Affaire Numericable
La société REVOLUTION MOBILE titulaire de la marque du même nom, a constaté que la société Numericable communiquait sur le web autour du thème de la « Révolution du Mobile » par le biais notamment d’un site internet et d’une page Facebook également au nom » La révolution du mobile ». Estimant que l’utilisation de cette expression et de ce nom de domaine portait atteinte à ses droits sur sa marque et son nom de domaine, la société a poursuivi le câblo-opérateur.
Les juges ont conclu à la validité de la marque « révolution mobile », celle-ci peut servir utilement à désigner les produits et services visés pour permettre au consommateur de les distinguer de produits et services proposés par une autre entreprise. En revanche, la contrefaçon a été exclue.
Marque générique ?
Toute la question était de déterminer si la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif en ce qu’elle était la contraction d’une expression promotionnelle usuelle « la révolution mobile ».
L’article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit qu’est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque non distinctive. L’article L.711-2 du même Code dispose que : « Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénomination qui dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénomination pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l ‘époque de la production du bien ou de la prestation de service ; ç) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c) être acquis par 1’usage. » Il en résulte que la distinctivité du signe contesté doit s’apprécier par rapport aux produits et services visés dans l’enregistrement de la marque. En l’espèce, la marque « Révolution Mobile » visait les produits et services de la publicité, des affaires et du secteur informatique / internet. La marque n’est pas la désignation nécessaire, usuelle ou générique des produits et services en cause, ni une description précise d’une qualité ou d’une caractéristique des services en cause.
Si le mot « révolution » est employé couramment avec d’autres adjectifs ou noms au point de former une véritable expression du langage courant, comme dans l’expression « révolution numérique » ou « révolution du numérique », voire un fait historique, comme dans « révolution culturelle », l’association avec le mot « mobile » ne forme pas une expression passée dans le langage courant qui lui ferait perdre toute capacité distinctive. Si l’expression a pu être employée dans divers médias, pour parler des évolutions de la téléphonie mobile, elle reste inhabituelle et du reste grammaticalement imprécise puisqu’il serait alors plus exact d’évoquer « la révolution du mobile ».
Risque de confusion
La marque « Révolution Mobile » est donc valide mais les juges ont considéré qu’il n’y avait pas de risque de confusion dans l’esprit du public avec l’expression générique « la Révolution du Mobile » dès lors que cette dernière expression n’est pas utilisée dans une fonction de marque mais dans son sens usuel (absence de monopole d’utilisation sur les expressions et termes génériques).
Pour rappel, l’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : …b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. »
Le Tribunal a conclu qu’il existait de nombreuses différences entre les deux expressions en cause. D’un point de vue visuel, il existe des différences manifestes. La marque « REVOLUTION MOBILE » est formée de deux mots et n’est introduit par aucun article. Dans les signes contestés « La Révolution du Mobile » ou « LA REVOLUTION DU MOBILE », la présence de l’article « La » au début du signe, qui est d’autant plus remarquable qu’il est placé en ouverture et de l’article « du » entre « révolution » et « mobile » forment des différences visibles notamment par le nombre de mots plus importants, quatre contre deux. Dans les signes contestés qui sont sous forme attachée, « larevolutiondumobile », l’absence de séparation entre les mots constitue déjà en soi une différence remarquable. Même s’il est fait abstraction de celle-ci, la présence de « la » en début du signe reste une différence majeure. L’approche auditive des signes révèle également des différences notables. Dans ‘REVOLUTION MOBILE » le phrasé coule sans entrave et l’accent tonique est mis uniquement sur le début de l’expression qui est d’autant plus marqué qu’il sonne durement avec un son en « r ». Dans les signes contestés, qu’ils soient en attaché ou non, la présence des deux articles conduit à une scansion de la prononciation qui met l’accent tonique sur chaque début de mot. En outre le signe est introduit par un son beaucoup plus doux. Enfin d’un point de vue conceptuel, la présence des articles loin d’être négligeable, modifie au contraire profondément la compréhension intellectuelle des signes en cause.
Le sens de « REVOLUTION MOBILE » est équivoque, « mobile » pouvant apparaître comme un adjectif qualificatif de « révolution » évoquant alors une révolution qui circule, qui se déroule en plusieurs endroit, ou comme un substantif qui renvoie alors à l’univers des téléphones portables, mais sans que cela soit parfaitement évident. A l’inverse, dans les signes attaqués l’adjonction des articles « la » et « du » ne laisse pas de place à l’ambiguïté. Viennent à l’esprit du public concerné, qui est ici le grand public, les bouleversements en cours dans le secteur du téléphone mobile qui connaît ces dernières années des transformations radicales régulières. En effet, le téléphone mobile est couramment désigné sans le mot « téléphone » mais toujours, dans ce cas, avec un article, un pronom ou un adjectif comme dans : le mobile, ce mobile, ton mobile. « du Mobile » désigne ainsi très directement un téléphone mobile. la comparaison détaillée des signes met donc en lumière des différences significatives.
Mots clés : Marque distinctive
Thème : Marque distinctive
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 22 fevrier 2013 | Pays : France