Location-gérance : une sous-location ?

Notez ce point juridique

En vertu de l’article L. 145-31 du code de commerce, toute sous-location totale ou partielle du bail commercial est interdite sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur.

Cette interdiction légale, le cas échéant reprise dans les stipulations contractuelles, ne s’étend pas à la location-gérance, telle que définie au sens de l’article L144-1 du code de commerce, qui n’est pas une simple sous-location.

En revanche, les parties au contrat de bail commercial restent libres d’encadrer, par les stipulations du bail, l’occupation des locaux par des tiers autres que le preneur à bail commercial.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre la société URBAN ESCAPE, propriétaire d’un local commercial à Bordeaux, et la société CLARO QUE SI, locataire du bail commercial. La société URBAN ESCAPE demande au tribunal de constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial en raison du non-respect de la destination des locaux loués et de l’exploitation du fonds de commerce en location-gérance sans autorisation. Elle demande également l’expulsion de la société CLARO QUE SI et le paiement d’une indemnité d’occupation. La société CLARO QUE SI conteste ces accusations et demande à être garantie par la société CALAJAN, locataire-gérant du fonds de commerce, en cas de condamnation. Les deux parties ont des arguments juridiques contradictoires concernant la validité de la location-gérance, le respect de la destination du bail et la responsabilité des différentes parties impliquées.

Les points essentiels

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:

Mots clefs associés & définitions

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 mai 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n°
22/05553
N° RG 22/05553 – N° Portalis DBX6-W-B7G-W2ZI
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

30Z

N° RG 22/05553 – N° Portalis DBX6-W-B7G-W2ZI

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.C.I. URBAN ESPACE

C/

S.A.S. CALAJAN, S.A.S.U. CLARO QUE SI

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL AUSONE AVOCATS
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ Greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS

A l’audience publique du 09 Avril 2024

JUGEMENT

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE

S.C.I. URBAN ESPACE
CHATEAU DU SEUIL
33720 CERONS

représentée par Maître Arthur CAMILLE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

S.A.S. CALAJAN immatriculée au RCS DE BORDEAUX sous le numéro 900 983 180
29 rue du Loup
33000 BORDEAUX

défaillant

N° RG 22/05553 – N° Portalis DBX6-W-B7G-W2ZI

S.A.S.U. CLARO QUE SI
29 rue Loup
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Exposé des faits et de la procédure

Le 5 septembre 2006, Monsieur [M] [F], propriétaire d’un local commercial situé au 29, rue du Loup à BORDEAUX (33) l’a donné à bail commercial à Monsieur [C] [U].
Par acte authentique en date du 16 septembre 2006, la société civile immobilière URBAN ESCAPE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BORDEAUX sous le numéro 453.419.079 (ci-après la « société URBAN ESCAPE »), a acquis le local de monsieur [F].

Suite à plusieurs cessions dudit bail commercial et en dernier lieu à un acte de cession de fonds de commerce en date du 21 septembre 2018, la société par actions simplifiée à associé unique CLARO QUE SI, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BORDEAUX sous le numéro 841.537.855 (ci-après la « société CLARO QUE SI »), est bénéficiaire de ce bail commercial.

Ce bail commercial, initialement conclu pour une durée de 9 ans, a été renouvelé, par acte sous seing privé du 30 juin 2015, pour une durée de 9 ans à compter du 4 septembre 2015 avec un loyer de 5.912,74 euros par an.

Le contrat initial prévoyait, notamment, une affectation des lieux loués à une activité de salon de thé/sandwicherie, outre une « CLAUSE RESOLUTOIRE » sans modification lors du renouvellement du bail mais avec un ajout concernant l’affectation des locaux par attestation du 22 janvier 2013, ajoutant la possibilité d’exercer une activité de sandwicherie chaude.

La société CLARO QUE SI a conclu le 04 juin 2021, en qualité de loueur, avec la SAS CALAJAN, en qualité de locataire-gérant, un contrat de location gérance.

La société URBAN ESCAPE a fait délivrer à la société CLARO QUE SI, par acte extrajudiciaire du 13 mai 2022, un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à mettre un terme à la location gérance et d’avoir à respecter la destination du bail.

Après délivrance par acte extrajudiciaire du 29 juin 2022, d’une sommation interpellative afin de confirmer si le fonds de commerce était toujours exploité en location-gérance et obtenir la carte des plats et vins proposés, à laquelle le dirigeant de la société CALAJAN a répondu que sa société était toujours locataire-gérant et que l’activité exploitée était toujours celle de restauration rapide, la société URBAN ESCAPE a, par acte du 25 juillet 2022, fait assigner la société CLARO QUE SI devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins, notamment, de constater l’acquisition de la clause résolutoire ou, à défaut, de voir prononcer la résolution judiciaire du bail commercial litigieux.

Après délivrance le 10 janvier 2023, par la société CLARO QUE SI à la société CALAJAN, par acte extrajudiciaire ayant donné lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses, d’une sommation de payer les redevances et sommation de respecter la clause de destination du bail, par acte du 24 janvier 2023, la société CLARO QUE SI a fait assigner en intervention forcée la société CALAJAN aux fins de garantie de toute condamnation prononcée à son encontre.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance en date du 22 février 2023.

La société CALAJAN, régulièrement citée par acte délivré à étude le 24 janvier 2023, n’a pas constitué avocat.
La clôture est intervenue le 8 janvier 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions responsives n°3 non notifiées par voie électronique, reprenant ses conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 18 juillet 2023, sauf à abandonner une prétention suite au règlement de la somme réclamée, la société URBAN ESCAPE demande au tribunal, de :

à titre principal :
constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial litigieux à la date du 13 juin 2022 à 24 heures,ordonner l’expulsion de la société CLARO QUE SI et celle de tout occupant de son chef, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier faute de départ volontaire,condamner la société CLARO QUE SI à lui payer une indemnité d’occupation à compter du 14 juin 2022 d’un montant mensuel de 760,66 euros,
à titre subsidiaire :
prononcer la résolution judiciaire du bail litigieux,ordonner l’expulsion de la société CLARO QUE SI et celle de tout occupant de son chef, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier faute de départ volontaire,condamner la société CLARO QUE SI à lui payer une indemnité d’occupation à compter du prononcé de la décision à intervenir d’un montant mensuel de 760,66 euros,

en tout état de cause :
débouter la société CLARO QUE SI de son appel en garantie à l’encontre de la société CALAJAN et de ses demandes à son encontre,condamner la société CLARO QUE SI au paiement des dépens, en ce compris les frais de signification de l’ordonnance sur requête, les frais de constat d’huissier, le coût des deux sommations interpellatives et celui du commandement visant la clause résolutoire, et à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande principale de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, la société URBAN ESCAPE fait valoir, au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en l’espèce, d’une part que la société CLARO QUE SI n’a pas respecté son obligation contractuelle d’exploiter personnellement l’activité dans les locaux loués et qu’elle n’a pas donné son autorisation pour la conclusion d’un contrat de location-gérance. Elle prétend d’autre part que la société CLARO QUE SI n’a pas respecté la destination des locaux de salon de thé, sandwicherie et sandwicherie chaude pour y installer une activité de restauration classique avec cuisson d’aliments. Elle indique qu’en vertu de l’article 1165 (devenu 1199) du code civil et l’effet relatif des contrats, le propriétaire peut se prévaloir de toutes les infractions au bail, commises par son cocontractant ou par le locataire-gérant, de sorte que la société CLARO QUE SI, en qualité de preneur et toujours seule titulaire du bail, doit assumer toutes les obligations du bail et est responsable du non-respect, par son locataire-gérant exploitant le fonds, de la destination des locaux loués.
La société URBAN ESCAPE ajoute, au visa de l’article L. 145-41 du code de commerce, que le bail comprend une clause résolutoire visant le défaut d’exécution des conditions du bail, que le commandement visant la clause résolutoire du 13 mai 2022 a été signifié à domicile, l’acte ayant été reçu par le locataire gérant qui a accepté de le transmettre au preneur, conformément à l’article 656 du code de procédure civile à l’encontre du défendeur, et que les infractions se sont poursuivies au-delà du délai d’un mois visé par ce commandement. Pour la société URBAN ESCAPE, la société CLARO QUE SI est donc occupant sans droit ni titre depuis un mois après ce commandement, soit le 13 juin 2022 à vingt-quatre heures.

Pour s’opposer à l’appel en garantie de la société CLARO QUE SI à l’encontre de la société CALAJAN, la société URBAN ESCAPE fait valoir qu’en vertu de l’article 1165 (devenu 1199) du code civil et l’effet relatif des contrats, la société CLARO QUE SI, en qualité de preneur, ne peut être garantie de la résolution du bail commercial par un tiers à ce contrat. Elle ajoute que cet appel en garantie ne pourrait concerner que les condamnations pécuniaires et seulement, en vertu de l’effet relatif des contrats, dans les rapports entre la société CLARO QUE SI, loueur, et la société CALAJAN, locataire-gérant.
Au soutien de sa demande subsidiaire de prononcé de la résolution judiciaire du contrat de bail commercial, la société URBAN ESCAPE fait valoir, au visa de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en l’espèce, que les manquements tant à l’obligation d’exploiter personnellement le fonds qu’à la clause de destination du bail justifient de prononcer la résolution judiciaire du bail aux torts exclusifs du preneur.

A l’appui de sa demande d’expulsion de la société CLARO QUE SI, en cas de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, comme en cas de prononcé de la résolution judiciaire du bail, la société URBAN ESCAPE se fonde sur des articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.
Au soutien de sa demande de paiement d’une indemnité d’occupation, la société CLARO QUE SI se fonde sur les stipulations contractuelles prévoyant une majoration de 50% du loyer global de la dernière année de location, soit 6.085,32 euros (507,11 euros par mois) en 2022, aboutissant à une indemnité de 760,66 euros par mois à compter du lendemain de l’acquisition de la clause résolution (14 juin 2022) ou, à défaut, à compter du jugement prononçant la résolution judiciaire.

Dans ses dernières conclusions n° 1 notifiées par voie électronique le 15 novembre 2023 à la SCI URBAN ESPACE, et reprenant les termes de l’assignation délivrée à la SAS CALAJAN, la société CLARO QUE SI demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
débouter la société URBAN ESCAPE de ses demandes,condamner la société CALAJAN à la garantir de toute condamnation mise à sa charge au titre de la violation de la destination du bail commercial.
Pour s’opposer à la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, la société CLARO QUE SI fait valoir d’une part que rien dans le bail commercial n’interdit la location-gérance du fonds de commerce exploité dans les locaux loués, que seule la sous-location est interdite par l’article L.145-31 du code de commerce et qu’une interdiction expresse de la location-gérance devait donc être prévue dans le bail. Elle ajoute que la cession du fonds de commerce étant libre et ne nécessitant pas l’accord du bailleur, la mise en location-gérance ne requiert pas plus une autorisation du bailleur.
Au soutien de sa demande en garantie à l’encontre de la société CALAJAN, la société CLARO QUE SI fait valoir que la destination du bail a été rappelée avec précision dans le contrat de location-gérance et que le locataire-gérant s’est engagé à respecter les termes du bail commercial. Elle ajoute qu’elle n’a eu connaissance des transformations opérées par le seul locataire-gérant, à savoir proposer des plats de restauration traditionnelle en violation des stipulations du bail, qu’avec l’assignation du bailleur et ne les a donc pas autorisées. La société CLARO QUE SI ajoute que le dirigeant de la société CALAJAN a réceptionné plusieurs actes extrajudiciaires qui lui étaient signifiés à la demande du bailleur et ne l’en a pas informée en temps utile, de sorte qu’elle n’a pas pu prendre de mesures pour se conformer aux demandes. Enfin, la société CLARO QUE SI soutient qu’elle est menacée d’une résiliation de son bail commercial du fait des seuls agissements de son locataire-gérant.

MOTIVATION
Sur la demande de constat de la clause résolutoire du bail commercial

En application de l’article 1134 code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En outre, en vertu de l’article L. 145-41 du code de commerce, la clause résolutoire insérée dans un bail commercial ne produit d’effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, celui-ci devant viser la clause résolutoire ainsi que le délai d’un mois.
Enfin, en vertu de l’article L. 145-31 du code de commerce, toute sous-location totale ou partielle du bail commercial est interdite sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur.
Cette interdiction légale, le cas échéant reprise dans les stipulations contractuelles, ne s’étend pas à la location-gérance, telle que définie au sens de l’article L144-1 du code de commerce, qui n’est pas une simple sous-location. En revanche, les parties au contrat de bail commercial restent libres d’encadrer, par les stipulations du bail, l’occupation des locaux par des tiers autres que le preneur à bail commercial.
En l’espèce, le contrat de bail commercial du 5 septembre 2006 contient une clause résolutoire dans les termes suivants : « CLAUSE RESOLUTOIRE Article 1er. – À défaut de […] l’exécution de l’une ou l’autre des clauses et conditions du présent bail ou du règlement de copropriété qui fait également la convention des parties, ou encore d’inexécution des obligations imposées aux locataires par la loi ou les règlements, et un mois après […] une sommation d’exécuter restés sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit ».
Or, si le contrat de bail commercial litigieux ne comprend aucune interdiction de la location-gérance en tant que telle, il stipule une obligation à la charge du preneur de « personnellement exercer dans les lieux loués son activité de façon continue » et il prohibe plus généralement « toute mise à disposition des lieux au profit d’un tiers, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, même à titre gratuit et précaire », ce qui constitue donc une interdiction indirecte de recourir à la location-gérance
Il en résulte que la convention de location-gérance, conclue le 4 juin 2021 entre la société CLARO QUE SI et la société CALAJAN, sans être formellement autorisée par le propriétaire des locaux la société URBAN ESCAPE, l’a été en violation des stipulations du bail commercial rappelées ci-avant.
Par ailleurs, la violation de la clause de destination des lieux par la réalisation d’une activité de restauration au lieu et place d’une activité contractuellement prévue de salon de thé/sandwicherie froide et chaude, a été constatée dans le procès-verbal de constat d’huissier sur ordonnance du tribunal judiciaire de Bordeaux du 08 février 2022. Elle est en outre non contestée par le preneur loueur, tandis que le locataire-gérant exploitant l’activité, défaillant à la présente instance, s’était borné à déclarer à l’huissier, lors de la dernière sommation interpellative, qu’il poursuivait une activité de restauration rapide.
Il n’est pas contesté que ces violations des obligations contractuelles se sont prolongées au-delà du délai d’un mois à la suite du commandement visant la clause résolutoire du 13 mai 2022, l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial litigieux sera donc constatée de ce chef par le tribunal au 13 juin 2022 à vingt-quatre heures.
S’agissant des conséquences de cette résolution, le propriétaire bailleur et le preneur, en dépit de l’existence d’une location-gérance, sont parties au contrat de bail commercial litigieux. Il en résulte que la société CLARO QUE SI sera condamnée, en cette qualité, à supporter les conséquences de la résolution de plein droit constatée au terme du présent jugement, son recours contre le locataire-gérant étant considéré ci-après s’agissant de sa demande en garantie.
En premier lieu, le tribunal ordonnera, conformément aux articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, l’expulsion de la société CLARO QUE SI et celle de tout occupant de son chef, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier faute de départ volontaire.
En second lieu, le contrat de bail commercial stipule en son article « CLAUSE RESOLUTOIRE Article. 2 » que le preneur est débiteur, en cas de résolution de plein droit du bail, d’une « indemnité d’occupation établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majoré de 50% ». Il n’est pas contesté que le loyer de l’année 2022, dernière année de location, est égal à 6.085,32 euros, soit 507,11 euros par mois. L’indemnité d’occupation due par la société CLARO QUE SI à compter de la résolution de plein droit du bail commercial sera par conséquent fixée à la somme de 760,66 euros par mois après majoration contractuelle de 50% du loyer mensuel.

Sur la demande en garantie formée par la société CLARO QUE SI

En vertu de l’effet relatif des contrats prévu par l’article 1165, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce, le bailleur, propriétaire de l’immeuble, peut se prévaloir à l’encontre de son cocontractant de toutes les infractions au bail, qu’elles aient été commises par le preneur lui-même ou par le locataire-gérant.
Dans une telle hypothèse, le preneur-loueur dispose d’un recours sur le fondement de la responsabilité contractuelle contre le locataire-gérant fautif, à condition que le locataire-gérant ait été informé de l’infraction qu’il commettait et mis en demeure de régulariser la situation.
En l’espèce, nonobstant la violation, non contestée, de la clause de destination des locaux par les activités exploitées par le locataire-gérant, la résolution de plein droit du bail était, en tout état de cause, encourue à raison de l’existence même d’un contrat de location-gérance.
Or, la conclusion de ce contrat de location-gérance résulte d’une décision du preneur lui-même qui a souhaité, en violation de son obligation contractuelle d’exploitation personnelle des activités dans les locaux loués, confier la gestion de son fonds de commerce à un tiers. C’est au demeurant l’existence de cette location-gérance qui a rendu possible, par l’action combinée de l’inertie du loueur et des transformations effectuées par le locataire-gérant, la violation de la clause de destination du bail commercial.
Le fait que le dirigeant de la société CALAJAN ait réceptionné, en amont de la présente procédure, divers actes extrajudiciaires destinés à la société CLARO QUE SI, prétendument sans l’en informer en temps utile, est au surplus inopérant dans la mesure où la société CLARO QUE SI avait, par définition, d’ores et déjà une parfaite connaissance de l’existence de cette location-gérance qu’elle savait conclue en violation des stipulations du bail commercial.
Enfin, il sera relevé, s’agissant de la violation de la clause de destination des locaux, que la sommation de se mettre en conformité avec celle-ci, délivrée le 24 janvier 2023 à la demande de la société CLARO QUE SI à destination de son locataire-gérant, l’aurait été, en tout état de cause, tardivement dans la mesure où elle n’aurait pas permis à ce dernier de faire échec à une résolution de plein droit du bail commercial acquise dès le 13 juin 2022.
Par conséquent, la résolution du bail commercial n’est pas prononcée aux termes du présent jugement à raison des seuls agissements de la société CALAJAN en qualité de locataire-gérant et la société CLARO QUE SI sera donc déboutée de sa demande en garantie à l’encontre de la société CALAJAN.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société CLARO QUE SI, qui perd la présente instance, sera condamnée au paiement des dépens tels que définis à l’article 695 du code de procédure civile, n’incluant donc pas les frais de signification de l’ordonnance sur requête, les frais de constat d’huissier, le coût des sommations interpellatives.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, la société CLARO QUE SI, condamnée aux dépens, devra payer à la société URBAN ESCAPE, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, une somme qu’il est équitable de fixer à 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Constate l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial conclu entre la SCI URBAN ESCAPE, en qualité de bailleur, et la SASU CLARO QUE SI, en qualité de preneur, portant sur le local commercial sis 29, rue du Loup à BORDEAUX (33000) à la date du 13 juin 2022 à vingt-quatre heures ;
Ordonne l’expulsion du local commercial sis 29, rue du Loup à BORDEAUX (33000) de la SASU CLARO QUE SI et celle de tout occupant de son chef, au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier faute de départ volontaire dans le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement ;
Condamne la SASU CLARO QUE SI à payer à la SCI URBAN ESCAPE une indemnité d’occupation à compter du 14 juin 2022 à hauteur de 760,66 euros par mois, payable le 05 de chaque mois et jusqu’à libération effective des lieux par de la SASU CLARO QUE SI ou tout occupant de son chef ;

Déboute la SASU CLARO QUE SI de sa demande en garantie à l’encontre de la SAS CALAJAN ;
Condamne la SASU CLARO QUE SI au paiement des dépens, n’incluant pas les frais de signification de l’ordonnance sur requête, les frais de constat d’huissier, le coût des sommations interpellatives ;
Condamne la SASU CLARO QUE SI à payer à la SCI URBAN ESCAPE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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