La surveillance du salarié au travers d’une vidéosurveillance installée à son insu rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. En l’espèce, le système de vidéosurveillance litigieux a été autorisé par l’autorité administrative et le salarié en connaissait l’existence. Toutefois, l’employeur ne justifiait pas avoir porté à la connaissance du salarié l’utilisation qui pourrait être faite des données, notamment le contrôle de l’activité professionnelle du salarié. Toutefois, le procès-verbal de constat d’huissier produit par l’employeur, n’était pas le seul procédé de preuve dont dispose l’employeur pour établir la faute du salarié. Celle-ci ressortait aussi de deux attestations de témoins directs des faits visés dans la lettre de licenciement. Ces attestations régulières en la forme émanaient de clients de la station sans lien de subordination ni de parenté avec l’employeur, et dont les déclarations étaient précises et crédibles sans qu’il importe que leur témoignage ait été consigné par écrit à distance des faits dans le temps. Il en découle que le procédé de preuve produit par l’employeur était illicite mais n’était pas le seul moyen dont disposait l’employeur pour prouver la faute du salarié. La faute était donc établie tant en sa matérialité qu’en son imputabilité au salarié. _________________________________________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE Chambre 4-5 ARRÊT DU 03 FEVRIER 2022 Rôle N° RG 19/04551 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7FA C Y C/ SARL CATNAT Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 28 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00056. APPELANT Monsieur C Y, demeurant […] représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON INTIMEE SARL CATNAT, demeurant […] représentée par Me Alexandre JAMMET, avocat au barreau de TARASCON *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre Madame Mariane ALVARADE, Conseiller Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2022. ARRÊT contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2022. Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** FAITS ET PROCÉDURE Le 19 mai 2006, la société Catnat a été constituée entre M. X, Mme L et M. Y. Parallèlement à cette constitution, ce dernier a été embauché en qualité d’employé de station-service, en date du 12 juin 2006, suivant contrat à durée indéterminée. Le 21 août 2017, la société Catnat a notifié à M. Y un avertissement au motif qu’il ne portait jamais sa tenue de travail. Le 30 août 2017, la société Catnat a notifié au salarié un second avertissement au motif qu’il n’aurait pas, le 15 juillet 2017, mis en service le système d’alarme de la station-service ni abaissé le rideau de fer lors de la fermeture de la station. Le 15 janvier 2018, M. C Y a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 31 janvier 2018, et par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 février 2018, il a été licencié pour faute grave pour avoir, notamment, pris des jeux de grattage, sans les payer tout en encaissant les gains et pris des boissons sans en acquitter le prix. Le 5 mars 2018, M. C Y a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement disciplinaire. Par jugement rendu le 28 février 2019, le conseil de prud’hommes d’Arles, Section Commerce, a : – Dit et jugé que les avertissements des 21 août 2017 et 30 août 2017 sont parfaitement justifiés ; – Débouté M. C Y de sa demande d’annulation et des dommages et intérêts pour préjudice moral ; – Requalifié le licenciement de M. C E en licenciement pour cause réelle et sérieuse ; En conséquence, – Condamné la SARL Catnat, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. C Y les sommes suivantes : – 5.377,82 euros à titre d’indemnité de licenciement, – 3.480 euros à titre d’indemnité de préavis, – 348 euros pour congés payés y afférents, – 1.300,40 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied, – 130,04 euros pour congés payés y afférents, – Condamné la SARL Catnat, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à la remise à M. C Y, d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi conformes à la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, 30 jours à compter de la notification ; Le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte et ordonne l’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile ; – Débouté M. C Y de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; – Condamné la SARL Catnat, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de la somme de 1.500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ; – Débouté M. C Y du surplus de ses demandes ; – Débouté la SARL Catnat de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le 19 mars 2019, M. C Y a relevé appel de cette décision, dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués. L’affaire a été fixée à l’audience du 19 octobre 2021. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique, le 18 novembre 2019, M. C Y, appelant, soutient : Sur l’annulation des sanctions disciplinaires : Sur l’avertissement du 21 août 2017 : – que l’employeur est défaillant à démontrer qu’une tenue de travail été mise à disposition du salarié ; – que les attestations produites aux débats sont sans intérêt ; – qu’il n’est pas justifié de la pertinence de la sanction ; – que le fait que la tenue de travail soit évoquée dans le règlement intérieur ne justifie pas de sa remise ; – que la demande de restitution de la tenue lors de la rupture du contrat de travail n’a pas été satisfaite, ce qui démontre qu’il n’en avait aucune en sa possession. Sur l’avertissement du 30 août 2017 : – que l’employeur a attendu un mois et demi pour le sanctionner ; – qu’il n’est pas établi qu’il soit responsable de cette défaillance alors que la station comporte trois autres salariés ; – que la cour réservera à ses moyens de preuve une portée très relative en ce que l’employeur a fait attester sa famille et ses amis ; – que la sanction n’est pas pertinente alors qu’il n’en résulte aucune conséquence. Sur le licenciement : – que la preuve administrée par l’employeur repose exclusivement sur des images extraites à partir d’un système de vidéoprotection installé dans la station-service et visionnées par huissier ; – que le système de vidéoprotection mise en place est illégal et que partant, ce mode de preuve est illicite ; – que les faits reprochés ne sont pas de nature à caractériser un licenciement pour faute grave. – que le licenciement dont la démonstration de la pertinence, repose exclusivement sur un mode de preuve illicite sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ; – que les premiers juges ont retenu qu’il aurait participé à la mise en place d’un tel système, sans en tirer de conséquence, – qu’il n’est pas démontré qu’il a participé à sa mise en place et qu’en tout état de cause, cela n’exonère pas l’employeur de son obligation de veiller à ce que la vidéosurveillance ait été régulièrement déclarée et autorisée à et par l’autorité compétente ; – que le licenciement est illégitime en ce qu’il n’avait pas d’antécédents litigieux de cette nature pour une ancienneté importante et qu’un simple rappel à l’ordre suffisait. M. C Y, demande à la cour de : – Le recevoir en son appel – Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a : – retenu que les avertissements des 21 août 2017 et 30 août 2017 étaient justifiés et a débouté M. C Y de sa demande d’annulation et de condamnation au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, – estimé que le licenciement de M. C Y reposait sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de sa demande de 18.270 € à titre de dommages et intérêts au titre des dispositions de l’article L 1235-3 du code du Travail. – La confirmer pour le surplus Statuant à nouveau : – Prononcer l’annulation de l’avertissement du 21 août 2017 ; – En conséquence, condamner la SARL Catnat au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ; – Prononcer l’annulation de l’avertissement du 30 août 2017. – En conséquence, condamner la SARL Catnat au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ; – Dire et juger que le licenciement de M. C Y ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse. – En conséquence, condamner la SARL Catnat au paiement des sommes suivantes : – 5.377,82 € à titre d’indemnité de licenciement ; – 3.480 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, représentant deux mois de salaire ; – 348 € à titre d’incidence congés payés ; – 1.300,40 € à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire ; – 130,04 € à titre d’incidence congés payés ; – 18.270 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; – Ordonner la remise d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi, conformes aux dispositions de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de sa notification ; – Condamner la SARL Catnat au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; – Condamner la SARL Catnat aux entiers dépens. Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique, le 27 juin 2019, la société Catnat, intimée, soutient : Sur le rejet de la demande d’annulation des avertissements : Sur l’avertissement du 21 août 2017 : – que depuis longtemps le salarié avait été sensibilisé sur le port de la tenue obligatoire, par des observations verbales ; – que le salarié n’a jamais contesté ce grief ; – que le règlement intérieur prévoit expressément le port de la tenue spécifique obligatoire sous peine de sanction ; – que le partenaire « Total » exigeait également le port d’une tenue obligatoire ; – qu’elle a réclamé la restitution de cette tenue lors de la rupture du contrat de travail ; – qu’un constat d’huissier confirme le 15 juillet 2018 que M. Y ne porte pas la tenue sur son lieu de travail ; Sur l’avertissement du 30 août 2017 : – que le salarié n’a jamais contesté cette sanction immédiatement, dès sa notification mais uniquement dans le cadre de la présente procédure ; – qu’elle était toujours dans le délai de prescription pour sanctionner un comportement fautif ; – que M. Y avait en charge la fermeture de la station-service le soir et à cet effet, il devait mettre en route le système d’alarme et tirer le rideau de fer de protection ; – que cette mission n’était pas nouvelle et en sa qualité d’associé, il avait connaissance de ces tâches ; – qu’elle produit aux débats le rapport de télésurveillance du 15 juillet 2017 qui fait état d’une « absence de mise en service station total » ; – que s’agissant de l’absence de fermeture du rideau de fer, il produit différents témoignages Sur la démonstration de la faute grave : – que les faits reprochés ont été constatés au visionnage de l’enregistrement de la vidéosurveillance, système qui a été régulièrement déclaré à la CNIL du temps où M. Y était associé de la SARL Catnat ; – que ce système de vidéosurveillance a fait également l’objet d’une déclaration auprès de la préfecture des Bouches du Rhône et d’une note d’information indiquant l’objectif de ce système ; – que de cet enregistrement, elle a fait établir un constat d’huissier en date du 07 mars 2018 qui établit avec certitude les faits reprochés ; – qu’au regard de ce constat, il est incontestable que M. Y prenait des jeux de la Française des jeux sans les payer ; – que d’après le constat, le salarié a consommé des boissons le 12 janvier 2018 et ne les a pas payées ; – que ces deux griefs sont constitués et constitutifs d’une faute grave ; – qu’elle a déposé plainte à l’encontre de M. Y. La société Catnat demande à la cour de : – Confirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a dit et jugé que les avertissements des 21 août 2017 et 30 août 2017 sont justifiés ; En conséquence, – Débouter M. Y de sa demande d’annulation et de dommages et intérêts pour préjudice moral ; – Réformer le licenciement dont appel en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement notifié à M. Y ne reposait pas sur une faute grave ; Et statuant à nouveau sur ce chef de demande : – Dire et juger le licenciement justifié par une faute grave, En conséquence, – Débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions. Subsidiairement, – Confirmer le jugement dont appel, En conséquence, – Débouter M. Y de sa demande de dommages et intérêts ; En toute hypothèse, – Condamner M. Y en cause d’appel, à payer à la concluante le somme de 3.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, – Débouter M. Y de sa prétention au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 07 octobre 2021. L’affaire a été fixée à l’audience du 19 octobre 2021. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande d’annulation de l’avertissement notifié le 21 août 2017 Le motif de l’avertissement est le fait pour le salarié de ne jamais porter la tenue de travail qui lui a été remise bien que cette obligation soit mentionnée dans le contrat de travail et dans le règlement intérieur de l’entreprise. M. Y fait valoir que l’employeur avait connaissance de son omission de porter la tenue Total depuis très longtemps et qu’il n’est pas même démontré que cette tenue ait été mise à sa disposition. Il critique les attestations qui ne précisent pas la date de leur constatation de sorte qu’elles ne permettent pas de vérifier la prescription des faits. A l’argument de l’employeur selon lequel la tenue de travail a fait l’objet d’une demande de restitution au moment de la rupture ce qui démontrerait qu’elle était bien en possession du salarié, M. Y souligne qu’il n’a pas été satisfait à cette demande de restitution. La société Catnat produit en pièce numéro 7 un rapport de contrôle de la station relevant que « tout le personnel n’est pas en tenue ». Elle verse l’attestation de F G qui a constaté « que l’employé de la station Total ne porte pas de tenue particulière mais porte des vêtements normaux de tous les jours comme tout le monde », outre celle de Madame Z « cliente occasionnelle de la station depuis plus de 30 ans » ayant constaté que « M. Y est régulièrement sans sa tenue Total » et celle de Hatmane Bougarine qui atteste dans le même sens. Ces deux témoins désignent bien M. Y comme étant le salarié visé par leur déposition. Les faits sanctionnés sont en conséquence établis dans leur matérialité. Le port de la tenue était expressément exigé tant par le contrat de travail que par le règlement intérieur. La circonstance que le comportement date de plusieurs années au moment où il a été sanctionné ne fait pas obstacle à la sanction disciplinaire prononcée s’agissant d’un comportement réitéré. En conséquence, la demande d’annulation de la sanction disciplinaire prononcée a été justement rejetée par le conseil de prud’hommes. Sur la demande d’annulation de l’avertissement notifié le 30 août 2017 Le motif de l’avertissement est le fait pour le salarié d’avoir quitté le lieu de travail le 15 juillet 2017 sans mettre en fonctionnement le système d’alarme et sans baisser le rideau de protection, augmentant considérablement le risque d’intrusion. Le salarié nie être l’auteur des faits observant que l’entreprise compte trois salariés. Il soutient que l’employeur a tardé à le sanctionner. Il critique les attestations produites par l’employeur émanant de sa famille et de ses amis. Il estime la sanction disproportionnée. Les faits tels qu’ils sont visés dans la lettre d’avertissement sont établis par deux attestations régulières en la forme émanant de H I et d’J K dont le récit emporte la conviction à défaut d’élément objectif de nature à douter de sa sincérité. L’employeur justifie de ce qu’au moment des faits, Monsieur Y était le seul employé de la station et était donc le seul à avoir la responsabilité de sa fermeture. Les faits sont établis dans leur matérialité et leur imputabilité au salarié. Aucune prescription n’était encourue lorsque l’employeur a décidé de sanctionner ce comportement. L’avertissement notifié constitue une sanction adaptée qui n’est nullement disproportionnée aux faits, même s’ils n’ont causé aucun préjudice à l’entreprise. La demande d’annulation de la sanction a été justement rejetée par le conseil de prud’hommes. Sur le licenciement La lettre de licenciement du 6 février 2018 est ainsi rédigée : « Le 12 janvier 2018, pendant vos horaires de travail, vous avez pris des jeux de grattage de la française des jeux, sans les payer et avez encaissé les gains. En effet, vous avez prélevé 7 Vegas à 3 euros, 1 Millionnaire à 10 euros et 1 Rubicolore à 5 euros, sont pour un montant de 36 euros que vous n’avez pas payé. Le montant de ces jeux a été compensé par la vente, aux clients, d’article qui n’ont pas été enregistrés en caisse. Le Millionnaire vous a procuré un gain de 20 euros et 1 Vegas vous a procure un gain de 6 euros. Vous avez encaissé la somme de 26 euros à titre de gains. Ce comportement parfaitement inadmissible et constitutif à lui seul d’une faute grave. Le même jour, soit le 12 janvier 2018, vous avez consommé plusieurs boissons que vous avez prises dans le magasin, sans les payer. Or, si besoin était de vous le rappeler, tout produit pris dans le magasin pour votre consommation personnelle doit être nécessairement payé. Également, ce comportement parfaitement inadmissible est constitutif à lui seul d’une faute grave, nous a causé un préjudice financier. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans 1’entreprise est impossible. Sur l’illicéité du mode de preuve La surveillance du salarié au travers d’une vidéosurveillance installée à son insu rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. En l’espèce, le système de vidéosurveillance litigieux a été autorisé par l’autorité administrative et M. Y en connaissait l’existence. Toutefois, l’employeur ne justifie pas avoir porté à la connaissance du salarié l’utilisation qui pourrait être faite des données, notamment le contrôle de l’activité professionnelle du salarié. Toutefois, le procès verbal de constat d’huissier produit par l’employeur, n’est pas le seul procédé de preuve dont dispose l’employeur pour établir la faute du salarié. Celle-ci ressort de deux attestations de MM. A et B témoins directs des faits visés dans la lettre de licenciement. Ces attestations régulières en la forme émanent de clients de la station sans lien de subordination ni de parenté avec l’employeur, et dont les déclarations sont précises et crédibles sans qu’il importe que leur témoignage ait été consigné par écrit à distance des faits dans le temps. Il en découle que le procédé de preuve produit par l’employeur est illicite dès lors qu’il n’était pas le seul moyen dont disposait l’employeur pour prouver la faute du salarié mais que nonobstant le rejet de ce moyen de preuve, cette faute est établie tant en sa matérialité qu’en son imputabilité au salarié. Sur la faute grave La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. La gravité de la faute est appréciée in concreto, au regard notamment du contexte, de la nature des agissements, de leur éventuelle répétition, de l’ancienneté du salarié, de ses fonctions et de son niveau de responsabilité, de l’existence ou non de précédentes sanctions, des conséquences des agissements du salarié pour l’employeur. Il n’est pas nécessaire que les faits reprochés aient causé un préjudice à l’employeur pour constituer une faute grave. En l’espèce, le conseil de prud’hommes a fait une exacte appréciation des éléments de la cause et une bonne application du droit en considérant que les faits imputables au salarié n’empêchaient pas la poursuite du contrat de travail pendant la durée limitée du préavis. L’exigence d’une cause exacte signifie que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l’employeur comme cause de licenciement existent ; il doit également rechercher si d’autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. En présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés par la cour, ceux-ci constituent la seule et véritable cause du licenciement. Le licenciement étant motivé par une cause réelle et sérieuse, le salarié ne peut prétendre à des dommages-intérêts. Sur les dépens et les frais non-répétibles L’appelant qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de le condamner à payer à la société intimée une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il est équitable de fixer à 1.000 euros. PAR CES MOTIFS La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne M. Y à payer à la société Catnat la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Condamne M. Y aux dépens, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions. Et la présente décision a été signée par le Président et le Greffier. LE GREFFIER LE PRESIDENT |
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