Écoles de cinéma : la cession des droits des étudiants invalidée

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Attention à la rédaction des clauses de cession des droits des étudiants d’écoles : toute ambiguité est sanctionnée par la contrefaçon.

L’École internationale de création audiovisuelle et de réalisation (EICAR) a été condamnée pour contrefaçon. Celle-ci s’est prévalue sans succès des dispositions du guide de l’étudiant en vertu duquel « l’étudiant est détenteur des droits moraux au sens du code de la propriété intellectuelle (CPI), sur les travaux réalisés dans le cadre du cursus effectué à Paris.

Toutefois, l’étudiant concède à l’école une utilisation de ses travaux à des fins exclusivement pédagogiques ou non commerciales, pour effectuer la promotion de l’établissement auprès des publics » .

Il existe soit des contrats de cession de droits, soit des autorisations gratuites d’exécution, ce à quoi doit être assimilée l’autorisation d’usage dont se prévaut la défenderesse.

Une autorisation d’usage, qui n’emporte pas cession des droits, doit être précise, strictement interprétée et a nécessairement un caractère précaire.

Or, la disposition du Guide de l’étudiant, comprise dans le règlement intérieur, est extrêmement large et ne peut donner lieu à discussion de la part de l’auteur pour chacune des œuvres qu’il crée dans le cadre de sa formation.

L’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur jusqu’au 9 juillet 2016, dispose que « les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution ».

En vertu de l’article L. 131-3 du même code, dans sa version également applicable à la cause, « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».

La rédaction de la clause de cession est également ambiguë, puisqu’elle reconnait que l’étudiant est détenteur de ses droits moraux sans invoquer ses droits patrimoniaux, qu’il conserve également, dès lors qu’il n’y a pas de cession.

L’utilisation du terme « concède » est également problématique, comme renvoyant habituellement à une licence d’utilisation. La même conclusion s’impose s’agissant d’un usage à des fins « non commerciales » alors qu’un usage à des fins publicitaires est visé.

Enfin, cette autorisation, dont il n’est pas indiqué qu’elle est révocable, n’est aucunement limitée dans le temps.

Résumé de l’affaire

Monsieur [S] [T], réalisateur et monteur, a suivi une formation à l’école de cinéma EICAR [Localité 6] CAMPUS, anciennement CENTRE [5]. Il a découvert que l’école avait utilisé une image de son film sans son autorisation, et a demandé une compensation financière. L’école a refusé de payer, ce qui a conduit Monsieur [S] [T] à intenter une action en contrefaçon de droits d’auteur devant le tribunal de grande instance de Lyon. Il demande des dommages-intérêts, la cessation de l’utilisation de l’image et la publication d’un avis de condamnation sur le site internet de l’école. L’école conteste les accusations et demande le rejet des demandes de Monsieur [S] [T].

Les points essentiels

Sur la recevabilité de la demande

En vertu de l’article 753 du code de procédure civile, la demande au titre de la contrefaçon de droits d’auteur doit comprendre un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. En l’espèce, la société défenderesse n’a pas repris au dispositif sa prétention à l’irrecevabilité des demandes en contrefaçon de droits d’auteur, ce qui rend la demande recevable.

Sur le bien-fondé de la demande

Monsieur [T] a démontré que l’image litigieuse fait partie de l’œuvre « Rêves d’enfant » qu’il a divulguée en 2013, antérieurement à l’exploitation par la société défenderesse. De plus, l’originalité de la création est établie, et l’autorisation d’usage invoquée par la défenderesse ne couvre pas les atteintes aux droits moraux de l’auteur.

Sur les atteintes aux droits patrimoniaux

La reproduction de l’image extraite du film constitue une contrefaçon des droits patrimoniaux de l’auteur. Des mesures d’interdiction et de réparation sont donc nécessaires, incluant le paiement de dommages et intérêts à Monsieur [T].

Sur les atteintes au droit moral

L’image litigieuse a été modifiée et ne mentionne pas le nom de l’auteur, constituant ainsi une atteinte au droit moral. La société défenderesse sera condamnée à verser des dommages et intérêts à Monsieur [T] pour réparer ce préjudice.

Sur la mesure de publication sollicitée

La demande de mesure de publication sera rejetée, la société ayant proposé une indemnisation et l’utilisation de l’image étant consécutive à une cession de l’école.

Sur les demandes accessoires

La société défenderesse sera condamnée aux dépens et à verser à Monsieur [T] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire sera ordonnée en raison de la nature du litige et de l’ancienneté de la créance.

Les montants alloués dans cette affaire: – La société EICAR [Localité 6] CAMPUS est condamnée à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 20 741 euros au titre de l’atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur
– La société EICAR [Localité 6] CAMPUS est condamnée à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 4 000 euros au titre de l’atteinte aux droits moraux d’auteur
– La société EICAR [Localité 6] CAMPUS est condamnée à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle

Article 753 du code de procédure civile:
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle:
L’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur.

Article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle:
Les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution.

Article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle:
La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

Article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle:
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

Article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle:
Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, le préjudice moral causé à la partie lésée et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Nelly THROO
– Maître Denis WERQUIN
– Maître Pierre CUSSAC

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