Droit à l’indemnité d’éviction
Il est acquis que le refus de renouvellement signifié par le bailleur ouvre droit au profit du locataire, d’une part, en vertu de l’article L 145-14 du code de commerce, à une indemnité d’éviction et d’autre part, selon l’article L 145-28 du même code, au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de cette indemnité.
Pourquoi une indemnité d’éviction ?
Aux termes de l’article L 14.5-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Cette indemnité se divise en indemnité principale et en indemnisation liée au droit au bail.
Il est usuel de mesurer les conséquences de l’éviction sur l’activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l’indemnité d’éviction prend le caractère d’une indemnité de transfert ou si l’éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l’indemnité d’éviction une valeur de remplacement.
Locaux comparables
Dans la plupart des hypothèses les juges vérifieront s’il existe, pour le locataire, sur le marché immobilier, des locaux de remplacement du même type. A ce titre, pour trouver un bien équivalent, il faudra notamment rechercher si l’emplacement est déterminant pour l’exploitation commerciale et si un déménagement entraînerait une perte totale ou partielle de la clientèle.
A noter que la notoriété d’une entreprise le sérieux de ses équipes et son professionnalisme, excluent qu’un transfert dans d’autre locaux entraîne la perte totale de la clientèle constituée principalement de professionnels, à la condition toutefois que des aménagements de qualité équivalente puissent être proposés. Dans ce dernier cas, le préjudice subi par le locataire se limiterait à la perte de la valeur du droit au bail.
Missions de l’expert en matière d’indemnité d’éviction
Dans la très grande majorité des cas, un expert est désigné pour évaluer la valeur de l’indemnité d’éviction. Aux termes de l’article 237 du code de procédure civile l’expert doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité. L’article 276 du code de procédure civile dispose par ailleurs que l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et lorsqu’elles sont écrites les joindre à son avis si les parties lui demandent. En vertu de l’article 175 du code de procédure civile la nullité des actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent les actes de procédure.
Indemnité d’éviction et évaluation de la valeur du droit au bail
La valeur du droit au bail est déterminée en fonction de la différence entre le montant du loyer exigible lors du renouvellement et la valeur locative des lieux au prix du marché, cette différence étant capitalisée en fonction de la nature des lieux loués et de la valeur locative de l’emplacement.
Pondération des surfaces
Les superficies réelles retenues par l’expert à partir des plans dressés par géomètre expert servent de référence. La charte de l’expertise en évaluation immobilière publiée en octobre 2012 préconise pour les surfaces de vente supérieures à 1.500 m2 d’ effectuer une pondération des locaux exploités sur plusieurs niveaux pour tenir compte de la configuration, de l’accessibilité et de la hauteur sous plafond des différents niveaux. L’expert pondère donc tout ce qui a attrait aux mezzanines, étages, cour extérieure, sous sols …
Valeur locative de marché et Valeur locative de renouvellement
Il arrive que les parties (locataire et propriétaire) peuvent s’opposées sur le point de savoir si le bail, pour le cas où il aurait été renouvelé, aurait fait l’objet d’un déplafonnement, le bailleur estimant que le loyer aurait été déplafonné. L’article L 145-34 du code de commerce prévoit qu’ à défaut d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L 145-33, au nombre desquels figurent les obligations respectives des parties, le taux de variation du loyer ne peut excéder la variation de l’indice du coût de la construction. Néanmoins, le loyer résultant d’un renouvellement n’est jamais équivalent à la valeur locative de marché, la valeur de renouvellement étant généralement présentée comme issue tant des loyers judiciaires que des renouvellements amiables et des locations nouvelles.
Valeur du droit au bail
L’expert immobilier est en droit d’appliquer au différentiel entre la valeur locative de marché et la valeur locative de renouvellement et compte tenu de la rareté des locaux, un coefficient de 5 qui correspond à une situation moyenne.
Les indemnités accessoires
Le fait que l’indemnité d’éviction prenne le caractère d’une indemnité de remplacement ne fait pas obstacle à l’appréciation des indemnités dites accessoires que subit le preneur évincé du fait de l’éviction.
Frais de remploi et indemnité d’éviction
Ces frais sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais qu’il devra débourser à l’occasion de l’achat d’un fonds d’une valeur équivalente à celui dont il est évincé et comprennent notamment les droits de mutation de et les frais d’agence et de rédaction d’acte. Dans cette affaire, la proposition de l’expert de voir chiffrer à hauteur de 10 % du montant de l’indemnité principale le montant de ces frais de remploi qui est conforme aux usages a été approuvée par les juges.
Trouble commercial
Le trouble causé par le temps nécessaire à une nouvelle installation justifie l’attribution d’une indemnité spécifique destinée à compenser la perte de temps passée par la société locataire au détriment de son activité. Il est d’usage à ce titre de retenir une indemnité calculée sur la rentabilité du fonds pendant une période de trois mois comprenant le montant de la dotation aux amortissements et du résultat d’exploitation.
Perte d’exploitation
Le locataire peut également demander le paiement d’une somme au titre de la perte d’exploitation. Cette indemnisation complémentaire peut être justifiée par la réalité de charges liées à l’improductivité du personnel, les leasings des matériels en cours, les contrats de location de longue durée, les contrats d’entretien et de maintenance, le loyer d’un nouveau local inexploitable, et les frais financiers. Attention : cette indemnisation doit être distincte de l’indemnisation pour trouble commercial destinée à compenser le temps consacré à une nouvelle installation.
Frais de déménagement
Des frais de déménagement sont également dus au locataire sur la base de devis à fournir.
Frais de licenciement
Le locataire peut disposer d’une somme au titre des frais de licenciement si le transfert sur un autre site entraîne le licenciement du personnel salarié
(les frais de licenciement sont payés sur justificatifs).
Frais de réinstallation
Le versement des frais de réinstallation intervient surtout si les nouveaux locaux doivent être aménagés et si le transfert de l’activité nécessite des aménagements spécifiques tels que monte charges, systèmes d’accroches sur ponts roulants ou fixes au plafond, verrières avec stores occultants, climatisation … En outre afin d’offrir à la clientèle des locaux de qualité similaires à ceux dont elle est évincée le locataire peut être amené à effectuer des embellissements.
Frais d’annonce et de mailing
S’agissant d’informer la clientèle du changement d’adresse et non d’organiser une campagne de publicité pour l’entreprise, des devis doivent être présentés aux juges, ceux là accorderont une indemnité sur cette base (mailing, mise à jour du site internet, interventions sur réseaux sociaux, événement d’inauguration des nouveaux locaux …).