La Cour de cassation, dans l’affaire opposant la société Planète Prod à France Télévision, vient, sans aucun doute, de rendre une décision qui risque de créer un précédent.
Rupture brutale de relations commerciales
France Télévision a été condamnée à peu moins de 2 millions de dommages et intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale nouée avec les sociétés de production Planète Prod et Presse planète. Depuis 2005, la programmation des chaînes publiques décidée par la société France Télévisions, holding du groupe, et toutes les propositions de magazines, de fictions et de documentaires des sociétés Planète Prod et Presse planète étaient restées sans réponse. Cette situation a conduit à une chute brutale du chiffre d’affaires de ces dernières.
L’article L. 442-6 I 5° du code de commerce dispose qu’engage sa responsabilité, la société qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Notion de relation commerciale établie
La rupture brutale de relations commerciale pour donner lieu à condamnation suppose de prouver l’existence d’une relation commerciale établie. Le code de commerce vise par la référence à une relation commerciale établie la situation contractuelle née de la continuité d’échanges noués entre des parties qui entretiennent des relations stables, suivies et anciennes.
Succession de contrats et relation commerciale établie
L’existence d’une relation commerciale établie peut être admise sur la base d’une succession de conventions, dont l’exécution a duré plusieurs années et a représenté un courant d’affaires significatif pour la société victime de la rupture brutale. Ace titre, peu importe que les contrats soient indépendants les uns des autres et/ou aient porté sur des émissions distinctes ou encore qu’ils aient contenu une clause d’usage permettant à l’une des parties mettre fin à la relation des parties (clause résiliatoire).
Application pratique
Dans l’affaire soumise, de 1998 à 2005, les sociétés Planète Prod et Presse Planète ont produit, pour France 2, cinq séries de magazines et jeux représentant 183 émissions, quatre documentaires et un programme court incluant 260. La relation des parties prenait la forme de différentes conventions : préachat de droits, droits d’option et contrats de production / coproduction.
Cette succession de conventions, dont l’exécution a duré parfois plusieurs années, représentait un courant d’affaires significatif de plusieurs millions d’euros par an et a donné la mesure du caractère stable, suivi et même habituel des relations nouées par les parties. Les juges ont considéré qu’il importait peu ces contrats fussent indépendants les uns des autres et aient porté sur des émissions distinctes ou encore qu’ils aient contenu la clause d’usage permettant à la chaîne de mettre fin à la production et à la diffusion des programmes en cas d’audience insuffisante.
La constance des relations commerciales se déduisait tant de la multiplicité des contrats conclus dont l’exécution s’est étalée sur plusieurs trimestres, que de la pluralité des documentaires, les derniers ayant été produits en 2005, en sorte que chaque année, sans fléchissement significatif, la société Planète Prod élaborait des propositions d’émissions, alors que la société Presse Planète intervenait comme agence de presse pour fournir l’ensemble des éléments d’information relatifs aux émissions produites, les deux sociétés recrutant les intervenants choisis.
Durée du préavis
Les juges d’appel ont fixé le préavis qui aurait du être respecté, à 12 mois. Ce délai était justifié par l’état de grande dépendance dans lequel s’étaient trouvées les sociétés Planète Prod et Presse Planète. La durée de collaboration des parties rendait plus difficile et donc plus longue la reconversion des sociétés Planète» (80 % du chiffres d’affaires réalisé avec France Télévisions).
Préjudice subi
Le préjudice réparable est celui né du caractère brutal de la rupture de la relation commerciale. Ce préjudice correspond à la perte d’activités qui n’a pas pu être prévenue par la recherche d’autres partenariats pendant la période de préavis. Il est égal à la marge brute qui aurait pu être dégagée durant la période d’absence de préavis. La notion de marge brute qui ne connaît pas de définition comptable définitive, peut cependant être calculée en retirant du chiffre d’affaires, les charges générées par la réalisation des émissions pour le cocontractant.
Mots clés : Rupture abusive de relations commerciales
Thème : Rupture abusive de relations commerciales
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour de cass. ch. com. | Date : 25 septembre 2012 | Pays : France