Le droit au déréférencement joue à plein pour les données très sensibles telles que les condamnations pénales. Condamnation pour escroquerieUn expert-comptable et commissaire aux comptes, a obtenu en cassation, le déréférencement de sa condamnation pour escroquerie, référencée par les archives d’un titre de presse. Un tribunal correctionnel avait déclaré le prévenu coupable d’escroquerie et de tentative d’escroquerie et l’avait condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende, ainsi qu’à payer une certaine somme à l’administration fiscale. Sa condamnation était intervenue à raison d’une fausse déclaration de location en meublé professionnel portant sur une propriété acquise par une EURL qu’il avait lui-même créée et financée, donnée à bail à son associé, qui lui a permis de bénéficier à tort de l’exonération de la TVA. Deux comptes-rendus d’audience relatant cette condamnation pénale ont été publiés sur le site Internet du journal « Le Républicain lorrain ». Soutenant que ces articles, bien qu’archivés sur le site du journal, étaient toujours accessibles par le biais d’une recherche effectuée à partir de ses nom et prénom sur le moteur de recherche Google, et reprochant à la société Google, d’avoir refusé de procéder à la suppression des liens litigieux, l’expert-comptable l’a assignée aux fins de déréférencement. Statut des condamnations et mesures de suretéAu sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales, les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi, et les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion pour le compte des victimes d’atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d’assurer la défense de ces droits. Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l’objet d’un traitement et peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. Par arrêt du 24 septembre 2019 (Affaire C-136/17), la CJUE a considéré que l’interdiction ou les restrictions relatives au traitement des catégories particulières de données à caractère personnel, s’appliquent, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, également à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités en tant que responsable du traitement effectué lors de l’activité de ce moteur, à l’occasion d’une vérification opérée par cet exploitant, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, à la suite d’une demande introduite par la personne concernée. L’exploitant d’un moteur de recherche est en principe obligé, sous réserve des exceptions légales, de faire droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web sur lesquelles figurent des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières. Lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page web sur laquelle des données à caractère personnel relevant des catégories particulières, cet exploitant doit, sur la base de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et compte tenu de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, vérifier, au titre des motifs d’intérêt public important, si l’inclusion de ce lien dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de cette personne, s’avère strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche. Il s’ensuit que, lorsqu’une juridiction est saisie d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page internet sur laquelle des données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté sont publiées, elle doit, pour porter une appréciation sur son bien-fondé, vérifier, de façon concrète, si l’inclusion du lien litigieux dans la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, répond à un motif d’intérêt public important, tel que le droit à l’information du public, et si elle est strictement nécessaire pour assurer la préservation de cet intérêt. Contrôle de proportionnalitéEn appel, le référencement de la condamnation de l’expert-comptable a été considéré comme présentant un caractère pertinent en raison de sa profession, dès lors que celui-ci est amené, en sa qualité d’expert-comptable, à donner des conseils de nature fiscale à ses clients et que ses fonctions de commissaire aux comptes appellent une probité particulière. L’intérêt des internautes à avoir accès à l’information relative à sa condamnation pénale, en lien avec sa profession, doit prévaloir sur le droit à la protection des données à caractère personnel. La Cour de cassation a censuré ce contrôle trop « mesuré » de l’ingérence dans les droits de l’expert-comptable. En se déterminant ainsi, la Cour d’appel, sans rechercher, comme il le lui incombait, si, compte tenu de la sensibilité des données en cause et, par suite, de la particulière gravité de l’ingérence dans le droit au respect de sa vie privée et à la protection de ses données à caractère personnel, l’inclusion des liens litigieux dans la liste des résultats était strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès aux pages internet concernées, à défaut de quoi serait caractérisé un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. Téléchargez la décision |
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