Conflit locatif : Évaluation des indemnités d’éviction et d’occupation dans un bail commercial

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Faits et procédure

Par acte sous seing privé en date du 26 juin 1989, l’Office Municipal d’Habitation à Loyer Modéré (OMHLM) de la ville [Localité 1], désormais dénommé l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] ([Localité 1] Habitat), a consenti un bail à la société [Adresse 3], aux droits de laquelle se trouve désormais la société Hoche viandes alimentaires, suite à la cession de fonds de commerce par actes sous seing privé en date du 22 octobre et 5 novembre 1996. Les locaux loués portent sur un immeuble sur rue situé [Adresse 1], composé d’une boutique et de quatre étages divisés en deux appartements par étage, cave sous l’immeuble et sous-sol sous la boutique, grenier, magasin de réserve et bureau notamment. La société Hoche viandes alimentaires y exerce un commerce d’alimentation générale, boucherie, triperie, volaille et charcuterie.

Ce bail a été conclu pour une durée de neuf années entières et consécutives ayant commencé à courir le 1er juillet 1987, pour se terminer le 1er juillet 1996 et s’est renouvelé tacitement. Suivant acte d’huissier en date du 29 septembre 2006, l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] a délivré un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction à la société Hoche viandes alimentaires pour le 31 mars 2007. Par exploit en date du 22 juin 2007, l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] a assigné le preneur devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir désigner un expert avec pour mission de réunir tous les éléments d’appréciation permettant de fixer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation due depuis le 31 mars 2007.

Jugement du tribunal de grande instance

Suivant jugement du 2 avril 2008, le tribunal de grande instance de Bobigny a commis M. [V] pour déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due par le bailleur dans le cas d’une perte de fonds ou de la possibilité d’un transfert de fonds et déterminer le montant de l’indemnité due par le locataire pour l’occupation des lieux depuis le 1er mars 2007 jusqu’à leur libération effective. L’expert a déposé son rapport le 15 novembre 2011. Par jugement en date du 29 janvier 2014, le tribunal a constaté la prise d’effet, au 31 mars 2007, du congé avec refus de renouvellement délivré par l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] à la société Hoche viandes alimentaires, portant sur les locaux commerciaux et d’habitation accessoires.

Le tribunal a fixé la valeur locative hors taxe et hors charges des lieux au 1er avril 2007 à la somme de 67.365 euros par an, condamné la société Hoche Viandes alimentaires à payer cette somme à l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] jusqu’à la libération effective des lieux, et condamné l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] à payer à la société Hoche Viandes Alimentaires la somme de 445.088 euros au titre de l’indemnité d’éviction principale et indemnités accessoires. La société Hoche viandes alimentaires a relevé appel de ce jugement le 3 mars 2014.

Demandes de la société Hoche viandes alimentaires

Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 octobre 2014, la société Hoche viandes alimentaires demande à la Cour d’infirmer le jugement du 29 janvier 2014, d’ordonner une contre-expertise, de désigner un nouvel expert et, au besoin, un collège d’experts pour permettre à la juridiction de déterminer le préjudice subi par la société Hoche viandes alimentaires du fait de l’éviction et le montant de l’indemnité d’éviction, en principal et accessoires, qui lui est due. Elle demande également que l’expert ou les experts désignés recherchent des éléments de comparaison au travers des ventes de fonds exerçant la même activité, et que l’indemnité d’éviction soit fixée à un total de 1.040.433 euros.

La société Hoche viandes alimentaires conteste également la valeur de l’indemnité d’occupation, qu’elle souhaite voir fixée à une valeur locative après réfactions de 37.000 euros par an au 1er avril 2007. Elle demande également la condamnation de l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que la réservation des dépens en cas de contre-expertise.

Réponses de l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1]

Par ses dernières conclusions en date du 30 juillet 2014, l’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] demande à la Cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que la société Hoche viandes alimentaires était redevable d’une indemnité d’occupation à compter de la date d’effet du congé, soit le 1er avril 2007. L’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] sollicite également le déboutement de la société Hoche viandes alimentaires de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de sa demande de contre-expertise.

Il demande que la valeur locative des locaux soit fixée à la somme de 89.329 euros par an, que le montant de l’indemnité d’éviction soit fixé à la somme de 223.068 euros, et que la société Hoche viandes alimentaires soit condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation de 76.050 euros par an, soit 6.337,50 euros par mois, à compter du 1er avril 2007 jusqu’à libération des lieux.

Évaluation de l’indemnité d’éviction

La société Hoche viandes alimentaires fait valoir que les premiers juges ont estimé que l’avis de l’expert comportait des incertitudes, des erreurs de coefficient et des insuffisances de références. Elle critique également les conclusions de l’expert, arguant qu’il n’a fourni aucune référence de transaction ni élément de comparaison permettant d’évaluer la valeur marchande du fonds. Le preneur sollicite en conséquence une contre-expertise.

L’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] demande le rejet de cette demande, soulignant qu’elle a été formée plus de 19 mois après le dépôt du rapport d’expertise. Il fait également valoir que l’expert a procédé à sa mission de façon contradictoire et a répondu aux différents chefs de mission de manière détaillée. Le tribunal a estimé que la cour était suffisamment éclairée pour trancher, et qu’une nouvelle expertise ne ferait qu’allonger inutilement l’instance.

Indemnité principale et accessoires

Le preneur conteste la méthode d’évaluation de l’indemnité principale, arguant que l’expert a retenu un coefficient faible pour la méthode du chiffre d’affaires, alors que la situation est exceptionnelle. Il conteste également la méthode de l’EBE, affirmant qu’elle ne tient pas compte de l’avantage marchand des logements de fonction. L’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] soutient que l’indemnité d’éviction doit être basée sur la perte de fonds et approuve l’expert qui a déterminé le montant principal de l’indemnité d’éviction à 200.000 euros.

Concernant les indemnités accessoires, le preneur demande des frais de remploi et une indemnité pour trouble commercial. Le bailleur conteste ces montants, et le tribunal a décidé d’indemniser le trouble commercial par une somme représentant trois mois d’excédent brut. En ce qui concerne les locaux d’habitation, l’expert n’a pas retenu d’indemnité, car les occupants bénéficient d’un bail d’habitation.

Indemnité d’occupation

La société Hoche viandes alimentaires conteste la méthode d’évaluation de l’indemnité d’occupation, arguant que la valeur locative retenue est excessive. Elle demande que le montant de l’indemnité nette soit arrondi à 37.000 euros par an. L’Office Public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] demande que la valeur locative annuelle de renouvellement soit fixée à 84.500 euros, et sollicite de fixer le montant de l’indemnité d’occupation à 76.050 euros par an.

Le tribunal a estimé la valeur locative de renouvellement au prix pour la boutique et pour les appartements, confirmant ainsi les évaluations de l’expert. L’indemnité d’occupation a été fixée à la somme de 76.385,44 euros, dont il convient de déduire l’impôt foncier, établissant l’indemnité à 74.850 euros, à laquelle s’applique un abattement pour précarité de 10%.

Article 700 du code de procédure civile

L’Office public de l’Habitat de la Ville [Localité 1] supportera les dépens et paiera à la société Hoche viandes alimentaires la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

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