Fichier des personnes recherchées : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01618

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14 septembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01618

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/01618 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UPOV

N° de Minute : 1629

Ordonnance du mercredi 14 septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [E] [I]

né le 03 Octobre 1984 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Olivier CARDON, avocat au barreau de LILLE, avocat choisi et de M. [B] [C] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour

INTIMÉ

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

M. le procureur général : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d’appel de Douai désignee par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Aurélie DI DIO, Greffière

DÉBATS : à l’audience publique du mercredi 14 septembre 2022 à 13 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mercredi 14 septembre 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’ordonnance rendue le 09 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [E] [I] ;

Vu l’appel interjeté par Maître [S] [X] venant au soutien des intérêts de M. [E] [I] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 12 septembre 2022 ;

Vu l’audition des parties ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 06 septembre 2022 à 14h30, les fonctionnaires de police de [Localité 3] procédaient au contrôle d’identité, effectué au visa de l’article 78-2 al 9 du code de procédure pénale, de 5 personnes [Adresse 4], dont M. [E] [I].

Ne disposant pas de documents attestant de son droit à circuler ou à séjourner sur le territoire national, M. [E] [I] a fait l’objet d’une mesure de retenue.

Les fonctionnaires ont décidé de passer les individus au fichier des personnes recherchées et ont constaté que M. [E] [I] faisait l’objet d’une fiche de recherche pour interdiction administrative de retour en date du 7 décembre 2021.

M. [E] [I], né 1e 03 Octobre 1984 à TIZI OUZOU de nationalité Algérienne, a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Nord le 07/09/2022 à 10h40 pour l’exécution d’un éloignement vers le pays de nationalité au titre d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de 30 jours prononcée le 7 décembre 2021.

‘Vu l’article 455 du code de procédure civile

‘Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 09/09/2022, ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 28 jours.

‘Vu la déclaration d’appel du 12/09/2022 à 18h33 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative

Au titre de sa déclaration d’appel M. [E] [I] reprend les moyens soulevés devant le juge des libertés et de la détention à savoir :

-L’insuffisance de motivation de l’acte administratif

-L’absence de notification régulière de la mesure d’éloignement

-Une erreur de fait

-Une violation de l’article 8 de la CESDH

-Une violation de l’article 3-1 de la CIDE

-Une erreur manifeste d’appréciation au titre des garanties de représentation

-Une consultation irrégulière des fichiers de données personnelles.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d’éloignement de l’étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l’étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu’à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l’administration pour l’exécution de l’expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

a) Sur le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’acte administratif

L’obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l’acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l’intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n’est pas tenue de reprendre l’ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l’intéressé dès lors qu’elle contient des motifs spécifiques à l’étranger sur lesquels l’autorité préfectorale a appuyé sa décision.

De même, il ne ressort pas de l’article L 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, imposant la prise en compte de l’état de vulnérabilité ou de famille de l’étranger dans l’appréciation par l’autorité administrative du placement en rétention, que le préfet soit tenu d’une motivation spéciale sur la vulnérabilité de l’étranger, le contrôle de cette obligation relevant de la légalité interne de l’acte de placement.

En l’espèce l’arrêté de placement en rétention administrative est motivé, et non stéréotypé, et reprend les éléments indiqués par l’étranger dans son audition par les services de police en date du 6 juillet 2022, il indique notamment que M. [E] [I] s’est vu notifier son obligation de quitter le territoire par voie postale le 30 décembre 2021 ; qu’il a déclaré être en concubinage avec Mme [N] [H] compatriote demandeur d’asile, cette dernière faisant également l’objet d’une mesure d’éloignement en date du 7 décembre 2021 ; qu’il est précisé qu’il a trois enfants à charge et que la cellule familiale peut se reconstituer hors du territoire national avec les enfants.

Il est par ailleurs indiqué que M. [E] [I] est hébergé au sein d’un logement d’urgence fourni par le SAMU SOCIAL à l’hôtel première Classe de lezennes, ce qui ne saurait valoir une résidence effective et permanente.

Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n’est pas tenu de motiver sa décision sur l’ensemble des critères de personnalité de l’étranger dès lors qu’il s’appuie sur des motifs suffisants pour justifier l’inanité du recours à l’assignation à résidence.

Le moyen est donc inopérant

b) Sur l’absence de notification régulière de la mesure d’éloignement

Au terme de l’article L 741-1 du CESEDA, le Préfet ne peut placer en rétention un étranger que pour mettre à exécution une mesure d’éloignement régulièrement notifiée.

L’éventuelle irrégularité de la notification d’un acte administratif n’est pas de nature à remettre en cause la validité de cet acte. La notification n’ayant d’effet que sur la computation du délai de recours contentieux à l’encontre dudit acte.

Dès lors même s’il n’a pas été correctement notifié l’acte d’éloignement demeure, jusqu’à ce que la juridiction administrative en décide autrement,  une base légale valable de l’acte de placement en rétention.

En l’espèce, l’obligation de quitter le territoire français a été pris le 7 décembre 2021, il y a donc moins d’un an, et figure en procédure la notification de l’obligation de quitter le territoire français par courrier recommandé du 27 décembre 2021 avec avis de réception non réclamé à l’adresse de [Adresse 1], soit un centre d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Il s’agit à l’évidence de l’adresse qu’il a déclarée lors de sa demande de délivrance de titre de séjour en 2020, demande rejetée le 21 avril par l’OFPRA, décision confirmée le 31 août 2021 par la CNDA que celle édictant l’obligation de quitter Ie territoire français. L’absence de notification à sa nouvelle adresse permet tout au plus d’exercer encore un recours administratif mais n’affecte pas la validité du placement en rétention administratif.

Le moyen sera donc rejeté.

c) Sur l’erreur de fait et l’erreur d’appréciation des garanties de représentation

La décision de placement en rétention par l’autorité préfectorale doit reposer sur plusieurs critères légaux ainsi que sur des éléments de faits matériellement exacts.

En l’espèce, sur le procès-verbal de contrôle versé à la procédure il est indiqué que M. [I] [E] présente son passeport que l’on retrouve au sein des documents transmis. Lors de son audition par les services de police le 6 juillet 2022, il est mentionné :

« SUR LA NON REMISE DE SON PASSEPORT ou DE PIECES D’IDENTITE

— « Où se trouvent vos documents d’identité (passeport, pièce d’identité)  »’—

—Réponse : «J’ai mon passeport avec moi  »—

—Question : « Concernant la non remise de votre passeport, votre objectif est-il d’empêcher la mise en ‘uvre d’une mesure d’éloignement  »’—

—Réponse : «Non  »—

Il est donc avéré que M. [E] [I] était en possession d’un passeport en cours de validité, ce que la motivation de l’arrêté ne reprend pas de manière exacte. Nonobstant cet élément, il apparaît que M. [E] [I] a bien été mis en mesure de présenter des observations préalables, qu’il a été procédé a un examen de sa situation, l’autorité administrative ayant retenue que M. [E] [I] déclarait être en concubinage avec sa compagne Mme [N] [H] compatriote demandeur d’asile, cette dernière faisant également l’objet d’une mesure d’éloignement ; qu’il est précisé qu’il a trois enfants à charge et que la cellule familiale peut se reconstituer hors du territoire national avec les enfants, qu’il n’est pas dépourvu d’attaches en Algerie, son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de 35 ans, et où résident ses parents et frères et soeurs, qu’il était en France depuis 2019.

S’il est par ailleurs indiqué que M. [E] [I] est hébergé au sein d’un logement d’urgence fourni par le SAMU SOCIAL à l’hôtel première Classe de lezennes, l’administration n’a pas opéré de vérification pour connaître depuis quelle date il y était hébergé avec sa famille, alors même que M. [E] [I] produit une attestation du SAMU SOCIAL indiquant qu’il y est hébergé depuis janvier 2022, dès lors l’administration a commis une erreur d’appréciation sur l’hébergement qui en l’espèce constitue une résidence effective et permanente.

Par conséquent, l’autorité administrative a bien commis une erreur de fait et une erreur d’appréciation des garanties de représentation.

En conséquence la décision déférée sera infirmée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l’appel recevable ;

INFIRME l’ordonnance entreprise.

Statuant à nouveau ;

REJETTE la demande de prolongation de la mesure de rétention de M. [I] [E] ;

LEVE la mesure administrative de M. [I] [E] ;

RAPELLE qu’il doit quitter le territoire national.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative.

Aurélie DI DIO, Greffière

Danielle THEBAUD, conseillère

N° RG 22/01618 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UPOV

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE 1629 DU 14 Septembre 2022 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le mercredi 14 septembre 2022 :

– M. [E] [I]

– l’interprète

– l’avocat de M. [E] [I]

– l’avocat de M. LE PREFET DU NORD

– décision notifiée à M. [E] [I] le mercredi 14 septembre 2022

– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Olivier CARDON le mercredi 14 septembre 2022

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général :

– copie à l’escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le mercredi 14 septembre 2022

N° RG 22/01618 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UPOV

 

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