Lorsque le législateur allonge le délai d’une prescription, cette loi n’a pas d’effet sur la prescription définitivement acquise, à moins qu’une volonté contraire soit expressément affirmée dans ladite loi.
Les nouvelles dispositions relatives à la prescription de l’action en nullité d’un brevet doivent être considérées comme allongeant la durée de la prescription, puisqu’elles rendent celle-ci imprescriptible. En outre, aucune mention expresse dans le texte en cause ne permet de caractériser une volonté contraire sur ce point du législateur, le fait que la loi Pacte ait abrogé l’article 23 II de l’ordonnance du 9 mai relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, qui prévoyait que l’absence de prescription des actions en nullité était sans effet sur une prescription acquise, ne caractérisant pas une telle volonté, cette disposition s’appliquant seulement au brevet européen à effet unitaire. Il s’ensuit que le nouvel article L. 615-8-1 du code de la propriété intellectuelle n’est pas applicable aux actions en nullité de brevet dont la prescription était déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi Pacte le 24 mai 2019. Avant l’entrée en vigueur de la loi 2019-486 du 22 mai 2019, l’action principale en nullité d’un brevet était soumise au délai de prescription de droit commun prévu à l’article 2224 du code civil aux termes duquel « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». L’article 2 du code civil prévoit que la loi ne dispose que pour l’avenir et qu’elle n’a pas d’effet rétroactif. En l’absence d’une volonté contraire expressément affirmée, la loi ne peut produire effet que pour l’avenir. Il résulte de ce principe que, lorsque le législateur modifie le délai d’une prescription, cette loi n’a point d’effet sur la prescription définitivement acquise (Cass., Civ.1, 27 septembre 1983, 82-13.035). Une loi modifiant un délai de prescription est sans effet sur une prescription acquise (Cass., Civ.2, 3 février 2005 n°03-20.224). Enfin l’article 2222 du code civil prévoit que « La loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ». |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose les sociétés Time Service Catalyst Handling et Crealyst-Group concernant l’utilisation d’une machine Calydens par Time, autorisée par des contrats antérieurs. Crealyst-Group accuse Time de reproduire son savoir-faire dans sa machine Prodense, ce qui a conduit à des poursuites judiciaires. Time a également demandé l’annulation des brevets détenus par Crealyst-Group. Le tribunal de commerce de Paris a déclaré les demandes de Time irrecevables, mais Time a interjeté appel. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires devant la cour d’appel, demandant respectivement la confirmation de l’ordonnance du tribunal de commerce et l’annulation de celle-ci. L’affaire est en attente de jugement final.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DECISIONEn application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées. Sur l’intérêt à agirLa société Time fait valoir qu’elle a intérêt à agir en ce qu’elle est concurrente sur le même marché qui est celui du chargement de réacteur et du sous-domaine qui est celui du chargement dense. Elle démontre qu’elle est active en recherche et développement dans ce secteur et qu’elle a un intérêt légitime à agir en nullité des brevets litigieux EP 223 et FR 526 de la société Crealyst. Sur la prescription de l’action à l’encontre du brevet EP 223La société Crealyst-Group soutient que l’action de la société Time à l’encontre du brevet EP 223 est prescrite, tandis que la société Time fait valoir que l’action en nullité de brevet intentée à l’encontre de la partie française du brevet EP 223 n’est pas prescrite en vertu de l’article L.615-8-1 du code de la propriété intellectuelle. En l’absence d’une volonté contraire expressément affirmée, la loi ne peut produire effet que pour l’avenir. Il résulte de ce principe que, lorsque le législateur modifie le délai d’une prescription, cette loi n’a point d’effet sur la prescription définitivement acquise. En l’espèce, il est établi que l’action en annulation initiée par la société Time à l’encontre du brevet EP 223 se trouvait déjà prescrite à la date de publication de la loi Pacte, le 23 mai 2019. Le nouvel article L. 615-8-1 du code de la propriété intellectuelle n’est pas applicable aux actions en nullité de brevet dont la prescription était déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi Pacte. En conséquence, l’action de la société Time à l’encontre du brevet EP 223 sera jugée irrecevable. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle – Code civil Article 455 du code de procédure civile: Article 31 du code de procédure civile: Article 32 du code de procédure civile: Article 122 du code de procédure civile: Article L.615-8-1 du code de la propriété intellectuelle: Article 2224 du code civil: Article 2222 du code civil: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Elisabeth DE LA TOUANNE-ANDRILLON
– Me Isabelle SETTON BOUHANNA – Me Charles-hubert OLIVIER – Me Gaëlle BLORET-PUCCI |