Responsabilité de l’Ambulancier dans un Accident Mortel

Notez ce point juridique

1. Attention à la responsabilité contractuelle et délictuelle : Lorsqu’un contrat de transport est en place, il est essentiel de bien définir les obligations de chaque partie. Dans le cas présent, la société AMBULANCE OUEST EXPRESS avait une obligation contractuelle de sécurité envers Mme [L]. En l’absence de contrat écrit, des éléments graves, précis et concordants peuvent corroborer l’existence d’un contrat d’accompagnement. Il est donc recommandé de toujours formaliser par écrit les termes et conditions des services fournis pour éviter toute ambiguïté et litige ultérieur.

2. Il est recommandé de bien comprendre les rôles et responsabilités des intervenants : Dans ce cas, la distinction entre les tâches de l’aide-ménagère et celles de l’ambulancier est cruciale. L’aide-ménagère n’avait pas vocation à s’occuper des déplacements de Mme [L], une tâche qui incombait à la société d’ambulance. Il est donc important de s’assurer que chaque intervenant connaît et respecte ses limites professionnelles pour garantir la sécurité des patients et éviter des situations de responsabilité partagée.

3. Attention à la preuve de la qualité d’héritier pour les demandes d’indemnisation : Les héritiers doivent prouver leur qualité et l’absence d’autres héritiers pour pouvoir réclamer des indemnités au nom de la défunte. Dans ce cas, le livret de famille seul n’a pas suffi à démontrer la situation successorale. Il est donc recommandé de fournir des documents probants, tels qu’un acte de notoriété, pour établir clairement la qualité d’héritier et éviter que les demandes d’indemnisation soient jugées irrecevables.

Résumé de l’affaire

Résumé des faits de l’affaire

Con
Madame [E] [L], née en 1945, était dialysée trois fois par semaine et transportée par la société AMBULANCE OUEST EXPRESS. Le 10 septembre 2016, elle se blesse à la tête en chutant de son fauteuil roulant à son domicile après une séance de dialyse.

Événements :
– 10 septembre 2016 : Chute de Mme [L] du fauteuil roulant à son domicile, causant une blessure à la tête.
– 11 septembre 2016 : Refus de Mme [L] de se faire laver les cheveux, présence d’une plaie à l’arrière de la tête constatée.
– 13 septembre 2016 : Mme [L] souffre de nausées et de vomissements.
– 17 septembre 2016 : Crise convulsive, évacuation aux urgences, diagnostic d’un hématome à la tête et d’une hémiplégie.
– 18 septembre 2016 : Nouvelle hospitalisation suite à l’aggravation de son état.
– 19 septembre 2016 : Placement en soins palliatifs.
– 22 septembre 2016 : Décès de Mme [L].

Procédure judiciaire :
– 13 mars 2017 : Mme [O] [L] demande une expertise médicale pour déterminer la cause du décès.
– 11 mai 2017 : Expertise médicale ordonnée.
– 12 octobre 2018 : Rapport d’expertise rendu.
– 12 mars 2019 : Proposition d’indemnisation amiable refusée par la société AMBULANCE OUEST EXPRESS.
– 30 avril 2020 : Assignation de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS par la famille [L] pour réparation des préjudices.
– 22 mars 2022 : Tribunal judiciaire de Saint-Denis déclare la société AMBULANCE OUEST EXPRESS responsable du décès de Mme [L] et la condamne à payer des indemnités à la famille [L].
– 12 avril 2022 : Appel interjeté par la société AMBULANCE OUEST EXPRESS.

Jugement de première instance :
– La société AMBULANCE OUEST EXPRESS est déclarée responsable du décès de Mme [L] pour violation de son obligation de sécurité.
– Condamnation à payer des indemnités pour préjudice d’affection et d’accompagnement à la famille [L].
– La société PRUDENCE CREOLE doit garantir les condamnations mises à la charge de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS.

Appel :
– La société AMBULANCE OUEST EXPRESS conteste le jugement, arguant qu’il n’y avait pas de contrat de transport avec obligation de sécurité et qu’aucune faute n’a été commise.
– La famille [L] demande une indemnisation supplémentaire pour les souffrances endurées et l’angoisse de mort imminente de Mme [L].
– La société PRUDENCE CREOLE soutient la position de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et demande la réduction des montants des préjudices.

Observations finales :
– Les consorts [L] soulignent l’absence d’ouverture de succession et la présence d’une indivision successorale de fait entre les héritiers, rendant leur demande d’indemnisation recevable.

Pour plus de détails, il est recommandé de se référer aux écritures des parties figurant au dossier de la procédure.

Les points essentiels

Introduction et rappel des dispositions légales

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Références aux conclusions des parties et ordonnance de clôture

Vu les dernières conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ; Vu l’ordonnance de clôture du 9 mars 2023.

Responsabilité de la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS

La cour dispose d’attestations et d’un rapport d’expertise médicale judiciaire qui établissent les circonstances de l’accident et la responsabilité de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS dans la chute de Mme [L] [E].

Circonstances de l’accident

Les attestations de Monsieur [J] [K] et Monsieur [T] décrivent les événements du 10 septembre 2016, où Mme [L] est tombée lors de son transfert de la clinique Jeanne d’Arc à son domicile, en raison d’une manipulation du fauteuil roulant par l’aide-ménagère en l’absence de l’ambulancier.

Conclusions du rapport d’expertise médicale

Le rapport d’expertise médicale conclut que l’accident du 10 septembre 2016 a causé un traumatisme crânien à Mme [L], entraînant son décès le 22 septembre 2016. Les soins prodigués étaient conformes aux données médicales, mais le transfert n’était pas sécurisé.

Arguments des parties sur la responsabilité

La société AMBULANCE OUEST EXPRESS et la société PRUDENCE CREOLE contestent leur responsabilité, arguant que la chute est due à l’aide-ménagère. Les intimés soutiennent que la société d’ambulance avait une obligation de sécurité et que le contrat de transport incluait un accompagnement jusqu’au domicile.

Responsabilité délictuelle et obligation de sécurité

La cour admet que la victime par ricochet peut invoquer la responsabilité délictuelle pour obtenir réparation. Le transporteur a une obligation de sécurité et de résultat, et en l’espèce, la société AMBULANCE OUEST EXPRESS n’a pas respecté cette obligation.

Rôle de l’aide-ménagère et de l’ambulancier

La cour établit que le transfert de Mme [L] nécessitait l’intervention de deux personnes, et que l’aide-ménagère n’avait pas les compétences pour assurer seule cette tâche. La responsabilité incombait à la société d’ambulance.

Faute de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS

La cour conclut que la société AMBULANCE OUEST EXPRESS a manqué à son obligation de sécurité en ne s’assurant pas de la présence de deux ambulanciers pour le transfert de Mme [L], ce qui a directement causé l’accident.

Appel en garantie à l’encontre de l’assureur

La société d’assurance PRUDENCE CREOLE, assurant la société AMBULANCE OUEST EXPRESS, devra garantir cette dernière de toutes les condamnations mises à sa charge dans le cadre de la présente décision.

Indemnisation des préjudices

La cour confirme les indemnités pour préjudice moral du conjoint et des enfants majeures, ainsi que pour le préjudice d’accompagnement de fin de vie. Les demandes d’indemnisation des souffrances endurées par la défunte et du préjudice de mort imminente sont jugées irrecevables.

Frais irrépétibles et dépens

La SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS devra verser 2500€ aux intimés pour les frais irrépétibles et supportera les dépens de la procédure.

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

Voici la liste des articles des Codes cités dans le texte, ainsi que le texte de chaque article :

– Article 954 du Code de procédure civile :
« A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositifs dans les dernières conclusions signifiées entre les parties.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et ne examine que les moyens qui sont dans la discussion des conclusions.
Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositifs dans les dernières conclusions signifiées entre les parties.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine que les moyens qui sont dans la discussion des conclusions. »

– Article L6312-1 du Code de la santé publique :
« Le transport sanitaire est assuré par des entreprises de transport sanitaire agréées, des établissements de santé ou des établissements médico-sociaux autorisés à cet effet.
Le transport sanitaire comprend :
1° Le transport d’urgence, qui consiste à assurer, à la demande du service d’aide médicale urgente ou d’un médecin, la prise en charge et le transport d’une personne malade, blessée ou parturiente vers un établissement de santé ;
2° Le transport programmé, qui consiste à assurer, sur prescription médicale, le transport d’une personne malade, blessée ou parturiente pour des raisons de soins ou de diagnostic, effectué à l’aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet. »

– Article 1382 du Code civil (ancien, devenu article 1240 du Code civil) :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

– Article 1231-1 du Code civil :
« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Article 700 du Code de procédure civile :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

– Article 696 du Code de procédure civile :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge, par une décision motivée, met tout ou partie des dépens à la charge d’une autre partie. »

Ces articles sont cités dans le contexte de la décision judiciaire concernant la responsabilité de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS dans l’accident survenu à Mme [L] et les conséquences qui en ont découlé.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, Postulant
– Me Anouk CHADAIGNE, Plaidant, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
– Me Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, Postulant
– Me Jessica EDERY, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
– Me François AVRIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 décembre 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
22/00440
ARRÊT N°23/

EF

R.G : N° RG 22/00440 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVSD

S.A.R.L. AMBULANCE OUEST EXPRESS

C/

[L]

[L]

[L]

S.A. PRUDENCE CREOLE

RG 1èRE INSTANCE : 20/00801

COUR D’APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT DENIS en date du 22 MARS 2022 RG n°: 20/00801 suivant déclaration d’appel en date du 12 AVRIL 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. AMBULANCE OUEST EXPRESS

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, Postulant – Me Anouk CHADAIGNE, Plaidant, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Monsieur [A] [V] [L]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentant : Me Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, Postulant – Me Jessica EDERY, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [O] [N] [L]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentant : Me Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, Postulant – Me Jessica EDERY, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [Y] [N] [F] [L]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentant : Me Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, Postulant – Me Jessica EDERY, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A. PRUDENCE CREOLE

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentant : Me François AVRIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 09/03/2023

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 octobre 2023 devant la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 15 décembre 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 décembre 2023.

* * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Madame [E] [L], née le [Date naissance 4] 1945, à [Localité 14], épouse de Monsieur [A] [L] et mère de mesdames [Y] et [O] [L].

Madame [E] [L] était dialysée trois fois par semaine. La société AMBULANCE OUEST EXPRESS était chargée du transport de Madame [L] vers le centre de dialyse, distant d’une centaine de mètres de son domicile.

Elle était initialement transportée de son lit vers le véhicule en fauteuil roulant puis avec l’ambulance jusqu’au centre. A la suite de chutes lors du transfert du véhicule vers le fauteuil roulant à l’arrivée au centre, il était décidé qu’en fonction de la météo, le transfert se ferait en fauteuil de la maison au centre.

Le 10 septembre 2016, au retour de son domicile à la suite d’une dialyse, vers 16 H 30 Madame [L] se serait blessée à la tête en chutant du fauteuil roulant, dans lequel elle se trouvait ‘ en attendant le transfert dans son lit.

Le soir des faits, Mme [Y] [L] avait constaté l’état de stress de sa mère en pleurs qui se plaignait de maux de tête. Elle lui relatait la chute du fauteuil à l’arrivée à son domicile alors que l’aide-ménagère aidait l’infirmier à franchir les deux marches.

L’infirmière de passage à 18 heures constatera le même état de stress.

Le lendemain matin l’infirmier a constaté le refus de Mme [L] d’effectuer un shampoing et notait la présence d’une plaie à l’arrière de la tête.

Le 13 septembre Mme [L] a souffert de nausées et de vomissements.

Le 17 septembre à la suite d’une crise convulsive, elle sera évacuée vers les urgences. Le même jour, le service informait Mme [O] [L] que sa mère présentait un hématome à la tête, cause de sa crise d’épilepsie et qu’elle souffrait d’une hémiplégie due à l’hématome. Elle ne sera pas hospitalisée, faute de places, et retournera à son domicile.

Le lendemain 18 septembre, suite à une nouvelle aggravation de son état, elle était à nouveau hospitalisée. Son état était jugé critique avec de nouvelles crises d’épilepsie.

Le 19 septembre le placement en soins palliatifs était ordonné, aucune intervention chirurgicale n’étant envisageable.

Le 22 septembre 2016, soit douze jours après sa chute, Madame [L] est décédée.

La chute de Madame [L] serait due à une manipulation de son fauteuil lors du franchissement des marches permettant d’accéder au logement.

Le 13 mars 2017, Madame [O] [L] a saisi la Présidente du tribunal de grande instance de Saint-Denis pour qu’une expertise soit réalisée afin de déterminer la cause du décès et d’établir si des éventuelles fautes auraient été commises.

Par ordonnance du 11 mai 2017, la présidente du tribunal de grande instance de Saint-Denis a ordonné une mesure d’expertise médicale relative aux circonstances et raisons médicales du décès de Madame [E] [L] et commis, pour ce faire, le docteur [C], en qualité d’expert.

L’expert a rendu son rapport définitif le 12 octobre 2018.

Par un courrier du 12 mars 2019, le conseil de Madame [O] [L] a écrit au conseil de la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS afin de proposer une indemnisation amiable des préjudices subis par la famille [L], mais en vain.

Suivant acte d’huissier du 30 avril 2020, Monsieur [A] [L], Mesdames [O] et [Y] [L] ont assigné la société AMBULANCE OUEST EXPRESS devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis aux fins d’obtenir la réparation de leurs préjudices.

La société AMBULANCE OUEST EXPRESS s’est opposée à l’ensemble des demandes par voie de conclusions et a appelé en intervention forcée son assureur la société PRUDENCE CREOLE par assignation en date du 30 juin 2020.

Par jugement en date du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :

-Déclare la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, responsable du décès de Mme [E] [L] survenu le [Date naissance 2] 2016 à [Localité 15], en raison de la violation de son obligation de sécurité.

– Condamne la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, à payer les sommes suivantes:

30 000€ à M. [L], époux de la défunte depuis 47 années, au titre de son préjudice d’affection.

15 000€ au titre du préjudice d’affection de Mme [O] [L], fille de la défunte.

15 000€ au titre du préjudice d’affection de Mme [Y] [L], fille de la défunte.

2 000€ à M. [L], époux de la défunte, au titre de son préjudice d’accompagnement.

2 000€ au titre du préjudice d’accompagnement de Mme [O] [L], fille de la défunte;

2 000€ au titre du préjudice d’accompagnement de Mme [Y] [L], fille de la défunte

– Déboute du surplus des demandes.

– Ordonne l’exécution provisoire.

– Condamne la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de la somme de 3500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Dit que la société PRUDENCE CREOLE, prise en la personne de son représentant légal, devra relever et garantir lesdites condamnations mises à la charge de la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS.

– Condamne la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire

Par déclaration du 12 avril 2022, la société AMBULANCE OUEST EXPRESS a interjeté appel du jugement précité.

L’affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 13 avril 2022.

La société AMBULANCE OUEST EXPRESS a déposé ses uniques conclusions d’appelante le 27 juin 2022.

Les consorts [L] ont déposé leurs uniques conclusions d’intimés et d’appel incident le 21 septembre 2022.

La société PRUDENCE CREOLE a déposé ses premières conclusions d’intimée le 21 septembre 2022.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 09 mars 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses uniques conclusions d’appelante déposées le 27 juin 2022, la société AMBULANCE OUEST EXPRESS demande à la cour de:

– INFIRMER le jugement rendu le par le Tribunal judiciaire de Saint-Denis en ce qu’il a jugé :

DECLARE la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, responsable du décès de Mme [E] [L] survenu le [Date naissance 2] 2016 à [Localité 15], en raison de la violation de son obligation de sécurité ;

CONDAMNE la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, à payer les sommes suivantes :

-30.000€ à M. [L], époux de la défunte depuis 47 années, au titre de son préjudice d’affection ;

-15 000€ au titre du préjudice d’affection de Mme [O] [L], fille de la défunte ;

-15.000€ au titre du préjudice d’affection de Mme [Y] [L], fille de la défunte ;

-2.000€ à M. [L], époux de la défunte, au titre de son préjudice d’accompagnement ;

-2.000€ au titre du préjudice d’accompagnement de Mme [O] [L], fille de la défunte ;

-2.000€ au titre du préjudice d’accompagnement de Mme [Y] [L], fille de la défunte ;

– DEBOUTE du surplus des demandes ;

– ORDONNE l’exécution provisoire ;

– CONDAMNE la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de la somme de 3500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– CONDAMNE la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

– JUGER qu’il n’existait pas de contrat de transport assorti d’une obligation de sécurité de résultat entre la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et Madame [E] [L] à l’instant de sa chute.

– JUGER que la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et son préposé n’ont commis aucune faute dans le transport de Madame [E] [L].

En conséquence de :

JUGER que la société AMBULANCE OUEST EXPRESS n’a engagé, ni sa responsabilité contractuelle, ni sa responsabilité délictuelle.

DÉBOUTER les demandeurs de l’intégralité de leurs prétentions

CONDAMNER solidairement les demandeurs à verser à la société AMBULANCES OUEST EXPRESS la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a « DIT que la société PRUDENCE CREOLE prise en la personne de son représentant légal, devra relever et garantir lesdites condamnations mises à la charge de la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS ».

*

Aux termes de leurs uniques conclusions d’intimés et d’appel incident déposées le 21 septembre 2022, les consorts [L] demandent à la cour de:

– JUGER Monsieur [A], et Mesdames [F] et [O] [L] recevables en leur défense et en leur appel incident ;

– INFIRMER la décision déférée en ce qu’elle a :

Débouté les parties du surplus de leurs demandes, notamment la demandes des concluants sur l’indemnisation de leurs préjudices au titre des souffrances endurées, et au titre de l’angoisse de mort imminente subis par Madame [E] [L].

Statuant à nouveau :

– JUGER que la société AMBULANCE OUEST EXPRESS est à l’origine des souffrances endurées par Madame [E] [L], et de son angoisse de mort imminente avant son décès.

– JUGER que la société AMBULANCE OUEST EXPRESS engage sa responsabilité délictuelle à l’égard de Madame [E] [L] de ce chef.

– JUGER que la société AMBULANCE OUEST EXPRESS doit indemniser Monsieur [A], et Mesdames [F] et [O] [L] des préjudices subis par Madame [E] [L], à savoir le préjudice résultant des souffrances endurées, et le préjudice d’angoisse de mort imminente.

– CONDAMNER en conséquence la société AMBULANCE OUEST EXPRESS à régler à Monsieur [A], et à Mesdames [F] et [O] [L] la somme de 5 000 € au titre des souffrances physiques, subies pendant 12 jours par Madame [E] [L], avant son décès.

– CONDAMNER en conséquence la société AMBULANCE OUEST EXPRESS à régler à Monsieur [A], et à Mesdames [F] et [O] [L] la somme de 5 000€ au titre de l’angoisse de mort imminente développée par Madame [E] [L], avant son décès.

En tout état de cause :

– CONFIRMER la décision déférée pour le surplus ;

– DEBOUTER la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et la société PRUDENCE CREOLE de leurs moyens, fins et prétentions contraires ;

– CONDAMNER la société AMBULANCE OUEST EXPRESS à payer la somme de 4 500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à :

Monsieur [A] [L] ;

Madame [F] [L] ;

Madame [O] [L]

– CONDAMNER la société AMBULANCE OUEST EXPRESS aux entiers dépens d’instance.

*

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée numéro 2 déposées le 23 septembre 2022, la société PRUDENCE CREOLE demande à la cour de:

– VOIR infirmer la décision frappée d’appel suivant les conclusions de la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS.

– VOIR dire et juger que la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS et son préposé n’ont commis aucune faute dans le transport de Madame [E] [L].

– VOIR constater qu’il n’existait pas de contrat d’accompagnement entre la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS et Madame [E] [L].

En conséquence de :

– DIRE ET JUGER que la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS n’a engagé, ni sa responsabilité délictuelle, ni sa responsabilité contractuelle;

– DEBOUTER les demandeurs de l’intégralité de leurs prétentions;

Subsidiairement :

Pour le cas où par impossible la cour viendrait à confirmer que la responsabilité de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS, il y aurait lieu de réduire par voie d’infirmation le montant du préjudice comme suit :

Souffrances endurées de Mme [E] [L] : 5.000,00 Euros

Préjudice d’accompagnement 1000,00 Euros

Préjudice d’affection :

Conjoint : 25.000,00 Euros

Enfant : 12.000,00 Euros chacun

VOIR rejeter toute autre demande indemnitaire.

-CONDAMNER solidairement les intimés à verser à la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par avis RPVA en date du 27 octobre 2023, il a été demandé aux parties de présenter leurs observations éventuelles sur la recevabilité des demandes présentées par les intimés en leur nom personnel au titre des souffrances endurées et du préjudice de mort imminente subis par Mme [E] [L] aux lieu et place de l’indivision successorale dans le délai de quinze jours à compter de la réception du message.

Par une note en délibéré déposée via le RPVA le vendredi 17 novembre 2023, les consorts [L] soulignent qu’aucune succession n’a été ouverte au nom de la défunte en l’état d’une absence de patrimoine immobilier, de dettes ou de mobilier de valeur. Ils soutiennent qu’il existe à défaut une indivision successorale de fait entre les trois héritiers dont la qualité est démontrée et que leur demande d’indemnisation est donc recevable.

*

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Vu les dernières conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ;

Vu l’ordonnance de clôture du 9 mars 2023.

Sur le fond

Sur la responsabilité de la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS

Sur les circonstances de l’accident

La cour dispose d’attestations à savoir:

L’attestation de Monsieur [J] [K], responsable régulateur de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS, qui déclare le 4 avril 2017 :

« Mme [L] [E] m’a appelé le jour de l’accident au soir en pleurs pour me dire qu’elle était tombée. Je lui ai demandé si tout allait bien, si elle était blessée, elle m’a répondu qu’elle n’était pas blessée. Je lui ai quand même demandé si elle voulait que je vienne la voir mais elle a refusé. C’était un samedi soir je suis allé la voir le lundi suivant le 12 septembre 2016 pour m’assurer que tout allait bien. Lorsque je suis arrivé chez la patiente j’ai vu son mari et lui ai demandé s’il savait ce qui s’était passé. Il m’a dit qu’il avait vu toute la scène et que c’était [G] l’aide-ménagère qui avait fait tomber Mme [L] et non pas l’ambulancier car il était en train de manipuler le lit. Ce jour-là j’ai eu aussi une conversation avec [G] qui m’a confirmé les faits en me disant qu’elle croyait que Monsieur [T] était à côté du fauteuil. »

Monsieur [T] a également établi une attestation le 4 avril 2017. Il évoque les faits suivants :

« J’ai pris en charge Mme [L] [E] à la dialyse de la clinique Jeanne d’Arc pour l’emmener à son domicile au [Adresse 7] le 10 septembre 2016. Cette patiente avait l’habitude qu’on vienne la prendre. Arrivé à son domicile, la femme de ménage nous attendait sous la véranda. Cette dernière a aussi l’habitude de nous voir transporter Mme [L]. Arrivé sous la véranda avec la patiente, je la positionne sur son fauteuil roulant à l’entrée de chez elle toujours comme à mon habitude pour la faire entrer (car il y a deux petites marches à monter avant d’accéder à l’intérieur). Mais avant de la faire entrer je vois que son lit est en hauteur, donc pour faciliter les manipulations, je décide d’aller descendre son lit avant de la faire entrer. Lorsque je suis en train de descendre le lit j’entends derrière moi Mme [L] tomber. Je me retourne, je vois la patiente par terre et demande à la femme de ménage ce qui s’est passé. Elle me répond « Ah je n’avais pas compris que tu n’étais pas derrière pour la réceptionner ». Car d’habitude, la femme de ménage m’aide à monter les deux petites marches avec la patiente sur le fauteuil. Je pense que par habitude et automatisme, elle a dû vouloir monter la patiente, mais malheureusement cette fois j’étais en train de baisser le lit de la patiente. Le mari de Mme [L] était juste en face des marches et a vu toute la scène. »

Les conclusions du rapport d’expertise médicale judiciaire sont les suivantes:

Accident causal du 10 septembre 2016 Chute avec traumatisme crânien lors du transfert entre la clinique Jeanne d’Arc et le domicile dans des conditions non sécurisées.

Il existe un état antérieur.

Le décès de la patiente le 22 septembre est consécutif à une complication du traumatisme crânien.

Les soins prodigués par le cabinet infirmier sont conformes aux données médicales de même que les soins et les décisions prises par le docteur [U].

Les soins prodigués lors de l’hospitalisation au service des urgences puis en service de gériatrie du centre hospitalier [13] sont conformes aux données acquises de la science.

Déficit fonctionnel temporaire total du 10 au 22 septembre, lié à l’état antérieur.

Il ressort également du rapport d’expertise que Mme [L] que son autonomie de déplacement est perturbée depuis de nombreuses années, la toilette étant réalisée au lit. Elle bénéficiait d’un lit médicalisé et dans la journée n’avait que peu d’activités en raison de son alitement.

L’ensemble des déplacements devait être effectué grâce à l’aide d’une tierce personne, ce qui est le cas notamment de ses allers et retours en vue de la prise en charge en dialyse.

Les transferts entre le domicile et la clinique étaient réalisés par une société d’ambulance, déplacement en fauteuil, ce qui nécessitait la manipulation du matériel de transport et le transfert entre le lit et le fauteuil en général par un ambulancier seul.

L’expert note également dans le corps de son rapport que le transfert d’une patiente obèse pesant 120 kg trois fois par semaine pour se rendre aux séances de dialyse en fauteuil roulant chez une patiente habituellement grabataire dont les transferts sont assurés par une seule personne ne constitue pas une condition de sécurité suffisante.

Sur la responsabilité

La société AMBULANCE OUEST EXPRESS et la société PRUDENCE CREOLE contestent toute responsabilité. Ils soutiennent que la responsabilité de la chute incombe à l’aide-ménagère, à défaut de tout contrat d’accompagnement. Ils soulignent que le transport était prévu en VSL et non en ambulance, tel que prescrit par le médecin, ce qui exclut la présence de deux ambulanciers. Ils précisent que l’aide-ménagère a profité du fait que l’ambulancier manipulait le lit pour tenter seule de faire franchir les marches au fauteuil roulant, provoquant ainsi la chute de l’intéressée. Ils ajoutent que le contrat de transport s’arrête au déplacement avec le véhicule, à défaut de contrat d’accompagnement jusqu’au domicile prévu par le médecin, et qu’en l’espèce, seule la responsabilité délictuelle pourrait être recherchée. Ils ajoutent que le comportement fautif de l’ambulancier n’est pas caractérisé.

Les intimés soulignent que si le contrat de transport ne concerne que le déplacement en véhicule, par contre il est démontré en l’espèce que les parties ont entendu le prolonger avec un contrat d’accompagnement jusqu’au domicile compte tenu de l’état de santé de Mme [L]. Ils ajoutent que ce dernier contrat est également soumis à une obligation de sécurité. Ils soutiennent que la société a manifestement violé cette obligation comme le souligne l’expert dans son rapport. Ils ajoutent qu’il est admis en droit qu’un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. (Cassation assemblée plénière 6 octobre 2006 et 13 janvier 2020).

A titre subsidiaire, ils invoquent la responsabilité du commettant du fait de son préposé ou la responsabilité du fait des choses.

La réalité du contrat de transport en véhicule VSL entre la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et Mme [L] n’est pas contestable au regard des factures produites aux débats.

Seules les parties au contrat de transport ont vocation à invoquer le non-respect de ce contrat, à savoir Mme [E] [L]. Les demandes formulées au titre de l’indemnisation des préjudices personnels de cette dernière relèvent donc du régime de la responsabilité contractuelle.

En l’espèce, les intimés sont effectivement des tiers à ce contrat. Ils ne peuvent donc se prévaloir de l’obligation contractuelle de résultat quant à la sécurité de la personne transportée.

En conséquence ils ne sont pas recevables à rechercher la responsabilité contractuelle de l’appelante.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité délictuelle

Il est admis en droit que la victime par ricochet d’un accident relevant de la responsabilité contractuelle dispose d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice, dès lors que le manquement contractuel lui a causé le dommage et ce sans avoir à apporter d’autres preuves (cf Cassation assemblée plénière 6 octobre 2006 et 13 janvier 2020).

En vertu des dispositions de l’article L 6312-1 du Code de la santé publique, tout transport d’une personne malade blessée ou parturiente pour des raisons de soins ou de diagnostic, effectué sur prescription médicale à l’aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet constitue un transport sanitaire.

Il est admis en droit que le transporteur est tenu à une obligation de sécurité et de résultat qui consiste à conduire le patient à destination sain et sauf.

S’il est admis que ce contrat prend effet lorsque le patient monte dans le véhicule et cesse lorsqu’il en descend, le transporteur doit prendre en charge les personnes à mobilité réduite à leur domicile afin de les transporter vers l’établissement de soins en les assistant médicalement, si leur état le nécessité et le retour à domicile doit se faire dans les mêmes conditions.

Il s’agit alors d’un contrat d’accompagnement qui doit résulter d’une prescription médicale pour être pris en charge.

En l’espèce, il n’est pas contesté qu’un tel contrat d’accompagnement écrit n’existait pas et n’avait pas été prescrit médicalement.

Les intimés soutiennent qu’à défaut de contrat écrit, il serait possible d’en présumer l’existence s’il y a des éléments graves, précis et concordants qui en corroborent l’existence conformément aux dispositions de l’article 1382 du Code civil.

Les parties s’opposent sur les conditions de prise en charge de la défunte à l’arrivée et au départ de son domicile.

L’appelant soutient que ce rôle était dévolu à l’aide-ménagère avec l’assistance ponctuelle de l’ambulancier pour franchir les marches. Ils invoquent à l’appui de leur prétention le contenu des fiches de poste des aides ménagères ou des aides à domicile.

Les intimés soutiennent à contrario que ce rôle était dévolu à la société d’ambulance avec l’assistance ponctuelle de l’aide-ménagère pour franchir les deux marches.

Le tribunal a considéré au regard de l’attestation établie par l’ambulancier que le contrat de transport débutait au domicile de la victime de son lit au fauteuil roulant jusqu’au véhicule puis au centre de dialyse et vice versa au retour.

Sur quoi,

Il ressort clairement de l’attestation établie par Monsieur [T] sus-évoquée, que son intervention n’était nullement limitée au transport avec le véhicule VSL. Il reconnaît clairement qu’il installait la patiente dans le fauteuil roulant et pénétrait ensuite dans le domicile dans la mesure où il déclare « Car d’habitude, la femme de ménage m’aide à monter les deux petites marches avec la patiente sur le fauteuil. »

Quelle que soit la thèse retenue, il y a une constante, à savoir que le transfert de Mme [L] du véhicule vers son lit médicalisé nécessitait l’intervention de deux personnes de manière habituelle. Ce, pour au moins trois raisons objectives, la présence de deux marches pour pénétrer dans le domicile, l’état de grabataire de Mme [L] et son poids particulièrement élevé. (120 kg).

L’intervention concrète de l’ambulancier dans le cadre du transfert est donc établie qu’elle soit principale ou accessoire.

Sur ce caractère principal ou accessoire, il convient de se référer aux compétences professionnelles des deux parties en présence.

La fiche de poste d’aide-ménagère révèle que son rôle est limité aux tâches ménagères, principalement le nettoyage, le repassage le lavage sans qu’aucune formation particulière ne soit requise. (Cf pièce numéro 5 de l’appelante).

La mission de l’aide à domicile (cf pièce numéro 6) est plus large et peut comprendre l’assistance à la personne comme l’habillement, l’aide à la toilette par exemple en permettant aux personnes âgées de rester à domicile.

La mission habituelle d’un ambulancier est sans nul doute d’assurer le transport de personnes dont l’état de santé justifie le recours à un professionnel de la santé.

En l’espèce il ressort notamment du rapport d’expertise médicale que les taches d’aide à la personne (habillage et toilettage) étaient remplies par des infirmiers et que Mme [L] était assistée également par une aide-ménagère et non une aide à domicile.

En conséquence, le rôle de l’aide-ménagère était donc limité aux tâches ménagères et elle n’avait pas vocation à s’occuper des déplacements éventuels de Mme [L] qui étaient assurés par du personnel médical spécialisé.

Le transfert de Mme [L] du véhicule jusqu’à son lit était donc bien assuré par la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et non par l’aide-ménagère, dont le rôle se limitait à l’assistance au franchissement des deux marches du seuil avec le fauteuil roulant, ce qui s’explique compte tenu du poids de la patiente.

La réalité de ce contrat d’accompagnement est donc suffisamment caractérisée par ces éléments.

En conséquence, la société AMBULANCE OUEST EXPRESS avait l’obligation contractuelle d’assurer le transfert de Mme [L] du véhicule à sa chambre.

Ce contrat, qui n’est que la continuité du contrat principal de transport, a le même objet, à savoir conduire la patiente à la destination prévue saine et sauve, et obéit en conséquence au même régime juridique, à savoir une obligation de résultat.

La société AMBULANCE OUEST EXPRESS ne peut s’exonérer de sa responsabilité que par la preuve d’un événement de force majeure au regard des dispositions de l’article 1231-1 du Code civil.

En l’espèce, les attestations sus-évoquées démontrent que la chute de Mme [L] est intervenue dans le cadre de son retour à domicile du centre de dialyse opéré par la société AMBULANCE OUEST EXPRESS et plus particulièrement à l’occasion de son transfert du véhicule au lit médicalisé.

S’il est établi que la chute de la patiente serait due au fait que l’aide-ménagère a manipulé le fauteuil roulant pour franchir les marches, sans la présence à ses côtés de l’ambulancier occupé au réglage du lit médicalisé, cette intervention ne revêt pas les caractères de la force majeure, à savoir l’imprévisibilité, l’extériorité et l’irrésistibilité.

En effet, cette assistance de l’aide-ménagère, certes habituelle, ne rentrait pas dans le cadre de ses fonctions. Il appartenait à l’ambulancier professionnel de veiller à la sécurité de sa patiente transportée et de ne pas laisser l’aide-ménagère opérer seule cette manipulation.

L’expert a souligné dans son rapport que le transfert d’une patiente obèse pesant 120 kg trois fois par semaine pour se rendre au centre de dialyse en fauteuil roulant chez une patiente habituellement grabataire dont les transferts sont assurés par une seule personne ne constituait pas une condition de sécurité suffisante.

Ce transport de Madame [L] nécessitait manifestement la présence de deux ambulanciers et non d’un seul.

La responsabilité de cette prise en charge incombait donc à la société AMBULANCE OUEST EXPRESS en sa qualité de professionnel de santé. Il lui appartenait, d’une part de suggérer à Mme [L] une prise en charge médicale du contrat d’accompagnement et d’autre part de s’assurer de l’effectivité de la prise en charge sans profiter de la présence sur place d’une aide-ménagère qui ne disposait d’aucune compétence en la matière.

Cette faute de la part de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS est manifestement la cause exclusive et directe du dommage subi. En effet, la responsabilité des autres intervenants médicaux n’a été, ni établie, ni invoquée par les parties au litige.

Il est admis en droit qu’un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

En conséquence, les intimés sont recevables et bien fondés à invoquer la responsabilité de la société AMBULANCE OUEST EXPRESS à l’origine du sinistre.

Elle sera donc condamnée à les indemniser des préjudices subis

Sur l’appel en garantie à l’encontre de l’assureur

Il n’est pas contesté par la société d’assurance PRUDENCE CREOLE qu’elle assure la société AMBULANCE OUEST EXPRESS pour son activité professionnelle.

Elle devra donc relever et garantir cette dernière de toutes les condamnations mises à sa charge dans le cadre de la présente décision.

Sur l’indemnisation des préjudices

Les conclusions du rapport d’expertise médicale judiciaire sont les suivantes:

. Accident causal du 10 septembre 2016. Chute avec traumatisme crânien lors du transfert entre la clinique Jeanne d’Arc et le domicile dans des conditions non sécurisées.

. Il existe un état antérieur.

. Le décès de la patiente le 22 septembre est consécutif à une complication du traumatisme crânien.

. Les soins prodigués par le cabinet infirmier sont conformes aux données médicales de même que les soins et les décisions prises par le docteur [U].

. Les soins prodigués lors de l’hospitalisation au service des urgences puis en service de gériatrie du centre hospitalier [13] sont conformes aux données acquises de la science.

. Déficit fonctionnel temporaire total du 10 au 22 septembre, lié à l’état antérieur.

Il n’est pas contesté au regard des conclusions du rapport d’expertise médicale que le décès de Mme [L] présente un lien de causalité direct et certain avec sa chute.

Sur les préjudices moraux

Sur le préjudice moral du conjoint

L’intimé sollicite la confirmation du jugement entrepris

La compagnie d’assurances PRUDENCE CREOLE propose le versement d’une somme de 25.000€

Sur quoi,

La cour estime que les premiers juges ont fait une correcte appréciation des éléments de l’espèce en allouant au conjoint de la défunte au terme de 47 années vie commune la somme de trente mille Euros (30.000€) en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice moral des deux enfants majeures

Les intimées sollicitent la confirmation du jugement entrepris.

La Compagnie d’assurances PRUDENCE CREOLE offre le versement d’une somme de 12.000€ à chaque enfant majeure.

Sur quoi,

La cour estime que les premiers juges ont fait une correcte appréciation des éléments de l’espèce en allouant à chacune des enfants majeures de la défunte la somme de quinze mille Euros (15.000€) en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice d’accompagnement de fin de vie

Ce chef de préjudice a pour but d’indemniser les troubles dans les conditions d’existence des proches. Il est distinct du préjudice d’affection.

Les intimés soutiennent que leur vie a été perturbée au cours des douze jours entre l’accident et le décès et qu’ils ont dû renoncer à leurs activités habituelles pour rester aux côtés de l’épouse et mère de famille. Ils demandent la confirmation du jugement de ce chef.

La société d’assurances PRUDENCE CREOLE propose le versement d’une somme de 1.000€.

La cour estime que le tribunal a effectué une correcte appréciation des éléments du dossier en allouant la somme de deux mille Euros (2.000€) en réparation de de ce chef de préjudice, qui sera allouée à chacun des intimés.

Le jugement sera confirmé de ce chef

Sur les souffrances endurées par la défunte et sur le préjudice de mort imminente

Ces deux postes de préjudice sont relatifs à la période antérieure au décès de Mme [L] et sont des préjudices personnels de la défunte relevant de la responsabilité contractuelle.

Sur la recevabilité des demandes des héritiers à titre personnel :

Seule l’indivision successorale, et non les héritiers à titre personnel, a vocation à recueillir les sommes qui seraient fixées par la cour au titre de l’indemnisation de ces préjudices.

Les intimés ne contestent pas que l’ouverture de la succession n’a pas donné lieu à la saisine d’un notaire en raison de l’absence de tout patrimoine immobilier, de dettes et d’un mobilier de valeur.

La saisine d’un notaire n’est effectivement pas forcément obligatoire dans un tel contexte.

Mais il importe à tout le moins que les intimés rapportent la preuve de leur qualité d’héritiers et de l’absence d’autres héritiers susceptibles de participer aux opérations successorales.

Or sur ce point, ils se contentent de verser aux débats un livret de famille de nature à démontrer qu’ils seraient les seuls héritiers.

Ce seul document, à défaut d’un acte de notoriété, ne peut suffire à démontrer la réalité de la situation successorale invoquée alors que les intimés avaient tout loisir de communiquer un tel document en cours de délibéré.

Leur demande d’indemnisation de ce chef en leur qualité d’époux et d’enfants de la défunte est donc irrecevable.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [A] [L], Mesdames [O] et [Y] [L] les frais irrépétibles exposés à l’occasion de la procédure d’appel

En conséquence la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS devra leur verser globalement la somme de deux mille cinq cents Euros (2500€) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur les dépens

Vu l’article 696 du Code de procédure civile.

La SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, succombant, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire et en dernier ressort, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions à l’exception du rejet des demandes au titre des souffrances endurées et du préjudice de mort imminente de Mme [L] ;

Statuant à nouveau sur le seul infirmé :

Déclare irrecevables les demandes d’indemnisation présentées par les intimés au titre des souffrances endurées et du préjudice de mort imminente de Mme [E] [L] ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal, à payer aux intimés globalement la somme de deux mille cinq cents euros (2500€) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Dit que la SARL AMBULANCE OUEST EXPRESS supportera les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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