Attention à la justification des motifs économiques : Lorsqu’un employeur envisage un licenciement pour motif économique, il est impératif de bien documenter et justifier les difficultés économiques rencontrées. Cela inclut la démonstration de la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires sur la période de référence, ainsi que d’autres indicateurs économiques tels que les pertes d’exploitation ou la dégradation de la trésorerie. Une documentation insuffisante ou incomplète peut entraîner la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2. Il est recommandé de respecter scrupuleusement l’obligation de reclassement : Avant de procéder à un licenciement économique, l’employeur doit démontrer qu’il a mis en œuvre tous les moyens possibles pour reclasser le salarié sur un autre poste disponible au sein de l’entreprise ou du groupe. Cette recherche de reclassement doit être sérieuse et loyale, et les offres de reclassement doivent être écrites et précises. Le non-respect de cette obligation peut également conduire à la requalification du licenciement. 3. Attention à l’exécution de bonne foi du contrat de travail : L’employeur doit veiller à exécuter le contrat de travail de bonne foi, notamment en respectant les dispositions conventionnelles applicables, telles que le paiement des primes d’ancienneté. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des réclamations de la part du salarié pour exécution déloyale du contrat de travail, avec des conséquences financières pour l’employeur |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Contexte et historique de l’emploi : Situation économique et licenciement : Procédure judiciaire : Appel et arguments des parties : Décision en appel : Demandes des parties : Clôture de l’instruction : |
→ Les points essentielsContestations du licenciement pour motif économiqueEn vertu de l’article L1233-3 du code du travail, un licenciement pour motif économique est justifié par des raisons non inhérentes à la personne du salarié, telles que des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation nécessaire à la compétitivité, ou la cessation d’activité. La réalité de ces motifs doit être prouvée par l’employeur. En l’espèce, la société LF a invoqué une baisse de chiffre d’affaires et des pertes financières pour justifier le licenciement de M. [O], mais la suppression de son poste n’a pas été établie de manière convaincante. Obligation de reclassement avant le licenciementL’article L1233-4 du code du travail impose à l’employeur de tenter de reclasser le salarié avant de procéder à un licenciement économique. Cette obligation de moyens doit être sérieuse et loyale. Dans le cas de M. [O], la société LF n’a pas démontré avoir mis en œuvre tous les moyens pour trouver une solution de reclassement, notamment en ne proposant pas de postes disponibles malgré des recrutements récents dans l’entreprise. Absence de cause réelle et sérieuse du licenciementLe licenciement de M. [O] a été jugé sans cause réelle et sérieuse. La société LF n’a pas prouvé la suppression effective du poste de M. [O] et a procédé à des recrutements peu avant la rupture de son contrat. De plus, M. [O] disposait des qualifications nécessaires pour être reclassé sur d’autres postes disponibles, ce qui n’a pas été sérieusement envisagé par l’employeur. Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuseEn l’absence de cause réelle et sérieuse, M. [O] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois de salaire brut, soit 9.861 euros, et 986,10 euros pour les congés payés afférents. De plus, la société LF est condamnée à verser 30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l’ancienneté de M. [O] et des difficultés rencontrées dans ses recherches d’emploi. Remboursement des allocations chômageLa société LF est condamnée à rembourser à Pôle emploi les allocations chômage versées à M. [O] dans la proportion de trois mois, conformément à l’article L1235-4 du code du travail, en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Exécution déloyale du contrat de travailM. [O] a été privé de la prime d’ancienneté pendant près de dix ans, en violation de la convention collective applicable. La société LF a régularisé le paiement de cette prime uniquement pour les trois dernières années, invoquant la prescription triennale. Cette méconnaissance des termes de la convention collective constitue une exécution déloyale du contrat de travail, causant un préjudice certain à M. [O], qui est indemnisé à hauteur de 2.000 euros. Dépens et frais irrépétiblesLa société LF, partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, elle est condamnée à payer à M. [O] une indemnité de 2.500 euros sur le même fondement juridique, en raison de l’équité. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
Code du travail – Article L1233-3 (dans sa rédaction applicable au présent litige, issue de l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017) : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à : a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; 4° A la cessation d’activité de l’entreprise. La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. – Article L1233-4 (dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 20 décembre 2017) : Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. – Article L1235-3 : – Article L1235-4 : – Article L1222-1 : Convention collective « Fleuristes, vente et services des animaux familiers » – Article 9.2 (1) En vigueur étendu : Des primes d’ancienneté, payées mensuellement, sont attribuées en fonction du temps de présence dans l’établissement tel que défini à l’article 4.5 ci-dessus. Ces primes sont calculées sur le salaire minimum de l’emploi et représentées par les pourcentages suivants : – 3 % après 3 ans de présence effective ; À compter du 1er juillet 2020, ces dispositions seront appliquées intégralement dans les 3 secteurs de la branche fleuristes, vente et services des animaux familiers. Code de procédure civile – Article 696 : – Article 700 : |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Loïc GOURDIN de la SELARL SELARL D’AVOCATS MAIRE – TANGUY – SVITOUXHKOFF – HUVELIN – GOURDIN – NIVAULT – GOMBAUD, avocat au barreau de VANNES
– Me Audrey GEFFRIAUD de la SELARL AVEL AVOCATS, avocat au barreau de RENNES |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/01327
ARRÊT N°28/2024
N° RG 21/01327 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RMTP
S.A.R.L. L F
C/
M. [Y] [O]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Novembre 2023
En présence de Madame [T] [S] [Z], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
APPELANTE :
S.A.R.L. L F
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Loïc GOURDIN de la SELARL SELARL D’AVOCATS MAIRE – TANGUY – SVITOUXHKOFF – HUVELIN – G OURDIN – NIVAULT – GOMBAUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [O]
né le 06 Décembre 1977 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Comparant en personne, assisté de Me Audrey GEFFRIAUD de la SELARL AVEL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANTE :
S.A.S. DAVID-[D] & ASSOCIES Es qualité de « Mandataire judiciaire » désigné par jugement du Tribunal de Commerce de RENNES en date du 24 juillet 2019 ouvrant une procédure de sauvegarde judiciaire de la SARL LF
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Loïc GOURDIN de la SELARL SELARL D’AVOCATS MAIRE – TANGUY – SVITOUXHKOFF – HUVELIN – G OURDIN – NIVAULT – GOMBAUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL LF, qui exploite une animalerie sous l’enseigne ‘Envies animales’ à [Localité 9], a embauché M. [Y] [O] le 2 juillet 2001 en qualité de vendeur dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’une durée de deux mois.
Le salarié était embauché en cette même qualité le 26 janvier 2003 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Par avenant du 1er juin 2006, il était promu responsable de magasin.
Les comptes annuels de la société LF au 30 septembre 2017 faisaient apparaître un résultat net comptable négatif de 176 708 euros.
Par courrier en date du 12 février 2018, M. [O] était convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé le 21 février 2018. Au cours de cet entretien, il se voyait proposer un contrat de sécurisation professionnelle.
Le 5 mars 2018, M. [O] acceptait le contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Son contrat de travail a pris fin le 14 mars 2018.
*
M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 22 janvier 2019 afin de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement des sommes suivantes:
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 44 374,00 euros net
– Indemnité compensatrice de préavis : 9 861,00 euros brut
– Congés payés afférents : 986,10 euros brut
– Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail: 3 287,00 euros net
– Article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 euros
– Exécution provisoire du jugement à intervenir
– Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de: 3 287,00 euros
– Dépens.
Entre-temps et par jugement rendu le 24 juillet 2019, la société LF était placée sous procédure de sauvegarde, Me [D] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 8 février 2021, le conseil de prud’hommes de Rennes a :
– Dit et jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– Fixé le salaire mensuel de M. [O] à la somme de 3 287,00 euros brut,
– Condamné la société LF SARL au paiement des sommes suivantes:
– 26 000,00 euros (vingt-six mille euros) net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 9 861,00 euros (neuf mille huit cent soixante-un euros) brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 986,10 euros (neuf cent quatre-vingt-six euros dix centimes) brut au titre des congés payés afférents,
– Débouté M. [O] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale,
– Dit que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2019 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.
– Ordonné la remise de bulletins de paie et de fin de contrat rectifiés dans le délai d’un mois.
– Condamné la société LF SARL à payer à M. [O] la somme de 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
– Condamné la société LF SARL au paiement des dépens y compris les frais éventuels d’exécution,
*
La SARL LF a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 26 février 2021.
Par jugement rendu le 21 avril 2021, le tribunal de commerce de Rennes a arrêté le plan de sauvegarde de la société LF et désigné Me [D] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, tout en le maintenant aux fonctions de mandataire judiciaire.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 19 octobre 2021, la SARL LF demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et de:
– Dire et juger que le licenciement économique de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse
– Rejeter les prétentions de M. [O] formulées au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés y afférents
– Confirmer le jugement rendu le 08 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Rennes en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et, par voie de conséquence, rejeter sa réclamation tendant à voir condamner la société LF à lui verser la somme de 3 287,00 euros à ce titre
– Rejeter l’ensemble des prétentions de M. [O]
– En tout état de cause, condamner M. [O] à verser à la société LF la somme de 2 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société LF fait valoir en substance que:
– Le registre du personnel révèle qu’il n’existait aucun poste disponible sur la période de reclassement, soit du 12 février au 14 mars 2018 ; le poste de Vendeur expert oiseaux/rongeurs ne pouvait être confié à M. [O] puisqu’il implique une expertise sur le secteur ‘oiseaux’ dont il ne disposait pas ;
– M. [O] était le seul salarié cadre ; son poste de responsable de magasin a été supprimé, la responsabilité du magasin étant désormais assurée par le gérant, M. [C] ; le RUP permet de constater l’absence de recrutement d’un cadre depuis le licenciement ; M. [O] ne s’est pas vu retirer l’intégralité de ses fonctions au profit de Mme [J], qui avait été recrutée en qualité de responsable de rayon et qui était chargée de veiller au respect de la charte de l’entreprise ;
– Le recrutement de cinq salariés entre le 30 décembre 2016 et le 13 novembre 2017 (un chargé de communication, deux vendeurs, un responsable e-commerce et une responsable de rayon) s’explique par la volonté du dirigeant de faire face à un contexte économique compliqué et de relancer l’activité ; M. [O] ne disposait d’aucune compétence en matière de gestion de site internet, de vente d’oiseaux et il ne pouvait donc occuper le poste confié à M. [R] le 5 mars 2018 ;
– Il n’est pas justifié d’une exécution déloyale du contrat de travail ; M. [O] a perçu la prime d’ancienneté à laquelle il avait droit ; l’oubli de l’employeur concernant cette prime pour l’année 2017 a été corrigé au mois de janvier 2018.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 21 juillet 2021, M. [O] demande à la cour d’appel de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Rennes en date du 8 février 2021, excepté en ce qui concerne le quantum des dommages-intérêts alloués.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :
– Condamner la société LF à lui payer la somme de 44 374 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (13,5 mois de salaire) ;
– Condamner la société LF à lui payer la somme de 3 287 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (1 mois de salaire) ;
En tout état de cause :
– Condamner la société LF à lui payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500,00 euros ;
– Condamner la société LF aux entiers dépens.
M. [O] fait valoir en substance que:
– Il s’est grandement investi dans le projet d’ouverture d’un magasin à [Localité 7], au cours de l’année 2017 ; il s’est également investi dans la réalisation du site internet de l’entreprise ; une augmentation sensible de rémunération lui a été allouée en contrepartie de son investissement dans ces projets ; pourtant en décembre 2017, ses fonctions ont été unilatéralement modifiées puisque la gestion du personnel était confiée à Mme [J] et qu’en février 2018 il perdait ses fonctions de responsable de magasin ;
– Ses fonctions ne sont pas occupées par le gérant mais par un autre salarié; la charte ‘Envies animales’ dont la responsabilité a été confiée à Mme [J], transcrit les fonctions attendues d’un responsable de magasin;
il a exprimé son désaccord sur ce retrait de tâches ; l’employeur entendait manifestement reprocher des griefs à M. [O], ce qui ressort d’ailleurs des attestations qu’il produit ;
– Il pouvait parfaitement occuper les postes pour lesquels six recrutements ont eu lieu entre le 30 décembre 2016 et le 26 février 2018 ; ces embauches précédant de peu le licenciement, caractérisent une absence manifeste de loyauté de l’employeur dans la recherche de reclassement ; il importe peu que le poste de vendeur animalier confié à M. [R] n’ait pas été un poste de cadre puisque l’obligation de reclassement s’étend aux emplois de catégorie inférieure à celle du salarié dont le licenciement est envisagé ; il a travaillé 7 ans au rayon oiseaux/rongeurs et avait toutes compétences pour occuper le poste ; à défaut, il appartenait à l’employeur de délivrer la formation complémentaire nécessaire ;
– Il a été privé pendant près de dix ans de la prime d’ancienneté à laquelle il avait droit ; il n’a reçu une régularisation qu’au mois de janvier 2018 ; il s’agit d’un manquement de l’employeur à son obligation de loyauté qui ouvre droit à dommages-intérêts.
*
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 septembre 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 20 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
1- Sur la contestation du licenciement pour motif économique:
En vertu de l’article L1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, issue de l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.
Il est constant que si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Par ailleurs, l’article L1233-4 du même Code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 20 décembre 2017, dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.(…)
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Il résulte des dispositions de ce dernier texte que la tentative de reclassement est donc un préalable nécessaire à tout licenciement économique.
C’est à l’employeur d’établir la preuve de l’impossibilité d’affecter le salarié dans un autre emploi.
Si l’obligation de reclassement n’est qu’une obligation de moyens, encore faut-il que l’employeur démontre avoir mis en ‘uvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d’éviter le licenciement.
A cet égard, la recherche de reclassement doit être sérieuse et loyale.
Lorsque l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 12 février 2018 proposant au salarié l’adhésion au CSP, énonce comme suit le motif économique du licenciement envisagé:
‘(…)Notre société exploite un commerce d’animalerie.
Ce secteur est soumis à une très vive concurrence. Ainsi 2 nouveaux concurrents sont arrivés dans notre zone de chalandise en 2016. Maxi Zoo à [Localité 10] en avril 2016, puis Tom & Co à [Localité 8] en juillet 2016. Nous subissons directement l’impact de cette concurrence sur notre activité. Devant le manque de solutions au niveau du magasin, nous avons choisi de développer la vente en ligne via notre site web; Le chiffre d’affaires généré par cette vente en ligne ne permet pas, hélas, de redresser la situation économique de notre société qui ne cesse de se dégrader.
En effet, le chiffre d’affaires net au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017 a été de 1 014 000,56 euros contre 1 032 397 euros au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2016, soit un recul de 1,78 %.
Sur cette période (du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017) le chiffre d’affaires du magasin est passé de 1 032 397 euros à 914 892 euros, soit un recul de 11,38%.
Le résultat d’exploitation de la SARL LF a quant à lui été négatif à hauteur de – 130 646 euros sur l’exercice clos le 30 septembre 2017 contre – 74 769 euros au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2016.
La situation économique de notre société s’est donc aggravée et compte tenu des charges financières qui viennent grever notre bilan, nous enregistrons au final au titre de l’exercice du 30 septembre 2017 une perte de 176 708 euros contre 62 640 euros au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2016.
Cette situation ne peut plus durer dès lors qu’elle met directement en jeu la pérennité de notre société laquelle ne peut plus faire face à des pertes d’un montant aussi important.
Ces difficultés économiques constituent hélas le motif économique tel que prévu par l’article L1233-3 du code du travail ainsi rédigé (…)
Cette situation nous a déjà conduit à procéder à un licenciement pour motif économique en novembre 2017 suite à l’arrêt définitif de l’activité de toilettage.
Mais la situation ci-dessus décrite nécessite de prendre diverses mesures d’économie parmi lesquelles la suppression d’un nouveau poste de travail.
J’ai donc décidé de supprimer le poste de responsable de magasin que vous occupez en qualité de cadre dont j’ai décidé, en ma qualité de gérant, d’assumer désormais la responsabilité.
J’ai envisagé la question de votre reclassement.
Hélas, aucun poste n’est disponible dans votre catégorie ou dans une catégorie inférieure compte tenu de la petite taille de la structure (…)’.
Il est constant que M. [O], alors qu’il était embauché depuis le 2 juillet 2001 par la société LF en qualité de vendeur, a été promu responsable de magasin le 1er juin 2006.
L’avenant contractuel signé à cette même date stipulait qu’en cette qualité, les missions et responsabilités de M. [O] seraient désormais les suivantes:
– Passer toutes les commandes sauf pour les reptiles vivants, matériels reptiles, oiseaux-rongeurs, oiseaux vivants.
– Tous les 15 jours, aller à la COBI avec son véhicule personnel et faire si nécessaire l’entretien de l’aquarium chez le client
– Editer le Z quotidien et récupérer la recette chaque soir
– Au niveau de la gestion du personnel, maintenir l’esprit ‘Envies Animales’
– Une fois par mois, un contrôle qualité sera mis en oeuvre pour chaque secteur. M. [O] devra s’assurer que les critères de qualité ayant fait la réputation du magasin soient appliqués en permanence pour un maintien de la position sur le marché’.
Bien que la description des tâches du salarié telle que figurant à l’avenant du 1er juin 2006 soit peu précise sur le contenu de la fonction de gestion du personnel qui apparaît uniquement liée au maintien de l’esprit ‘Envies Animales’, il doit être relevé que le courrier adressé le 15 décembre 2017 par la direction de l’entreprise à l’ensemble du personnel, indique, après avoir évoqué une situation financière dégradée et la nécessité d’améliorer la rentabilité de l’entreprise: ‘(…) Il faut donc continuer à repenser notre façon de travailler, c’est pour cela que j’ai décidé de ne plus confier à [Y] – [O] – la gestion du personnel.
Son expertise des animaux et des produits est importante pour l’entreprise, il va désormais pouvoir plus se concentrer sur la gestion de ceux-ci.
La gestion du personnel va être confiée à [P] – [J] – à partir du lundi 18 décembre 2017 à 13h30, en complément de ses fonctions actuelles (…)’.
Il doit encore être relevé que dans un courriel daté du 19 décembre 2017 faisant suite à un entretien entre M. [O] et le dirigeant de l’entreprise, M. [C], ayant eu lieu le 14 décembre 2017, ce dernier écrivait: ‘Je suis surpris de ce revirement de position concernant mon souhait de confier la gestion du personnel à [P] (…). Pendant de nombreuses années, tu m’as fait part de ton incapacité à gérer certains de nos salariés. J’ai pu constater ton échec en terme d’animation d’équipe avec des retards le matin qui n’ont jamais cessé, le port du gilet laissé à l’appréciation de chaque salarié etc… (…) Que pouvais-je te donner de plus que les ‘clefs’ de l’entreprise avec encore une fois une liberté très forte sur le référencement, la gestion du personnel et une partie non négligeable sur les réflexions menées pour de nouveaux agencements (…)’.
La veille de ce message, M. [O] se plaignait par mail d’une modification unilatérale de son contrat de travail dès lors que la fonction de gestion du personnel lui était retirée.
L’affirmation contenue dans les conclusions de l’employeur (page 13) selon laquelle la tâche visée à l’avenant de 2006 ‘ne consistait pas à assurer la ‘gestion du personnel’ au sens administratif du terme (…)’, est ainsi contredite par ses propres écrits tels qu’ils ressortent des pièces susvisées, dans lesquelles aucune réserve n’est apportée sur le contenu de la fonction de gestion du personnel, au sujet de laquelle il critique au demeurant les capacités professionnelles de M. [O].
Au demeurant, l’attestation de Mme [J] produite par l’employeur, éclaire utilement le contexte de la promotion de cette dernière. Mme [J] écrit: ‘J’ai été embauchée en novembre 2017 en tant que chef de rayon sur le chien-chat. Mon poste consistait à agrandir et redynamiser un rayon pratiquement inexistant. A mon arrivée, M. [Y] [O] qui était mon supérieur hiérarchique, m’a fait comprendre que ce rayon ne nécessitait en aucun cas ma présence malgré une très rapide progression du chiffre d’affaires, non négligeable pour un magasin en difficultés.
Ayant déjà managé une équipe au sein d’une autre enseigne, je ne comprenais pas le laxisme de M. [Y] [O]. Mes collègues arrivaient régulièrement en retard (…), chacun faisait ce qu’il voulait sans que cela ne perturbe M. [O].
C’est sûrement pour cela que naturellement préoccupé par le sort du magasin, j’ai endossé le rôle de leader malgré moi’.
Au-delà de la révélation de dissensions entre M. [O] et Mme [J], ce témoignage ne fait que confirmer qu’il s’agissait, au titre de la gestion du personnel, de ‘manager une équipe’ et d’endosser un rôle de ‘leader’, tâches qui vont bien au-delà de la seule mission consistant à faire respecter la charte de l’enseigne ‘Envies animales’.
Après avoir confié à Mme [J] une tâche de gestion du personnel qui faisait jusqu’alors pleinement partie des attributions de M. [O], sans qu’il ait été offert à ce dernier de bénéficier des dispositions de l’article L1222-6 du code du travail, la société LF lui annonçait dans le courrier susvisé du 12 février 2018, que son poste était supprimé et serait désormais assumé par le gérant de la société, M. [C], auteur du dit courrier.
Or, ainsi que cela résulte des termes mêmes de son attestation, la reprise du management du magasin était en pratique confiée à Mme [J] dans un temps proche de l’engagement de la procédure de licenciement.
Bien que la société LF ne verse aux débats que le contrat de travail d’origine de Mme [J], alors embauchée en qualité de chef de rayon le 10 novembre 2017, à l’exclusion de tout avenant ultérieur, les attestations versées aux débats, outre celle de l’intéressée, confirment le fait qu’elle endosse en pratique la responsabilité du magasin.
M. [X], responsable e-commerce, après avoir énoncé diverses critiques sur les capacités de management de M. [O] mais également une personnalité qualifiée de ‘jalouse et malhonnête’, écrit: ‘(…) [P] – [J] – a comblé un manque qu’il y avait dans cette entreprise (management des équipes, création d’animations, mise en place d’outils…). De par son caractère et sa bienveillance, elle a apporté une nouvelle force pour la structure (…)’.
M. [W], salarié de 2015 à 2019 dans l’entreprise, critique lui aussi un ‘manque d’organisation et un manque évident de leadership au sein de l’équipe – qui – n’ont pas permis à M. [O] d’assumer son rôle de manager au sein du magasin (…) C’est ainsi que peu après son arrivée, Mme [P] [J]-[A] a commencé à endosser ce rôle de leader laissé vacant par M. [O] et pourtant essentiel pour la bonne santé financière d’un commerce indépendant (…)’.
Alors qu’aucun élément objectif ne vient étayer l’affirmation selon laquelle M. [C] assumerait en pratique les fonctions antérieurement dévolues à M. [O], il résulte de l’ensemble des pièces susvisées qu’au-delà d’une décision unilatérale de l’employeur de supprimer la tâche de gestion du personnel à M. [O] à compter du 18 décembre 2017, il s’est agi, au motif réel ou supposé d’une insuffisance professionnelle pour les tâches de leadership et de management, de confier ses fonctions de responsable de magasin à Mme [J].
La suppression de poste alléguée dans la lettre de licenciement n’est donc nullement établie.
Par ailleurs et outre l’embauche de Mme [J] en date du 13 novembre 2017 et sa promotion intervenue le 18 décembre 2017, soit moins de trois mois avant l’engagement de la procédure de licenciement pour motif économique de M. [O], il est établi que la société LF a effectué plusieurs recrutements dans un temps proche de la rupture.
Ainsi, outre le recrutement de Mme [J] le 13 novembre 2017, ont été embauchés:
– le 1er août 2017, M. [V], en qualité de vendeur
– le 1er septembre 2017, Mme [B], en qualité de vendeuse
– le 20 octobre 2017, M. [X], en qualité de responsable Web.
– le 26 février 2018, M. [R], en qualité de vendeur d’oiseaux.
Ainsi que l’indique non sans clairvoyance l’employeur dans ses conclusions, ‘ces recrutements ne s’inscrivaient dans aucune logique de licenciement économique (…)’ (page 14) et la cour peine à comprendre en quoi la formation et les compétences professionnelles acquises par M. [O] l’auraient empêché d’endosser la fonction de vendeur d’oiseaux, alors qu’il est établi que l’intéressé disposait d’un certificat de capacité délivré par le Préfet d’Ille et Vilaine le 13 décembre 2012, outre un arrêté d’extension du 9 mai 2016, lui permettant d’assurer ‘la vente et le transit d’animaux vivants d’espèces non domestiques, la responsabilité et l’entretien des animaux dont la liste est fixée en annexe’.
Les annexes jointes aux arrêtés préfectoraux de 2012 et 2016 comportent une liste d’espèces et sous espèces, dont il résulte que si M. [O] était habilité à effectuer le commerce de reptiles, amphibiens et invertébrés, il disposait également des capacités requises par le code de l’environnement pour effectuer cette même activité en ce qui concerne la sarcelle hottentote, le capucin à capuchon ou encore la perruche moineau céleste, tous volatiles dont les noms vernaculaires sont énumérés dans une liste comportant plusieurs centaines d’espèces, dont rien, au-delà des seules affirmations de l’employeur, ne permette de considérer qu’il ne s’agisse là que ‘d’un document administratif qui ne confère ni ne consacre une quelconque expertise (…)’.
En présence de tels documents, mais également au vu du curriculum vitae de l’intéressé, titulaire d’une maîtrise de biologie des populations et des écosystèmes, suivie d’un DESS Ecosystèmes Méditerranéens Littoraux, les attestations de M. [W] et de Mme [J] comportant leur avis sur les compétences animalières de M. [O] qui auraient plutôt concerné les poissons d’aquarium ne sont pas plus probantes de l’incapacité alléguée du salarié à être reclassé sur un poste de vendeur animalier spécialisé en oiseaux.
Plus généralement, la cour recherche en vain dans le dossier de l’employeur les éléments objectifs de nature à démontrer qu’une recherche sérieuse et loyale de reclassement ait été conduite avant de notifier à M. [O] la rupture de son contrat de travail.
Le licenciement pour motif économique de M. [O] est ainsi dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.
En l’absence de cause réelle et sérieuse, le salarié cadre, bien que signataire d’un CSP, est fondé à solliciter le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire brut, soit la somme de 9.861 euros, outre 986,10 euros au titre des congés payés afférents.
En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, compte-tenu des circonstances de la rupture, de l’ancienneté du salarié (plus de 16 ans), du salaire brut de référence (3.287 euros) et des difficultés dont il justifie quant à ses recherches d’emploi, l’intéressé ayant suivi une formation de technicien d’études dans le bâtiment après une période de chômage, pour ne retrouver un emploi de technico-commercial qu’au mois
de mai 2021, il est justifié, par voie d’infirmation du jugement entrepris sur le quantum, de condamner la société LF à payer à M. [O] la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le conseil de prud’hommes n’ayant pas statué sur ce point, il convient, faisant application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, de condamner la société LF à rembourser à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage, dénommé Pôle emploi à la date de l’ordonnance de clôture, les allocations servies à M. [O] dans la proportion de trois mois.
2- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat:
Il résulte des dispositions de l’article L1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
En l’espèce, M. [O] reproche à son employeur un non-respect des dispositions de l’article 9.2 de la convention collective ‘Fleuristes, vente et services des animaux familiers’ en matière de prime d’ancienneté et le fait qu’il a été privé de cette prime pendant près de dix années.
Ce texte dispose:
‘Article 9.2 (1)En vigueur étendu
Prime d’ancienneté
Des primes d’ancienneté, payées mensuellement, sont attribuées en fonction du temps de présence dans l’établissement tel que défini à l’article 4.5 ci-dessus.
Ces primes sont calculées sur le salaire minimum de l’emploi et représentées par les pourcentages suivants :
‘ 3 % après 3 ans de présence effective ;
‘ 6 % après 6 ans de présence effective ;
‘ 9 % après 9 ans de présence effective ;
‘ 12 % après 12 ans de présence effective ;
‘ 15 % après 15 ans de présence effective.
À compter du 1er juillet 2020, ces dispositions seront appliquées intégralement dans les 3 secteurs de la branche fleuristes, vente et services des animaux familiers’.
S’il est établi que la société LF a régularisé le paiement de la prime d’ancienneté dans la limite du délai de prescription de trois ans, soit pour les années 2014 à 2017, ainsi que cela résulte du bulletin de paie de M. [O] du mois de janvier 2018, il est non moins constant qu’elle s’est abstenue entre 2004 et 2013 de tout paiement de cette prime, alors que le salarié avait acquis 3 ans d’ancienneté au 2 juillet 2004.
Cette méconnaissance manifeste des termes clairs et précis de la convention collective en matière de prime d’ancienneté, tout en invoquant ultérieurement la prescription triennale pour n’acquitter que le montant des primes afférentes aux trois dernières années, caractérise une exécution déloyale du contrat de travail qui a causé à M. [O] un préjudice certain, l’intéressé ayant été injustement privé pendant dix ans d’un accessoire de salaire auquel il avait conventionnellement droit.
Il convient dès lors, par voie d’infirmation du jugement entrepris de ce chef, de condamner la société LF à payer à M. [O] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
3- Sur les dépens et frais irrépétibles:
La société LF, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Elle sera donc déboutée de la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en revanche de la condamner à payer à M. [O] une indemnité d’un montant de 2.500 euros sur ce même fondement juridique.
La cour,
Confirme le jugement entrepris, excepté sur le quantum des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le rejet de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société LF à payer à M. [O] les sommes suivantes:
– 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Y additant,
Condamne la société LF à rembourser à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage, dénommé Pôle emploi à la date de l’ordonnance de clôture, les allocations de perte d’emploi servies à M. [O] dans la proportion de trois mois ;
Condamne la société LF à payer à M. [O] une indemnité d’un montant de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Déboute la société LF de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société LF aux dépens d’appel.
La greffière Le président