Selon l’article L. 632-3 du code de commerce, ‘les articles L. 632-1 et L.632-2 ne portent pas atteinte à la validité du paiement d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou d’un chèque.
Toutefois, l’administrateur ou le mandataire judiciaire peut exercer une action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cas de tirage pour compte, contre le donneur d’ordre, ainsi que contre le bénéficiaire d’un chèque et le premier endosseur d’un billet à ordre, s’il est établi qu’ils avaient connaissance de la cessation des paiements. Nos Conseils: – Il est essentiel pour le liquidateur judiciaire de démontrer que la banque avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Sofea à la date des opérations litigieuses, conformément à l’article L. 632-3 du code de commerce. – Il est recommandé de vérifier si la banque a respecté son devoir de non immixtion dans les affaires de sa cliente, et si elle a agi de manière diligente pour détecter les signes de difficultés financières de la société. – Il est important de prendre en compte les éléments concrets et vérifiables, tels que les comptes de l’exercice, les échéances des prêts honorées et les décisions prises lors de la procédure collective, pour étayer les demandes du liquidateur et renforcer sa position juridique. |
→ Résumé de l’affaireLa Sasu Sofea, dirigée par Madame [M] [L], a acquis un fonds de commerce de prêt à porter, maroquinerie, bijoux et accessoires de mode. Après avoir bénéficié d’une ligne de crédit de 50 000 €, la société a été placée en redressement judiciaire en juin 2019, puis en liquidation judiciaire en février 2020. La Caisse d’épargne Midi-Pyrénées a déclaré une créance de 332 034,55 € et a assigné Madame [L] en tant que caution solidaire et avaliste pour le remboursement de différentes sommes. Le mandataire liquidateur de la société Sofea a également demandé à la banque de restituer la somme de 200 000 € concernant des billets à ordre émis pendant une période suspecte. Le tribunal de commerce a rendu des jugements condamnant Madame [L] à payer les sommes réclamées par la banque, et déboutant le mandataire liquidateur de ses demandes. Les parties ont fait appel de ces décisions. La Selarl Aegis demande la restitution de la somme de 200 000 € à la banque, tandis que la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées demande le rejet des demandes de la Selarl Aegis et réclame des dommages et intérêts.
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→ Les points essentielsLes montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
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→ Mots clefs associés & définitions |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/01336
ARRÊT N° 187
N° RG 23/01336 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PMBB
IMM / CD
Décision déférée du 01 Mars 2023 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2022J00060
M. CHEFDEBIEN
S.E.L.A.R.L. AEGIS
C/
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. AEGIS
prise en la personne de Me [V], en qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS SOFEA »
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Cécile CHAPEAU, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Christophe MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE
EN PRESENCE :
MP PG COMMERCIAL
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
[Adresse 5]
[Localité 3]
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère, chargée du rapport et S. MOULAYES.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
S.MOULAYES, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
MINISTERE PUBLIC:
Représenté lors des débats par M. [W], qui a fait connaître son avis le 24 mai 2023
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
La Sasu Sofea, créée en janvier 2015, dont la gérante et associée unique est Madame [M] [L] a acquis un fonds de commerce de prêt à porter, maroquinerie, bijoux et accessoires de mode, sis [Adresse 6] à [Localité 7].
A compter du mois de juin 2017, la banque a accordé à la société Sofea une ligne de crédit par la souscription d’un billet à ordre, renouvelé tous les trois mois pour la somme de 50 000 €, avalisé par Madame [L].
La société Sofea a bénéficié d’un mandat ad hoc selon ordonnance du 6 septembre 2018.
Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal de commerce a ouvert le redressement judiciaire de la société Sofea, désigné la selarl Aegis en qualité de mandataire judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 1er avril 2018.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal a arrêté un plan de cession du fonds de commerce de [Localité 7] et par jugement du même jour , il a ouvert la liquidation judiciaire de la société Soféa. La selarl Aegis a été désignée en qualité de liquidateur.
La Caisse d’épargne Midi-Pyrénées a déclaré sa créance pour la somme totale de 332 034,55 €, au titre de plusieurs prêts bancaires et de l’avance de trésorerie.
Par exploit du 19 novembre 2020, la Caisse d’Epargne Midi Pyrénées, a fait assigner Madame [L], caution solidaire et avaliste de la société Sofea en paiement des sommes de
– 83 306,74 € au titre de son engagement de caution solidaire du prêt n°4699841 outre intérêts au taux de 1,15 %,
– 37 698,84 € au titre de son engagement de caution solidaire du prêt n°4699842, outre intérêt de 1,15 %,
– 50 000 € en sa qualité d’avaliste d’un billet à ordre, outre intérêt aux taux légal à compter du 23 juillet 2020.
La Selarl Aegis en qualité de mandataire liquidateur de la société Sofea est intervenue volontairement à l’instance pour former des demandes reconventionnelles relatives aux billets à ordre qu’elle estimait avoir été émis pendant la période suspecte.
La Banque ayant critiqué cette intervention volontaire qu’elle estimait irrecevable, le mandataire judiciaire a fait assigner la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées suivant exploit d’huissier du 19 janvier 2022, afin de voir la banque condamnée à lui restituer la somme de 200 000 €, au titre des billets à ordre émis les 1er mai 2018, 1er août 2018, 1er novembre 2018, 1er février 2019, pendant la période suspecte,
Dans l’instance entre la Banque et Madame [L], le tribunal de commerce a, par jugement du 1er mars 2023, déclaré l’intervention de la banque irrecevable et condamné Madame [L] à payer à la banque les sommes réclamées par cette dernière. Madame [L] a relevé appel de ce jugement. L’affaire est enregistrée sous le n° 23/1341.
Par un second jugement du 1er mars 2023, le tribunal a statué sur les demandes formées par le liquidateur à l’égard de la banque, a débouté la selarl Aegis de ses demandes et l’a condamnée à payer à la banque une indemnité de 800 €, ainsi que les entiers dépens de l’instance.
Par déclaration en date du 13 mars 2023, la selarl Aegis a relevé appel de ce jugement.
La clôture est intervenue le 22 janvier 2024
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 22 novembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Selarl Aegis, en qualité de liquidateur de la société Sofea demandant, au visa des articles L 511-12, L 512-3 et L 632-3 du code de commerce,
– Infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté la Selarl Aegis, prise en la personne de Maître [V], en qualité de mandataire liquidateur de la société Sofea de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
– Infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné la Selarl Aegis, prise en la personne de Maître [V], ès qualités à payer à la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné la Selarl Aegis, prise en la personne de Maître [V], ès qualités aux entiers dépens, frais passant en frais privilégié de la procédure collective,
Statuant à nouveau,
– Dire recevable et bien fondée son action en rapport,
– Infirmer la décision de première instance en ce qu’elle l’a condamnée aux entiers dépens, frais passant en frais privilégié de la procédure collective,
Statuant à nouveau,
– condamner la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées à lui restituer, la somme de 200 000 €, au titre des billets à ordre émis les 1er mai 2018, 1er août 2018, 1er novembre 2018, 1er février 2019 pendant la période suspecte, assortie des intérêts légaux depuis le 12 mai 2021,
En tout état de cause,
– Débouter la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées à lui payer la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel
Vu les conclusions notifiées le 23 août 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Caisse d’Epargne Midi Pyrénées demandant à la cour au visa des articles L631 et suivant et L632-3 du code de commerce, 66 et 325 et 367 du code de procédure civile, de
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de ‘appel,
– le dire mal fond,
– débouter la Selarl Aegis de l’ensemble de ses demandes ;
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamner la Selarl Aegis au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la Selarl Aegis aux dépens d’appel.
Le Ministère public a indiqué par avis porté à la connaissance des parties à l’ouverture des débats s’en remettre à l’appréciation de la cour.
Le liquidateur sollicite la restitution de la somme de 200 000 € correspondant au renouvellement à quatre reprises, les 1er mai 2018, 1er août 2018, 1er novembre 2018 et 1er février 2018 d’une facilité de caisse de 50.000 €, sous forme d’un billet à ordre, pendant la période suspecte.
Selon l’article L. 632-3 du code de commerce, ‘les articles L. 632-1 et L.632-2 ne portent pas atteinte à la validité du paiement d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou d’un chèque.
Toutefois, l’administrateur ou le mandataire judiciaire peut exercer une action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cas de tirage pour compte, contre le donneur d’ordre, ainsi que contre le bénéficiaire d’un chèque et le premier endosseur d’un billet à ordre, s’il est établi qu’ils avaient connaissance de la cessation des paiements.’
Il appartient dès lors au liquidateur judiciaire d’établir en premier lieu que la banque avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Sofea.
Le liquidateur estime que la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, banque unique de la société Sofea qui rencontrait des difficultés de trésorerie ayant justifié les avances consenties sous forme d’un billet à ordre renouvelable, avait nécessairement connaissance de l’état de cessation des paiements de sa cliente.
La Banque le conteste en faisant valoir qu’elle ne disposait d’aucun élément lui permettant de déceler l’état de cessation des paiements.
En l’espèce, le tribunal de commerce, saisi par la gérante de la société Sofea ayant déclaré l’état de cessation des paiements le 31 mai 2019 a ouvert le redressement judiciaire de la société Sofea par jugement du 6 juin 2019 et fixé la date de cessation des paiements au 1er avril 2018 en relevant qu’à cette date, la débitrice n’avait plus la trésorerie lui permettant de régler son loyer pour le local de Blagnac.
Il n’est pas contesté que la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées était le banquier unique de la société mais cette circonstance ne permet pas à elle seule d’établir qu’elle avait connaissance de l’état de cessation des paiements à la date retenue par le tribunal.
Rien ne permet non plus de retenir que la banque qui supporte un devoir de non immixtion dans les affaires de sa cliente, avait connaissance de l’impayé de loyer qui a permis au tribunal de fixer l’état de cessation des paiements au 1er avril 2018.
Certes, les comptes de l’exercice 2017 font apparaître un résultat négatif de 60 069 € un CA de 537 179 € mais il n’appartenait pas à la banque d’analyser la situation comptable de sa cliente.
Contrairement à ce que soutient le liquidateur, l’état de cessation des paiements ne peut se déduire de l’existence d’une facilité de caisse renouvelée depuis plusieurs mois comme c’est le cas en l’espèce. L’examen de l’historique du compte bancaire ne révèle pas que des chèques ou virements ont été rejetés et le liquidateur admet lui même que les échéances des prêts ont été honorées jusqu’en février 2019.
Or, aucune opération postérieure à cette date n’est reprochée à la banque par le liquidateur.
La cour constate enfin que la société Sofea a bénéficié d’un mandat ad hoc par ordonnance du 6 septembre 2018 qui a notamment confié au mandataire la mission de vérifier que la société ne se trouvait pas en état de cessation des paiements. Or, rien ne démontre que le mandataire, qui supportait alors l’obligation d’informer le président du tribunal de commerce, a constaté l’existence d’un état de cessation des paiements et la procédure collective n’a été ouverte, à la demande de la gérante, que 10 mois plus tard.
Dès lors que la démonstration de la connaissance par la banque de l’état de cessation des paiements de la société Sofea à la date des opérations litigieuses n’est pas rapportée par le liquidateur, c’est à juste titre que le tribunal l’a débouté de ses demandes.
Le jugement sera en conséquence intégralement confirmé.
Les dépens de l’instance seront supportés par la procédure collective.
Les circonstances de l’espèce ne justifient pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées.
– Confirme le jugement déféré,
y ajoutant,
– Dit que les dépens d’appel seront supportés par la procédure collective,
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente
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