1. Attention à la captation d’images sans consentement :
Lors de l’installation de caméras de vidéo-surveillance, il est recommandé de s’assurer que les prises de vues ne portent pas atteinte à la vie privée des voisins. Même si les images captées ne permettent pas l’identification des personnes, filmer de manière continue des zones de passage grevées de servitude peut être considéré comme une atteinte à la vie privée. Il est donc prudent de limiter l’angle de vue des caméras à votre propriété et d’informer les personnes concernées de la présence de ces dispositifs. 2. Attention à la délimitation des propriétés : 3. Attention à l’usage des servitudes de passage : |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits et de la procédure
Contexte de l’affaire : Procédure judiciaire : Appel des époux [E] (17 janvier 2023) : Réponse de Mme [O] : Points de litige : Conclusion : |
→ Les points essentielsRecevabilité des pièces de vidéo-surveillanceL’article 9 du code civil garantit le respect de la vie privée, incluant la protection de l’image et de sa captation. Mme [O] a contesté la recevabilité de plusieurs pièces issues de la vidéo-surveillance des époux [E], arguant une atteinte à sa vie privée. Cependant, les images ne permettent pas d’identifier les personnes filmées et se limitent à l’allée privée des époux [E]. La cour a jugé que, bien que la surveillance continue porte atteinte à la vie privée de Mme [O], les images sont indispensables pour prouver les conditions d’exercice de la servitude de passage. Ainsi, la demande de Mme [O] d’écarter ces pièces a été rejetée. Demande des époux [E] concernant les empiétementsLes époux [E] ont invoqué des empiétements sur leur propriété par Mme [O]. Les titres de propriété des parties ne précisent pas les limites séparatives litigieuses. Un plan de bornage établi par un géomètre-expert a confirmé les limites de propriété, révélant un empiétement de 45 m² par Mme [O]. La cour a ordonné la démolition de la clôture et du débord de toit empiétant sur la propriété des époux [E], rejetant la demande de Mme [O] de désigner un nouveau géomètre-expert. Demande de déplacement des compteurs d’eau et d’électricitéMme [O] a demandé le déplacement des compteurs d’eau et d’électricité des époux [E], affirmant qu’ils étaient situés sur sa propriété. La cour a rejeté cette demande, Mme [O] n’ayant pas apporté la preuve de cette affirmation. Le jugement de première instance a été confirmé sur ce point. Étendue de la servitude de passageLa servitude de passage, constituée par acte du 14 octobre 2005, permet à Mme [O] et à ses ayants-droit de passer à pied ou avec un véhicule de vidange sur la propriété des époux [E]. La cour a infirmé le jugement de première instance, précisant que le droit de passage n’était pas limité à l’entretien de la fosse septique et pouvait être utilisé pour les besoins personnels et professionnels des propriétaires du fonds dominant. Demande de suppression de la servitudeLes époux [E] ont demandé la suppression de la servitude de passage, invoquant son inutilité et l’aggravation de la condition de leur fonds. La cour a rejeté cette demande, rappelant que l’inutilité d’une servitude n’est pas une cause d’extinction et que l’aggravation de la condition du fonds servant n’entraîne pas la suppression de la servitude. Usage abusif et aggravation de la servitudeLes époux [E] ont accusé Mme [O] d’usage abusif de la servitude, notamment en créant une nouvelle ouverture dans la clôture et en installant des bâches inesthétiques. La cour a jugé que ces actions aggravaient la condition du fonds servant et a ordonné à Mme [O] de retirer les bâches et de supprimer le portillon installé près du portail des époux [E], sous astreinte. Demande de retrait des caméras de vidéo-surveillanceLes deux parties ont installé des caméras de vidéo-surveillance sur leurs propriétés respectives. La cour a constaté que les caméras avaient été réorientées pour ne filmer que les parties privatives de chaque propriété. En l’absence de comportement fautif, la cour a rejeté les demandes de retrait des caméras et de dommages et intérêts pour préjudice. Dépens et frais irrépétiblesMme [O] a été condamnée aux dépens de l’instance, y compris ceux de première instance. La cour a également accordé aux époux [E] une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
|
→ Réglementation applicableArticles des Codes cités
– Article 9 du Code civil : – Article 544 du Code civil : – Article 545 du Code civil : – Article 552 du Code civil : – Article 2272 du Code civil : – Article 2261 du Code civil : – Article 639 du Code civil : – Article 686 du Code civil : – Articles 703 à 710 du Code civil : – Article 1240 du Code civil : – Article 702 du Code civil : – Articles 675 et suivants du Code civil : – Article 700 du Code de procédure civile : Reproduction du texte de chaque article cité – Article 9 du Code civil : – Article 544 du Code civil : – Article 545 du Code civil : – Article 552 du Code civil : – Article 2272 du Code civil : – Article 2261 du Code civil : – Article 639 du Code civil : – Article 686 du Code civil : – Articles 703 à 710 du Code civil : – Article 1240 du Code civil : – Article 702 du Code civil : – Articles 675 et suivants du Code civil : – Article 700 du Code de procédure civile : |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Thibaut BEAUHAIRE de la Scp PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l’Eure
– Me Marina CHAUVEL, avocat au barreau de Rouen |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rouen
RG n°
23/00207
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 17 JANVIER 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2001576
Tribunal judiciaire d’Evreux du 20 septembre 2022
APPELANTS :
Monsieur [N] [E]
né le 14 juin 1976 à [Localité 19]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté et assisté par Me Thibaut BEAUHAIRE de la Scp PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l’Eure
Madame [T] [S] épouse [E]
née le 29 septembre 1976 à [Localité 20]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Thibaut BEAUHAIRE de la Scp PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l’Eure
INTIMEE :
Madame [I] [O]
née le 27 août 1963 à [Localité 17]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et assisté par Me Marina CHAUVEL, avocat au barreau de Rouen
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/000471 du 21/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 6 novembre 2023 sans opposition des avocats devant Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 6 novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 janvier 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte authentique du 24 août 2012, M. [N] [E] et Mme [T] [S] épouse [E] ont acquis une propriété sise [Adresse 2], comprenant plusieurs parcelles dont la parcelle [Cadastre 4], grevée d’une servitude de passage au profit du fonds dominant AH’35 et AH’101 appartenant à Mme [I] [O], propriétaire du [Adresse 1].
Par arrêt du 27 janvier 2021, la cour d’appel de Rouen a partiellement infirmé une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d’Evreux du 8 janvier 2020, et statuant à nouveau, a notamment ordonné la suppression et fait interdiction de tout affichage visant un accès pour les piétons au salon de toilettage canin installé sur la propriété de Mme [O] par l’allée appartenant aux époux [E].
Il a également été fait interdiction à Mme [O] d’autoriser tout passage de tiers, en particulier des clients du salon de toilettage canin à l’exception des membres de sa famille d’une part et des professionnels devant intervenir sur sa propriété d’autre part.
De plus, obligation lui a été faite de s’assurer de l’absence de stationnement de véhicules appartenant à sa famille, ses visiteurs et clients sur la propriété des époux [E].
Parallèlement, par exploit d’huissier en date du 2 juin 2020, les époux [E] ont assigné Mme [O] devant le tribunal judiciaire d’Evreux aux fins de suppression de la servitude ou de limitation de celle-ci aux besoins de la vidange de la fosse septique et de condamnation en paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 20 septembre 2022, le tribunal judiciaire d’Evreux a’:
– débouté Mme [O] de sa demande visant à écarter des débats des pièces produites par les époux [E],
– rejeté la demande de suppression de la servitude de passage des époux [E],
– constaté que le droit de passage piéton dont bénéficie le fonds de Mme [O] grevant le fonds des époux [E] est limité à l’accès à sa fosse septique, et qu’hors cet usage l’accès d’elle-même et des tiers à sa propriété via la propriété des époux [E] est interdit,
– rappelé aux époux [E] qu’ils ont l’obligation de laisser dégagé l’accès au fonds dominant à l’extrémité de l’assiette de la servitude de passage,
– débouté les époux [E] de leurs demandes de retrait et démolition d’ouvrage et de remise en état des lieux,
– débouté Mme [O] de sa demande de retrait des compteurs d’eau et électricité,
– débouté les époux [E] de leurs demandes relatives aux caméras de surveillance de Mme [O],
– débouté les époux [E] de leurs demandes indemnitaires,
– débouté Mme [O] de ses demandes relatives aux caméras de surveillance des époux [E],
– débouté Mme [O] de sa demande indemnitaire,
– rejeté toutes demandes autres ou plus amples formées par les parties,
– débouté les époux [E] de leur demande au titre des frais irrépétibles,
– débouté Mme [O] de sa demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
– condamné chacune des parties à conserver la charge des dépens qu’elle a engagés,
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 17’janvier 2023, M. et Mme [E] ont formé appel partiel de la décision.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2023, M. et Mme [E] demandent à la cour, au visa de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des articles 544 et suivants, 675, 702, 703, 1240 du code civil, de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté que le droit de passage piéton dont bénéficie le fonds de Mme [O] grevant leur fonds est limité à l’accès de sa fosse septique et qu’hors de cet usage, l’accès d’elle-même et des tiers à sa propriété via leur propriété est interdit,
– infirmer le jugement uniquement en ses dispositions dont appel,
statuant à nouveau,
– dire et juger que la servitude de passage dont bénéficiait Mme [O] avait pour seul objet la vidange de la fosse septique de cette dernière et que, à cette seule fin, Mme [O] disposait d’un seul accès piétonnier ou au moyen du véhicule de vidange,
– dire et juger que nul ne saurait accéder à la propriété de Mme [O] par la propriété de M. et Mme [E] en dehors de cette nécessité de vidange,
– interdire l’accès au salon de toilettage de Mme [O] par la propriété de M. et Mme [E], et tout affichage lié à cette activité sur la propriété de M. et Mme [E],
– constater que l’usage de cette servitude par Mme [O], et notamment la création de nouvelles ouvertures, est constitutif d’une aggravation prohibée au sens de l’article 702 du code civil et en tirer toutes conséquences de droit, notamment en ordonnant le retour au statu quo avec remise en état antérieur des fonds,
– supprimer la servitude de passage dont bénéficiait jusque-là Mme [O] sur la parcelle de M. et Mme [E], cette servitude aux fins de vidange de la fosse septique étant devenue inutile et son usage par Mme [O] ayant dégénéré en abus de droit,
– constater l’empiètement des édifications de Mme [O] sur la propriété de M. et Mme [E] selon les relevés du géomètre-expert,
– ordonner le retrait et la démolition des ouvrages empiétant sur la propriété de M. et Mme [E], avec toutes conséquences de droit,
– enjoindre à Mme [O] de rétablir la propriété de M. et Mme [E] en leur état antérieur, selon le plan de division dressé en 1994 et 2005 et le plan de bornage dressé en 2023, et ce sous astreinte de 150’euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– ordonner le retrait de la nouvelle ouverture créée par Mme [O] permettant de nouveaux accès sur la propriété de M. et Mme [E] , et ce, là encore, sous astreinte de 150’euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– ordonner le retrait des caméras de Mme [O] permettant de filmer la propriété de M. et Mme [E], et ce, là encore, sous astreinte de 150’euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– interdire à Mme [O] de détruire les plantations effectuées par M. et Mme [E] sur leur propriété et d’apposer des bâches sur leur propriété,
– condamner Mme [O] à payer à M. et Mme [E] la somme de 30’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,
– condamner Mme [O] à payer à M. et Mme [E] la somme de 10’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à la vie privée et du préjudice moral subi,
– débouter Mme [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner Mme [O] au paiement de la somme de 8’000’euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Sur la servitude de passage litigieuse, les appelants soutiennent que l’interprétation de la clause créant cette servitude ne souffre pas de difficulté, que Mme [O] bénéficiant par ailleurs d’un accès sur la voie publique, il est certain que le droit de passage a été prévu uniquement pour permettre l’accès à la fosse septique, puisqu’en dehors de cette utilisation, Mme [O] n’a aucunement besoin d’un passage pour accéder à sa propriété qui a un accès direct à la voie publique.
Dans ces conditions, ils estiment que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a limité l’exercice du droit de passage à l’accès à la fosse septique. En outre, ils affirment que Mme [O] fait une utilisation abusive de son droit qui aggrave la situation de leur fonds, puisqu’elle se sert de ce passage à d’autres fins, notamment pour permettre l’accès au salon de toilettage exploité par sa fille sur sa propriété.
De plus, les époux [E] lui reprochent d’installer des bâches, de détruire leurs plantations aux abord de l’assiette du droit de passage et d’avoir créé une ouverture près de leur portail. Ils considèrent que Mme [O] se comporte comme la propriétaire de l’assiette du droit de passage et qu’elle a transformé leur terrain en voie publique dont ils sont quasiment privés de toute jouissance.
Par ailleurs, ils soutiennent que l’utilité de la servitude de passage n’existe plus, de sorte que leur demande de suppression est bien fondée, et ce d’autant que l’usage que Mme [O] en fait dégénère en abus de droit.
Enfin, sur les critiques relatives à la régularité et à la valeur probante des captations d’images produites aux débats pour établir les faits dénoncés, ils estiment qu’ils n’avaient pas d’autre choix, que cette utilisation de vidéos était indispensable, de sorte que l’atteinte à la vie privée est proportionnée au but poursuivi. Ils font au demeurant observer que Mme [O] a procédé de la même façon et qu’elle a, elle aussi, installé, de manière illégale une caméra captant des images sur leur propriété.
Sur l’empiètement reproché à Mme [O], les époux [E] affirment qu’en produisant un procès-verbal de rétablissement de bornage, un procès-verbal de carence et un plan de bornage, ils rapportent la preuve suffisante du bien fondé de leur demande. Ils énoncent que Mme [O] n’est pas fondée à prétendre à une prescription acquisitive, dès lors qu’elle n’établit pas une antériorité trentenaire des éléments édifiés. Ils précisent qu’ils ne sollicitent pas la destruction de la maison mais seulement les éléments empiétant sur leur terrain, à savoir la clôture, un débord de toiture et une partie de mur.
Ils s’opposent à la demande de retrait des compteurs qui sont légitimement implantés sur leur propriété, de même qu’à la demande indemnitaire qu’ils estiment infondée, le préjudice moral n’étant pas établi puisque Mme [O] vit depuis 2021 chez sa fille.
Enfin, ils justifient leur demande indemnitaire par le fait que Mme [O] n’établit pas que les caméras qu’elle a installées ne filment pas leur propriété, ainsi que par le comportement de cette dernière qu’ils qualifient de véritable harcèlement moral, rappelant que plusieurs incapacité temporaire de travail ont été médicalement constatées à l’égard de M. [E] pour des épisodes dépressifs en lien avec le conflit de voisinage.
Par dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2023, Mme [O] demande à la cour, au visa des articles 9, 1240, 2258 et suivants du code civil, 16, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:
. rejeté la demande de suppression de la servitude de passage des époux [E],
. rappelé aux époux [E] qu’ils ont l’obligation de laisser dégagé l’accès au fonds dominant à l’extrémité de l’assiette de la servitude de passage,
. débouté les époux [E] de leurs demandes de retrait et démolition d’ouvrage et de remise en état des lieux,
. débouté les époux [E] de leurs demandes relatives aux caméras de surveillance,
. débouté les époux [E] de leur demande au titre des frais irrépétibles,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
. débouté Mme [O] de sa demande visant à écarter des débats les pièces produites par les époux [E],
. constaté que le droit de passage piéton dont bénéficie le fonds de Mme [O] grevant le fonds des époux [E] est limité à l’accès à sa fosse septique, et qu’hors cet usage l’accès d’elle-même et des tiers à sa propriété via la propriété des époux [E] est interdit,
. débouté Mme [O] de sa demande de retrait des compteurs d’eau et électricité,
. débouté Mme [O] de ses demandes relatives aux caméras de surveillance des époux [E],
. rejeté toutes demandes autres ou plus amples formées par les parties,
. débouté Mme [O] de sa demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
. condamné chacune des parties à conserver la charge des dépens qu’elle a engagés,
statuant à nouveau,
à titre principal,
– débouter les époux [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que les limites de propriété revendiquées par les époux [E] sont effectivement les limites de propriété,
– juger que Mme [O] est bien fondée à revendiquer la prescription acquisitive pour la clôture et les bâtiments en application des dispositions des articles 2258 et suivants du code civil, Mme [O] justifiant d’une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire (article 2261 du code civil), depuis plus de trente ans,
à titre infiniment subsidiaire,
– surseoir à statuer sur les demandes des époux [E] et Mme [O] (à propos de la demande de retrait sous astreinte du compteur se trouvant sur sa propriété) et désigner tel expert-géomètre qu’il plaira au tribunal avec pour mission’:
. de se rendre sur place, les parties dûment convoquées,
. de se faire remettre tous documents utiles,
. de procéder aux opérations de bornage entre la propriété des époux [E] et de Mme [O],
. de donner son avis sur les empiétements reprochés par les époux [E] à Mme [O] et vice versa,
. de dispenser Mme [O] de toute consignation, celle-ci étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale,
à titre réellement subsidiaire, si la cour devait considérer que les limites de propriété revendiquées par les époux [E] sont effectivement les limites de propriété,
– débouter les époux [E] de leurs demandes de retrait et démolition d’ouvrage et de remise en état des lieux au titre de l’atteinte disproportionnée portée au droit au respect du domicile de Mme [O] par la démolition de sa maison au regard de l’atteinte portée au droit de propriété des époux [E],
– condamner Mme [O] à leur verser la somme de 1’000’euros à titre de dédommagement,
en tout état de cause,
– écarter des débats les pièces adverses n°2, 12, 18, 20 21, 23, 24, 25, 29, 30, 31, 32, 33, 38, 40, 44, 45, 46, 55, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68 et 73 et les juger irrecevables,
– condamner les époux [E], solidairement, à payer une somme de 30’000’euros à Mme [O] en réparation de son préjudice lié à l’atteinte à la vie privée et son préjudice moral,
– condamner les époux [E], solidairement, à retirer tout système de vidéo-surveillance permettant de filmer le chemin commun et la propriété de Mme [O], sous astreinte de 200’euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à venir,
– condamner les époux [E], solidairement, à retirer le compteur d’eau et le compteur d’électricité vide appartenant aux époux [E] et se trouvant sur la propriété de Mme [O], sous astreinte de 200’euros par jour de retard et par compteur, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner solidairement les époux [E] à payer à Mme [O] la somme de 6’000’euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
– condamner les époux [E], solidairement, aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Marina Chauvel, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur l’irrecevabilité de diverses pièces versées au débat par M. et Mme [E], soit des photographies de sa personne extraites de bandes de vidéosurveillance, l’intimée soutient qu’elles ont été prises à son insu, au moyen d’une caméra non signalée, laquelle filmait donc sans son accord le passage, assiette de servitude, et en outre, une partie de sa propriété. Mme [O] se fonde sur l’article 9 du code civil pour soutenir qu’en l’espèce, le droit de la preuve ne justifiait pas l’atteinte à sa vie privée. Elle sollicite l’indemnisation de son préjudice au titre de cette atteinte, ainsi que pour le préjudice moral subi. Ajoutant que M. et Mme [E] se doivent de justifier de l’information préalable qui aurait été donnée aux personnes filmées et dont les images ont été par eux conservées, Mme [O] entend que l’intégralité du système de vidéosurveillance soit retirée.
Sur la servitude de passage, elle conclut au rejet de la demande de suppression au motif qu’il s’agit d’une servitude conventionnelle qui ne s’éteint pas en raison de son inutilité. En outre, elle estime que les époux [E] ne rapportent pas la preuve d’un usage abusif ou d’une aggravation de la situation de leurs fonds. À ce titre, elle affirme que l’ouverture que les appelants lui reprochent d’avoir créée existait bien avant leur arrivée. En outre, elle rappelle que son droit de passage peut être exercé par toute personne de la famille pour ses besoins personnels ou professionnels, de sorte qu’il n’y a eu aucun abus lors de l’exploitation du fonds de commerce de sa fille de toilettage canin.
Sur l’empiétement, l’intimée conteste le caractère contradictoire du bornage invoqué par les époux [E] et sa pertinence, relevant des incohérences voire des erreurs commises par le géomètre-expert. Elle rappelle également que la clôture litigieuse a été installée dans les années 1970 et qu’elle a démonté la véranda (chatterie) litigieuse. Elle estime donc que les demandes présentées à ce titre sont infondées.
A titre subsidiaire, en application des dispositions de l’article 2258 du code civil, Mme [O] revendique une prescription acquisitive de la clôture et des bâtiments, arguant d’une possession continue, non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque, à titre de propriétaire depuis plus de trente ans.
A titre très subsidiaire, Mme [O] sollicite que la cour sursoit à statuer et désigne tel expert-géomètre qu’il lui plaira, la détermination des limites de parcelles étant objet de désaccord.
A titre infiniment subsidiaire, si les limites de propriétés revendiquées par M. et Mme [E] étaient retenues, Mme [O] considère qu’une mesure de démolition serait disproportionnée au regard du droit au respect de son domicile, et de l’atteinte qui serait perpétrée à l’encontre de sa vie privée, ajoutant que son bien perdrait toute sa valeur, et que bénéficiant de faibles revenus, il lui serait très difficile de se reloger.
Sur les caméras de surveillance de Mme [O], dont il a été demandé le retrait, celle-ci explique qu’elles se trouvent sur sa propriété vers laquelle elles sont orientées, et que deux sont fausses et présentent un intérêt dissuasif. Quant à l’indemnisation sollicitée par les époux [E] au titre de l’atteinte à leur vie privée et au préjudice moral subi du fait de ces caméras, Mme [O] fait valoir qu’il s’agit d’une demande nouvelle et donc irrecevable au sens de l’article 564 du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages et intérêts des époux [E], Mme [O] soutient qu’aucune faute de sa part n’est démontrée et que leur préjudice n’est pas qualifié dans leur motivation.
Enfin, Mme [O] fait valoir qu’un compteur d’eau ainsi qu’un ancien compteur d’électricité aujourd’hui inutilisé, appartenant à ses voisins se trouvent sur sa propriété comme en attestent les plans dont elle se prévaut. Elle en demande le retrait.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour s’en réfère expressément à leurs dernières conclusions récapitulatives, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2023.
Sur la recevabilité des pièces
L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.
Ce droit permet à toute personne de bénéficier de la protection de son image, de sa captation, sa conservation, sa reproduction et de son utilisation. La seule constatation d’une telle pratique opérée sans le consentement de la personne ouvre droit à réparation. Néanmoins, à défaut de possibilité d’identification de la personne représentée, l’atteinte à la vie privée et à l’image n’est pas constitué.
Par ailleurs, le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, Mme [O] sollicite l’irrecevabilité des pièces adverses n°2, 12, 18, 20, 21, 23, 24, 25, 29, 30, 31, 33, 38, 40, 44, 45, 46, 55, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 73, soit des photographies et des captures tirées de la vidéo-surveillance installée par les époux [E], au motif que ces derniers filment de manière continue le passage grevé de servitude et une partie de sa propriété, sans l’en avoir préalablement informée et en portant atteinte à sa vie privée.
Il n’est pas contesté par les époux [E] que les pièces litigieuses sont issues des caméras de vidéo-surveillance installées sur leur propriété.
Il ressort de l’examen de ces images que les prises de vues opérées par les caméras de vidéo-surveillance portent exclusivement sur l’allée privée, propriété des époux [E], sur laquelle s’exerce la servitude conventionnelle au profit du fonds dominant, propriété de Mme [O]. Contrairement à ce que soutient cette dernière, il n’est communiqué aucune captation d’images de sa propriété à l’exception des clôtures, palissades et murs de bâtiments édifiés en limite de propriété, pour la partie visible à partir de la propriété des époux [E].
Suivant les perspectives adoptées, sont montrés l’entrée de l’allée, depuis la voie publique, jusqu’à l’arrière du portail de M. et Mme [E] également, le portillon de Mme [O] vu depuis l’allée sur laquelle il ouvre, la clôture ou encore la toiture de celle-ci. Des individus, parfois accompagnés d’un chien, ainsi que des véhicules sont visibles sur certaines captures d’écran. Néanmoins, aucune identification n’est possible de par la piètre qualité des images ou la position des personnes ainsi photographiées, qui se situent, pour la majorité, dos à la caméra.
Au vu de ces éléments, s’il n’y a aucune atteinte au droit à l’image, en revanche, il est incontestable qu’en filmant les allers et venues s’effectuant certes sur leur propriété, mais sur l’assiette de la servitude de passage la grevant, les époux [E] ont porté atteinte à la vie privée de leur voisine, puisqu’ils ont installé un matériel visionnant constamment les conditions d’exercice, leur permettant ainsi de surveiller toutes les entrées et sorties de leurs voisins et des personnes qui leur rendent visites.
Toutefois, d’une part, bien qu’il ne soit pas possible de dater cette situation, il convient de relever que les époux [E] produisent des photographies qui montrent qu’ils ont apposé sur leur portail un panneau informant de la présence de caméras et que Mme [O] avait connaissance de cette situation, puisqu’elle a apposé sur son propre portail un panneau indiquant ‘souriez vous êtes filmés par les voisins’.
D’autre part, il convient de rappeler que le litige qui oppose les parties porte sur les conditions d’exercice de ce droit de passage dont bénéficie Mme [O]. Or, le seul moyen pour les époux [E] de rapporter la preuve des critiques qu’ils émettent à cet égard est de capter les images montrant les conditions dans lesquelles sont exercées cette servitude qu’ils entendent dénoncer.
Aussi, il y a lieu de considérer que les prises de vues de l’allée sur laquelle s’exerce le droit de passage litigieux versées aux débats doivent être analysées comme un moyen de preuve, certes, qui portent atteinte au respect de sa vie privée, mais qui est parfaitement proportionné à l’enjeu du litige.
En conséquence, par arrêt confirmatif, la demande de Mme [O] d’écarter des débats les pièces susmentionnées est rejetée.
Sur les demandes relatives aux empiétements
– Sur la demande des époux [E]
Selon l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L’article 545 du même code prévoit que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
L’article 552 du code civil précise que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.
La propriété d’un bien se prouve par tous moyens.
L’action en bornage ayant seulement pour effet de fixer les limites des fonds contigus, sans attribuer la propriété des terrains, le juge ne peut se fonder sur le seul bornage pour constater un empiètement. En revanche, il peut être l’un des éléments utilisés pour établir l’existence d’une telle situation, étant précisé que le juge du fond apprécie souverainement la ligne divisoire entre deux fonds, lorsqu’elle est discutée et ne ressort pas à l’évidence des titres de propriété.
En l’espèce, les titres de propriété des parties ne contiennent aucune description précise de la limite séparative litigieuse.
L’acte de donation au profit de Mme [O] du 26 avril 1994 concernant la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] devenu [Cadastre 8] qui est le terrain contigu litigieux ne donne aucune indication. L’acte précise uniquement la contenance du terrain, à savoir 10 a 34 ca.
Le titre des époux [E] en date du 24 août 2012 se contente de préciser ‘terrain clos de grillage ou plaque bois’ et d’indiquer les références cadastrales du bien et la contenance de chaque parcelle.
Il convient de relever que ce titre contient une incohérence sur la superficie du bien. En effet, l’immeuble est visé comme étant cadastré selon les indications suivantes:
‘- section [Cadastre 4] lieudit [Adresse 2] pour 31 a et 38 ca,
– section [Cadastre 6] lieudit [Adresse 2] pour 13 a 28 ca,
– section [Cadastre 7] lieudit [Adresse 2] pour 21 a 81 ca,
– soit une surface totale de 66 a 47 ca.
Observation étant ici faite qu’en date du 7 novembre 2005, il y a eu un procès-verbal de remaniement de la commun d'[Localité 9], lequel a été publié à la conservation des hypothèques d'[Localité 17] le 7 novembre 2005, volume 2005 P numéro 8017 et que le bien était anciennement cadastré :
– section [Cadastre 14] lieudit ‘[Adresse 2], pour une superficie de trentes ares quarante-cinq centiares (00 ha 30 a 45 ca),
– section [Cadastre 15], lieudit ‘[Adresse 18], pour une superficie de treize ares vingt-huit centiares (00 ha 13 a 28 ca),
– section [Cadastre 16], lieudit ‘[Adresse 18], pour une superficie de vingt et un ares et quatre vingt un centiares (00 ha 21 a 81ca)’
soit une surface totale de 65 a 54 ca.
Or, la parcelle dont la superficie varie est celle cadastrée section [Cadastre 4], soit celle qui constitue le fonds servant de la servitude litigieuse et donc celle sur laquelle porte également le litige opposant les parties sur cette question de l’empiétement.
Toutefois, il y a lieu de considérer que cette différence de 93 ca ne correspond aucunement à l’enjeu du litige, l’empiètement invoqué par les époux [E] portant sur une surface de 45 m² (ca). Au demeurant, cette analyse est corroborée par le fait que la parcelle contiguë appartenant à Mme [O], à savoir le terrain cadastré section [Cadastre 11] devenu [Cadastre 8], n’a pas varié dans sa contenance au gré des remaniements cadastraux et demeure d’une superficie de 10 a 34 ca, conformément aux mentions du titre de Mme [O], à savoir l’acte de donation du 26 avril 1994.
Cette incohérence est donc indifférente à l’enjeu du litige.
Si les titres ne précisent pas littéralement les limites de propriété, il y a lieu, en revanche, de relever que sont annexés tant au titre de Mme [O] qu’à celui des époux [E] des extraits de plans cadastraux et des plans de division qui, tous, fixent la limite séparative litigieuse au niveau et au droit du mur du bâtiment dénommé ‘remise’.
L’acte de donation du 8 octobre 2005 qui confère à Mme [O] la propriété de la seconde parcelle [Cadastre 12] devenu [Cadastre 5] contient également un plan de division reprenant cette limite de propriété.
Il en est de même de l’acte constitutif de la servitude de passage dont l’assiette se situe sur le fonds litigieux. Les annexes situées page 23 à 23 ter constituées de plans de division et de plans cadastraux matérialisent, outre l’assiette de la servitude, la limite de propriété entre le fonds servant et le fonds dominant qui se situe au niveau du mur du bâtiment ‘remise’ et dans sa continuité immédiate.
Or, ces documents, certes administratifs et à visée fiscale, n’en demeurent pas moins annexés aux titres de propriété, de sorte qu’ils font partie intégrante des informations utiles à la délimitation des limites de propriété définies par lesdits titres. C’est donc en vain que Mme [O] critique leur valeur probante et leur opposabilité.
De même, c’est de manière infondée que Mme [O] argue que sa propriété est située sur le lieu-dit [Adresse 18], laquelle est séparée du lieu-dit [Adresse 1], sur lequel est située la propriété des époux [E], par un fossé qui constitue la véritable limite entre leurs propriétés. Cette indication ne ressort d’aucun des titres de propriété. Les photographies aériennes annotées manuscritement, les plans dessinés manuellement matérialisant l’existence d’un fossé n’ont aucune valeur probante. Il en est de même de l’attestation de Mme [C] [O], sa mère, en ce qu’elle n’est pas suffisamment circonstanciée et précise.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est de manière opérante que les époux [E] entendent se prévaloir du plan de bornage établi le 5 janvier 2023 par un géomètre- expert.
En effet, à titre liminaire, il convient de préciser que, contrairement à ce que soutient Mme [O], la procédure de bornage suivie par le géomètre-expert est parfaitement contradictoire et lui est pleinement opposable.
Non seulement, il est justifié que Mme [O] a été régulièrement convoquée à ces opérations par lettre recommandée dont elle a accusé réception, mais surtout, le procès-verbal de carence dressé par le géomètre-expert mentionne expressément que Mme [O] était présente sur sa propriété, dans son jardin, le jour de la réunion de bornage, mais qu’elle a refusé, malgré plusieurs demandes de la part du géomètre, de participer aux opérations. Mme [O] ayant postérieurement contesté le plan de bornage qu’il a dressé à la suite de la réunion, le géomètre-expert a pris le soin dans son procès-verbal de mentionner ses critiques et notamment d’indiquer que l’existence d’un fossé comme limite séparative naturelle ne ressortait ni des titres ni de la configuration des lieux, ni de tout autre document.
Quant aux limites de propriété relevées par le géomètre-expert, l’analyse de son procès-verbal de reconnaissance de limites, bornage ou rétablissement de bornage montre que le plan de bornage a été dressé à la lecture des actes de propriété des deux parties sus-visés et ne fait que confirmer les limites telles qu’elles ressortent des plans annexés à ces actes. En outre, l’expert a précisé qu’il avait pu retrouver d’anciennes bornes confirmant les limites établies par le document d’arpentage de 1994.
Le plan de bornage du 5 janvier 2023 se contente donc de matérialiser les limites de propriété, et par suite d’objectiver l’empiétement dénoncé par les époux [E], constitué par la parcelle de terre située entre la clôture installée par Mme [O] et les limites de propriété, en ce compris le débord de toit de l’immeuble, conformément à l’application de l’article 552 du code civil précité.
Pour contrer cette délimitation de propriété, à titre subsidiaire, Mme [O] entend se prévaloir d’une prescription trentenaire concernant ces constructions.
Aux termes de l’article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
L’article 2261 du même code précise que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
En l’espèce, il ressort des éléments de la procédure que la limite séparative entre les fonds litigieux est discutée par leurs propriétaires respectifs depuis 2019. Depuis cette date, Mme [O] ne peut donc plus se prévaloir d’une possession paisible et non équivoque. C’est donc à partir de ce terme que doit être appréciée la condition du délai de prescription trentenaire.
Or, il convient de relever que Mme [O] soutient que les constructions litigieuses ont été édifiées en 1994-1995, soit depuis moins de trente ans en 2019. En outre, s’il elle soutient que la maison d’habitation ainsi construite ainsi que la clôture dressée à proximité ont été établies sur l’assiette d’emprise de l’ancien bâtiment intitulé ‘remise’ et de l’ancienne clôture, il convient de constater que la preuve de cette affirmation n’est pas rapportée.
Les photographies produites aux débats montrant l’édification litigieuse n’établissent aucunement que l’emprise de l’ancien bâtiment détruit a été respectée. L’attestation de M. [L] ne permet pas non plus d’établir cette situation. De même, la communication des copies du permis de construire de 1993, sans y adjoindre les plans du projet accepté est inefficiente à ce titre.
Eu égard au caractère contradictoire du bornage réalisé le 5 janvier 2023, auquel Mme [O] a sciemment refusé de participer tout en critiquant par écrit, à réception du projet de plan de bornage, les relevés de l’expert-géomètre, arguments auxquels ce dernier a répondu dans son procès-verbal, la demande subsidiaire présentée par Mme [O] tendant à voir désigner un nouveau géomètre-expert n’apparaît ni utile, ni pertinente.
Enfin, sur le caractère proportionné au regard de son droit au domicile, il convient de rappeler que tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds sans que son action puisse donner lieu à faute ou abus de droit ; l’auteur d’un empiétement n’est pas fondé à invoquer les dispositions du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme dès lors que l’ouvrage qu’il a construit méconnaît le droit au respect des biens de la victime de l’empiétement. Si les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, cette ingérence, fondée sur les articles 544 et 545 du code civil, est justifiée car elle vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses bien protégés par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme.
Contrairement à ce que soutient Mme [O], cette exclusion du contrôle de proportionnalité n’est pas remise en cause par la Cour de cassation qui certes, reconnaît le bien fondé du recours à ce contrôle de proportionnalité, notamment au regard du droit au respect du domicile protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais uniquement lorsque la construction litigieuse porte atteinte à un droit de passage, non lorsqu’elle porte atteinte à un droit en pleine propriété.
Aussi, il n’y a pas lieu d’apprécier si la démolition sollicitée par les époux [E] en raison de l’empiétement dont ils sont victimes est ou non disproportionnée par rapport à l’atteinte au droit au domicile qu’elle représente pour Mme [O], étant de surcroît fait observer qu’il est constant que cette dernière a déménagé et ne réside plus dans l’immeuble litigieux, de sorte que ce logement ne constitue plus son domicile.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris et d’ordonner à Mme [O] de procéder à la démolition :
– d’une part, de la clôture bordant l’empiétement litigieux matérialisée sur le plan de bornage établi le 5 janvier 2023 annexé à la présence décision par la zone colorée en jaune, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, l’astreinte courant pour une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,
– d’autre part, du débord de toit et des 27 à 30 centimètres de mur du bâtiment situé entre les points B et C portés sur le plan de bornage annexé à la présente décision, et ce sous astreinte de 50’euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de huit mois suivant la notification de la présente décision, l’astreinte courant pour une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué.
Cette situation d’empiétement étant un des éléments invoqués par les époux [E] pour caractériser le caractère abusif de l’exercice du droit de passage et le préjudice en résultant, il convient d’apprécier le bien fondé de la demande indemnitaire dans sa globalité au titre de l’abus de droit relatif à la servitude.
– Sur la demande de déplacement des compteurs d’eau et d’électricité
Mme [O] expose elle-même dans ses conclusions que le compteur électrique des époux [E] se situe sur la voie publique. Aussi, et faute pour elle de rapporter la preuve que le boîtier vide dont elle entend obtenir l’enlèvement est l’ancien compteur électrique de ses voisins qu’ils auraient fautivement installé sur sa propriété, il convient de confirmer la décision entreprise ayant rejeté cette demande.
Il en est de même pour le compteur d’eau, Mme [O] était défaillante à rapporter la preuve que ce compteur est situé sur sa propriété.
Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes relatives à la servitude de passage
– Sur l’étendue de la servitude
Préalablement à l’examen des demandes fondées sur l’usage inutile et abusif de la servitude litigieuse, il convient d’en déterminer précisément l’étendue.
Il résulte de l’article 639 du code civil que la servitude dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires.
L’article 686 du même code précise que l’usage et l’étendue des servitudes établies du fait de l’homme se règle par le titre qui les constitue.
En l’espèce, la servitude litigieuse, constituée par acte du 14 octobre 2005, est définie comme suit :
‘A titre de servitude réelle et perpétuelle, le propriétaire du fonds servant constitue au profit du fonds dominant et de ses propriétaires successifs un droit de passage en tout temps et heures mais uniquement à pied ou au moyen d’un véhicule professionnel nécessaire à la vidange de la fosse septique. Ce droit de passage profitera aux propriétaires successifs du fonds dominant, à leur famille, ayants-droit et préposés, pour leurs besoins personnels et le cas échéant pour le besoin de leurs activités.
Ce droit de passage s’exercera exclusivement sur une bande d’une longueur de
40,74 mètre et d’une largeur de 5 à 6 mètres environ.
Son emprise est figurée au plan ci-annexé approuvé par les parties.
Ce passage est en nature de terre.
Il devra être libre à toute heure du jour et de la nuit, ne devra jamais être encombré et aucun véhicule ne devra y stationner.
Il ne pourra être ni obstrué ni fermé par un portail d’accès, sauf dans ce dernier cas accord entre les parties.
Le propriétaire du fonds servant entretiendra à ses frais le passage de manière qu’il soit normalement utilisable.
Toutefois, le propriétaire du fonds dominant devra réparer à ses frais exclusifs le passage de manière à ce qu’il soit normalement utilisable, si celui-ci venait à être endommagé par son propre fait ou par le véhicule professionnel de vidange.
L’utilisation de ce passage ne devra cependant pas apporter de nuisances au propriétaire du fonds servant par dégradation de son propre fonds ou par une circulation inappropriée à l’assiette dudit passage ou aux besoins des propriétaires du fonds dominant.[…]’
L’extrait de plan cadastral annexé en page 23 bis de l’acte, ainsi que le schéma manuscrit annexé en page 23 ter établissent que bien qu’il y ait manifestement une erreur dans l’acte sur la longueur de l’assiette – la mention de 40,74 mètres correspond uniquement à la distance entre le bâtiment intitulé ‘remise’ et la limite séparative de la parcelle section [Cadastre 13] devenue [Cadastre 5] -, les parties se sont accordées pour que l’assiette de la servitude couvre l’intégralité du chemin privé longeant la propriété de Mme [O], à partir de la voie publique et jusqu’au portail matérialisant l’entrée dans la cour privative de ses voisins, se situant au droit de la clôture située en limite séparative de la parcelle section [Cadastre 10] appartenant à
M. [X] [O], le frère de Mme [O], devenue AH n°31.
Quant à ses modalités d’exercice, contrairement à ce que soutiennent les époux [E], il résulte de manière explicite de la disposition conventionnelle que l’usage du droit de passage n’était pas exclusivement limité à l’entretien de la fosse septique.
Cette restriction concerne uniquement le type d’engins pouvant emprunter le chemin, en ce que seul un véhicule professionnel de vidange est autorisé à emprunter le passage.
Elle ne vise aucunement le droit de passage à pied, qui, au contraire, bénéficie d’un exercice très étendu, puisqu’il peut être utilisé par les ‘propriétaires successifs du fonds dominant, à leur famille, ayants-droit et préposés, pour leurs besoins personnels et le cas échéant pour le besoin de leurs activités.’
Bien que les activités professionnelles ne soient pas expressément visées par la clause sus-rappelée, la distinction opérée entre les besoins personnels et les besoins de leurs activités doit être interprétée comme autorisant l’utilisation à pied de la servitude de passage pour les besoins de l’activité professionnelle des propriétaires ou de leurs ayants-droit et préposés.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que le droit de passage piéton dont bénéficie le fonds de Mme [O] grevant le fonds des époux [E] est limité à l’accès à sa fosse septique, et qu’hors cet usage l’accès d’elle-même et des tiers à sa propriété via la propriété des époux [E] est interdit.
Par suite, les époux [E] seront déboutés de leur demande tendant à voir :
– dire et juger que la servitude de passage dont bénéficiait Mme [O] avait pour seul objet la vidange de la fosse septique de cette dernière et que, à cette seule fin, Mme [O] disposait d’un seul accès piétonnier ou au moyen du véhicule de vidange,
– dire et juger que nul ne saurait accéder à la propriété de Mme [O] par la propriété de M. et Mme [E] en dehors de cette nécessité de vidange,
– interdire l’accès au salon de toilettage de Mme [O] par la propriété de M. et Mme [E], et tout affichage lié à cette activité sur la propriété de M. et Mme [E],
– Sur la demande de suppression
En application des articles 703 à 710 du code civil, il existe uniquement trois causes d’extinction des servitudes conventionnelles :
– l’impossibilité d’user de la servitude par suite de changement ou de la destruction des lieux où elle s’exerçait,
– la confusion par la réunion du fonds dominant et du fonds servant dans la même main,
– le non-usage de la servitude pendant trente ans.
Il convient de préciser que l’inutilité d’une servitude, sauf à ce qu’elle soit assimilable à une impossibilité d’usage, n’est pas une cause de son extinction. De même, l’aggravation de la condition du fonds servant n’est pas une cause d’extinction, le non-respect des conditions d’exercice de la servitude n’emportant pas sa disparition.
En l’espèce, l’aggravation de la situation du fonds des époux [E] par l’usage abusif que Mme [O] ferait de son droit de passage est un élément inopérant pour justifier leur demande de suppression.
De même, ils ne soutiennent aucunement, ni a fortiori n’établissent, que l’inutilité de la servitude conventionnelle, en ce que la vidange de la fosse septique de Mme [O] pourrait se faire à distance à partir de la voie publique, équivaut à une impossibilité d’user du droit de passage. Il s’agit uniquement d’une alternative envisagée qui rendrait inutile le droit litigieux. Or, cette situation n’est pas susceptible d’engendrer la suppression de la servitude conventionnelle.
En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux [E] de leur demande à ce titre.
– Sur l’usage abusif et l’aggravation de la servitude
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 702 du code civil dispose que celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier.
En l’espèce, les époux [E] produisent aux débats de nombreuses photographies attestant de la présence d’un véhicule stationné sur l’assiette du droit de passage. Toutefois, faute d’identification possible des propriétaires desdits véhicules, il n’est pas suffisamment établi que cette situation est imputable à Mme [O], en ce qu’il s’agirait de voitures appartenant à des clients du salon de toilettage de sa fille ou à des proches qu’elle aurait autorisés à stationner sur ledit chemin en contravention des stipulations conventionnelles.
De même, sur la présence d’un véhicule de vidange qui aurait empêché M. [E] de sortir de sa propriété, aucun élément ne vient étayer l’intention de nuire prêtée à Mme [O] qui aurait interdit au prestataire de service de déplacer son véhicule, alors que, par ailleurs, la présence de ce dernier sur le chemin est conforme à l’usage conventionnel prévu.
Les critiques sur la dégradation de la végétation plantée par les époux [E] ne peuvent pas non plus être retenues, les photographies produites à ce titre n’ont aucune valeur probante permettant d’imputer l’état des plantes à l’action de Mme [O]. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande sollicitant qu’il lui soit fait interdiction de détruire les plantations de ses voisins.
Il résulte des motifs précédents que c’est également en vain que les époux [E] se plaignent de l’exercice abusif que Mme [O] aurait fait de son droit de passage en l’utilisant à des fins professionnelles pour permettre aux clients du salon de toilettage de sa fille d’accéder à ce dernier par cette voie. Cette situation est, en effet, conforme aux prévisions contractuelles.
En revanche, c’est à juste titre que les époux [E] reprochent à Mme [O] d’avoir créé, de surcroît au mépris des dispositions des articles 675 et suivants du code civil, une nouvelle ouverture dans la clôture matérialisant la limite de propriété au droit de leur portail, ouverture qui a pour effet, outre d’offrir une seconde voie de passage pour exercer la servitude, de donner une vue directe sur la partie totalement privée de leur propriété non grevée de l’assiette de la servitude de passage.
En effet, contrairement à ce que soutient Mme [O], lors de la création de la servitude en 2005, il n’existait qu’un seul portillon permettant l’exercice du droit de passage, portail qui se trouvait près de la fosse septique. Cette situation est clairement explicitée par M. [X] [O] dans son attestation et corroborée par plusieurs photographies. La seule attestation de la mère de Mme [O], en ce qu’elle est très peu circonstanciée, ne permet pas de contrer ce témoignage.
Ce portillon ne fait pas objet de litige. C’est la seconde ouverture située au droit du portail des époux [E] qui pose difficulté.
Or, ces derniers produisent de très nombreuses photographies qui établissent qu’à partir de 2018-2019, Mme [O] a restauré la partie de clôture située en limite séparative de propriété à l’angle de leur portail. Les images captées à partir de cette date montrent qu’ont été installés des panneaux de bois neufs qui ne présentent pas la même couleur grisée que les panneaux situés dans leur prolongement, ainsi qu’un portillon également en bois non grisé, à un endroit où, auparavant, se trouvait une séparation en béton. Ces constatations sont révélatrices de la rénovation et de la création du portillon, ainsi que le confirment, de surcroît, l’attestation du voisin situé en face, M. [X] [O] et celle de M. [H].
Elles sont, au demeurant, confirmées par les propres photographies de Mme [O] sur lesquelles apparaît cette différence de couleur du bois montrant le caractère récent de cette partie de la clôture avec le portillon.
De plus, il est erroné de soutenir que seul le premier portillon était utilisé par les clients du salon de toilettage, de sorte que les allégations des époux [E] selon lesquelles ce portillon a été créé pour les besoins de ce commerce seraient fausses. En effet, les photographies produites montrent que sur ce portillon récent en bois, Mme [O] avait installé un écriteau à destination des clients mentionnant ‘souriez, vous êtes filmés par les voisins’. De plus, il ressort de ses propres explications que sa fille s’était installée dans une dépendance située sur sa propriété. Or, au vu des photographies et vues aériennes produites aux débats par les parties, il convient de constater que le premier portillon est éloigné de cette dépendance et donne directement accès à la maison d’habitation de Mme [O] alors que le second se situe juste en face de la dite dépendance.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, Mme [O] ne peut sérieusement soutenir que cette seconde ouverture a toujours existé et qu’elle était présente en 2005 lors de la création de la servitude de passage.
En agissant de la sorte, Mme [O] a incontestablement adopté un comportement aggravant la situation du fonds servant, passant d’un à deux accès piétonnier, ce second accès ayant de surcroît été créé en violation des dispositions des articles 675 et suivants du code civil, ce qui a pour conséquence d’ouvrir une vue directe sur la cour privative des époux [E].
En outre, il convient, au titre de l’exercice abusif et aggravant de la servitude, de retenir que non seulement Mme [O] a édifié sur une quarantaine de mètres une clôture empiétant sur la propriété des époux [E], mais qu’elle a également apposé sur cette clôture des bâches à tout le moins très inesthétiques, voire gênantes par leur bruit par temps de vent.
Ce comportement n’est aucunement justifié par un défaut d’entretien du chemin de la part des époux [E], les photographies produites à ce titre n’étant pas significatives et ce d’autant qu’elle ne se situe pas du tout au même endroit, puisque les bâches sont installées sur une clôture en bois alors que les photographies qui sont censées illustrer un défaut d’entretien et une végétation luxuriante montrent seulement un mur en béton, avec une branche de lierre qui dépasse.
En tout état de cause, même à considérer que les bâches avaient cette utilité, Mme [O] n’explique pas pourquoi, elle les a installés du côté de la propriété de son voisin et non du côté de sa propriété.
Au vu de ces éléments et alors, par ailleurs, qu’aucun lien de causalité ne peut être sérieusement établi entre ces faits et l’état de santé psychologique de M. [E] et les conséquences sur sa vie professionnelle, le préjudice de jouissance et moral subi par les époux [E] sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros.
Enfin, il convient de faire droit à la demande des époux [E] et d’ordonner à Mme [O] d’ôter les bâches en plastique litigieuses et de supprimer le portillon installé à proximité de leur portail, cette dernière obligation étant assortie d’une astreinte de
50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, l’astreinte courant pour une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
Sur la demande de retrait des caméras
À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions des parties.
Or, en l’espèce, si Mme [O] soulève, dans le corps de ses conclusions, l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre de la présence de caméras de vidéo-surveillances comme étant une demande nouvelle, elle ne présente aucune prétention visant à statuer sur cette irrecevabilité dans le dispositif des conclusions. La cour n’est donc pas valablement saisie.
Sur le fond, s’il est incontestable, et au demeurant non contesté par les parties, qu’elles ont chacune installé sur leur propriété respective des caméras de vidéo-surveillance, il résulte des constats d’huissier produits aux débats par les époux [E] qu’ils ont procédé à la modification de l’orientation de leurs caméras et que Mme [O] en a fait de même, afin que les objectifs soient uniquement dirigés vers la partie privative de leur propriété respective.
Dans ces conditions et en l’absence de tout comportement fautif, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées tant par Mme [O] que par les époux [E] tendant à obtenir le retrait de ces systèmes de vidéo-surveillances.
Quant au préjudice résultant de l’utilisation plus ancienne des caméras de vidéo-surveillance, ni Mme [O], ni les époux [E] ne rapportent la preuve de l’existence d’un préjudice. En conséquence, par jugement confirmatif, il convient de les débouter de leur demande à ce titre.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme [O] succombant à titre principal, il convient de la condamner aux dépens de la présente instance, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, en ce compris les dépens de première instance, le jugement étant infirmé en ce sens.
L’équité et la nature du litige commandent qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des époux [E] à concurrence de la somme de 4 000 euros pour les frais exposés tant en première instance qu’en appel.
La cour statuant par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté Mme [O] de sa demande visant à écarter des débats des pièces produites par les époux [E],
– rejeté la demande de suppression de la servitude de passage des époux [E],
– débouté Mme [O] de sa demande de retrait des compteurs d’eau et électricité,
– débouté les époux [E] de leurs demandes relatives aux caméras de surveillance de Mme [O],
– débouté Mme [O] de ses demandes relatives aux caméras de surveillance des époux [E],
– débouté Mme [O] de sa demande indemnitaire,
– débouté Mme [O] de sa demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne à Mme [I] [O] de procéder à la démolition de la clôture bordant l’empiétement litigieux matérialisé sur le plan de bornage établi le 5 janvier 2023 annexé à la présence décision par la zone colorée en jaune, et ce sous astreinte de
50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, l’astreinte courant pour une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,
Ordonne à Mme [I] [O] de procéder à la démolition du débord de toit et des 27 à 30 centimètres de mur du bâtiment situé entre les points B et C portés sur le plan de bornage annexé à la présente décision, et ce sous astreinte de 50’euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de huit mois suivant la notification de la présente décision, l’astreinte courant pour une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,
Déboute M. [N] [E] et Mme [T] [S] épouse [E] des demandes suivantes tendant à voir :
– dire et juger que la servitude de passage dont bénéficiait Mme [O] avait pour seul objet la vidange de la fosse septique de cette dernière et que, à cette seule fin, Mme [O] disposait d’un seul accès piétonnier ou au moyen du véhicule de vidange,
– dire et juger que nul ne saurait accéder à la propriété de Mme [O] par la propriété de M. et Mme [E] en dehors de cette nécessité de vidange,
– interdire l’accès au salon de toilettage de Mme [O] par la propriété de M. et Mme [E], et tout affichage lié à cette activité sur la propriété de M. et Mme [E],
– faire interdiction à Mme [O] de détruire les plantations de ses voisins,
Condamne Mme [I] [O] à payer à M. [N] [E] et Mme [T] [S] épouse [E], unis d’intérêts, une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et moral,
Ordonne à Mme [I] [O] de procéder à l’enlèvement des bâches en plastique installées sur la clôture séparant son fonds de celui des époux [E],
Ordonne à Mme [I] [O] de supprimer le portillon et l’ouverture créé dans la clôture située en limite séparative des fonds à proximité du portail des époux [E], et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, l’astreinte courant pour une durée de six mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,
Condamne Mme [I] [O] à payer à M. [N] [E] et Mme [T] [S] épouse [E], unis d’intérêts, la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu’en appel,
Déboute les parties pour le surplus des demandes,
Condamne Mme [I] [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1991 régissant l’aide juridictionnelle.
Le greffier, La présidente de chambre,