L’accès de l’employeur aux données figurant sur les comptes Facebook de ses salariés et l’utilisation des données de ce compte comme moyen de preuve (propos dénigrants du salarié) sont autorisés sous réserve que l’atteinte à la vie privée soit strictement proportionnée au but poursuivi par l’employeur et que la production des éléments soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve.
Toutefois, le fait que le salarié laisse sa session Facebook ouverte sur son ordinateur n’autorise pas l’employeur à y accéder. Même si une page Facebook est accessible, la messagerie conserve un caractère personnel incontestable et son contenu qui n’a pas vocation à être rendu public en dehors des participants à la conversation, ne peut être consulté que suite à une démarche active d’ouverture. En la cause, peu important que l’employeur n’ait pas usé d’un quelconque stratagème, n’étant pas autorisé à consulter la messagerie litigieuse, il a violé ce faisant le secret des correspondances, de sorte que ce procédé d’obtention de la preuve était déloyal et illicite. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne pouvant, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, les propos échangés lors d’une conversation privée au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel relèvent de faits de la vie personnelle et ne peuvent justifier un licenciement disciplinaire. Par ailleurs, lorsque le droit à la preuve tel que garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence. Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En vertu de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée et il en résulte que le salarié a droit même au temps et au lieu du travail au respect de l’intimité de sa vie privée, laquelle implique le secret des correspondances même reçues sur un outil informatique mis à sa disposition pour son travail. Ainsi, il est constant que les courriels adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. S’agissant toutefois des messages électroniques reçus par un salarié sur sa messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle dont il dispose pour son activité, il est constant que ceux-ci ne peuvent être produits en justice sans porter atteinte au secret des correspondances. Enfin, concernant le réseau Facebook, même s’il est par définition un mode de communication mais aussi de partage et d’accès aux réseaux sociaux, avec une accessibilité variable en fonction des droits accordés aux tiers ou à la publicité donnée aux informations selon leur publication ou non sur les « murs », il n’en reste pas moins que la messagerie qui y est intégrée reste personnelle au titulaire du compte même si celle-ci est consultée sur un ordinateur mis à disposition du salarié sur le lieu du travail. |
→ Résumé de l’affaireMme T a été licenciée pour faute lourde par la société Clémelandre, mais le conseil de prud’hommes a requalifié le licenciement en faute grave. Mme T conteste cette décision et réclame diverses sommes en appel, tandis que la société Clémelandre demande le maintien du licenciement pour faute lourde.
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