1. Attention à la tenue d’une comptabilité sincère et régulière, avec des conventions et des factures pour chaque mouvement financier, afin d’éviter toute irrégularité et de garantir la transparence des opérations.
2. Il est recommandé de veiller à l’usage des biens et du crédit de l’entreprise dans l’intérêt de celle-ci, en évitant tout détournement à des fins personnelles ou pour favoriser des tiers, afin de préserver les intérêts de la société et de ses créanciers. 3. Il est conseillé de coopérer pleinement avec les organes de la procédure en cas de difficultés financières, et de ne pas faire obstacle au bon déroulement de la procédure, pour garantir une gestion transparente et responsable de l’entreprise. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la société Med Clean France, spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets, qui a été placée en redressement judiciaire en 2015. Suite à une enquête, le liquidateur judiciaire a assigné les anciens dirigeants, M. [O] et M. [U], en faillite personnelle et en responsabilité pour insuffisance d’actif. Le tribunal de commerce de Lyon a jugé que les deux dirigeants avaient commis des fautes de gestion, notamment en ce qui concerne la comptabilité irrégulière, la poursuite d’une activité déficitaire et l’usage des biens de la société dans un intérêt contraire. M. [O] a été condamné à payer une partie de l’insuffisance d’actif, tandis que M. [U] a été condamné à une faillite personnelle de 15 ans et à payer une somme importante. Les deux dirigeants ont fait appel de la décision. La Selarl [B], en tant que liquidateur judiciaire, a demandé la confirmation de la décision du tribunal de commerce, soulignant les fautes de gestion et l’enrichissement personnel des dirigeants au détriment des créanciers. La procédure est en attente de délibération.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DÉCISIONSur la demande de confirmation de la décision rendue à l’encontre de M. [O] En l’espèce, M. [O] n’ayant pas interjeté appel de la condamnation prononcée à son encontre, la cour n’est pas saisie le concernant et n’a pas à confirmer la décision des premiers juges. Sur la nullité de la décision déférée L’article R 662-12 du code de commerce dispose : « le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8. » L’article 562 du code de procédure civile dispose : « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. » En l’espèce, il est constaté que ni le jugement ni la note d’audience contresignée par les parties présentes ne font mention de ce document, lequel ne figure pas au dossier du tribunal, à la différence de l’avis du ministère public, joint à la note d’audience qui le mentionne. Il n’est dès lors pas établi que le rapport dont s’agit ait été soumis au tribunal et communiqué, ne serait-ce qu’oralement aux parties, avant la clôture des débats. Le non respect de cette formalité substantielle cause nécessairement grief aux parties, puisque le tribunal a été amené à se prononcer sans connaître la position de l’un des organes de la procédure collective. Il y a donc lieu de prononcer l’annulation du jugement déféré, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens de nullité soulevés. Conformément à l’article 562 du code de procédure civile, l’effet dévolutif de l’appel confère à la cour la connaissance de l’entier litige, il y a donc lieu d’évoquer les autres moyens de procédure et de fond soulevés par les parties. Sur l’existence d’une insuffisance d’actifs L’article L652-1 alinéa 1 du code de commerce dispose : « Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. » Il ressort des éléments versés au débat, et notamment des documents issus de la procédure de liquidation judiciaire que le passif vérifié est fixé à la somme de 6.069.953 euros décomposé de la manière suivante : – passif superprivilégié : 689.188,33 euros Les éléments versés au débat par le liquidateur judiciaire permettent d’établir que l’actif disponible a été réalisé pour la somme de 1.403.471 euros, soit une insuffisance d’actifs fixée à la somme de 4.666.482 euros, somme qui sera retenue dans le cadre de la présente instance. Sur les demandes formées à l’encontre de M. [U] au regard de la responsabilité pour insuffisance d’actifs – Sur la qualité de dirigeant de droit de M. [U] L’article L227-1 alinéa 3 du code de commerce dispose que dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l’exception de l’article L. 224-2, du second alinéa de l’article L. 225-14, des articles L. 225-17 à L. 225-102-2, L. 225-103 à L. 225-126, L. 225-243, du I de l’article L. 233-8 et du troisième alinéa de l’article L. 236-6, sont applicables à la société par actions simplifiée. Pour l’application de ces règles, les attributions du conseil d’administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet. Dès lors, il convient d’exclure du présent débat les dispositions de l’article L225-20 du code de commerce qui ne peuvent s’appliquer à la société Med Clean France qui est une SAS et non une SA. De même, les décisions ou éléments en rapport avec le représentant permanent d’une personne morale dans le cadre d’une SA n’ont pas vocation à s’appliquer à la présente espèce. Enfin, l’article L227-7 du code de commerce applicable aux SAS dispose que lorsqu’une personne morale est nommée président ou dirigeant d’une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s’ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent. Dès lors, étant rappelé que la SAS Med Clean France avait pour présidente, la société Med Clean SA, société de droit suisse dont le représentant légal était M. [U], ce dernier ne peut qu’avoir la qualité de dirigeant de droit de la société de droit français, la SAS Med Clean France, sa situation devant en conséquence être appréciée au regard des dispositions des articles L651-1 et L651-2 du code de commerce. – Sur les fautes de gestion reprochées à M. [U] L’article L651-2 alinéa 1er du code de commerce dispose : « lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, le cas échéant, par le code civil applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et non assujettie à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l’article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l’existence d’une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant. » Au terme des conclusions de la Selarlu Martin, il convient d’analyser les fautes de gestion reprochées à M. [U], et de déterminer si elles sont qualifiées ou non, ou bien si elles peuvent relever de négligences à savoir : – la tenue d’une comptabilité non sincère S’agissant du dépôt des comptes au titre de l’exercice comptable clos au 31 décembre 2014 et non approuvés, il convient de rappeler qu’au terme de l’exercice comptable, la société dispose d’un délai de six mois pour procéder à l’approbation des comptes en assemblée générale. La société Med Clean France a été placée en redressement judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon du 30 mars 2015, dès lors, la période de six mois n’étant pas écoulée, ce grief ne saurait être retenu à l’encontre de M. [U]. S’agissant de l’irrégularité de la comptabilité, il convient de reprendre les pièces versées aux débats par les parties, et notamment le rapport rédigé par le technicien désigné par le juge-commissaire, à savoir le cabinet CM Expertise et d’envisager les analyses de chacune des parties. Sur ce point, il doit être relevé que le technicien a retenu que le commissaire aux comptes n’avait pas exercé sa mission, mais aussi que ses demandes de pièces n’avaient reçu aucune réponse, et surtout que de nombreuses anomalies pouvaient être relevées au titre de l’année 2014 notamment : – l’absence de provision pour 73 K€ s’agissant du client Thermolise dans le cadre d’un litige S’agissant de l’année 2015, le technicien a également retenu le même type de difficultés concernant des notes de frais ou frais de déplacements et s’agissant des charges, les points suivants : – la somme de 92.721 euros au profit de la société Aleph Mobile Agency sans facture, avec un questionnement sur l’utilité de cette prestation et de cette facturation vu que la société était spécialisée en réseaux sociaux et applications smartphone et non en conseil de gestion Le technicien a également mis en avant les éléments suivants au terme de la liquidation judiciaire concernant les relations avec les sociétés tierces à savoir : – l’abandon de la créance de Med Clean SA envers la société Med Clean France pour un montant de 1.500 K€ en 2014 Le technicien a également évoqué les relations de la société Med Clean France avec la société OMP Eco, cette dernière étant une société suisse dont M. [U] est administrateur, et notamment : – le paiement par Med Clean France en juillet, août et septembre 2014 de la somme de 1.402.000 euros à titre d’acomptes pour des machines de traitement de déchets Enfin, le technicien a questionné le loyer payé par la société Med Clean France à la SCI Fonciex dont M. [U] détient 30% des parts, qui a acquis les locaux dans lesquels se trouvait la société et a augmenté le loyer annuel qui est passé à 47.000 euros soit une augmentation de 221% sans modification de la surface occupée, ainsi que la facturation par cette SCI d’un véhicule Audi le 26 septembre 2014 d’un montant de 22.800 euros. Il convient de rappeler que M. [U] était dirigeant de droit de la société Med Clean France, au même titre que M. [O] et se devait donc de diriger la société en conformité avec son intérêt social, étant rappelé en outre qu’il avait intérêt au fonctionnement de la société de droit français puisque la société Med Clean SA, société de droit suisse, était l’unique associé de la société placée en liquidation judiciaire. Sur la question de l’irrégularité de la comptabilité, il convient de rappeler que tout mouvement comptable trouve sa source dans une facture ou une convention, et que chaque mouvement comptable doit donc avoir une contrepartie. Or, les éléments issus du rapport du technicien démontrent que de nombreux mouvements ne sont pas causés, comme n’étant en lien avec aucune facture ou aucune convention, comme c’est le cas pendant plusieurs mois s’agissant de la société CGV. La situation est la même s’agissant de la société Aleph. De même, le pilotage de la société démontre une défaillance certaine, notamment concernant le défaut d’anticipation de la situation avec Thermolise qui mène à une absence de provision s’agissant de ce litige, le pilotage étant dès lors fait sans perspective et au détriment de la pérennité de la société. S’agissant des frais multiples pris en charge par la société au profit d’intérêts personnels, si le technicien n’a pas retenu de frais remboursés au profit de M. [U] concernant des voyages ou séjours à l’hôtel, il convient de rappeler que M. [U], en tant que dirigeant, doit s’assurer que les finances de la société sont affectées à son seul intérêt social et son seul développement. M. [U] ne peut prétendre avoir fait preuve d’une simple négligence puisque sur le dernier trimestre de l’année 2014, la société Med Clean France disposait d’une trésorerie négative, était endettée envers différents fournisseurs non identifiées, et ne s’acquittait pas des sommes dues au titre des cotisations sociales ou des impôts. Par ailleurs, s’agissant des délais de paiement des fournisseurs, il sera relevé que ce délai passe 60 jours, ce qui montre que la situation financière n’est plus gérée. Enfin, M. [U] ne pouvait ignorer l’engagement de sommes importantes au profit de la société OMP Eco, dont il était administrateur avec l’engagement de sommes conséquentes, ayant mises à mal la situation de la société Med Clean France, d’autant plus qu’il avait des intérêts dans chaque société concernée. Si M. [U] peut effectivement indiquer qu’il était nécessaire d’engager des sommes au profit du développement de la société aujourd’hui liquidée, Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Article R 662-12 du code de commerce
– Article 562 du code de procédure civile – Article L652-1 alinéa 1 du code de commerce – Article L227-1 alinéa 3 du code de commerce – Article L651-2 alinéa 1er du code de commerce – Article L653-3 du code de commerce Article R 662-12 du code de commerce: Article 562 du code de procédure civile: Article L652-1 alinéa 1 du code de commerce: Article L227-1 alinéa 3 du code de commerce: Article L651-2 alinéa 1er du code de commerce: Article L653-3 du code de commerce: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES
– Me Mickael BENMUSSA du cabinet Piotraut Giné Avocats – Olivier NAGABBO, avocat général – Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE – Me Evanna IENTILE |