Au sens de l’article L. 631-1 du code de commerce, la notion de ‘passif exigible’ s’entend de l’ensemble des dettes, certaines, liquides et exigibles. Cette dernière condition doit être entendue dans un sens juridique et non comptable. Ainsi, sont exigibles les dettes échues au jour du jugement qui ouvre la procédure collective, qui sont les seules pour lesquelles le débiteur encourt le reproche de non-paiement. Les dettes pour lesquelles le débiteur a obtenu un moratoire ne doivent pas être intégrées dans le passif exigible, afin de déterminer si l’entreprise se trouve ou non en état de cessation des paiements.
Enfin, l’appréciation de l’actif disponible et du passif exigible doit être effectuée à date identique tandis que le débiteur n’a pas à prouver qu’il n’est pas en état de cessation des paiements. Pour statuer sur une demande d’ouverture d’une procédure collective, le tribunal doit avoir connaissance des éléments constitutifs de la cessation des paiements composée du passif exigible et de l’actif disponible. La Cour de cassation exerce un contrôle strict de la notion de cessation des paiements (Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-24.056 ; Cass. com., 17 nov. 2021, n° 20-17.547) L’indispensable comparaison de ces deux postes permet de s’assurer que la procédure peut être ouverte ou non. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. En l’espèce, le Ministère public fait valoir l’absence de dépôt des comptes annuels mais ce fait n’établit pas la réalité d’un état de cessation des paiements. L’inefficacité de la tentative d’entretien de prévention des difficultés ne démontre pas la réalité de l’état de cessation des paiements. Enfin, l’examen des opérations bancaires établissant l’existence d’impayés ne suffit pas à démontrer l’état de cessation des paiements. L’état ce cessation des paiements n’était donc pas établi. |
→ Résumé de l’affaireLa société [V] TRAVAUX PUBLIC SARL a été placée en redressement judiciaire suite à une constatation de cessation de paiements. La société a interjeté appel de cette décision et demande à la cour d’infirmer le jugement d’ouverture de la procédure collective. La SELARL [J], en tant qu’administrateur judiciaire, demande quant à elle la confirmation du jugement initial. La procureure générale soutient également la décision du tribunal mixte de commerce. Les parties ont déposé leurs conclusions et demandes respectives, et la cour doit maintenant statuer sur l’appel de la société [V] TRAVAUX PUBLIC.
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→ Les points essentielsMotifsA titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions. Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Sur la régularité de la procédure d’enquêteEn premier lieu, l’appelante reproche au TMC d’avoir nommé la SELARL [J] en qualité d’expert et Monsieur [T] [P] en qualité de juge enquêteur. Selon la SARL [V] TRAVAUX PUBLIC, l’expert a ensuite été nommé mandataire judiciaire tandis que l’enquêteur n’a pas rencontré le dirigeant de la société, puis a déposé un rapport non contradictoire à l’audience du tribunal. Sur l’état de cessation des paiementsPour considérer que la SARL [V] TRAVAUX PUBLIC se trouve en état de cessation des paiements, le TMC a retenu que : le rapport du juge enquêteur démontre qu’il y a eu des rejets et des incidents répétitifs sur le compte bancaire de la société faisant état de difficultés de trésorerie constante. Le dirigeant Monsieur [V] [S] [W] a déjà fait l’objet d’une liquidation judiciaire en tant qu’entrepreneur individuel en 2015 et pour la SAS [W] qu’il dirigeait en 2019. Le rapport de l’expert évalue le passif à un peu plus de 120.000 euros et s’inquiète de possibles flux anormaux entre la société défenderesse et la SAS [W] à l’origine des difficultés de la SARL [V] TRAVAUX PUBLIC selon le dirigeant. Ce dernier déclare à l’audience que des perspectives positives se profilent avec de nouveaux chantiers en 2023. ConclusionEn conséquence, l’état de cessation des paiements de la SARL [V] TRAVAUX PUBLIC n’est pas suffisamment établi à la date d’ouverture de la procédure collective le 27 octobre 2022. Le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions. L’équité commande de laisser les parties supporter leurs propres dépens et leurs frais irrépétibles. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Code de commerce Article 954 du code de procédure civile: Article R. 621-3 du code de commerce: Article L. 631-1 du code de commerce: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Bernard VON PINE
– Me Sophie LE COINTRE – Madame PROCUREUR GENERAL |