L’avocat doit s’assurer de l’accord écrit du bailleur qui est indispensable dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce en cause pour que celle-ci puisse inclure le droit au bail, les termes du bail.
La responsabilité de l’avocat est recherchée en sa qualité de rédacteur d’acte, l’article 9 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat imposant que ‘l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties, refuse de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleux, et, sauf s’il en est déchargé par les parties, soit tenu de procéder aux formalités légales ou réglementaires requises par l’acte qu’il rédige et de demander le versement préalable des fonds nécessaires.’ Ces obligations visant a assurer la validité et la pleine efficacité des actes est reprise dans l’article 7.2 du Règlement Intérieur National. Il s’en déduit que l’avocat, a ainsi l’obligation d’assurer la conformité de l’acte au droit applicable mais également celle de valider la capacité des parties à contracter. Le rédacteur d’actes est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer l’efficacité des actes qu’il instrumente eu égard aux buts poursuivis par les parties. Il doit informer son client des différentes exigences qui conditionnent la validité de l’acte qu’il envisage de conclure et doit vérifier qu’elles sont satisfaites. Nos Conseils: – Sur la prescription: Il est important de vérifier les délais de prescription pour toute action intentée, afin d’éviter un rejet pour prescription. Il est recommandé de consulter un avocat pour s’assurer du respect des délais légaux. – Sur la responsabilité de l’avocat: Il est essentiel de s’assurer que l’avocat respecte ses obligations déontologiques, notamment en matière de rédaction d’actes juridiques. Il est conseillé de demander des explications claires sur les démarches entreprises et de vérifier la conformité des actes rédigés. – Sur l’indemnisation des préjudices: En cas de préjudices subis en raison de fautes commises par un professionnel du droit, il est recommandé de demander une indemnisation pour les préjudices directs imputables à ces fautes. Il est conseillé de consulter un avocat pour évaluer les préjudices et engager une procédure d’indemnisation si nécessaire. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la cession d’un fonds de commerce de boucherie par M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] à une SASU, conseillée par l’avocat M. [R] [H]. Cependant, le bailleur n’a jamais donné son accord pour cette cession, ce qui a entraîné la résiliation du bail et l’expulsion de la SASU du local. Les consorts [C] ont alors assigné M. [R] [H] en responsabilité pour faute professionnelle, reprochant à l’avocat de ne pas s’être assuré de l’accord du bailleur. Le tribunal a jugé que M. [R] [H] avait commis une faute professionnelle et l’a condamné à verser des dommages et intérêts aux consorts [C]. M. [R] [H] a interjeté appel de cette décision, contestant toute faute de sa part et invoquant la prescription de l’action. Les consorts [C] demandent en appel une indemnisation pour la perte de leur droit au bail, les frais engagés et un préjudice moral.
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→ Les points essentielsLes montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
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→ Mots clefs associés & définitions |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/06650
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 14 MAI 2024
N° 2024/ 189
Rôle N° RG 20/06650 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGBQI
[R] [H]
C/
[F] [C]
[O] [L] épouse [C]
S.A.S.U. BOUCHERIE [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alain DE ANGELIS
Me Patrice BIDAULT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AIX EN PROVENCE en date du 15 Mai 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/04511.
APPELANT
Monsieur [R] [H]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 7] (Maroc)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
représenté et assisté par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Guillaume DESMURE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat ayant plaidé
INTIMES
Monsieur [F] [C]
né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 5]
Madame [O] [L] épouse [C]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 8] (ESPAGNE), demeurant [Adresse 5]
S.A.S.U. BOUCHERIE [C], demeurant [Adresse 3]
Tous les trois représentés et assistés par Me Patrice BIDAULT de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat ayant plaidé
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COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 26 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2024,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] ont exploité pendant trente ans un commerce de boucherie à [Localité 9], celui-ci se situant depuis 1953 place de l’hôtel de Ville, et les locaux appartenant à M. [U] [N]. En 1983, M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] ont acquis le fonds de commerce.
M. [F] [C] souhaitant prendre sa retraite et organiser sa succession dans son commerce au profit de son fils, M. [T] [C], s’est rapproché de M. [R] [H], avocat, qui lui a conseillé de procéder à une cession du fonds de commerce au profit d’une société commerciale de type SASU, spécialement constituée pour l’occasion entre M. [T] [C] et son épouse, pour un prix de 188 000 € réglé comptant à hauteur de 8 000 €, et au moyen d’un crédit vendeur pour le solde soit la somme de 180 000 € remboursable au moyen de 120 mensualités.
En parallèle, une instance en fixation du montant du loyer dans le cadre du renouvellement du bail à effet au 1er juillet 2012, avait été initiée par M. [U] [N], bailleur, devant le juge des loyers commerciaux, en déplafonnement du loyer.
M. [R] [H] a pris attache avec M. [U] [N], lui-même avocat de profession, pour établir un accord sur la fixation du prix du bail renouvelé, concrétisé par un avenant établi par le bailleur et régularisé par le locataire. Cet accord a été confirmé par télécopie.
3
L’acte de cession du fonds de commerce a été régularisé le 2 janvier 2013. Les originaux des avenants ont été adressés au bailleur le 18 janvier 2013 qui les a lui-même signés.
Le 14 janvier 2013, l’acte de cession du fonds de commerce a été notifié au bailleur par M. [R] [H].
Le 29 janvier 2013, M. [U] [N] a fait délivrer à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] un commandement d’avoir à régulariser la situation par la reprise à leurs noms de l’exploitation du fonds de commerce dans un délai d’un mois, le commandement visant la clause résolutoire stipulée au bail.
Par jugement du 13 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Marseille, saisi par le bailleur, a débouté ce dernier de ses demandes tendant au constat de la résolution du droit au bail et à l’expulsion de la SASU Boucherie [C]. Par arrêt du 4 mai 2016, la cour d’appel de Nîmes a déclaré la cession du 2 janvier 2013 inopposable au bailleur, a déclaré le bail résilié, a déclaré la SASU Boucherie [C] sans droit ni titre et a prononcé son expulsion faute de libération volontaire par elle des lieux. Le pourvoi formé par M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] a été rejeté le 7 septembre 2017.
Par acte du 14 septembre 2018, M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C], soutenant n’avoir appris qu’en 2016 que le bailleur n’avait jamais donné son accord de principe sur la cession du fonds de commerce, et reprochant à leur avocat d’avoir commis une faute professionnelle en ne s’assurant pas de l’accord du bailleur sur la cession du fonds de commerce, ont assigné M. [R] [H] aux fins d’obtenir la mise en oeuvre de sa responsabilité et l’indemnisation de leurs préjudices matériel et de perte du droit au bail.
Par jugement en date du 15 mai 2020, le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a :
déclaré M. [R] [H], avocat, responsable d’avoir commis une faute professionnelle en n’obtenant pas l’agrément du bailleur du cessionnaire préalablement à la cession du fonds de commerce contenant le droit au bail,
condamné M. [R] [H], avocat, à payer à la SASU Boucherie [C], Mme [O] [L] épouse [C] et M. [F] [C], pris ensemble, la somme de 112 800 € en réparation du préjudice lié à la perte de chance de régulariser une cession de fonds de commerce valable et opposable au bailleur, et, la somme de 13 829,72 €, au titre des frais de justice exposés pour la défense de leurs intérêts dans les procédures les ayant opposées au bailleur,
condamné M. [R] [H], avocat, à payer à M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et Mme [O] [L] épouse [C], chacun, la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs autres demandes,
condamné M. [R] [H] au paiement des dépens,
ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a estimé que les dispositions contractuelles engageant les époux [C] envers leur bailleur prévoyaient une agrément par ce dernier de l’acquéreur en cas de cession du fonds exploité dans les lieux. Il a retenu que M. [R] [H] n’avait été mandaté d’abord par les époux [C] que pour transiger dans le cadre de la procédure de renouvellement du bail avec déplafonnement du loyer commercial. Or, il a estimé, à la lecture notamment de la télécopie adressée par M. [R] [H] à M. [U] [N], le 21 décembre 2012, que l’avenant de renouvellement du bail, comportant transaction sur le montant du loyer commercial, n’avait été signé que par M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C], seuls preneurs, et n’avait pas été confirmé, comme prévu, par le bailleur. Le tribunal a relevé, pourtant, que M. [R] [H], chargé ensuite de la rédaction de l’acte de cession du fonds de commerce du 2 janvier 2013 entre, d’une part, M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C], et, d’autre part, la SASU Boucherie [C], a indiqué dans cet acte que l’agrément du bailleur était acquis, alors que tel n’était pas le cas. Il en a déduit que M. [R] [H] a commis une faute professionnelle.
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Le tribunal a excipé de la motivation de l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 4 mai 2016 que l’agrément du bailleur devait être préalable à la cession qui lui était donc inopposable, et, a considéré que les preneurs ne démontraient aucun refus abusif du bailleur de régulariser la cession. Il en a déduit que les dispositions de cette décision et ses effets étaient en lien direct avec la faute professionnelle imputable à M. [R] [H].
S’agissant des dommages et intérêts, le tribunal a retenu que les preneurs ne pouvaient invoquer qu’une perte de chance d’obtenir l’agrément du bailleur, donc de régulariser une cession du fonds de commerce régulière et d’avoir pu poursuivre l’activité commerciale dans les locaux loués à M. [U] [N]. Il a estimé cette perte de chance effective dans la mesure où les circonstances de la cession du fonds de commerce devaient conduire le bailleur à ne pas pouvoir légitimement refuser l’agrément de la SASU Boucherie [C].
S’agissant des préjudices invoqués, le tribunal a écarté les frais de déménagement et d’aménagement de nouveaux locaux, les échéances du prêt consenti par les époux [C] à leur fils, un manque à gagner engendré par le déménagement de la boucherie, ainsi qu’un préjudice moral des preneurs, ces préjudices n’étant pas en lien direct avec la faute de M. [R] [H]. En revanche, le tribunal a retenu, comme étant directement liés à ce manquement, une perte de chance à hauteur de 60 % du prix de cession du fonds de commerce, et les frais exposés dans le cadre des diverses procédures engagées.
Selon déclaration reçue au greffe le 20 juillet 2020, M. [R] [H] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.
Par ordonnance sur incident du 21 avril 2021, le conseiller de la mise en état de la chambre 1-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a principalement rejeté la demande de M.[R] [H] tendant à voir déclarer l’action prescrite.
Par dernières conclusions transmises le 22 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [R] [H] sollicite de la cour qu’elle :
réforme le jugement entrepris en ce qu’il l’a :
-déclaré responsable d’avoir commis une faute professionnelle en n’obtenant pas l’agrément du bailleur du cessionnaire préalablement à la cession du fonds de commerce contenant le droit au bail,
-condamné à payer à la SASU Boucherie [C], Mme [O] [L] épouse [C] et M. [F] [C], pris ensemble, la somme de 112 800 € en réparation du préjudice lié à la perte de chance de régulariser une cession de fonds de commerce valable et opposable au bailleurs, et, la somme de 13 829,72 €, au titre des frais de justice exposés pour la défense de leurs intérêts dans les procédures les ayant opposées au bailleur,
-condamné à payer à M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et Mme [O] [L] épouse [C] chacun la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de leurs autres demandes,
-condamné au paiement des dépens,
A titre liminaire :
‘ juge prescrite l’action en responsabilité ici exercée par les consorts [C] à son encontre plus de cinq ans après le jour où ils ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant de l’exercer,
‘ en conséquence, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
‘ condamne la SASU Boucherie [C], M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] in solidum à lui verser les sommes éventuellement versées en exécution du jugement infirmé,
A titre principal :
‘ juge que les demandeurs manquent à rapporter la preuve d’une quelconque faute de sa part, alors qu’il justifie suffisamment de la présentation de l’acquéreur et de l’«accord» obtenu du bailleur préalablement à la cession du fonds de commerce intervenue entre les époux [C] et la SASU Boucherie [C],
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En conséquence :
‘ infirme le jugement entrepris,
‘ déboute M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] de leurs demandes,
‘ condamne in solidum M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] à lui verser les sommes éventuellement versées en exécution du jugement infirmé,
A titre subsidiaire :
‘ juge que les demandeurs manquent à rapporter la preuve que les préjudices allégués résultent directement d’une prétendue faute de sa part,
‘ en conséquence, infirme le jugement entrepris,
‘ déboute M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] de leurs demandes,
‘ condamne in solidum M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] à lui verser les sommes éventuellement versées en exécution du jugement infirmé,
A titre très subsidiaire :
‘ juge que les demandeurs manquent à rapporter la preuve des préjudices allégués,
‘ en conséquence, infirme le jugement entrepris,
‘ déboute M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] de leurs demandes,
‘ condamne in solidum M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] à lui verser les sommes éventuellement versées en exécution du jugement infirmé,
En tout état de cause :
‘ condamne in solidum M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
L’appelant soulève d’abord la prescription de l’action des intimés en application de l’article 2224 du code civil.
Au fond, M. [R] [H] conteste toute faute de sa part. Il fait valoir qu’aucune autorité de chose jugée de l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 4 mai 2016 ne peut lui être opposée. Il soutient, au vu de la télécopie par lui adressée le 21 décembre 2012 à M. [U] [N], que ce dernier avait manifesté son accord sur la transmission du fonds de commerce, préalablement à celle-ci. Il fait valoir qu’aucun agrément écrit préalable n’était requis, mais, qu’en cas de vente du fonds de commerce, seul l’agrément de l’acquéreur du fonds était requis aux termes du bail existant, le principe étant inversé. Il assure avoir avisé M. [U] [N] de la cession projetée, de l’identité du cessionnaire et de la date de la cession et avoir obtenu la confirmation par lui de son accord de principe, de son intention de ne pas intervenir à l’acte de cession et de son option pour une signification selon l’article 1690. Il en déduit qu’il appartenait aux intimés de faire judiciairement constater le revirement du bailleur et son refus abusif d’agrément en l’absence de donation déguisée du bail et en l’absence d’insolvabilité notoire de l’acquéreur.
A titre subsidiaire, M. [R] [H] conteste tout lien de causalité entre une faute et les préjudices allégués. Il fait valoir que le refus de M. [U] [N] était manifestement abusif, et que les intimés, lors de l’action judiciaire, auraient dû solliciter, au moins à titre subsidiaire, l’autorisation judiciaire de céder le droit au bail litigieux à l’occasion de la cession du fonds de commerce.
A titre très subsidiaire, M. [R] [H] invoque l’absence de preuve des préjudices allégués. Il conteste toute preuve d’une perte d’image manifeste ou d’un risque de perte de clientèle. Il soutient que le coût des investissements n’est pas démontré. Il fait valoir que les premiers juges ont retenu ultra petita un préjudice de perte de chance de rendre la cession du fonds de commerce efficace, perte de chance non sollicitée par les intimés.
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Par dernières conclusions transmises le 22 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C], la SASU Boucherie [C] sollicitent de la cour qu’elle :
déboute M. [R] [H] de son appel,
confirme le jugement en ce qu’il a déclaré M. [R] [H] responsable, en sa qualité d’avocat, d’avoir commis une faute professionnelle à leur préjudice et l’a condamné à leur payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
réforme le jugement pour le surplus,
condamne M. [R] [H] à payer :
– à la SASU Boucherie [C], les sommes de 147 396,11 € et 8 397,83 € en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de son droit au bail,
– à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] la somme de 6 275 € en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 10 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral,
le tout, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignaton et capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
condamne M. [R] [H] à payer à la SASU Boucherie [C], d’une part, et, à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C], d’autre part, la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’appel.
Les intimés ont renvoyé au conseiller de la mise en état la question de la prescription.
Les intimés soutiennent que M. [R] [H] ne démontre aucun accord exprès de M. [U] [N] en vue d’agréer les preneurs dans le cadre de la cession du fonds de commerce de boucherie, cet accord ne pouvant se présumer. Ils font valoir que M. [R] [H], professionnel du droit et notamment de la matière des baux commerciaux, ne pouvait ignorer que le bail en cause datant de 1992 imposait de recueillir l’agrément préalable de l’acquéreur par le bailleur (page 3 9° du bail), qui est une clause licite. Les intimés reprochent à l’appelant d’avoir engagé sa responsabilité :
– en ne procédant pas au renouvellement du bail préalablement à toute cession,
– en n’informant pas ses clients de l’absence d’agrément du bailleur comme de la nécessité pour eux d’engager préalablement à toute cession une action judiciaire aux fins d’être autorisés à passer outre l’absence de réponse du bailleur,
– en faisant régulariser la cession sans disposer de l’agrément préalable et écrit du cessionnaire tout en indiquant l’inverse dans l’acte,
– en s’abstenant de conseiller, dès réception du courrier du conseil du bailleur du 22 janvier 2013, et plus encore après le commandement signifié le 29 janvier 2013, de suspendre le processus de vente et de reprendre l’exploitation du fonds de commerce par les époux [F] [C] en vue de parvenir à un accord avec le bailleur,
– en occultant sa faute grave et les risques de perte du bail.
Les consorts [C] en déduisent des manquements de M. [R] [H] à son obligation d’information et de conseil, à son devoir d’efficacité des actes par lui rédigés et à son obligation de loyauté, prudence et de diligences.
S’agissant de leurs préjudices directs, les intimés entendent que la décision entreprise soit réformée. La SASU Boucherie [C], d’une part, soutient que son préjudice ne tient pas seulement en la perte de chance de rendre la cession du fonds de commerce efficace et valable, évaluée à 60 %, mais tient en une perte pure et simple du droit au bail et à l’expulsion du fonds. Elle soutient que le droit au bail était un élément des plus importants dans la valorisation du fonds de commerce, surtout s’agissant ici d’un fonds déjà exploité depuis 30 ans, dont l’emplacement était l’un des meilleurs du secteur. Elle explique que le déménagement lui a causé une perte d’image manifeste, quand bien même elle n’a pas accusé de perte de chiffres d’affaires. La SASU Boucherie [C] entend également être indemnisée à hauteur des investissements qu’elle a dû engager pour l’adaptation du nouveau local trouvé au commerce pratiqué, ces frais ayant été générés par le transfert qui n’aurait jamais eu lieu sans la faute de M. [R] [H]. Elle sollicite enfin la prise en charge des frais de procédure par elle engagés.
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D’autre part, M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] font valoir qu’ils ont perdu un revenu financier et ont engagé des frais de procédure. Ils font état enfin d’un préjudice moral.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 27 février 2024.
Sur la prescription
La prétention relative à la prescription de l’action intentée par M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] a été soumise au conseiller de la mise en état de la chambre 1-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui l’a rejetée par décision du 21 avril 2021. Cette décision n’a pas été déférée de sorte que ces dispositions sont définitives et que l’irrecevabilité de l’action pour prescription a été définitivement écartée.
Sur la responsabilité de M. Raymond Lamballais, avocat
Il n’est pas contesté que M. [R] [H], avocat, a été saisi par M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] de la défense de leurs intérêts dans le cadre de la procédure de renouvellement du bail commercial avec demande de déplafonnement, et de la rédaction de l’acte de cession du fonds de commerce de boucherie exploité dans les locaux appartenant à M. [U] [N].
La responsabilité de l’avocat est recherchée en sa qualité de rédacteur d’acte, l’article 9 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat imposant que ‘l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties, refuse de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleux, et, sauf s’il en est déchargé par les parties, soit tenu de procéder aux formalités légales ou réglementaires requises par l’acte qu’il rédige et de demander le versement préalable des fonds nécessaires.’
Ces obligations visant a assurer la validité et la pleine efficacité des actes est reprise dans l’article 7.2 du Règlement Intérieur National.
Il s’en déduit que l’avocat, a ainsi l’obligation d’assurer la conformité de l’acte au droit applicable mais également celle de valider la capacité des parties à contracter. Le rédacteur d’actes est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer l’efficacité des actes qu’il instrumente eu égard aux buts poursuivis par les parties. Il doit informer son client des différentes exigences qui conditionnent la validité de l’acte qu’il envisage de conclure et doit vérifier qu’elles sont satisfaites.
En l’occurrence, aux termes de l’article 9 des conditions du bail du 3 août 1983, renouvelé le 22 juin 1992, toute cession du droit au bail, même en cas de vente du fonds, est subordonnée à l’agrément de l’acquéreur par le bailleur, précisé en ces termes : ‘le preneur ne pourra céder son droit au présent bail, en tout ou partie sans l’autorisation expresse et écrite du bailleur, sauf en cas de vente du fonds de commerce exploité dans les lieux, mais après présentation et agrément de l’acquéreur et en restant garant de l’exécution du bail, notamment du paiement des loyers et des charges’.
A l’occasion du renouvellement du bail au 1er juillet 2012, une instance en fixation du loyer a été engagée par M. [U] [N] devant le juge des loyers commerciaux.
Des négociations ont été menées par M. [R] [H], représentant M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C], avec M. [U] [N] à ce titre. En parallèle, des démarches ont été entreprises pour la cession du fonds de commerce de boucherie des époux [C] à la SASU Boucherie [C] avec transfert du droit au ba
Par télécopie du 21 décembre 2012 à 16 h 35, M. [R] [H] a écrit à M. [U] [N] en ces termes : ‘Mon cher confrère, je fais suite à notre entretien téléphonique de ce vendredi 21 décembre. Je vous confirme avoir fait régulariser les avenants de renouvellement de bail dont vous m’aviez communiqué la teneur après que nous nous soyons mis d’accord sur un loyer mensuel de 1.050 €. J’ai noté par ailleurs votre accord de principe pour agréer la cession du fonds à intervenir entre les époux [C] et au bénéfice de la SASU Boucherie [C], dont en réalité l’actionnaire unique et président est M. [T] [C], fils de [F] et [O] [C].
J’ai noté que vous ne souhaitiez pas intervenir à l’acte qui sera régularisé le 2 janvier à mon cabinet et souhaitiez en avoir une signification article 1690. Peut-être pourrions-nous envisager d’établir un avenant de renouvellement directement à la SASU, nouvelle locataire à effet du 1er janvier 2013 ‘ Etant donné que je régularise les actes toutes affaires cessantes, je vous remercie de me confirmer votre accord en me réexpédiant ce fax par retour. De mon côté, je vous fais porter les actes de renouvellement régularisés par les consorts [C] et leur demande de régulariser le rattrapage des loyers du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 eu égard à la différence de prix. Je profite de la présente pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année.
Amicalement vôtre.’
Il n’est justifié d’aucune réexpédition d’un fax en retour, M. [U] [N] ayant par la suite fait valoir une fermeture de son cabinet d’avocat pendant les congés de fin d’année, et ayant dénié avoir pris connaissance à temps de cette télécopie.
Le 2 janvier 2013, la vente du fonds de commerce comprenant le droit au bail a été signée entre M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C], d’une part, et, la SASU Boucherie [C], d’autre part. En pages 3 et 16 de ce contrat rédigé par M. [R] [H], il est expressément indiqué, que l’avenant de renouvellement est en cours de régularisation, et, au paragraphe N) Intervention du bailleur, que le propriétaire a été interrogé, et a déclaré :
– ‘avoir le cessionnaire pour agréable.
Agréer la cession de droit au bail et le cessionnaire comme nouveau locataire, sans pour autant décharger le cédant de son obligation de solidarité au paiement du loyer jusqu’à l’expiration de
la période de neuf ans actuellement en cours.
-et solliciter la signification prévue par l’article 1690 du code civil, et accepter en conséquence que la cession de bail lui soit opposable a compter du 1er janvier 2013’.
Le 14 janvier 2013, M. [R] [H] a adressé à M. [U] [N] une lettre recommandée avec accusé de réception pour communication d’une copie de l’acte de vente avec demande de dispense de signification par huissier de justice.
Le 18 janvier 2013, M. [R] [H] a adressé à M. [U] [N] les exemplaires originaux des avenants de renouvellement au bail que M. [U] [N] a signé immédiatement.
Le 29 janvier 2013, M. [U] [N] a signifié à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] un commandement d’avoir à régulariser la situation et à reprendre l’exploitation du fonds.
Le 19 mars 2013, M. [R] [H] a procédé à la signification de l’acte de cession à M. [U] [N].
Le 6 mai 2013, M. [U] [N] a assigné M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] en résolution du bail et expulsion.
Il résulte de ces éléments, d’une part, que l’accord écrit du bailleur était indispensable dans le cadre de la cession du fonds de commerce en cause pour que celle-ci puisse inclure le droit au bail, les termes du bail, parfaitement connus de M. [R] [H], étant clairs, précis et dépourvus d’ambiguïté.
D’autre part, les pièces produites démontrent que M. [U] [N] n’a pas formellement donné son accord écrit à cette cession de fonds de commerce, ce dont M. [R] [H] devait avoir conscience, et ce, alors qu’il a mentionné l’inverse dans le contrat de cession qu’il a rédigé et soumis à la signature de ses clients.
L’attitude de M. [U] [N], bailleur, ne peut être valablement avancée par M. [R] [H] pour s’exonérer de sa propre responsabilité.
Il appert donc qu’au jour de la signature de la vente du fonds de commerce exploité dans les locaux appartenant à M. [U] [N], le renouvellement du bail commercial élément dudit fonds n’était pas acquis, et l’agrément du bailleur à la cession n’était pas certaine, contrairement aux mentions contenues dans l’acte de cession daté du 2 janvier 2013.
Au demeurant, si par jugement du 13 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Marseille, saisi par le bailleur, a débouté ce dernier de ses demandes tendant au constat de la résolution du droit au bail et à l’expulsion de la SASU Boucherie [C], cette décision a été partiellement infirmée en appel. En effet, par arrêt du 4 mai 2016, la cour d’appel de Nîmes a déclaré la cession du 2 janvier 2013 inopposable au bailleur, a déclaré le bail renouvelé entre les époux [C] et M. [U] [N] résilié par l’effet de la clause résolutoire, à la date du 20 mars 2013, a déclaré la SASU Boucherie [C] sans droit ni titre et a prononcé son expulsion, faute de libération volontaire par elle des lieux. Une condamnation a été prononcée au titre d’une indemnité d’occupation due in solidum par M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] envers M. [U] [N]. Le pourvoi formé par M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] a été rejeté le 7 septembre 2017.
En définitive, il est établi que M. [R] [H], avocat, a manqué à son obligation d’information et de conseil envers ses clients pour ne pas les avoir informés de l’obligation impérative d’obtenir l’agrément écrit du bailleur préalablement à toute cession du fonds de commerce, ni des risques encourus en l’absence d’agrément écrit antérieur. En outre, en établissant un acte de cession dès le 2 janvier 2013, sans attendre le retour de M. [U] [N] et donc son accord écrit, et en portant une mention inexacte à ce titre dans l’acte de cession, M. [R] [H], avocat, a manqué à son devoir d’assurer la validité et l’efficacité de l’acte par lui rédigé. Enfin, en n’avertissant pas M. [F] [C], Mme [O] [L] épouse [C] et la SASU Boucherie [C] des risques encourus, dès la réaction du bailleur au plus tard lors de la signification du commandement tendant à la régularisation de la situation le 29 janvier 2013, en s’abstenant de leur conseiller une action en vue de dénoncer un refus abusif du bailleur et en les laissant poursuivre leur opération qui les a conduit jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel du 4 mai 2016, M. [R] [H], avocat, a manqué à son devoir de prudence et de diligences.
Les fautes de M. [R] [H], avocat, sont donc caractérisées et sont de nature à engager sa responsabilité, ce que le premier juge a justement retenu. La décision sera confirmée sur le principe de la mise en oeuvre de la responsabilité de l’appelant.
Sur l’indemnisation des préjudices
Seuls les préjudices directement imputables aux fautes retenues à l’endroit de M. [R] [H] peuvent donner lieu à indemnisation des intimés. A ce titre, le premier juge a retenu un préjudice lié à la perte de chance de régulariser une cession de fonds de commerce valable et opposable au bailleur, évalué à hauteur de 112 800 €, outre un préjudice matériel tenant aux frais de justice engagés pour la défense de leurs intérêts à hauteur de 13 829,72 €.
Certes, la notion de perte de chance n’était pas expressément invoquée devant le premier juge qui ne pouvait a priori la retenir. Toutefois, cette notion est désormais débattue devant la cour qui en est saisie, quelque soit le poste de préjudice envisagé, puisqu’il s’agit d’apprécier les conséquences des agissements fautifs de M. [R] [H], ceux-ci s’analysant nécessairement comme une perte de chance d’obtenir le résultat escompté dans toutes ses conséquences, dans la mesure où aucune assurance d’obtenir l’accord du bailleur à la cession du fonds de commerce ne peut être retenue avec certitude. Certes, les conditions de la cession du fonds de commerce envisagée, prévoyant la reprise d’activité par une société dont M. [F] [C], qui prenait sa retraite, demeurait le président, et dont son fils prenait la gestion, ne nécessitaient pas de changement de destination du bail, l’activité exploitée restant la même. Le bailleur pouvait ne pas donner son accord, mais il était alors susceptible de s’exposer à une action judiciaire en reconnaissance d’un refus abusif. Un aléa judiciaire était alors possiblement engagé.
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Sur les préjudices de la SASU Boucherie [C]
Sur le préjudice lié à la perte du droit au bail
Le préjudice de la SASU Boucherie [C] ne peut tenir en une perte de chance de régulariser une cession de fonds de commerce valide. En effet, la cession du fonds de commerce entre M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C], d’une part, et, la SASU Boucherie [C], d’autre part, a bien eu lieu. C’est en revanche le droit au bail qui a été perdu puisque, faute d’agrément du bailleur, l’activité de boucherie n’a pu se poursuivre dans les mêmes locaux.
Le droit au bail est indéniablement un élément incorporel majeur de la cession du fonds de commerce, mais n’en est pas le seul. En page 9 de l’acte de cession du fonds de commerce, fixée à 188 000 €, les éléments corporels cédés ont été évalués à 17 260 € tandis que les éléments incorporels ont été évalués à 170 740 €. Ces derniers comprennent pour une grande part le droit au bail, mais pas seulement.
En raison des manquements commis par M. [R] [H], la SASU Boucherie [C] a perdu une chance de conserver le droit au bail dont disposaient ses auteurs, sans qu’il s’agisse d’un préjudice entier, puisque la certitude d’avoir être en mesure d’obtenir l’accord du bailleur n’est pas acquise. Cette perte de chance peut être évaluée à 80 % de la valeur du droit au bail, de sorte que M. [R] [H] doit être condamné à indemniser M. [F] [C] de ce chef à hauteur de 80 000 €.
Sur le préjudice matériel
En premier lieu, la SASU Boucherie [C] entend être indemnisée des importants travaux de rénovation, de mises aux normes et d’agencements qu’elle a été contrainte de réaliser pour adapter les nouveaux locaux trouvés à [Localité 9] pour exercer son activité de boucherie. Elle justifie effectivement du fait que les installations de l’ancien local commercial, tels la chambre froide, la banque réfrigérée et une grande part du mobilier n’ont pas pu être déménagés. Au vu des pièces produites, il est justifié de dépenses à hauteur de 2 230 € au titre des enseigne et du mobilier, de 39 690 € au titre des travaux de maçonnerie, plomberie et électricité, de 45 255,11 € au titre des équipements frigorifiques et de climatisation, ainsi que de la somme de 53 450 € au titre des frais d’agencement, de plomberie et d’électricité, soit une somme totale de 140 625,11 €. Les autres frais concernant les frais d’agence, de dépôt de garantie et d’indemnité de pas de porte, ne sont pas en lien direct avec la perte de chance de conserver le droit au bail ancien. A ce titre, M. [R] [H] doit être condamné à indemniser la SASU Boucherie [C] à hauteur de 80 % de cette somme, soit 112 500,10 €, au titre des frais de déménagement et de ré-aménagement.
En deuxième lieu, la SASU Boucherie [C] sollicite le paiement des frais de procédure induits à raison des manquements fautifs de M. [R] [H], notamment s’agissant de l’ensemble de l’instance ayant donné lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 4 mai 2016. Ce préjudice est justifié, s’agissant de la SASU Boucherie [C], à hauteur de 8 397,83 €. A ce titre, le préjudice indemnisable ne tient pas en une perte de chance, mais correspond à l’intégralité des frais engagés puisque, sans les fautes de M. [R] [H], aucun de ces frais n’auraient été engagés.
Au total, le jugement entrepris doit être réformé quant au quantum du préjudice alloué à la SASU Boucherie [C] et M. [R] [H] sera condamné à l’indemniser au titre de l’ensemble des préjudices subis à hauteur de 200 897,93 €.
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Sur les préjudices de M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C]
Au titre d’un préjudice matériel
Comme la SASU Boucherie [C], M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] ont dû engager des frais de procédure dans le cadre des instances intentées et subies directement du fait des manquements de M. [R] [H] à ses obligations; a ces titres, M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] peuvent prétendre à une indemnisation intégrale qui correspond, au vu des justificatifs produits, à la somme de 6 275 €.
M. [R] [H] sera donc condamné à indemniser M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] ensemble à hauteur de cette somme au titre de leur préjudice matériel.
Au titre d’un préjudice moral
Compte tenu du fait que M. [R] [H] était le conseil habituel des époux [C], qu’ils lui ont accordé une réelle confiance, et, eu égard à l’ancienneté de l’exploitation du fonds de commerce de boucherie dans le cadre du droit au bail consenti par M. [U] [N], il est établi que la perte de celui-ci a causé à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] un préjudice moral qui sera justement indemnisé par l’octroi de la somme de 2 000 € à chacun d’eux.
La décision entreprise sera réformée en ce sens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [R] [H], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d’appel. En outre, l’indemnité à laquelle il a été condamné en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 3 000 € chacun sera mise à sa charge au bénéfice des époux [C], d’une part, et de la SASU Boucherie [C], d’autre part, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en considération de l’équité et de la situation économique respectives des parties.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [R] [H], avocat, à payer à la SASU Boucherie [C], Mme [O] [L] épouse [C] et M. [F] [C], pris ensemble, la somme de 112 800 € en réparation du préjudice lié à la perte de chance de régulariser une cession de fonds de commerce valable et opposable au bailleur, et, la somme de 13 829,72 €, au titre des frais de justice exposés pour la défense de leurs intérêts dans les procédures les ayant opposées au bailleur,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne M. [R] [H], avocat, à payer à la SASU Boucherie [C] les sommes de :
– 80 000 € au titre de la perte de chance de conserver le droit au bail de ses auteurs,
– 112 500,10 €, au titre des frais de déménagement et de ré-aménagement,
– 8 397,83 € au titre de son préjudice matériel s’agissant des frais de procédures engagés,
le tout avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et avec capitalisation,
Condamné M. [R] [H], avocat, à payer à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] les sommes de :
– 6 725 € au titre de leur préjudice matériel,
– 2 000 € chacun, soit 4 000 € en tout, au titre de leur préjudice moral,
le tout avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et avec capitalisation,
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Condamne M. [R] [H], avocat, à payer à la SASU Boucherie [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [R] [H], avocat, à payer à M. [F] [C] et Mme [O] [L] épouse [C] ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [R] [H], avocat, de sa demande sur ce même fondement,
Condamne M. [R] [H], avocat, au paiement des dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT