AFFAIRE : N° RG 21/01739 – N° Portalis DBVC-V-B7F-GYWN
ARRÊT N° ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG EN COTENTIN du 06 Mai 2021 RG n° 11-20-0287 COUR D’APPEL DE CAEN PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2023 APPELANTE : La S.A. COFIDIS prise en la personne de son représentant légal [Adresse 7] [Localité 4] représenté par Me Jean-michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN, assisté de Me Xavier HELAIN, avocat au barreau de LILLE INTIMÉS : Monsieur [I] [F] né le 23 Mars 1970 à [Localité 8] [Adresse 2] [Localité 3] représenté par Me France LEVASSEUR, avocat au barreau de CAEN, assisté de Me Linda ZAOUIIFERGAN avocat au barreau de PARIS La Société AGENCE NATIONALE POUR L’ECOLOGIE -A.N.E prise en la personne de Me [M] [G] ès-qualités de Mandataire-Liquidateur [Adresse 1] [Localité 5] COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. GUIGUESSON, Président de chambre, Mme VELMANS, Conseillère, Mme DELAUBIER, Conseillère, DÉBATS : A l’audience publique du 19 septembre 2023 GREFFIER : Mme COLLET ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 14 Novembre 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier EXPOSE DU LITIGE Suivant bon de commande n°0910 en date du 2 août 2017, M. [I] [F] a conclu avec la société Agence Nationale pour l’Ecologie (ci-après dénommée société ANE) un contrat ayant pour objet la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque comprenant un kit de douze panneaux photovoltaïques d’une puissance totale de 3000 wc et d’un micro-ondulateur, pour un montant global de 22 900 euros TTC ce, aux fins de produire de l’électricité à des fins domestiques et revendre le surplus à la société EDF. Pour financer cette prestation, M. [F] a souscrit le même jour auprès de la société anonyme Cofidis un contrat de crédit affecté dit ‘projexio’ d’un montant correspondant au coût de l’installation, remboursable en 144 mensualités d’un montant de 203,21 euros et une mensualité de 203,01 euros, après un différé d’amortissement de six mois, moyennant un taux d’intérêt de 3,66% (TAEG de 3,96% l’an). Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société ANE et a désigné la société MJS Partners, prise en la personne de Me [M] [G], en qualité de mandataire liquidateur. Par actes des 13 et 6 juillet 2020, M. [F] a fait assigner la société MJS Partners, prise en la personne de Me [M] [G], ès qualités de liquidateur de la société ANE, et la société Cofidis devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin aux fins de voir principalement prononcer l’annulation du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté et, compte tenu des fautes commises par l’organisme de crédit, ordonner le remboursement par la société Cofidis des sommes versées avec intérêt au taux légal. Subsidiairement, M. [F] sollicitait que soit prononcée la résolution des dits contrats outre la condamnation de la société Cofidis à lui verser la somme de 22 900 euros à titre de dommages et intérêts au regard de la négligence fautive de l’organisme. Enfin et en tout état de cause, il réclamait à l’encontre du prêteur les sommes de 5000 euros en réparation de son préjudice financier et du trouble de jouissance subi, 4000 euros au titre de son préjudice moral, 5000 euros au titre du devis de désinstallation ainsi qu’une indemnité de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par jugement du 6 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin a : – déclaré recevables les demandes présentées par M. [F] ; – prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 2 août 2017 entre d’une part la société ANE, représentée par la société MJS Partners en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire, et d’autre part, M. [F] ; – constaté la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté, conclu le 2 août 2017 entre la société Cofidis et M. [F] ; – dit que M. [F] sera dispensé de rembourser à la société Cofidis les sommes dues au titre du crédit affecté conclu le 2 août 2017 ; – condamné la société Cofidis à restituer à M. [F] les sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 2 août 2017, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ; – condamné la société Cofidis à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ; – débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance ; – débouté la société Cofidis de sa demande tendant au remboursement du capital prêté ; – débouté les parties du surplus de leurs demandes ; – condamné la société Cofidis à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – débouté la société Cofidis de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamné la société Cofidis au paiement des dépens ; – ordonné l’exécution provisoire de la décision. Pour statuer ainsi, le juge a considéré que le bon de commande signé suite à un démarchage téléphonique ne répondait pas aux exigences légales prévues par les articles L. 121-18-1, L. 121-17 et L. 111-1 du code de la consommation, relevant l’absence de précisions s’agissant des caractéristiques techniques essentielles du bien, de l’information sur le prix unitaire des panneaux commandés, de la description du système d’intégration au bâti, de la garantie de rendement de l’installation et de la revente du surplus de la production d’électricité, mais aussi le défaut d’indication du délai de livraison, l’absence d’information sur l’ampleur des travaux à accomplir et le volume de production attendu. Il a estimé que les irrégularités constatées n’avaient pas permis à M. [F] de comprendre ses engagements contractuels et les modalités d’exécution du contrat souscrit et qu’enfin, l’absence de rétractation dans le délai légal, l’acceptation sans réserve des travaux même avérée et le commencement d’exécution du contrat de prêt par le paiement de mensualités par l’emprunteur n’avaient pu avoir pour effet de couvrir les dites irrégularités affectant le bon de commande et dont il n’avait pas connaissance, de sorte qu’il y avait lieu de prononcer la nullité du contrat de vente, laquelle entraînait de plein droit la nullité du contrat de prêt accordé par la société Cofidis en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation. De surcroît, il a considéré qu’en débloquant les fonds sans procéder à la vérification de la régularité de l’opération financée mais aussi de sa complète réalisation, la société Cofidis avait commis deux fautes contractuelles justifiant que M. [F] soit dispensé de rembourser le capital emprunté au prêteur, et ce dernier condamné à rembourser à l’emprunteur l’intégralité des sommes déjà versées. Suivant déclaration en date du 10 juin 2021, la société Cofidis a relevé appel de ce jugement, intimant M. [F] et la société ANE prise en la personne de la société MJS Partners, et pour elle Me [M] [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société ANE. Cette dernière, citée à personne habilitée le 6 septembre 2021 suite à l’avis du greffe du 10 août 2021 adressé en application de l’article 902 du code de procédure civile, a reçu signification par huissier des conclusions des autres parties mais n’a pas constitué avocat. L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 juillet 2023. *** Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant (n°3) notifiées le 2 juin 2022, la société Cofidis demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de : – déclarer M. [F] irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes, fins et conclusions ; – condamner M. [F] à reprendre l’exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d’amortissement ; – condamner M. [F] à lui rembourser, en une seule fois, l’arriéré des échéances impayées depuis le jugement assorti de l’exécution provisoire au jour de l’arrêt ; A titre subsidiaire, Si la cour confirmait la nullité des conventions ou prononçait leur résolution judiciaire : – condamner M. [F] au remboursement du capital d’un montant de 22 900 euros au taux légal à compter de l’arrêt, en l’absence de faute de sa part et en l’absence de préjudice et de lien de causalité ; En toute hypothèse, – condamner M. [F] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile; – condamner M. [F] aux entiers dépens. Au soutien de son appel, la société Cofidis fait valoir que M. [F] ne rapporte pas la preuve d’un vice de consentement, étant relevé l’absence de tout engagement du vendeur concernant un prétendu rendement ou autofinancement de l’installation en cause ayant déterminé celui-ci à contracter. Elle affirme ensuite que le bon de commande est régulier en ce qu’il comporte toutes les caractéristiques essentielles du matériel imposées par le code de la consommation et apparaît en tout point conforme aux exigences de la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière. Elle souligne ainsi que les biens y sont décrits précisément avec indication de la marque et de la puissance de chaque panneau, de la marque de l’onduleur, de la puissance totale de l’installation et que le délai de livraison et le prix global à payer y sont mentionnés. Elle ajoute que, faute pour l’emprunteur de démontrer le caractère déterminant des prétendues irrégularités du bon de commande, la nullité ne peut être prononcée. Enfin, l’organisme de crédit relève que M. [F] a réitéré son consentement en toute connaissance des articles du code de la consommation relatifs notamment au démarchage à domicile et reproduits au verso du bon de commande, affirmant que l’acceptation de la livraison des marchandises, le suivi des travaux et la signature de l’attestation de livraison sans réserve par M. [F] révèlent sa volonté de poursuivre l’exécution du contrat et l’empêchent de se prévaloir de toute nullité. Par ailleurs, la société Cofidis prétend que M. [F] ne peut davantage obtenir la résolution judiciaire du contrat de vente, faute de rapporter la preuve d’une faute commise par l’installateur suffisamment grave pour la justifier, étant relevé qu’il ne produit en appel comme en premier ressort aucune preuve objective du dysfonctionnement du matériel allégué. Subsidiairement, l’organisme de crédit assure n’avoir commis aucune faute de nature à la priver de la restitution du capital prêté dans la mesure où il ne lui appartient pas de vérifier la régularité du bon de commande au-delà de sa seule régularité formelle et où, malgré le fait qu’elle ait égaré l’attestation de livraison, et à supposer qu’elle ait commis une faute, l’emprunteur ne rapporte pas la preuve d’un préjudice. Aux termes de ses dernières conclusions n°2 notifiées le 4 juillet 2022, M. [F] demande à la cour de rejeter l’appel de la société Cofidis, le dire mal fondé et, en conséquence, de : – confirmer, le cas échéant par substitution de motifs, purement et simplement le jugement entrepris en date du 6 mai 2021; A titre subsidiaire, – consacrer, à défaut d’annulation, la résolution judiciaire du bon de commande et la résolution de droit (du) contrat de crédit affecté signé par lui le 2 août 2017; – confirmer pour le surplus le jugement rendu en ses dispositions non contraires à ce dispositif ; – condamner à toute fin la société Cofidis en deniers ou quittance à restituer l’ensemble des échéances d’ores et déjà réglées par lui en principal et intérêts à hauteur de 4 605,79 euros suivant compte provisoirement arrêté au 8 janvier 2020; – condamner la société Cofidis à lui payer la somme de 366,10 euros en remboursement du constat d’huissier ; Y additant, – condamner la société Cofidis à lui verser une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner la même aux entiers dépens. M. [F] soutient que le contrat de vente encourt la nullité pour vice de consentement en application de l’article 1130 du code civil dès lors que l’autofinancement et la revente du surplus d’électricité comme plus généralement la rentabilité économique de l’opération ont été convenues contractuellement et l’ont déterminé à contracter. Il fait valoir ensuite que le bon de commande est irrégulier au regard des dispositions du code de la consommation applicables aux contrats conclus hors établissement en ce qu’il cite des textes abrogés depuis plus d’un an à la date de la signature, en ce que le bordereau de rétractation n’est pas détachable, et en ce qu’il concerne l’annulation de la commande et non l’exercice de sa faculté de rétractation. M. [F] souligne encore que la résolution du contrat de vente est aussi encourue ce, en application de l’article 1603 du code civil tant en raison du manquement de la société ANE à son obligation de délivrance conforme -raccordement de l’installation apparent mais inefficient, difficulté provenant de la liaison électrique du raccordement- qu’à son obligation de résultat dès lors que l’installation ne permet pas l’autoconsommation ni la revente effective du surplus d’énergie produite. Enfin, M. [F] estime que les fautes commises par le prêteur tenu, avant de libérer les fonds, à un contrôle général de la réalité même de l’opération et du consentement effectif de l’emprunteur, sont manifestement établies en l’espèce, en ce que la société Cofidis n’a pas vérifié la régularité du contrat au stade de la commercialisation du crédit, ne justifie pas de la libération effective des fonds au profit de la société ANE et, même à supposer ce virement effectif, n’a pas vérifié préalablement la réception effective et intégrale de l’installation en ce compris la conclusion du contrat de rachat ERDF et l’obtention d’un certificat de conformité du consuel. Pour l’exposé complet des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS I- Sur la recevabilité des demandes formées par M. [F] : Aux termes du troisième alinéa de l’article 954, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Le premier juge a écarté les fins de non-recevoir soulevées par la société Cofidis d’une part, au titre du défaut de production du bon de commande et des conditions générales et d’autre part, au titre du défaut de déclaration de créance à la procédure collective de la société ANE. En premier lieu, il a considéré à juste titre que le défaut de production allégué, même établi, ne constituait pas une fin de non-recevoir mais tout au plus une justification du rejet des demandes. En second lieu, il a relevé avec raison au visa de l’article L. 622-21 I du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire en vertu de l’article L. 641-3 du même code, que l’action de M. [F] qui ne tendait ni à la condamnation de la société ANE au paiement d’une somme d’argent ni à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ne contrevenait nullement à l’interdiction prévue à ces articles, de sorte que même si M. [F] ne justifiait d’aucune déclaration de créances entre les mains du liquidateur judiciaire, il ne saurait être déclaré irrecevable à agir contre ce dernier ni par voie de conséquence contre le prêteur en application de l’article L. 312-55 du code de la consommation. En cause d’appel et malgré la demande présentée par la société Cofidis aux fins de voir déclarer à titre principal M. [F] irrecevable en ses demandes, la cour constate que le prêteur n’invoque aucun moyen dans la partie discussion de ses conclusions au soutien de ces fins de non-recevoir. En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef. II-Sur la nullité du contrat principal conclu avec la société ANE : II-1) Sur les irrégularités affectant le contrat : Les dispositions du code de la consommation qui sont applicables au contrat principal, conclu le 2 août 2017, sont celles issues de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, en vigueur à compter du 1er juillet 2016. Si la société Cofidis remet en doute nouvellement en cause d’appel la réalité du démarchage téléphonique ayant précédé la conclusion du contrat entre la société ANE et M. [F], c’est uniquement pour contester l’erreur alléguée par le client et l’entrée dans le champ contractuel d’une prétendue promesse relative au rendement ou à l’autofinancement de l’installation. En revanche, l’organisme prêteur ne critique pas l’application au cas d’espèce des dispositions du code de la consommation applicables aux contrats conclus hors établissement, et prévues en particulier aux articles L. 221-9 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au jour de la souscription du contrat litigieux le 2 août 2017. Au demeurant, il sera relevé que le bon de commande mentionne expressément qu’il a été signé à Formanville, lieu du domicile de M. [F] alors qu’il n’est nullement prétendu que la société ANE dont le siège se situe à [Localité 6] disposait d’un lieu de vente ou d’un établissement au lieu de la conclusion du contrat. Enfin, le bon de commande rappelle au verso ‘la réglementation applicable aux commandes ‘hors établissement’, et différents extraits du code de la consommation s’y rapportant. En conséquence, le présent contrat conclu entre M. [F] et la société ANE sera considéré soumis aux dispositions du code de la consommation applicables aux contrats conclus hors établissement. Il résulte des articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation que le contrat conclu hors établissement doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5 et comprendre, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : – les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ; – le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ; – en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; – les informations relatives à son identité à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ; – la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ; – lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État (annexe de l’article R. 221-1 du code de la consommation). Aux termes de l’article L. 242-1 du même code, ces dispositions, d’ordre public en vertu de l’article L. 111-8, sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement et ce, indépendamment de toute considération sur la bonne ou la mauvaise foi du consommateur. En cause d’appel et pour conclure à l’irrégularité du bon de commande, M. [F] ne reprend plus les divers moyens soulevés en première instance quant à l’absence de désignation précise de la nature et les caractéristiques des marchandises et des services proposés, et le défaut d’indication des conditions d’exécution du contrat et des délais de mise en oeuvre. En revanche, il fait valoir à juste titre que le verso du bon de commande et en particulier le formulaire de rétractation se réfèrent à des articles du code de la consommation, tels que l’article L. 121-1, dans une version qui n’était plus en vigueur à la date de la conclusion du contrat, empêchant ainsi celui-ci de vérifier l’exactitude des informations reproduites et la portée de ses droits en particulier s’agissant de son droit de rétractation. Cette irrégularité est d’autant plus préjudiciable que la présentation et les mentions du bordereau de rétractation ne sont pas conformes aux articles R. 221-1 et R.221-3 du code de la consommation auxquels renvoie l’article L. 221-5 du même code. Intitulé ‘annulation de la commande’, le formulaire est ainsi libellé : ‘Je soussigné(e)…déclare annuler la commande ci-après…’. Or, l’annulation d’une commande emporte des effets distincts de ceux attachés au seul exercice du droit de rétractation. Ainsi, l’article 7 du même contrat stipule que ‘le client s’engage à payer en cas d’annulation de sa part entre la fin du délai de rétractation et la livraison un dédit égal à 30% du prix TTC avec un minimum de 1200 euros’ alors que le consommateur qui exerce son droit de rétractation, ne supporte aucune pénalité. L’emploi réitéré du terme ‘annulation’ aux lieu et place du vocable ‘rétractation’ sur le formulaire destiné à l’exercice du droit de rétractation apparaît donc à l’évidence source de confusion pour le client et de nature à restreindre le libre exercice de ce droit. De surcroît, le même formulaire, matérialisé par un encadrement en pointillés débutant par le dessin du paire de ciseaux, comporte au recto les signatures du bon de commande attribuées tant au commercial de la société ANE qu’à M. [F] de sorte qu’il ne peut être facilement détaché du bon de commande. En effet, son découpage a pour effet d’amputer le contrat de son élément essentiel -scellant la rencontre de volonté des parties- élément que le consommateur a intérêt à conserver, ne serait-ce que dans un but probatoire. Cette irrégularité était donc de nature à dissuader le consommateur d’user de sa faculté de rétractation. Enfin, il sera relevé que le contrat ne mentionne pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, et encore moins les coordonnées, exigées par l’article R. 111-1, du ou des médiateurs compétents. Au regard de l’ensemble de ces irrégularités, qui contreviennent aux dispositions protectrices du consommateur précitées, la nullité, relative, du contrat principal est encourue. II-2) Sur le moyen tiré de la confirmation du contrat principal : En application de l’article 1182 alinéa 3 du code civil, l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. Il en résulte que la renonciation à se prévaloir de la nullité d’un acte suppose la connaissance du vice qui l’affecte. En l’espèce, il ne ressort nullement des débats que cette condition, ‘la connaissance par M. [F] de la cause de nullité’ soit remplie. Notamment, s’agissant des irrégularités présentées par le formulaire de rétractation, la référence dans le contrat à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, qui n’était alors plus applicable, et à une numérotation en conséquence erronée des articles du code de la consommation, n’était pas de nature à permettre à un consommateur profane en matière juridique tel que M. [F], de prendre connaissance précisément et utilement des vices résultant de l’inobservation des dispositions de ce code, ce qui suppose un accès au code de la consommation et la maîtrise d’un système de renvois complexe entre les textes. C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l’acceptation de la livraison et de la réalisation des travaux à son domicile, même avérés, comme le commencement d’exécution du contrat de crédit par le paiement de mensualités ne pouvaient être considérés comme manifestant sans équivoque l’intention de M. [F] de couvrir les irrégularités affectant le bon de commande dont il n’est pas établi et dont il ne peut être présumé qu’il avait connaissance. Le contrat principal n’ayant pu, dans ces conditions, être confirmé, le premier juge sera donc approuvé en ce qu’il a prononcé sa nullité et le jugement confirmé de ce chef mais ce, par substitution de motifs. III- Sur les conséquences de la nullité du contrat principal sur le contrat de prêt : III-1) Sur la nullité du contrat de crédit affecté : Pour financer l’opération litigieuse, M. [F] a souscrit auprès la société Cofidis un contrat de crédit affecté, suivant offre préalable acceptée le 2 août 2017. Le contrat est par suite soumis aux dispositions des articles L. 312-44 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour de sa conclusion. Aux termes de l’article L. 312-55 du même code, le contrat de crédit affecté est ‘résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé’. En application de ces dispositions et au regard de l’annulation du contrat conclu par acceptation du bon de commande du 2 août 2017, le contrat de crédit affecté au financement de l’opération doit également être annulé de plein droit. Le jugement sera confirmé de ce chef. III-2) Sur la faute de la société Cofidis : Il est constant que l’annulation d’un contrat de crédit en conséquence de l’annulation du contrat qu’il finançait emporte en principe pour l’emprunteur l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté. Néanmoins, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. En l’espèce, la société Cofidis, débitrice vis-à-vis de M. [F] de l’obligation de s’assurer de la régularité formelle du contrat principal avant de libérer les fonds, ne justifie pas s’être acquittée de cette obligation au regard des vices du contrat, particulièrement visibles, qui viennent d’être constatés alors que le formulaire de rétractation ne présentait pas même l’apparence de régularité. En effet, les irrégularités affectant le bon de commande ressortent d’une simple comparaison entre les mentions prescrites par le code de la consommation et celles effectivement portées sur le bon de commande. Elles pouvaient être décelées au moyen d’un contrôle purement formel de l’acte, soit un contrôle qui ne requiert pas d’expertise juridique particulière et qui demeure à la portée d’un établissement bancaire normalement prudent et diligent. En outre, le contrat de prêt étant un contrat synallagmatique qui suppose la remise des fonds par le prêteur et l’obligation de remboursement de l’emprunteur n’étant que la contrepartie de cette remise, il appartient au prêteur de justifier de ce versement. Or, la société Cofidis est défaillante à rapporter la preuve du déblocage des fonds auprès de la société ANE le 26 octobre 2017 tel que prétendu, conditionnant l’obligation de remboursement. Au demeurant, elle n’établit pas avoir reçu un quelconque ordre de déblocage de la part de M. [F] à cette fin. Enfin, la société Cofidis ne justifie pas davantage s’être assurée de la complète exécution de la convention avant le versement des fonds même à considérer celui-ci effectif. À cet égard, elle est dans l’incapacité de produire le procès-verbal de réception qu’elle prétend avoir égaré alors que M. [F] soutient ne jamais avoir signé un tel document en l’absence d’achèvement de l’installation. Ce dernier précise en effet que le raccordement de l’installation, intervenu seulement en juillet 2018 ce, après réclamation de sa part, est inefficient dès lors qu’il n’a jamais obtenu le certificat de conformité délivré par le consuel ni la conclusion du contrat de rachat par EDF de l’énergie produite. Or, le bon de commande stipule expressément en particulier ‘la revente du surplus’ et prévoit que ‘la société ANE s’engage à accomplir toutes les démarches administratives relatives à votre dossier et vous accompagne jusqu’à l’obtention de votre contrat d’achat avec EDF, à savoir : déclaration préalable à la mairie, demande de raccordement auprès d’ERDF, règlement des frais de raccordement auprès de ERDF, obtention de l’attestation consuel.’ De surcroît, M. [F] produit le mandat spécial de représentation signé le 2 août 2017 avec la société ANE par lequel cette dernière s’est engagée au nom de son client notamment à ‘effectuer toutes les démarches administratives relatives à la réalisation d’une installation de panneaux photovoltaïques auprès de la mairie concernée pour la déclaration préalable de travaux mais aussi de l’ERDF (…) pour le raccordement du ou des sites dont il est le maître d’ouvrage et toutes démarches nécessaires à cette opération, notamment pour la vente de l’électricité produite et de tout autre organisme concerné par la gestion, la production, le transport, la vente ou l’achat d’électricité.’ Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la société Cofidis, qui ne s’est pas assurée, comme elle y était tenue, de la régularité formelle du contrat principal et de sa complète exécution par le prestataire, a commis plusieurs fautes de nature à la priver en tout ou partie de sa créance de restitution. III-3) Sur le préjudice de M. [F] : M. [F] a subi divers préjudices en lien avec les fautes relevées à l’encontre de la société Cofidis. En premier lieu, il doit être considéré que les irrégularités formelles ci-dessus mises en évidence et non relevées par l’organisme de crédit, bien que tenu à une obligation de contrôle, ont été de nature à restreindre l’exercice par M. [F] de son droit de rétractation. De surcroît, M. [F] aura à subir les conséquences attachées de plein droit à la nullité du contrat principal ce, alors que la société ANE est placée en liquidation judiciaire. Or, la vérification de la régularité du contrat conclu hors établissement aurait permis à l’organisme de crédit de constater les nombreuses irrégularités et causes de nullité du contrat principal au moment de conclure un crédit affecté dont la caractéristique première est son interdépendance avec le contrat principal. En second lieu, le premier juge a relevé que l’installation ne fonctionnait pas et ne permettait pas de revendre une quelconque production d’énergie, observant à ce titre l’absence de communication d’un quelconque contrat de rachat d’électricité, ou de justificatif de démarches accomplies auprès du consuel, du raccordement de l’onduleur au compteur pendant ou après le passage d’ERDF, concluant par suite à l’absence de fonctionnement régulier de l’installation. Ces justificatifs ne sont pas davantage produits en cause d’appel. Au surplus, les échanges de mails de M [F] avec la société Enphase Energy révèlent un problème de liaison électrique sur le système empêchant la communication avec les douze micro-ondulateurs de marque Enphase commandés et posés et plus généralement, attestent que le client n’a pas été enregistré chez Emphase par son installateur. Le procès-verbal d’huissier réalisé le 9 décembre 2021 versé aux débats et soumis au respect du contradictoire, met en évidence l’existence d’un premier panneau vrillé, d’une légère cassure dans la pente au niveau de la partie supérieure de la première rangée de panneaux depuis le bas, et l’absence de communication de la société Emphase avec les micro-ondulateurs, deux rapports reçus de la société Emphase établissant par ailleurs l’absence de production d’électricité des panneaux solaires pour la période sollicitée. Compte tenu du mandat donné à l’installateur, ‘seul interlocuteur de la mairie du lieu de l’installation, de l’ERDF ou équivalents pour toutes les étapes de la mise en place et du raccordement de l’installation et unique destinataire des documents relatifs au déroulement de l’opération de raccordement’, M. [F] n’est pas en mesure de verser aux débats des éléments supplémentaires et la société Cofidis est elle-même dans l’incapacité de démontrer qu’il a été procédé à l’exécution complète de l’installation commandée en ce compris la réalisation des démarches à laquelle s’était engagée la société ANE afin de permettre la production et la revente d’électricité telles que prévues contractuellement. Le défaut de contrôle de la bonne et complète exécution des travaux de pose et de raccordement avant tout déblocage des fonds présente un lien évident avec le préjudice subi par M. [F] qui ne bénéficie pas d’une installation efficiente et conforme à l’objet du contrat principal. L’emprunteur justifiant par conséquent avoir subi un préjudice en lien avec les fautes de la société Cofidis, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la société Cofidis tendant au remboursement du capital prêté, dispensé M. [F] de rembourser à la société Cofidis les sommes dues au titre du crédit affecté et condamné l’organisme prêteur à lui restituer les sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution dudit crédit. En revanche, M. [F] ne justifie pas du préjudice moral dont il sollicite réparation au regard de ‘l’anormalité de la situation génératrice pour lui d’anxiété’ ce, en l’absence de toute pièce versée pour étayer ses dires. En conséquence, sa demande de dommages et intérêt formée à ce titre sera rejetée et le jugement infirmé de ce chef. Par ailleurs, le coût du constat d’huissier que M. [F] a dû régler pour établir ses droits sera pris en compte au titre de la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, il sera observé que M. [F] n’a pas relevé appel incident du jugement en ses dispositions ayant rejeté ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance, et qu’en l’absence de toute demande formée par la société Cofidis sur ce point, le jugement sera considéré définitif de ce chef. IV- Sur les autres demandes : Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile. Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel par M. [F] et de condamner la société Cofidis au paiement de la somme de 1 500 euros sur ce fondement. La société Cofidis, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel. PAR CES MOTIFS : La cour, Statuant dans les limites de sa saisine, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Cofidis à payer à M. [I] [F] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ; Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant, Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par M. [I] [F] au titre du préjudice moral ; Rejette la demande présentée par la société Cofidis au titre de ses frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Cofidis à payer à M.[I] [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Cofidis aux dépens de la procédure d’appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT M. COLLET G. GUIGUESSON
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