Contrefaçon d’oeuvres audiovisuelles en ligne : les redirections sanctionnées

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Mettre en place des redirections vers de nouveaux noms de domaine pour contourner une précédente mesure de blocage est sanctionné par l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle.

En la cause, les constats produits établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent toujours aux internautes, via les nouveaux chemins d’accès, de télécharger ou d’accéder en continu à des œuvres protégées à partir de liens hypertextes sans avoir l’autorisation des titulaires de droits, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

La mise en œuvre de moyens de contournements de mesures de blocage de sites jugés structurellement contrefaisants peut en outre être regardée comme un trouble manifestement illicite.

En la cause, le site « UQLOAD » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des oeuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire de sociétés de gestion collective pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine “ uqload.to”.

Pour rappel, il résulte de l’article L. 336-2 du même code qu’”En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée.

La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins.

L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin”. Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”).

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans l’arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu’ainsi qu’il découle des points 62 à 68 de l’arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux :

Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu’il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d’auteur, d’assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures.

Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d’auteur, et celle de la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l’article 16 de la charte. (…)
52 D’autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite.

La réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. »

Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part.

La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la « substance même du droit à la liberté d’entreprendre » des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre.

Résumé de l’affaire

Les Fédération Nationale des Editeurs de Films, le Syndicat de l’Edition Vidéo Numérique, l’Association des Producteurs Indépendants, l’Union des Producteurs de Cinéma et le Syndicat des Producteurs Indépendants ont constaté que certains sites web mettaient à disposition du public de nombreuses œuvres protégées sans autorisation. Ils ont donc assigné les opérateurs de communications électroniques Bouygues Telecom, Free, SFR, Orange et SFR Fibre devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir des mesures de blocage de ces sites. Le tribunal a ordonné ces mesures, mais les plaignants ont constaté que de nouveaux noms de domaine permettaient toujours l’accès aux sites litigieux. Ils ont donc demandé au tribunal d’étendre les mesures de blocage aux nouveaux noms de domaine. Les opérateurs de communications électroniques ont contesté ces demandes, mais le tribunal a finalement décidé de les accorder.

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