Télétravail : remboursement des frais du salarié sous conditions

Notez ce point juridique

Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle le travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

En l’espèce, une salariée, à compter de la fermeture de l’agence de son employeur (éditeur) a travaillé depuis son domicile, notamment a participé aux conférences de rédaction et a réalisé ses interviews au moyen d’un ordinateur fourni par l’employeur. Ainsi, la salariée n’effectuait pas un travail ‘nomade’ uniquement de terrain mais un travail qui pouvait être exécuté dans les locaux de l’employeur.

Ainsi, la salariée est en droit d’invoquer les dispositions relatives au télétravail et notamment celles de l’article L.1222-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qui prévoient que l’employeur doit prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment les coûts des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils de maintenance de ceux-ci.

Toutefois, pour obtenir le remboursement de ses frais, la salariée doit justifier de ses dépenses (preuve défaillante en l’espèce). Par ailleurs, cette action en remboursement est soumise à la prescription biennale de l’action relative au paiement des frais professionnels dès lors que les dépenses engagées dans le cadre du télétravail sont considérées comme des frais professionnels.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

N° 2022/176

Rôle N° RG 19/15793 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAGJ

Q R

S T

V Y liquidateur de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS

C/

U X

Association AGS CGEA DE MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section E – en date du 02 Octobre 2019, enregistré au répertoire général sous le n° F18/00970.

APPELANTS

L a S E L A S J F A J , r e p r é s e n t é e M a î t r e J o h a n n a F A B R E a g i s s a n t e n s a q u a l i t é d e co-administrateur judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, demeurant […]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE V-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE

La SELARL T & ASSOCIES, représentée par Maître S T agissant en sa qualité de co-administrateur judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, demeurant […]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE V-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître V Y agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, suivant jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 13 Juillet 2020, demeurant […]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE V-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire, Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame U X, demeurant […]

représentée par Me Claudie HUBERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Samy ARAISSIA, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Association AGS CGEA DE MARSEILLE, demeurant […]

représentée par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 Janvier 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

Signé par Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller, pour le Président empêché et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame U X a été engagée par la SA SEILPCA suivant contrat de travail à durée déterminée du 12 mai 1999 en qualité de rédacteur remplaçant. La relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée.

A compter du 1er avril 2015, Madame X a occupé les fonctions de rédactrice 2ème échelon, statut cadre, indice 136.5.

Par jugement du 24 novembre 2014, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire et par jugement du 15 avril 2015, il a ordonné la cession de la SA SEILPCA au profit de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS. Le contrat de travail de Madame X a été repris par la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS.

A compter du 1er novembre 2016, Madame X a occupé les fonctions de rédacteur 3ème échelon, indice 130.

Madame X était titulaire d’un mandat de déléguée du personnel.

Le 12 février 2018, Madame X a été sanctionnée disciplinairement par un blâme.

Madame X a été en arrêt de travail à compter du 29 janvier 2018.

Au terme de la visite de reprise du 2 mai 2018, le médecin du travail a conclu qu’aucune reprise n’était envisageable à ce jour et a renvoyé la salariée devant son médecin traitant afin de prescrire un arrêt de travail.

Précédemment, par jugement du 28 novembre 2016, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS.

Un plan de sauvegarde de 1’emploi a été initié et par ordonnance du 3 avril 2018, le juge commissaire a autorisé les administrateurs judiciaires à effectuer les licenciements pour motif économique de 39 salariés.

Madame X étant concernée par la mesure de licenciement, les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, par courrier du 25 avril 2018, ont saisi l’inspection du travail d’une demande d’autorisation de licenciement. Le 30 mai 2018, l’inspection du travail a autorisé le licenciement de Madame X et par courrier du 1er juin 2018, celle-ci a été licenciée pour motif économique.

Par requête du 15 mai 2018, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de demandes de dommages-intérêts au titre d’un harcèlement moral et d’un manquement par l’employeur à ses obligations contractuelles ainsi que de demandes de rappels de salaire, de primes, d’indemnités de transport, d’indemnité de licenciement, de remboursement de frais et de congés payés.

Par jugement de départage du 2 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a :

– rejeté l’exception de prescription.

– fixé le salaire de référence à la somme de 2.749,73 € bruts.

– condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS à payer à Madame X les sommes suivantes:

* 5.626,10 € bruts à titre des minima conventionnels applicables

* 562,61 € bruts d’incidence congés payés

* 468,84 € bruts à titre de rappel sur 13ème mois

* 46,88 € d’incidence congés payés

* 4.604,61 € bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté

* 460,46 € au titre de congés payés y afférents

* 2. 375,95 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement

* 1.061,64 € à titre de rappel sur la prime de transport

* 1.149,44 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés

* 5.000 € de dommages-intérêts au titre d’un harcèlement moral

* 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS :

* à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure.

* à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux.

– dit que le CGEA devra garantir les sommes allouées, hormis celles allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, et ce dans les limites de ses plafonds.

– rappelé que cette garantie est subsidiaire.

– rejeté toute autre demande.

– précise que :

* les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

* les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.

* le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux.

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision.

– condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS aux dépens.

Maître Q R et Maître T, en qualité de commissaires à l’exécution du plan, administrateurs judiciaires de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, Maître V Y, en qualité de mandataire judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS et la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS ont interjeté appel du jugement prud’homal.

La SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 13 juillet 2020 et Maître V Y a été désigné en qualité de mandataire liquidateur, la SELARL T & ASSOCIES et la SELAS JFAJ, co-administrateurs judiciaires, ayant pour mission de représenter le débiteur durant le maintien de l’activité.

Maître V Y ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, la SELARL T & ASSOCIES, représentée par Maître S T, prise en sa qualité de co-administrateur judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, et la SELAS JFAJ, représentée par Maître Q R, prise en sa qualité de co-administrateur judiciaire, demandent à la Cour, aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2021, de :

– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté l’exception de prescription, fixé le salaire de référence à la somme de 2.749,73 € bruts, condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS à payer à Madame X les sommes suivantes :

* 5.626,10 € bruts à titre des minima conventionnels applicables

* 562,61 € bruts d’incidence congés payés

* 468,84 € bruts à titre de rappel sur 13e mois

* 46,88 € d’incidence congés payés

* 4.604,61 € bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté

* 460,46 € au titre de congés payés y afférents

* 2. 375,95 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement

* 1.061,64 € à titre de rappel sur la prime de transport

* 1.149,44 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés

* 5.000 € de dommages-intérêts au titre d’un harcèlement moral

* 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS :

* à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifié.

* à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux.

Dit que le CGEA devra garantir les sommes allouées, hormis celles allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, et ce dans les limites de ses plafonds.

Rappelé que cette garantie est subsidiaire.

Rejeté toute autre demande.

Précise que :

* les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

* les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.

* le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux.

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision.

Condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS aux dépens.

Statuant à nouveau,

– juger que l’ensemble des demandes de mai 2015 à avril 2016 sont prescrites en application de la prescription biennale.

– juger que les salariés ont accepté une grille indiciaire salariale suivant accord collectif signé par les organisations syndicales.

– juger que seule la commission arbitrale des journalistes est compétente pour se prononcer sur le montant de l’indemnité légale de licenciement d’un salarié ayant plus de 15 ans d’ancienneté.

– se déclarer incompétente pour se prononcer sur le complément d’indemnité de licenciement sollicité par Madame X.

– débouter Madame X de ses demandes de rappel de salaire, de rappel au titre de 13ème mois, de rappel de prime d’ancienneté, de rappel sur indemnité de licenciement, de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés afférents, de ses demandes au titre de non-respect des obligations contractuelles et de ses demandes au titre du harcèlement moral.

– juger que doivent être fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS les sommes suivantes :

* 560,31 € au titre des indemnités de transport pour la période de mai 2016 à mai 2018

* 558,13 € au titre du rappel de congés payés pour la période de mai 2016 à mai 2018

– à titre subsidiaire et si la Cour venait à reconnaître le non-respect des rappels de primes d’ancienneté, juger que le rappel des primes d’ancienneté est fixé à la somme de 4.173,80 €, outre les congés payés y afférents.

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS la somme de 4.173,80 € au titre du rappel des primes d’ancienneté et les congés payés y afférents.

– en tout état de cause, débouter Madame X du surplus de ses demandes.

– condamner Madame X au paiement d’une somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 juillet 2021, Madame X demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille – formation départage – du 2 octobre 2019, en ce qu’il a :

* rejeté la prescription soulevée par la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS.

* dit et jugé que l’employeur n’a pas respecté les minima conventionnels.

* dit et jugé que l’employeur n’a pas respecté la législation des congés payés.

En conséquence,

* fixé la créance de Madame X aux sommes suivantes :

* 5.626.10 € bruts au titre du rappel de salaire, outre les congés payés incidents, soit la somme de 562.61€.

* 468.84 € bruts au titre du 13ème mois outre les congés incidents, soit la somme de 46.88 €.

* 4604.61 € bruts au titre du rappel des primes d’ancienneté outre les congés incidents, soit la somme de 460.46 €.

* 2.375.95 € bruts au titre du rappel de l’indemnité de licenciement.

* 1. 061.64 € bruts au titre de l’indemnité de transport.

* 1.149.44 € bruts au titre des congés payés.

* ordonné la délivrance des bulletins de salaire et de l’attestation Pôle emploi conformes au jugement à intervenir.

* condamné la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS à une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* dit et jugé que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en adoptant une attitude de harcèlement moral.

– à titre subsidiaire, fixer le montant de la somme due au titre de l’indemnité de transport à la somme de 707.76 € bruts.

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a :

* débouté Madame X de sa demande d’indemnisation au titre du télétravail.

*débouté Madame X de sa demande de dommages-intérêts au titre des manquements contractuels.

* fixer la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Et statuant de nouveau de ces chefs :

– fixer la créance de Madame X à la somme de 10.000 € nets de CSG et de CRDS au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

– dire et juger que Madame X a accompli ses fonctions dans le cadre du télétravail nomade, pour la période du 1er mai 2015 jusqu’à la rupture de son contrat de travail.

– fixer la créance de Madame X à la somme de 5.481.39 € correspondant aux frais occasionnés dans le cadre du télétravail.

– à titre subsidiaire, fixer le montant de la somme due au titre des frais occasionnés dans le cadre du télétravail à la somme de 3.633,31 €.

– fixer la créance de Madame X à la somme de 5.000 € nets de CSG et de CRDS au titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations contractuelles.

– débouter la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

– condamner la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

– dire et juger l’arrêt à intervenir commun et opposable à Maître V Y, la SCP T et la SELAS JFAJ, ès-qualités et aux AGS-CGEA.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2021, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Marseille demande à la cour de :

– vu la mise en cause de l’AGS/CGEA par Madame X sur le fondement de l’article L.625-1 du code de commerce,

– vu les articles L. 3253-6 à L.3253-21 du code du travail régissant le régime de garantie des salaires

– vu l’article L. 624-4 du code de commerce

– donner acte au concluant de ce qu’il s’en rapporte sur le fond à l’argumentation développée par Maître Y en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, employeur de Madame X.

– réformer la décision attaquée pour les chefs de condamnation critiqués.

– en tout état, rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d’être allouées à la salariée.

– débouter Madame X de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en tout état, déclarer le montant des sommes allouées inopposable à l’AGS CGEA.

– en tout état, constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Madame X selon les dispositions des articles L.3253 -6 à L.3253-21 et D.3253-1 à D. 3253-6 du code du travail.

– dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail , limitées au plafond de garantie applicable en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale ou d’origine conventionnelle imposées par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts.

– dire et juger que les créances fixées seront payables sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-20 du code du travail.

– dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du code de commerce.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire minimum conventionnel

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS rappellent que lors de la cession du journal LA MARSEILLAISE aux EDITIONS DES FÉDÉRÉS, l’ensemble des salariés et des organisations syndicales ont approuvé à l’unanimité cette reprise et ont été particulièrement informés des difficultés du journal. Le 4 août 2016 a été signé un accord d’entreprise au titre d’une nouvelle grille indiciaire qui prévoyait, à compter du 30 novembre 2016, le maintien du salaire brut ainsi que le point à 14,9752 (puis au 1er décembre 2017 à 16,00 € et le 1er janvier 2019 à 17,06 €) de sorte qu’au 1er novembre 2016, le salaire de Mme X a été fixé à 2.238,87 € avec les primes d’ancienneté dans la profession et dans l’entreprise, puis à 2.392 € au 1er janvier 2018. Ainsi, l’ensemble des organisations syndicales et des salariés, dont Madame X qui était déléguée du personnel, ont accepté de ne pas faire une stricte application des minima conventionnels, rappelant que les accords sur la classification issus de la convention collective des journalistes n’ont pas fait l’objet d’un arrêté d’extension de sorte qu’il est possible d’y déroger.

Madame X, invoquant l’article 22 de la convention collective des journalistes et la stipulation qui prévoit que tout traitement inférieur aux dispositions que prévoient la présente convention et ses annexes sera considéré comme nul de plein droit, conclut qu’elle a perçu un salaire inférieur aux minima conventionnels prévus et réclame à titre de rappel, par confirmation du jugement, la somme de 5.626,10 €. Madame X fait également valoir que l’accord d’entreprise conclu le 4 août 2016 ne peut exonérer l’employeur du rappel de salaire dû pour la période antérieure sollicitée ; que l’accord de branche à un caractère impératif qui s’impose aux entreprises qui ne peuvent y déroger d’une manière moins favorable et ce conformément aux article L.2251-1 et L.2253-1 du code du travail; que l’accord d’entreprise du 4 août 2016 comporte des dispositions moins favorables aux salariés en matière de salaire ; qu’il ne peut être soutenu que l’ensemble des salariés ont accepté de ne pas faire une stricte application des minima conventionnels dès lors qu’aucun accord transactionnel n’a été conclu ; que l’employeur est membre de l’organisation signataire de l’avenant sur les salaires (l’UPR qui résulte de la fusion du syndicat SPQR et du syndicat SPQD) qu’elle invoque et, si une convention ou un accord de branche n’est pas étendu, celui-ci s’applique aux employeurs compris dans leur champ d’application et qui sont signataires ou membres d’une organisation signataire à la convention, selon l’article L.2262-1 du code du travail.

Le CGEA-AGS s’en rapporte à l’argumentation de l’employeur.

* * *

En matière de salaires minima hiérarchiques, les stipulations de la convention de branche prévalent sur la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date de leur entrée en vigueur, sauf lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Or, en l’espèce, l’accord d’entreprise du 4 août 2016, invoqué par les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, comporte des dispositions moins favorables aux salariés en matière de minima salariaux.

Par ailleurs, l’application des minima conventionnels est d’ordre public et la salariée n’aurait pu accepter de renoncer à ses droits nés de dispositions d’ordre public.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS reconnaissent que l’employeur est membre du syndicat de la presse quotidienne régionale, signataire de l’avenant à la convention collective de sorte que, même en l’absence d’arrêté d’extension, les dispositions conventionnelles s’imposaient à lui et il ne pouvait y déroger dans un sens moins favorable aux salariés.

En conséquence, les calculs de Madame X, tels qu’elle les expose dans ses conclusions, sont conformes aux dispositions conventionnelles et il convient de lui accorder, par confirmation du jugement, la somme brute de 5.626,10 € de rappel de salaire au titre des minima conventionnels, outre la somme de 562,61 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de la prime d’ancienneté

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS concluent que les primes d’ancienneté ont été versées suite aux accords concernant les salaires et ont été fixées, non pas sur les minima conventionnels, mais sur le salaire minimal accepté selon la valeur du point d’indice fixé à 16 €, en application de l’accord salarial signé. Il serait tout à fait possible de déroger à ces impératifs et si la cour venait à reconnaître que les accords d’entreprise ne peuvent déroger au bloc numéro 1 concernant les salaires minima hiérarchiques, il en est autrement concernant les primes.

A titre subsidiaire, les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS soutiennent que les montants sollicités ne sont pas justifiés et que le total du rappel serait de 4.173,81 €, outre les congés payés afférents.

Invoquant l’article 32 de la convention collective et le non-respect par l’employeur du salaire minimum conventionnel qui implique un calcul des primes nécessairement erroné, Madame X réclame, par confirmation du jugement, un rappel de prime d’ancienneté dans la profession et une prime d’ancienneté dans l’entreprise, non payées de mai 2015 à mai 2018, soit la somme de 4.604,25 €, outre les congés payés afférents.

* * *

Dès lors que la prime d’ancienneté est calculée par majoration des barèmes minima des traitements et que, pour les motifs ci-dessus exposés, il ne peut être dérogé par un accord d’entreprise moins favorable aux dispositions conventionnelles, la demande de Madame X est fondée en son principe et en son montant. Il convient donc d’accorder à Madame X, par confirmation du jugement, la somme de 4.604,61 €, outre la somme de 460,46 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du 13ème mois

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS font valoir que le 13ème mois a été dûment réglé à Madame X et celle-ci ne donne aucune explication sur le fait que le rappel sollicité doit être majoré de 1/12 sur la somme de 5.626,10 € qui n’est pas justifiée.

Invoquant l’article 25 de la convention collective, Madame X sollicite une majoration de 1/12éme au titre du 13 ème mois, soit 5.626.10 € /12 = 468.84 €, la somme de 5.626.10 € correspondant au montant du rappel de salaire conventionnel sollicité. Elle prétend qu’aucun texte ne prévoit la possibilité de déroger au calcul de la prime qui, selon les dispositions conventionnelles, se calcule selon un pourcentage appliqué sur la base salariale.

* * *

Dès lors que le rappel de salaire conventionnel a été accordé à Madame X, celle-ci est également en droit de solliciter un rappel de prime de 13ème mois sur la base du rappel de salaire, soit 1/12ème de la somme de 5.626,10 €, soit la somme de 468,84 €, outre la somme de 46,88 € au titre de congés payés afférents.

Sur la demande au titre des congés payés

Alors que les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS soulèvent la prescription de l’action en paiement pour la période de juin 2014 à mai 2016, sur le fondement de l’article L.1471-1 du code du travail (prescription biennale) et en l’état d’une saisine du conseil de prud’hommes du 15 mai 2018, Madame X soutient que les règles de prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail ont vocation à s’appliquer.

Le paiement des indemnités de congés payés est soumis aux règles applicables au paiement des salaires de sorte que la prescription de trois ans de l’article L.3245-1 du code du travail s’applique. A ce titre, la prescription débute à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris. Ainsi, la saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 15 mai 2018, l’action en paiement d’une indemnité de congés payés n’est pas prescrite concernant les congés payés qui auraient pu être pris depuis mai 2015, correspondant à la période d’acquisition N-1, à compter du 1er juin 2014.

* * *

Madame X fait valoir que l’employeur n’a pas respecté la législation sur les congés payés; que les bulletins de salaire indiquent que le nombre de jours de congés payés obtenus est inférieur à 30 jours ouvrables et qu’elle n’a pas été en mesure de solder l’intégralité de ses congés payés.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS concluent que, sur la base d’un salaire de référence de 2.392 €, le montant du rappel de congés payés est de 558,13 €.

* * *

Au vu des bulletins de salaire, la demande de Madame X est fondée pour le montant suivant :

– pour la période du 1er juin 2014 au 31 mai 2015 : 25.50 jours de congés payés acquis au lieu de 30 jours, soit un rappel de 4.5 jours sur la base d’une rémunération de 2.066.65 € et d’un taux de 95.38 €, soit 95.38 x 4.5 jours = 429.21 €.

– pour la période du 1er juin 2015 au 31 mai 2016 : 26,50 jours de congés payés acquis au lieu de 30 jours, soit un rappel de 3,5 jours sur la base d’une rémunération de 2.066.65 € et d’un taux de 95.38 €

, soit 95.38 x 3,5 jours = 333,83 €.

– pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 : Madame X reconnaît que le mandataire liquidateur a réglé l’intégralité des congés payés dus.

– pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 : 26.50 jours de congés payés acquis au lieu de 30 jours, soit un rappel de 3,5 jours sur la base du taux de 110,40 € retenu par le mandataire liquidateur, soit 110,40 x 3.5 jours = 386,40 €.

Soit la somme totale de 1.149,44 €.

Sur la demande de remboursement des frais occasionnés au titre du télétravail nomade Madame X soutient avoir exercé ses fonctions en télétravail depuis 2015 en tant que journaliste nomade; que l’employeur lui a imposé ce télétravail sans conclure d’avenant au contrat de travail; que l’employeur ne lui a jamais remboursé les frais générés par ce télétravail en dépit de ses nombreuses réclamations.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS font valoir que l’agence d’Aix-en-Provence au sein de laquelle Madame X travaillait, a été fermée ; que de ce fait, comme l’ensemble des autres salariés concernés, elle a travaillé directement chez elle ; que Madame X a parfaitement accepté cette situation et a refusé de venir travailler tous les jours à Marseille ; qu’ il ne peut ainsi être reproché à l’employeur le défaut de signature d’un avenant au contrat de travail ; que le télétravail exclut le salarié dont le travail, par nature, ne s’exerce que sur le terrain et qu’il ne pourrait pas effectuer de manière sédentaire dans l’entreprise ; qu’il est faux de soutenir que Madame X serait devenue de fait cadre nomade travaillant en télétravail.

* * *

Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle le travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

En l’espèce, Madame X verse les attestations de Monsieur Z, de Madame A, de Monsieur B, de Monsieur C et de Madame F-AC, non contestées par les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, qui indiquent qu’ à compter de la fermeture de l’agence d’Aix-en-Provence, Madame X a travaillé depuis son domicile, notamment a participé aux conférences de rédaction et a réalisé ses interviews au moyen d’un ordinateur fourni par l’employeur.

Ainsi, Madame X n’effectuait pas un travail ‘nomade’ uniquement de terrain mais un travail qui pouvait être exécuté dans les locaux de l’employeur, ce qui avait été bien le cas avant 2015, lorsque Madame X a travaillé dans les locaux de l’agence d’Aix-en-Provence.

Ainsi, Madame X peut invoquer les dispositions relatives au télétravail et notamment celles de l’article L.1222-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qui prévoient que l’employeur doit prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment les coûts des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils de maintenance de ceux-ci.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS soulèvent à juste titre la prescription biennale de l’action relative au paiement des frais professionnels dès lors que les dépenses engagées dans le cadre du télétravail sont considérées comme des frais professionnels. Ainsi, la demande de Madame X est prescrite pour la période antérieure au 15 juin 2016.

Madame X sollicite le remboursement de frais exposés au titre de l’occupation des lieux, des charges (électricité, chauffage, eau) et des frais de connexion.

Cependant, Madame X produit une attestation de Monsieur D – qui déclare héberger Madame X à son domicile en contrepartie d’une participation mensuelle de 500

€ – mais qui ne respecte pas les conditions de forme exigées par l’article 202 du code de procédure civile. Les autres pièces produites par Madame X ne permettent pas de corroborer les déclarations de Monsieur D puisque sont versés les relevés du compte bancaire de ce dernier dont il ne ressort pas le paiement d’une participation fixe de la part de Madame X dans les termes allégués. Madame X ne produit pas ses propres relevés de compte bancaire qui mentionneraient des débits mensuels réguliers de sommes au profit de Monsieur D, sachant que l’ensemble des factures produites sont au nom de ce dernier.

Dans ces conditions, Madame X n’établit pas qu’elle a effectivement supporté des frais découlant directement de l’exercice du télétravail.

Sa demande sera donc rejetée.

Sur la demande au titre de l’indemnité de transport

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS invoquent également la prescription biennale de l’action en paiement. Elle reconnaît que, n’ayant versé que la somme de 3,51 € par mois à ce titre, la somme de 29,49 € est due compte tenu du montant de l’indemnité de transport prévu par la convention collective mais rappelle que Madame X a été en arrêt maladie depuis le 29 janvier 2018 et a été en congés payés, de sorte qu’elle reconnaît, après déduction ces périodes, devoir la somme de 560,31 €.

Madame X, qui sollicite la somme de 1.061,64 €, invoque la prescription triennale, rappelle que l’indemnité de 3,51 € a été payée par l’employeur, y compris pendant les périodes où elle a été en arrêt maladie de sorte que celui-ci s’était engagé à maintenir son salaire pendant lesdites périodes. Subsidiairement, si la Cour retenait l’application de la prescription de deux ans, elle demande la somme de 707,76 €.

* * *

L’indemnité de transport constituant un remboursement de frais professionnels et non un complément de salaire, l’action en paiement d’un rappel à ce titre est soumise à la prescription de deux ans de l’article L.1471-1 du code du travail.

Par ailleurs, il ressort des bulletins de salaire que la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS a versé, chaque mois, une indemnité de transport, y compris lorsque Madame X était en arrêt de travail pour cause de maladie ou en congés payés de sorte que, ayant manifesté sa volonté de maintenir le salaire de la salariée à ce titre, les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS ne sauraient solliciter la déduction des sommes dues pendant lesdites périodes. Ainsi, la demande de Madame X est fondée pour la somme de 707,76 €.

Sur la demande de rappel au titre de l’indemnité de licenciement

Alors que Madame X sollicite un rappel d’indemnité de licenciement, dans la limite de 15 mois prévue par le convention collective, sur la base du salaire conventionnel qui lui est dû, les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS concluent que seule la commission arbitrale est compétente pour statuer sur l’octroi et sur le montant de l’indemnité de licenciement aux journalistes ayant plus de 15 ans d’ancienneté et que l’indemnité de licenciement a été correctement calculée sur la base du salaire perçu par la salariée au titre de l’accord d’entreprise.

* * *

Dès lors que Madame X sollicite l’application des dispositions de la convention collective dans la limite de 15 mois de salaire et que la demande de rappel de salaire minimum conventionnelle a été accueillie, la demande de la salariée consiste uniquement en la fixation d’un rappel d’indemnité de licenciement qui en découle. La juridiction prud’homale est donc parfaitement compétente pour statuer sur cette demande justifiée, selon les calculs de la salariée, pour la somme de 2.375,95 €.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquements aux obligations contractuelles

Madame X soutient que la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui l’a placée dans une situation de précarité puisqu’elle a perçu une rémunération moindre que celle normalement due et ce qui justifie l’octroi de la somme de 5.000 € de dommages-intérêts.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS concluent que Madame X n’a jamais contesté les grilles indiciaires qui ont été validées par les représentants syndicaux, dont Madame X elle-même qui était déléguée du personnel et que Madame X ne justifie pas de la faute de l’employeur ni du préjudice qu’elle prétend avoir subi.

* * *

Celui qui réclame l’indemnisation d’un manquement doit prouver cumulativement l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

S’il est établi par les énonciations du présent arrêt que la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS a bien manqué à ses obligations contractuelles et conventionnelles, force est de constater que Madame X, qui procède par affirmation, ne rapporte pas la preuve d’un préjudice résultant directement pour elle de ces manquements. Dans ces conditions, la demande sera rejetée.

Sur le harcèlement moral

Il sera rappelé que le harcèlement moral par référence à l’article L.1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l’article L.1154-1, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié présente des éléments de fait, appréciés dans leur ensemble, laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Madame X présente les éléments de fait suivants :

– elle a été exposée à un climat délétère qui a eu des conséquences sur son état de santé, dès la cession de la SA SEILPCA au profit de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS et la nomination de Madame E au poste de chef d’édition en 2015, le climat devenant particulièrement anxiogène.

– Madame E, sans raison aucune, a dénigré son travail, n’a pas hésité à la mettre à l’écart, a adopté une attitude méprisante, saluant régulièrement l’ensemble du personnel, sauf elle.

– elle a fait l’objet d’une sanction (blâme) totalement injustifiée et illégale.

Madame X produit les pièces suivantes :

– un mail de Madame E qu’elle a reçu par erreur, le 26 avril 2018, qui indique, à propos des conditions de sa reprise après son arrêt de travail : ‘Du coup cela lui donne-t-il droit à deux jours de RTT’ Si oui, on les lui file. Je veux pas la voir’.

– l’attestation de Madame F qui atteste : ‘Madame E s’adressait souvent à elle en dernier. Madame X était obligée de dire ‘Je suis là W’, elle répondait ‘Oh pardon je t’ai oublié’. Quand U X présentait des sujets, il fallait qu’elle le justifie plus longuement que d’autres, et elle avait moins de place que d’autres sujets moins importants ou moins intéressants. On sentait aussi souvent des moqueries quand elle parlait’.

– l’attestation de Monsieur G qui indique : ‘Dans différents contextes de travail, tels que réunions et communications avec d’autres cadres de la rédaction du journal La Marseillaise, ainsi que durant des rendez-vous syndicaux, W E a, a plusieurs reprises, eu des propos méprisants et rabaissant à l’égard de U X. Ceci passait aussi par des attitudes non-verbales qui actaient la désobligeance de la supérieure hiérarchique à l’égard de son subalterne’.

– l’attestation de Monsieur H qui indique : ‘Journaliste à la Marseillaise à Avignon, j’étais chaque matin depuis avril 2017 en réunion téléphonique avec la rédaction à Marseille, ainsi que Madame U X elle-même. C’est ainsi que j’ai été le témoin auditif de la manière dont cette dernière était traitée par la responsable W E : Sarcasmes, réflexions déplacées et demandes de travail en surplus étaient par exemple monnaie courante’.

– la sanction disciplinaire (blâme) qui lui a été infligée le 12 février 2018 pour le motif suivant :

‘Suite à un article paru le 09 janvier 2018, intitulé ‘j’espère un repreneur’, nous vous avons convoquée pour un entretien préalable d une éventuelle sanction.

Lors de l’entretien, vous avez pu exposer les conditions de réalisation de cet article (commande, condition de l’entretien, restitution, contrainte de lignage, procédure de relecture…).

Cependant il s’est avéré qu’à plusieurs reprises, en amont de cet entretien, vous avez reconnu avoir été en difficulté quant à la réalisation de ce papier, eu égard aux propos extrêmement durs à l’encontre du journal, tenus par l’interviewé, sans en avoir référé à l’un de vos supérieurs hiérarchiques.

Vous avez admis en outre et en conséquence de cette difficulté ‘avoir brodé’ dans votre article.

Interrogée sur ces propos lors de l’entretien, vous avez nié les avoir tenus.

Toutefois, ces derniers ont été confirmés par plusieurs personnes et tenus lors d’au moins deux discussions’.

– des attestations de Monsieur I, de Madame J, de Monsieur K, de Madame L et de Monsieur M, député interviewé par Madame X, qui font état de son professionnalisme.

– des arrêts de travail à compter du 30 janvier 2018 pour un état anxiodépressif réactionnel.

Madame X présente ainsi des éléments de fait qui, appréciés dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS font valoir que :

– Madame X avait, sur sa seule volonté, publié un article sans qu’il ne soit validé par le rédacteur en chef et par ses responsables hiérarchiques. C’est au regard de cette situation que Madame X faisait l’objet d’un blâme le 12 février 2018, ces faits constituant une défaillance dans l’accomplissement de la tâche prévue dans son travail. Madame X après l’entretien avait reconnu avoir brodé cet article. Madame N et Madame E, ses responsables hiérarchiques, ainsi que Monsieur O, rédacteur en chef, ont également fait l’objet d’un blâme pour ces faits. Il ne s’agissait donc pas d’une mesure discriminatoire et ce blâme a été retiré car l’inspecteur du travail a précisé qu’en absence de règlement intérieur mentionnant la possibilité de délivrer un blâme, cette sanction ne pouvait être infligée.

– le courrier électronique de Madame E confirme la prise des RTT par la salariée et ce seul élément ne saurait être considéré comme un acte de harcèlement moral, ce dernier datant exclusivement du 26 avril 2018, soit plus deux mois après l’arrêt maladie de Mme X.

– les attestations de Madame F, qui couvrait le secteur de Martigues, de Monsieur G, qui travaillait à Marseille, et de Monsieur H, qui couvrait le secteur d’Avignon, sont sujettes à contestation d’autant que Monsieur G est en contentieux avec son employeur.

– le syndrome anxiodépressif subi par Madame X a été relevé par le Docteur P, médecin généraliste de AA AB, et ne caractérise pas en lui-même un acte de harcèlement moral.

– aucune systématisation d’un comportement répétitif à l’encontre de Madame X n’a été relevée.

– Madame X n’a subi aucune dégradation de ses conditions de travail ni d’atteinte à sa dignité ou à sa carrière.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS produisent la lettre du 9 avril 2018 qui informe Madame X de ce que le blâme est retiré.

* * *

Il résulte de ces éléments que les attestations produites par la salariée sont précises quant aux faits décrits et quant aux circonstances dans lesquelles les attestants en ont été témoins. Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, qui procèdent par affirmation, ne démontrent pas que ces témoins n’auraient effectivement pas été témoins des faits qu’ils rapportent. D’autant que l’attitude de Madame E, telle qu’elle est décrite par ces derniers, est confirmée par le mail du 26 avril 2018 qui comporte des propos dégradants et inappropriés, dénotant le peu de considération de Madame E à l’égard de Madame X.

De plus, les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS ne produisent aucun des éléments que l’employeur avait retenus pour décider d’infliger à Madame X un blâme qu’il a été d’ailleurs contraint de retirer, sur la demande de l’inspecteur du travail, compte tenu de son illégalité.

Les faits ainsi relevés constituent bien des agissements répétés et ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée, qui ont porté atteinte à sa dignité et qui ont altéré sa santé physique ou mentale, dans les conditions attestées par les arrêts de travail produits.

Les représentants de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS échouent ainsi à démontrer que les faits présentés par Madame X sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est établi.

Compte tenu des circonstances du harcèlement moral subi, de sa durée et des conséquences dommageables qu’il a eues pour Madame X, telles qu’elles ressortent des pièces médicales produites, le préjudice en résultant pour elle a justement été apprécié par les premiers juges. Le jugement est confirmé à cet égard.

Si l’AGS conclut à sa mise hors de cause, déniant sa garantie relativement à une créance qu’il considère être née postérieurement à la date de l’ouverture de la procédure collective, à défaut de mention de cette demande dans le dispositif de ses conclusions, la cour n’en est pas saisie.

Sur la délivrance des documents de fin de contrat

La disposition du jugement relative à la remise à la salariée d’un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, d’une attestation pôle emploi, d’un certificat de travail rectifié conforme à la présente décision, sera confirmée (le présent arrêt valant solde de tout compte).

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable d’accorder à Madame X la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en cause d’appel.

Les dépens d’appel seront à la charge de la liquidation judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et en matière prud’hommale,

Confirme le jugement déféré sauf en sa disposition relative au montant du rappel d’indemnité de transport,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS la créance de Madame U X à la somme de 707,76 € au titre du rappel de l’indemnité de transport,

Y ajoutant,

Dit que les dépens de l’instance d’appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LES EDITIONS DES FÉDÉRÉS ainsi que la somme de 1.500 € supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS dans les limites des plafonds de ses garanties légales et réglementaires.

LE GREFFIER Madame Emmanuelle CASINI,

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