulement de la quantité livrée ait été vidée dans une mauvaise cuve, – la lettre de licenciement indique que la cuve de gasoil comportait 16 100 litres à l’issue de la livraison litigieuse. Or le camion comporte 5 cuves (1 cuve de 5 000 litres, 2 cuves de 4 000 litres, une cuve de 3 000 litres et une cuve de 2 000 litres). La commande étant de 6 000 litres de GNR et 12 000 litres de gazole, il n’était pas possible de remplir le camion de diverses manières. Pour livrer 6 000 litres de GNR, il était uniquement possible de remplir les cuves n°2 ou 3 et la cuve n° 5. L’hypothèse de l’employeur développée dans ses dernières conclusions ne résiste pas à l’analyse car s’il avait interverti les cuves n°2 et n°3 et déversé le mauvais produit dans les cuves du client, les deux cuves du client aurait nécessairement été impactées or, la société a toujours affirmé qu’une seule cuve avait été polluée. Ce n’est qu’en cours de procédure qu’elle a suggéré que deux cuves avaient été polluées, – la société PIRETTI a en réalité préféré retenir l’hypothèse d’une erreur de sa part afin de licencier un salarié qui avait refusé une rupture conventionnelle, – il résulte du contrat type de transport routier en citerne que les opérations de déchargement sont réalisées en présence et sous le contrôle du client, l’ouverture et la fermeture des vannes de l’installation incombent au client, la décision de transfert du produit se fait sous la seule responsabilité du client et la responsabilité de la sécurité de l’installation et de son bon fonctionnement incombe au client (pièce n°6). Le client qui a signé les bons de livraisons indiquant le type de carburant et le volume livré engage nécessairement sa responsabilité et la société PIRETTI ne saurait être tenue pour responsable d’une carence imputable à son client ni reprocher à son salarié une telle carence, – la société PIRETTI a expressément indiqué à la société SOBECA qu’elle allait procéder au déclassement du combustible contenu dans la cuve en GNR. Or un tel déclassement nécessite de procéder à des déclarations obligatoires auprès des douanes que la société omet de produire alors qu’ils permettraient de justifier l’existence d’une pollution de la cuve de son client, et conclut que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, à tout le moins parce que disproportionné eu égard à ce seul fait, d’autant plus qu’il disposait d’une ancienneté de plus de 18 ans. Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l’employeur indique et produit les éléments suivants : s’agissant du défaut de mention de l’année pour le fait du ‘2 mars’ : – la convocation est datée du 4 mars 2021 pour un entretien fixé au 16 suivant, de sorte qu’il ne peut exister aucun doute sur le fait qu’il s’agisse de faits reprochés au cours du mois de la convocation et de l’entretien préalable, donc nécessairement de la même année sans quoi le salarié n’aurait pas manqué d’invoquer leur prescription, ce qu’il n’a jamais fait. En outre, celui-ci indique lui-même dans ses conclusions que les faits reprochés sont du 2 mars 2021. s’agissant des faits du 2 mars 2021 : – les bons de livraison de 6 000 litres de GNR et de 12 000 litres de gazole à la société SOBECA à cette date sont signés par M. [B] et il est fait mention de l’immatriculation de son camion (pièce n°14 et 15), – pour livrer au client 6 000 litres de GNR et 12 000 litres de gazole, il fallait remplir une cuve de 4 000 litres et une autre de 2 000 litres de GNR, puis trois cuves respectivement de 5 000, 4 000 et 3 000 litres de gazole. Il devait avoir dans son camion deux cuves de 4 000 litres de produits, l’une devant être remplie de GNR et vidée dans la cuve GNR du client, l’autre contenant 4 000 litres de gazole devant être vidée dans la cuve de gazole du client. M. [B] a donc en réalité vidé dans la citerne du client contenant le gazole une des deux cuves de 4 000 litres contenant le GNR au lieu de vider celle qui contenaient le gazole. Cette erreur ne peut intervenir que de deux façons : soit au moment du chargement des produits dans les cuves au dépôt primaire en confondant l’identification du produit sur les cuves, soit au moment du déchargement en vidant la mauvaise cuve dans la mauvaise citerne. Afin que le chauffeur livreur sache quel produit se trouve dans quelle cuve de son camion, le nom du produit ainsi qu’un code couleur sont présents sur la cuve, – s’agissant de la demande de produire un « ticket de chargement » à la borne, il n’est pas reproché à M. [B] de ne pas avoir chargé la bonne quantité de GNR et la bonne quantité de gazole dans son camion mais d’avoir, au moment du déchargement, inversé les deux cuves de 4 000 litres et versé celle contenant du GNR dans la cuve de gazole du client, – le terme « pollution » d’une cuve ne s’entend que de celle de gazole dans laquelle se trouve du GNR. La cuve de GNR qui contiendrait par erreur du gazole n’est quant à elle pas ‘polluée’, le produit restant utilisable et vendable avec simplement un manque à gagner puisque le gazole, plus cher, est revendu au prix du GNR, moins cher, – pour obtenir 16 100 litres de gazole pollué chez le client, cela signifie que M. [B] a vidé une cuve de 5 000 litres et une cuve de 3 000 litres de gazole dans la cuve de la société SOBECA qui en contenait déjà 4 100 puisqu’un client n’attend pas de ne plus avoir de produit pour passer commande. En ajoutant les 4 000 litres de GNR, on obtenait ainsi 16 100 litres pollués, – la présence ou non du client lors de l’opération de livraison ne dédouane pas le préposé de ses erreurs. En l’occurrence le client était bien présent. Le contrat type de livraison qu’il produit ne lui est pas opposable et même si tel était le cas, il ne s’agissait pas en l’occurrence d’un problème d’installation mais d’une erreur du chauffeur lui-même, – la cour tentera en vain de comprendre en quoi les explications de M. [B] sur le ‘déclassement’ de produit soumis à déclarations en douane viendraient excuser ou anéantir les conséquences de son erreur. Le GNR est un produit moins taxé que le gazole et ne doit être utilisé que dans les machines industrielles ou agricoles. La société PIRETTI a donc perdu les taxes réglées sur le gazole qu’elle a fourni (donc acheté) sans récupération possible, – un préposé de la société PIRETTI a pompé l’ensemble de ce mélange dans la citerne ainsi qu’il résulte du bon de livraison du 5 mars 2021 (pièce n°16) et la société a du à nouveau livrer 15 998 litres de gazole pur (pièce n°17, 18 et 19), – un préjudice financier en a découlé pour environ 12 000 euros (pièces n°35, 36), – le salarié a suivi toutes les formations appropriées, dont certaines sont régulières et obligatoires, notamment sur les procédures de livraison (pièce n°20 à 23), – plusieurs mois avant ces faits, M. [B] avait déjà commis la même négligence. Si ce fait ancien, qui n’a fait l’objet d’une sanction, ne peut pas motiver un licenciement, il explique simplement que le salarié a multiplié les mêmes négligences (pièces n°2 à 4), – le 24 août 2017, il a déjà fait l’objet d’un avertissement pour non-respect des consignes de travail (pièce n°1) et sur les six derniers mois, plusieurs mises en garde et rappels des instructions lui ont été adressés, – ces négligences et l’erreur flagrante commise par M. [B] s’expliquent par la circonstance que ce dernier est très régulièrement inattentif dans son travail. L’ayant remarqué plusieurs mois auparavant, il lui avait été proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail et ce n’est pas parce qu’il l’a refusée que le licenciement est survenu par la suite, – son inattention et la circonstance qu’il n’était pas systématiquement attentif lors des opérations de chargement et déchargement, ont fait l’objet d’alertes auprès de la direction par d’autres salariés de la société, raison pour laquelle il a été demandé à un huissier de Justice d’examiner le contenu des bandes de vidéo surveillance du site. Il en résulte que le 24 février 2021, lors d’une opération de déchargement, M. [B] s’est rendu dans sa cabine pour s’y asseoir pendant 23 minutes, en ressort deux minutes puis y retourne plusieurs fois. Or le document ‘aide-mémoire du chauffeur livreur’ remis à chaque conducteur indique que l’opérateur doit rester impérativement le plus près possible du pistolet ou du camion en cas de livraison gravitaire et ne pas se laisser distraire (pièce n°8), – la déclaration du système de vidéo-surveillance en préfecture n’est obligatoire que pour les établissements recevant du public, ce qui n’est pas le cas de l’entreprise PIRETTI. En outre, la société spécialisée dans l’installation de ce type de dispositif a établi une attestation de conformité à la réglementation et une information des salariés a eu lieu par voie d’affichage (pièce n°12 et 13). Par ailleurs, la société qui a installé le système atteste que les images s’enregistrent les unes par-dessus les autres au bout de 30 jours, de sorte qu’il n’est plus possible d’extraire des images vieilles de plus de 30 jours mais cela n’interdit pas d’extraire des images lorsqu’elles ont moins de 30 jours, et dans ce cas de les conserver, ce qui a été fait en l’espèce. En tout état de cause M. [B] n’a pas été licencié pour ne pas avoir respecté la procédure de déchargement le 24 février 2021 de sorte que ses développements relatifs au système de vidéosurveillance sont hors sujet comme celle du conseil de prud’hommes, – la cour fera application de la jurisprudence récente de la cour de cassation relative à l’admission des système de vidéosurveillance comme moyen de preuve s’agissant du non respect de l’interdiction de fumer : – pendant la durée de la mise à pied conservatoire, la société PIRETTI s’est rendue compte que la cabine du camion de M. [B] était remplie de mégots de cigarettes et de briquets au mépris des consignes interdisant au chauffeur livreur de produits pétroliers de fumer. Or l’interdiction de fumer est au contraire une règle élémentaire du chauffeur livreur de produits pétroliers et M. [Y], gérant, conteste fermement avoir reconnu au cours de l’entretien que cela était permis. Cette interdiction est rappelée, dans l’aide-mémoire du chauffeur livreur remis à chaque conducteur à l’occasion des formations qu’il suit (pièces n°8, 20 à 25) et figure également dans le règlement européen régissant le transport de matières dangereuses (pièce n°9) ainsi que dans l’arrêté transport matières dangereuses et dans les récapitulatifs divers et variés tels que la fiche prévention du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Sarthe (pièce n°11). En premier lieu, si dans la lettre de licenciement le grief afférent à l’erreur de livraison reprochée au salarié n’est effectivement pas précisément daté, l’année n’étant pas mentionnée, il ressort des termes même de cette lettre et des pièces produites, en particulier le courrier électronique de la société SOBECA qui relate l’incident dans son ensemble, qu’il s’agit du 2 mars 2021, ce que M. [B] indiquait d’ailleurs lui-même dès la page 4 de sa requête initiale du 18 mai 2021. Il s’en déduit que nonobstant la motivation retenue par le premier juge, la date de ce fait n’est en réalité pas discutée. S’agissant du premier grief allégué, il ressort des pièces produites, et plus particulièrement des bons de livraison signé par le salarié lui-même, que le 2 mars 2021 M. [B] a procédé à une livraison de plusieurs types de carburant auprès de la société SOBECA. Il est également établi que le 5 mars suivant, la société PIRETTI est intervenue au sein de cette société pour procéder à une opération de pompage de GNR à hauteur de 16 274 litres et à une nouvelle livraison de ce carburant spécifique à hauteur de 15 998 litres (pièces n°16 et 17). La raison de ces deux opérations successives résulte d’un courrier électronique de la société SOBECA du 5 mars 2021 dans lequel le gérant du parc matériel de cette société fait le récit d’un incident survenu à la suite d’une livraison effectuée le 2 mars précédent. Il indique en effet que le 3 mars un de ses salariés a constaté lors du remplissage d’un réservoir que ‘le carburant sortant du pistolet était de couleur orangé/rouge’ et qu’après analyse par la société PIRETTI faite le jour même, celui-ci s’est avéré être un mélange de gasoil et de GNR en lieu et place de gasoil pur (pièce n°18 et 19). Néanmoins, peu important les longs développements que les parties consacrent dans leurs conclusions respectives sur les calculs de contenance du camion utilisé, les différents scénarios d’erreurs envisageables, que ce soit lors du chargement ou de la livraison, les périmètres de responsabilité du client et du livreur, la déclaration en douanes du produit vicié ou encore les supputations de M. [B] sur la prétendue véritable raison de son licenciement, lesquelles ne sont en tout état de cause corroborées par aucun élément, la cour relève avec le salarié que la société PIRETTI ne justifie pas du moindre élément de nature à confirmer que l’échantillon de gasoil prélevé chez le client le 4 mars contenait effectivement du GNR. Par ailleurs, il ressort du courrier électronique de la société SOBECA du 5 mars 2021 qu’elle n’a elle-même procédé à aucune analyse, le doute quant à la nature du produit se limitant au constat de sa couleur orangé/rouge, et l’indication de la présence de GNR dans sa cuve de gasoil n’est qu’une reprise de l’affirmation en ce sens de la société PIRETTI dans une lettre datée de la veille (pièce n°19). En définitive, faute pour l’employeur d’établir que l’échantillon de gasoil qu’il a prélevé le 4 mars 2021, dont l’existence est confirmée par sa présentation au salarié lors de l’entretien préalable (pièce n°32), contenait effectivement du GNR, seul élément de nature à établir formellement une erreur de livraison de la part du chauffeur, un doute demeure qui doit profiter au salarié. Il s’en déduit que le grief n’est pas fondé. S’agissant du second grief relatif au défaut de vigilance, en l’absence d’attestations de leur part, l’affirmation selon laquelle ‘vos collègues nous ont rapporté que vous étiez très souvent occupé sur votre téléphone portable au lieu d’être attentif à votre travail’ n’est pas confirmée. En revanche, il ressort de la pièce n°7 de l’employeur relative à l’examen par un huissier de Justice des bandes de vidéo-surveillance de l’entreprise que le 24 février 2021, alors que M. [B] procédait au chargement de son camion dans la zone de dépotage de l’entreprise, celui-ci a mis en place un tuyau et ouvert les vannes avant de quitter les lieux pour s’installer dans la cabine de son camion où il s’est enfermé pendant près de 20 minutes, puis en est ressorti quelques minutes avant d’y retourner à plusieurs reprises. Si M. [B] conteste la validité de cette preuve, il convient de rappeler que dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En l’espèce, dès lors que le camion se trouve dans une zone isolée à l’extérieur de l’entreprise, le recours à la vidéo-surveillance est indispensable pour s’assurer du respect des règles de sécurité tant au bénéfice de l’employeur que du salarié. A cet égard, l’argument du salarié selon lequel cette preuve illicite ne serait pas indispensable puisque les autres salariés que l’employeur évoque pouvaient attester est inopérant, le fait unique relevé le 24 février 2021 n’étant pas l’usage de son téléphone comme le prétendraient ses collègues mais un défaut de surveillance lors de l’opération de dépotage. Par ailleurs, l’atteinte aux droits du salarié est proportionnée en raison de l’obligation qui pèse sur l’employeur de prévenir les risques liés à son activité, a fortiori s’agissant d’une société de commerce de carburants, donc dangereux. Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le bien fondé des griefs que M. [B] formule à l’encontre de la légalité du dispositif de vidéo surveillance mis en place par son employeur, la pièce n°7 de l’employeur ne saurait être écartée des débats. Dès lors, nonobstant le fait que les parties n’ont pas jugé utile de produire le contrat de travail du salarié, ce qui ne permet pas à la cour de déterminer la nature des éléments d’information ou consignes portés à sa connaissance, il ressort des pièces produites que la fédération française des combustible, carburants et chauffage a édité un document support intitulé ‘aide-mémoire du chauffeur livreur de produits pétroliers de la classe 1202″ dans lequel figure, au titre des consigne de sécurité applicables lors du dépotage du camion, de ‘rester impérativement le plus près possible du pistolet ou du camion en cas de livraison gravitaire et ne pas se laisser distraire’ (pièce n°8). Même s’il n’est pas démontré que ce document a été formellement porté à la connaissance de M. [B], une telle consigne relève du bon sens et participe de la responsabilité professionnelle du salarié, qui plus est lorsque comme M. [B] il justifie d’une ancienneté importante, de sorte qu’il ne saurait sérieusement soutenir qu’il en ignorait l’existence. Il s’en déduit que ce grief est fondé. Concernant le troisième grief relatif au non respect de l’interdiction de fumer, la cour relève que M. [B] admet avoir fumé dans sa cabine, se bornant à indiquer que cela ne lui était pas interdit lors des trajets à partir du moment où il se trouvait seul. En application de la réglementation applicable au transport de carburant, et plus particulièrement l’arrêté du 29 mai 2009 relatif aux transports de marchandises dangereuses par voies terrestres (dit TMD), lequel transpose l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ADR), il est explicitement interdit de fumer dans et à côté du véhicule, outre l’obligation d’éteindre le moteur, lors des opérations de chargement et déchargement de carburant. Ces textes n’abordent pas la question des temps de trajet lorsque le chauffeur se trouve dans sa cabine. Dans ces conditions, dès lors que l’employeur ne démontre pas que durant les opérations de chargement et déchargement de carburants M. [B] ne respectait pas l’interdiction qui lui est faite par la réglementation applicable de fumer, la seule découverte dans le cendrier de sa cabine ne suffit pas à caractériser le grief allégué. Il ressort des développements qui précèdent que l’employeur échoue à démontrer deux des trois griefs allégués au titre de la faute grave reprochée à M. [B]. S’agissant du fait de ne pas être resté à proximité des vannes de dépotage le 24 février 2021, la cour considère que ce fait, bien qu’unique, permet de retenir une faute imputable au salarié en ce qu’elle concerne le non-respect d’une règle de sécurité élémentaire. Par ailleurs, dès lors que M. [B] a déjà fait l’objet d’un avertissement en 2017 dont il n’a d’évidence tiré aucune conséquence puisqu’il admet lui-même n’en avoir aucun souvenir au point de demander à son employeur d’en justifier de nouveau, avertissement qu’il conteste a posteriori dans le corps de ses conclusions mais sans en demander l’annulation, et peu important qu’il conteste avoir commis une erreur de livraison en 2019, ce fait n’ayant en tout état de cause fait l’objet d’aucune sanction de la part de l’employeur, la cour considère que le fait fautif avéré ainsi démontré caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement, le jugement déféré étant infirmé sur ce point. Il s’en déduit que la demande de dommages-intérêts afférente à un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée. Au titre d’un licenciement pour une cause réelle et sérieuse, compte tenu des circonstances du licenciement, de la situation du salarié qui justifie d’une ancienneté de 18 années complètes, il lui sera alloué les sommes suivantes : – 15 135,58 euros à titre d’indemnité de licenciement, le jugement déféré étant confirmé sur ce point, – 5 675,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 567,58 euros au titre des congés payés afférents, – 1 844,90 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 184,49 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ces points. Par ailleurs, dès lors que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, il n’y a de fait pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire au titre de la procédure irrégulière. II – Sur les demandes de rappel de salaire : a) sur la demande pour le mois de mars 2021 : Au visa de l’ article L.1222-1 du code du travail et rappelant qu’il est constant qu’en dehors de toute disposition contractuelle ou conventionnelle, une prime devient un élément normal et permanent du salaire dès lors que son usage est constant, fixe et général, M. [B] soutient que dès lors qu’il n’a pas été absent de manière injustifiée au mois de février 2021 et que sa mise à pied conservatoire n’est intervenue qu’au mois de mars 2021, elle devait apparaître sur le bulletin de paye d’avril 2021 or dès le mois de mars 2021 il est fait mention d’une retenue de 1 738,55 euros pour absence non rémunérée (pièce n°9). L’employeur a donc unilatéralement décidé d’opérer une déduction sur le salaire du mois de mars correspondant aux horaires effectués au mois de février, ce qui a eu pour effet de le sanctionner financièrement à une période où justement il avait besoin d’argent en raison de la rupture de son contrat de travail. Considérant que ‘ la logique commandait de ne pas payer la période de mise à pied, pas d’en prélever la contrepartie financière sur le salaire’, le salarié soutient que l’employeur a effectué une retenue sur le salaire du mois de mars sans tenir compte de la période de mise à pied sur le salaire du mois d’avril. Il sollicite en conséquence la somme de 1 738,55 euros à titre de rappel de salaire, outre 173,85 euros de congés payés afférents. L’employeur oppose que la somme retenue sur le bulletin de salaire du mois de mars correspond précisément à la mise à pied conservatoire qui lui a été notifié sur le mois de mars, à l’exclusion de toute autre retenue et donc que cette réclamation est sans fondement. La mise à pied conservatoire suspend la rémunération du salarié. Il résulte de l’examen des bulletins de paye produits que l’employeur a procédé aux retenues induites par la mise à pied du salarié sur les mois de mars (1 738,55 euros) et avril 2021 (10635 euros), ce conformément aux dates de la mesure qui s’est appliquée du 5 mars au 1er avril. M. [B] n’est donc pas fondé à réclamer le remboursement de la somme de 1 735,55 euros retenue en mars au seul motif que selon lui ‘la logique commandait de ne pas payer la période de mise à pied, pas d’en prélever la contrepartie financière sur le salaire’. Le jugement déféré qui a rejeté cette demande sera donc confirmé. b) sur le rappel de prime annuelle : M. [B] soutient qu’en application d’un usage constant, fixe et général, il a toujours perçu, comme l’ensemble des salariés de l’entreprise, une ‘prime de bilan’ (ou « prime spéciale »), laquelle apparaît sur ses bulletins de paye depuis juillet 2010 (pièces n°7 et 8). Or l’employeur a unilatéralement décidé de ne pas lui verser cette prime 2019 et ce sans motif valable. Il sollicite en conséquence le paiement de cette prime de bilan au titre de l’année 2019, ainsi que la quote-part de cette prime en 2021, soit respectivement les sommes de 360 euros bruts et 90 euros bruts. L’employeur oppose que l’allocation de cette prime de bilan n’est pas prévue par le contrat de travail et n’est pas une obligation pour l’employeur. De la même manière, il ne résulte en rien de la loi qu’une telle prime, à caractère annuel, doit être proratisée en cas de départ en cours d’année. La rémunération, contrepartie du travail du salarié, résulte en principe du contrat de travail sous réserve, d’une part, du SMIC et, d’autre part, des avantages résultant des accords collectifs, des usages de l’entreprise ou des engagements unilatéraux de l’employeur. Lorsqu’elle est payée en exécution d’un engagement unilatéral de l’employeur, une prime constitue un élément du salaire et est obligatoire pour l’employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable. De même, le paiement d’une prime est obligatoire pour l’employeur lorsque son versement résulte d’un usage répondant à des caractère de généralité, constance et fixité. C’est à celui qui s’en prévaut qu’incombe la charge de prouver que le versement de la gratification relève d’un usage. Il lui appartient d’établir que le versement d’une prime répond aux caractères cumulatifs de généralité, de constance et de fixité. A défaut, la gratification s’analyse en effet comme une libéralité et ne présente aucun caractère obligatoire. En effet, pour qu’un usage soit reconnu, il est nécessaire que la volonté non équivoque de l’employeur de s’engager soit établie. En l’espèce, M. [B] soutient que le paiement de cette prime revêt le caractère d’un usage sur la base de ses bulletins de paye des mois de juillet sur la période de 2010 à 2020 sur lesquels apparaît, sauf en 2019, le paiement d’une ‘prime de bilan’ ou d’une ‘prime spéciale’. Nonobstant le fait que l’employeur conteste l’usage allégué, M. [B] ne démontre pas que les versements effectués répondent aux caractères de généralité, de constance et de fixité constitutifs d’un usage au sein de l’entreprise, l’affirmation selon laquelle tous les salariés percevaient ces sommes n’étant corroborée par aucun élément, aucun versement n’ayant été effectué en 2019 et les montants versés ayant successivement variés de 350, 550, 560, 700, 710, 880 euros entre 2010 et 2018, puis 360 euros en 2020. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point. III – Sur le remboursement à Pôle Emploi : Selon l’article L.1235-4 du code du travail, ‘dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L.1134-4, L.1144-3, L.1152-3, L.1153-4, L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé’. En l’espèce, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, la demande de Pôle Emploi aux fins de remboursement de la somme de 8 978,40 euros avec intérêts au taux légal de la date du jugement jusqu’au parfait paiement, sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point. IV – Sur les demandes accessoires : – Sur les intérêts au taux légal : Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a précisé que, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société PIRETTI devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 19 mai 2021, pour toutes les sommes de nature salariale, à compter du prononcé du jugement pour toute autre somme, – Sur la remise documentaire : Le jugement déféré sera infirmé sur ce point. La société PIRETTI sera condamnée à remettre à M. [B] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectifiés. – Sur les frais irrépétibles et les dépens : Le jugement déféré sera confirmé sur ces points. La société PIRETTI sera condamnée à verser à M. [B] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, Les demandes de la société PIRETTI et de Pôle Emploi au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées, La société PIRETTI succombant au principal, elle supportera les dépens d’appel. PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Dijon du 29 septembre 2022 sauf en ce qu’il a : – rejeté la demande de M. [O] [B] à titre de rappel de salaire pour les sommes prélevées sur le bulletin de salaire du mois de mars 2021, – alloué à M. [O] [B] la somme de 15 135,58 euros à titre d’indemnité de licenciement, – précisé que, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société PIRETTI devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 19 mai 2021, pour toutes les sommes de nature salariale, à compter du prononcé du jugement pour toute autre somme, – et en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, DIT n’y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°7 de la société PIRETTI, DIT que le licenciement de M. [O] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse, CONDAMNE la société PIRETTI à payer à M. [O] [B] les sommes suivantes: – 5 675,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 567,58 euros au titre des congés payés afférents, – 1 844,90 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 184,49 euros au titre des congés payés afférents, – 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, CONDAMNE la société PIRETTI à remettre à M. [O] [B] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectifiés, REJETTE la demande de M. [O] [B] à titre de rappel de prime annuelle, REJETTE la demande de Pôle Emploi au titre du remboursement des indemnités chômage, REJETTE les demandes de la société PIRETTI et de Pôle Emploi au titre de l’article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société PIRETTI aux dépens d’appel. Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier. Le greffier Le président Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION |
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