1. Attention à bien documenter les faits de harcèlement moral : En cas de litige, il est recommandé de rassembler des preuves précises et concordantes pour établir la matérialité des faits. Cela inclut des témoignages, des courriers, des certificats médicaux, et tout autre document pertinent. Ces éléments permettront aux juges d’examiner si les faits établis permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
2. Il est recommandé de signaler rapidement les comportements discriminatoires : Si vous êtes victime de discrimination, il est important de soumettre au juge des éléments de fait laissant présumer l’existence de cette discrimination. Propos homophobes, remarques sur l’apparence physique, et autres comportements discriminatoires doivent être documentés et signalés dès que possible pour que l’employeur soit tenu de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. 3. Attention à respecter les procédures de remise des plannings : Les employeurs doivent veiller à remettre les plannings de travail dans les délais réglementaires. En cas de non-respect, les salariés peuvent solliciter des dommages et intérêts, mais il est crucial de bien étayer la demande avec des preuves concrètes de la remise tardive des plannings et du préjudice subi. |
→ Résumé de l’affaireMadame [A] [U] a été embauchée par la société Animalis en tant que vendeuse le 15 février 2017. Le 6 mars 2018, les parties ont signé une rupture conventionnelle, mettant fin au contrat de travail le 13 avril 2018.
Le 24 mai 2018, Madame [U] a saisi le conseil de prud’hommes pour demander des dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination et remise tardive de ses plannings. Le 3 février 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a rejeté toutes ses demandes. Madame [U] a fait appel de cette décision, demandant à la Cour de réformer le jugement et de condamner la société Animalis à lui verser : – 10.000 euros pour harcèlement moral, Elle demande également que ces condamnations produisent des intérêts à compter de la demande en justice, l’exécution provisoire de la décision, et la condamnation de la société Animalis aux dépens. La société Animalis, par conclusions notifiées le 10 avril 2020, demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de débouter Madame [U] de toutes ses demandes. Elle demande également la condamnation de Madame [U] à lui verser 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. La procédure a été close par ordonnance le 23 février 2023. |
→ Les points essentielsMotifs de l’arrêtLe jugement porte sur des accusations de harcèlement moral et de discrimination au travail, ainsi que sur le non-respect des règles de mise à disposition des plannings. Mme [A] [U] accuse son supérieur hiérarchique, Monsieur [E], de comportements dégradants et discriminatoires. Harcèlement moralMme [U] allègue des faits de harcèlement moral de la part de son supérieur, Monsieur [E], qui l’aurait rabaissée, insultée, et rétrogradée. Elle produit plusieurs témoignages et documents pour appuyer ses accusations. La cour conclut que les faits invoqués permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et accorde à Mme [U] 3.000 euros de dommages et intérêts. DiscriminationMme [U] soutient également avoir été victime de discrimination en raison de son orientation sexuelle et de son apparence physique. Elle produit des témoignages et des documents pour appuyer ses accusations. La cour conclut que l’employeur a eu un comportement discriminant et accorde à Mme [U] 3.000 euros en réparation de son préjudice. Non-respect des règles de mise à disposition des planningsMme [U] demande 500 euros de dommages et intérêts pour la remise tardive des plannings de travail. La cour rejette cette demande, estimant qu’elle n’est pas suffisamment étayée. Intérêts et frais irrépétiblesLes créances de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. La cour alloue également 2.000 euros à Mme [U] au titre des frais irrépétibles et condamne l’employeur aux dépens de première instance et d’appel. Les montants alloués dans cette affaire:
|
→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
Code du travail – Article L.1152-1 : – Article L.1154-1 (dans sa rédaction alors applicable) : – Article L.1132-1 : Résumé des motifs de l’arrêt Sur le harcèlement moral – Constitution du harcèlement moral : – Preuve du harcèlement moral : – Cas de Mme [A] [U] : – Réponse de la société ANIMALIS : – Décision de la cour : Sur la discrimination – Constitution de la discrimination : – Preuve de la discrimination : – Cas de Mme [A] [U] : – Réponse de la société ANIMALIS : – Décision de la cour : Sur le non-respect des règles de mise à disposition des plannings et du délai de prévenance – Demande de Mme [U] : – Réponse de la société ANIMALIS : – Décision de la cour : Sur les intérêts – Décision de la cour : Sur les frais irrépétibles et les dépens – Décision de la cour : |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – Me Gaël TYNEVEZ, avocat au barreau de PARIS|##:##|v1_856024f38e2cdde226a739789250e565|##:##| ») |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/02396
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2023
N° 2023/226
Rôle N° RG 20/02396 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTPZ
[A] [U]
C/
SAS ANIMALIS
Copie exécutoire délivrée le :
23 JUIN 2023
à :
Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de marseille en date du 03 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18.01011.
APPELANTE
Madame [A] [U]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2020/002958 du 10/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS ANIMALIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Gaël TYNEVEZ, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 13 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023,
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [A] [U] a été embauchée par la société Animalis en qualité de vendeuse le 15 fevrier 2017.
Les parties ont signé le 6 mars 2018 une rupture conventionnelle, le contrat de travail ayant pris fin le13 avril 2018.
Madame [A] [U] a saisi le conseil de prud’hommes le 24 mai 2018 de demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination et au titre de la remise tardive de ses plannings.
Par jugement en date du 3 février 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes.
Madame [U] a relevé appel de cette décision et demande à la Cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2020 de :
REFORMER la décision rendue et STATUANT A NOUVEAU,
FAIRE DROIT à la totalite de ses demandes et notamment celles portant sur la discrimination en raison de son homosexualité et du harcèlement moral dont elle a été l’objet,
CONDAMNER la société ANIMALIS au paiement des sommes suivantes :
– 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
– 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour comportement discriminatoire,
– 500,00 euros pour non respect des règles de mise à disposition des plannings et du délai de prévenance,
– 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
DIRE que ces condamnations produiront intérêts à compter la demande en justice,
ORDONNER l’exécution provisoire nonobstant appel et sans caution,
CONDAMNER la société ANIMALIS aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 avril 2020, la société ANIMALIS demande à la cour de :
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prudhommes de Marseille le 3 fevrier 2020 ;
DEBOUTER en conséquence Mme [U] de l’ensemnble de ses demandes,
CONDAMNER Mme [U] à lui verser une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maitre Joseph MAGNAN, membre de la SCP Paul & Joseph MAGNAN.
La procédure a été close suivant ordonnance du 23 février 2023.
Sur le harcèlement moral
Le harcèlement moral par référence à l’article L 1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l’article L 1154-1, dans sa rédaction alors applicable, impose au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il invoque, par des faits précis et concordants, les juges devant ensuite examiner si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A cet égard, Mme [A] [U] qui allègue avoir été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, Monsieur [E], expose que :
-elle a intégré le rayon chien/chat le 1er mai 2017 et que son employeur lui reprochant de ne pas respecter les protocoles sanitaires, pour lesquels elle explique ne pas avoir été formée, l’a convoquée afin de ‘faciliter son départ’ de l’entreprise
-dès lors qu’elle a refusé de partir, les faits de harcèlement se sont accélérés
-Monsieur [E] la dénigrait et la rabaissait en indiquant aux autres salariés qu’elle était incompétente
-il ne la mettait plus sur le planning les samedis, laissant entendre qu’elle n’était pas ‘présentable’ pour la clientèle,
-elle a été rétrogradée par rapport à ses fonctions initiales, se voyant confier des tâches subalternes comme le déballage de palettes de manière quasi exclusive, et son supérieur hiérarchique lui a retiré sans explications la gestion du registre ICAD qu’elle tenait habituellement
-Monsieur [E] avait des accès de colère à son endroit et l’a insultée devant les clients,
-ce harcèlement a eu des répercutions sur sa santé, entraînant notamment des insomnies.
A l’appui de ses prétentions, elle produit notamment :
-une lettre recommandée en date du 5 février 2018 adressée à son employeur et distribuée le 9 février 2018 par laquelle elle lui reproche des faits de harcèlement,
-une longue lettre en date du 20 avril 2018 à l’appui de la saisine du conseil de prud’hommes par laquelle elle détaille les agissements de son supérieur hiérarchique pendant le déroulement de la relation contractuelle,
-un avertissement en date du 13 février 2018 par lequel il lui est reproché de ne pas avoir correctement nettoyé la cage des furets et omis d’abreuver certains rongeurs,
-une attestation de Monsieur [X], directeur de l’animalerie d'[Localité 3] depuis le 1er août 2017 qui indique avoir été témoin du harcèlement et de la mise à l’écart de Mme [U] sur la période du 1er août 2017 au 31 décembre 2017, précisant que Monsieur [E] avait un fort ressentiment négatif envers elle,
-une attestation de Melle [S], ancienne salariée vendeuse chien/chat, qui rapporte que le 18 novembre 2017, alors qu’elle était à la caisse avec Mme [U] pour, chacune, une vente de chiots, Monsieur [E] n’a pas hésité à dire ‘Ferme ta gueule’ à Mme [U] qui discutait avec ses clients des modalités d’adoption de leur futur chiot. Elle précise ‘nos clients ont été choqués, à tel point que ma cliente, Mme [O], n’a pas hésité, dès le lendemain, à s’exprimer sur les avis clients google’. Elle ajoute qu’elle a pu constater que Mme [U] a été rétrogradée et est passée de vendeuse conseillère à agent d’entretien (box chiens chats) et manumentionnaire, Monsieur [E] venant expliquer à ses collègues qu’elle ne devait plus ni vendre de chiots, ni même gérer l’administratif des ventes.Elle indique également que lors de son premier mois de travail, Monsieur [E] lui a demandé de ‘surveiller’ Mme [U] car il voulait la virer sous n’importe quel prétexte,
-une attestation de Monsieur [MN], employé vendeur oiseaux/rongeurs, qui témoigne être arrivé en mai 2017 au sein du magasin ANIMALIS d'[Localité 3] et être arrêt pour dépression (en avril 2018) suite à l’attitude harcelante et aux propos déplacés et homophobe de Monsieur [E] à son endroit. Il indique que Monsieur [E] a également eu des propos déplacés vis à vis d’une de ses collègues vendeuses chien/chat, la traitant d’incompétente, lui interdisant la vente des chiens, alors que cela fait partie de son métier. Il décrit également le fait qu’alors qu’elle était en caisse avec des clients qui achetaient un chien et qu’elle discutaient avec eux, il lui a demandé vulgairement de se taire!!!
-une attestation de Madame [NX], ancienne hôtesse de caisse et salariée de Monsieur [E], qui atteste du comportement changeant de son supérieur hiérarchique (accès de colère), lequel faisait vivre une pression constante au point de dévaloriser son personnel devant la clientèle et transmettait les plannings le samedi pour le lundi,
-une attestation de Mademoiselle [G], toiletteur canin et ancienne salariée, qui rapporte que la médecine du travail a contacté certains collègues qui ont eu des soucis de santé, notamment déprime à cause du manque de respect de Monsieur [E], décrivant un fort turn over au sein du magasin,
-une attestation de Mademoiselle [V], ancienne salariée hôtesse de caisse de l’animalerie d'[Localité 3], en poste en décembre 2017, qui déclare ‘J’ai pu entendre M [E] dire devant quelques collègues que Melle [U] était, je cite, ‘une broute minou qui se cherche’, qu’elle n’était pas présentable devant la clientèle à cause de son physique, que c’était tout simplement une petite incompétante ou encore qu’elle n’a pas une gueule commerciale. J’ai pu voir Mr [E] se comporter de manière intimidante envers Melle [U] en restant posté derrière elle, les bras croisés sur la poitrine pendant que Melle [U] déballait une palette de sacs de croquettes d’environ 15kg, sans jamais lui venir en aide, une fois fini, il lui a dit que les croquettes n’était pas à la bonne place et qu’elle devait tout déplacer à nouveau, et ceci de manière répétée. Il a aussi décidé du jour au lendemain et sans raison apparente de lui interdire toute vente de vivants (chiens, chats), elle doit se contenter de la mise en rayon’,
-des échanges de SMS entre les différents salariés montrant leur ressentiment envers Monsieur [E],
-des avis sur internet concernant le magasin Animalis, dénonçant l’attitude irrespectueux du supérieur hiérarchique avec son personnel,
-un certificat médical du docteur [B] en date du 13 février 2018 qui rapporte avoir reçu Mme [U] qui lui a expliqué qu’elle souffrait d’insomnies et décrivant un mal être au travail.
Les faits ainsi invoqués par Madame [U], matériellement établis et pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.
En réponse, la société ANIMALIS fait valoir que :
-Madame [U] a pris sa décision d’accepter la rupture conventionnelle après y avoir mûrement réfléchi le 6 mars 2018 et ne s’est plainte de harcèlement et discrimination que suivant courrier du 20 avril 2018 adressé aux prud’hommes,
-qu’elle n’a jamais reçu la lettre recommandée qui aurait dénoncé ces faits en date du 6 février 2018, laquelle émane du site internet ‘saisirprudhommes.com’,
-Madame [U] a continué de fréquenter le magasin ANIMALIS d'[Localité 3] afin de rencontrer d’anciens collègues de travail et de s’entretenir avec des clients,
-la salariée a inscrit ses deux chients au concours de beauté organisé par le magasin au mois de novembre 2018,
-les attestants font état de difficultés qu’ils ont pu rencontrer personnellement avec Monsieur [E] sans que cela n’établisse un harcèlement ou une discrimination envers Mme [U],
-Monsieur [X], Madame [S] et Mme [U] travailleraient ensemble dans une animalerie concurrente CAPANIMAL,créé en septembre 2018 et auraient des motifs communs de déniger le magasin ANIMALIS,
-elle produit un témoignage accablant à l’encontre de Mme [V] qui s’est vantée auprès d’un collègue d’avoir ‘pillé le magasin avec [A]’,
-il existe bien des difficultés entre Monsieur [E] et Mme [U], cette dernière n’acceptant pas qu’il lui soit fait le moindre reproche à titre professionnel,
-tous les salariés étaient polyvalents, ils travaillent en caisse ou en surface de vente et ils participent tous à la mise en rayon des marchandises,
-une enquête interne a été réalisée à l’été 2018 et aucun des salariés entendus, en place dans l’entreprise depuis de nombreuses années, n’a été témoin de propos ou de comportements de Monsieur [E] susceptibles de dégrader les conditions de travail des salariés, et notamment celles de Mme [U].
L’employeur produit notamment :
-le contrat de travail de Madame [U] à effet du 15 février 2017,
-la rupture conventionnelle signée le 6 mars 2018 par les parties à effet du 13 avril 2018,
-une attestation de Monsieur [I], vendeur au sein de la société ANIMALIS, qui déclare ‘avoir vu à plusieurs reprises (début d’année, milieu du mois d’août 2018) Melle [A] [U] afin de venir discuter, ainsi que d’anciennes personnes ayant quitté animalis pendant les mêmes périodes que [A] ([L] et [Z]) pendant l’absence de [NW] [E]’,
-une attestation de Monsieur [J], vendeur animalier, indiquant avoir aperçu Mme [U] au magasin pendant les vacances de M. [E],
-un courrier adressé par Monsieur [E] à Mme [K] (direction animalis) le 18 juillet 2017 dont l’objet est : ‘le savoir-faire et le savoir-être de [A] [U]’, décrivant son comportement comme nonchalant, fuyant les tâches ingrates, discutant avec ses collègues, menteuse, ‘selectionnant ses clients’, pouvant bien faire mais inconstante dans son travail,
-une ‘attestation sur l’honneur’ de Mme [R], dont la qualité professionnelle n’est pas précisée, qui rapporte que Mme [U] a, à plusieurs reprises, dénigré Monsieur [E] en le traitant de ‘gros con’,
-un mail de Monsieur [N] [W] à Mme [M] (direction Animalis) en date du 4 novembre 2017 lui faisant un retour sur les deux dernières ventes de [A] [U], indiquant qu’elle a vendu un chaton norvégien à un couple dont le Monsieur était fermement opposé à l’acquisition d’un animal de compagnie lequel, après une batterie d’examens chez le vétérinaire, serait positif au coronavirus félin, et qu’elle a également vendu un chien de berger avec un caractère affirmé à une dame vivant en HLM et travaillant avec des enfants en permanence, ce avec quoi il ne serait pas d’accord,
-les questionnaires d’enquête sur le harcèlement renseignés par les salariés du magasin Animalis courant août 2018, desquels il résulte que la plupart des salariés, hormis Monsieur [MN] [P] qui déclare un stress permanent (cf attestation produite par Mme [U]), indiquent ne pas avoir été confrontés à des difficultés relationnelles dans le travail impliquant un harcèlement répété mais indiquent, pour Mme [H] [I], vendeuse, que ‘parfois les remarques, même si elles sont justifiées sur le fond, devraient être moins autoritaires sur la forme. Pas d’insulte, pas de geste agressif’ et, pour Mme [D] [LE], hôtesse de caisse, que ‘le Directeur a sa façon d’être, sa façon de s’exprimer, plutôt directif et sec, mais pas méchant’,
-les justificatifs de la création le 2 octobre 2018 de l’Animalerie CAPANIMAL de [Adresse 4] à [Localité 5] dont les gérant sont Monsieur [L] [X] et [Z] [S],
-l’attestation de Monsieur [T], client du magasin ANIMALIS d'[Localité 3], qui rapporte avoir eu une discussion avec Mme [S] qui lui aurait conseillé de venir à son magasin nouvellement créé, car pratiquant des prix moins élevé avec des animaux mieux traités,
-une attestation de Mme [Y] [F], hôtesse de caisse, qui informe ses supérieurs que Mme [C] [V] se serait vantée auprès d’elle d’avoir avec [A] ‘pillé’ le magasin et qui rapporte également que Mme [U] aurait pris deux paquets de croquettes sans les régler en prétextant qu’elles étaient périmées.
*
Il convient d’observer en premier lieu, que si la plupart du personnel travaillant au sein du magasin ANIMALIS à [Localité 3] a indiqué, dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement moral, ne pas rencontrer de difficultés particulières avec sa hiérarchie, certains salariés ont tout de même évoqué le caractère autoritaire de leur directeur, Monsieur [E], et les formulaires, nominatifs, ont été renseigné alors que les salariés, encore en poste, étaient sousmis à un lien de subordination avec leur employeur.
Si Mme [U] a pu conserver, après son départ, de bonnes relations avec certains de ses collègues de travail, lequels pour deux d’entre eux ont quitté la société pour fonder une nouvelle animalerie, ce n’est pas de nature à exclure les faits de harcèlement moral que l’appelante déclare avoir subis.
Si certaines ventes réalisées par Mme [U] ont pu sembler ‘inadaptées’ à la direction, l’employeur ne justifie pas avoir sensibilisé la salariée sur les difficultés susceptibles de se poser et/ou lui avoir proposé une formation sur les ventes animalières pour prévenir de nouvelles difficultés.
Alors que l’employeur ne conteste pas l’avoir convoquée en mai 2017 pour lui demander de ‘quitter la société’, ce qu’elle a refusé, et qu’il verse aux débats un courrier par lequel Monsieur [E] exprime tout son mécontentement face au comportement de Mme [U], la traitant de ‘menteuse’ et de ‘je menfoutiste’, les attestations concordantes de plusieurs de ses collègues confirment que Monsieur [E] tenait des propos rabaissants la concernant (incompétente), avait une attitude harcelante (se poster derrière elle les bras croisés, la faire épier, lui demander de recommencer plusieurs fois un travail physique difficile) et qu’il élevait la voix, décrivant qu’il l’avait insultée devant les clients en lui disant de ‘fermer sa gueule’. Il est également rapporté de manière concordante que les fonctions de vente et de gestion du registre de vente lui ont été retirées, Mme [U] se voyant confier des tâches subalternes de rangement de palette de croquettes ou de nettoyage.
Dès lors, au vu des éléments versés par les parties, la société ANIMALIS échoue à démontrer que l’ensemble de ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte du certificat médical produit que les agissements répétés de l’employeur ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée, ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité ainsi qu’à sa santé mentale (insomnies, mal-être), la salariée ayant souffert psychologiquement de l’attitude de son supérieur hiérarchique et de sa rétrogradation.
Au vu de la durée de la période de harcèlement, la cour octroie à Mme [U], la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.
Sur la discrimination
Aux termes de l’article L.1132-1 du Code du travail, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (‘), notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, (‘) de reclassement,d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation (‘) en raison (‘) de son orientation sexuelle, son âge ou son apparence physique ».
La victime d’une discrimination ou d’une inégalité de traitement doit soumettre au juge les éléments de fait laissant présumer l’existence d’une discrimination. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Au soutien de sa demande tendant à voir établir une discrimination en raison de son orientation sexuelle, son âge et son apparence physique , Madame [U] soutient que son supérieur hiérarchique, Monsieur [E] :
– tenait des propos déplacés sur son physique et homophobes à son endroit,
-ne la positionnait plus sur les plannings pour travailler les samedis, estimant qu’elle n’était pas ‘présentable’ au plublic.
Elle produit les éléments suivants :
-le courrier qu’elle a adressé le 20 avril 2018 au soutien de sa saisine du conseil de prud’hommes qui indique notamment qu’à partir de l’arrivée du nouveau directeur, Monsieur [X], Monsieur [E] l’a mise en repos les samedis, insinuant qu’elle n’était ni présentable, ni compétente face à la clientèle,
-ses plannings de travail à compter du mois de septembre 2017 faisant état de jours de repos fréquents le samedi,
-l’attestation de Madame [V], ancienne collègue hôtesse de caisse, qui déclare : ‘J’ai pu entendre M [E] dire devant quelques collègues que Melle [U] était, je cite, ‘une broute minou qui se cherche’, qu’elle n’était pas présentable devant la clientèle à cause de son physique, (…) Qu’elle n’a pas une gueule commerciale’,
-l’attestation de Monsieur [X], nouveau directeur, arrivé en août 2017 qui évoque au sujet de Monsieur [E] une attitude inadaptée envers Mme [U] qu’il n’appréciait pas et confirme les propos homophobes et délit de faciès tenus auprès de cette dernière,
-l’attestation de Monsieur [MN], ancien collègue vendeur, qui décrit sa dépression et le stress permanent vécu sur son lieu de travail suite aux propos et à l’attitude déplacée de Monsieur [E] concernant son orientation sexuelle (homophobe) lui disant par exemple ‘qu’il n’avait pas de couilles et qu’il se demandait comment il faisait pour remplir son mec’,
-l’attestation de Mademoiselle [S], ancienne collègue vendeuse, qui indique qu’ ‘en 5 mois, elle a pu voir arriver et repartir plus d’une quinzaine de personnes pour les mêmes motifs, ainsi que pour discrimination (trop gros, trop blonde, trop homosexuel)’.
Ces éléments sont de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination en raison de l’orientation sexuelle et de l’apparence physique de Madame [U].
La société, qui conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé à la salariée, fait valoir les mêmes arguments que pour la demande formée par la salariée au titre du harcèlement moral, sans distinction, à savoir :
-Madame [U] a pris sa décision d’accepter la rupture conventionnelle après y avoir murement réfléchi le 6 mars 2018 et ne s’est plainte de harcèlement et discrimination que suivant courrier du 20 avril 2018 adressé aux prud’hommes,
-Madame [U] a continué de fréquenter le magasin Animalis d'[Localité 3] afin de rencontrer d’anciens collègues de travail et de s’entretenir avec des clients,
-les attestations produites ne sont pas probantes car elles ne rapporteraient pas de faits concernant directement Mme [U] et proviennent de personnes ayant constitué une société concurrente, ou se vantant d’avoir ‘pillé’ le magasin Animalis d'[Localité 3]’
-qu’il existe bien des difficultés entre Monsieur [E] et Mme [U], cette dernière n’acceptant pas qu’il lui soit fait le moindre reproche à titre professionnel,
-qu’une enquête interne a été réalisée à l’été 2018 et qu’aucun des salariés entendus, en place dans l’entreprise depuis de nombreuses années, n’a été témoin de propos ou de comportements de Monsieur [E] susceptibles de dégrader les conditions de travail des salariés, et notamment celles de Mme [U].
L’employeur produit les mêmes pièces et notamment :
-le contrat de travail de Madame [U] à effet du 15 février 2017,
-la rupture conventionnelle signée le 6 mars 2018 par les parties à effet du 13 avril 2018,
-une attestation de Monsieur [I], vendeur au sein de la société ANIMALIS qui déclare ‘avoir vu à plusieurs reprises (début d’année, milieu du mois d’août 2018) Melle [A] [U] afin de venir discuter, ainsi que d’anciennes personnes ayant quitté anumalis pendant les mêmes périodes que [A] ([L] et [Z]) pendant l’absence de [NW] [E]’,
-un courrier adressé par Monsieur [E] à Mme [K] (direction animalis) le 18 juillet 2017 dont l’objet est : ‘le savoir-faire et le savoir-être de [A] [U]’, décrivant son comportement comme nonchalant, fuyant les tâches ingrates, discutant avec ses collègues, menteuse, ‘sélectionnant ses clients’, pouvant bien faire mais inconstante dans son travail,
-une ‘attestation sur l’honneur’ de Mme [R], dont la qualité professionnelle n’est pas précisée, qui rapporte que Mme [U] a, à plusieurs reprises, dénigré Monsieur [E] en le traitant de ‘gros con’,
-les questionnaires d’enquête sur le harcèlement renseignés par les salariés du magasin Animalis courant août 2018 desquels il résulte que la plupart des salariés, hormis Monsieur [MN] [P] qui déclare un stress permanent (cf attestation produite par Mme [U]), indiquent ne pas avoir été confrontés à des difficultés relationnelles dans le travail impliquant un harcèlement répété mais indiquent, pour Mme [H] [I], vendeuse, que ‘parfois les remarques, même si elles sont justifiées sur le fond, devraient être moins autoritaires sur la forme. Pas d’insulte, pas de geste agressif’ et, pour Mme [D] [LE], hôtesse de caisse, que ‘le Directeur a sa façon d’être, sa façon de s’exprimer, plutôt directif et sec, mais pas méchant’,
-les justificatifs de la création le 2 octobre 2018 de l’Animalerie CAPANIMAL de [Adresse 4] à [Localité 5] dont les gérant sont Monsieur [L] [X] et [Z] [S].
La cour observe que les relations privilégiées de Mme [U] avec d’autres salariés, l’ayant conduite à revenir ponctuellement au magasin en l’absence de Monsieur [E] ou à travailler, postérieurement à la rupture conventionnelle, dans une animalerie concurrente fondée par une partie de ses salariés, ne jette pas de discrédit sur les témoignages produits et n’empêche pas cette dernière d’avoir subi une attitude discriminante de la part de son supérieur hiérarchique.
Mme [V] décrit précisément les propos homophobes tenus par M. [E] à l’endroit de Mme [U], indiquant notamment qu’il la traitait de ‘broutte minou’, ainsi que le fait qu’elle ne soit pas ‘présentable’ en raison de son physique, ce que confirme Monsieur [X] évoquant un ‘délit de faciès’.
Monsieur [MN], toujours salarié dans l’entreprise au moment de son témoignage, rapporte lui aussi avoir été victime de propos homophobes de la part de Monsieur [E].
La cour constate également que, alors que Mme [U] affirme que Monsieur [E] ne voulait plus la faire travailler les samedis, l’employeur ne s’explique pas sur le fait que les plannings de la salariée comportent peu de samedis travaillés à compter du mois de septembre 2017.
Il s’ensuit que la société ANIMALIS ne justifie pas, par les éléments objectifs qu’elle apporte, les décisions prises à l’encontre de la salariée.
Il convient en conséquence de constater que l’employeur a eu un comportement discriminant à l’endroit de Madame [U] en lien avec son apparence physique et son orientation sexuelle.
Compte tenu de la période durant laquelle s’est exercée la discrimination, la cour octroie à la salariée une somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice au titre de la discrimination.
Sur le non respect des règles de mise à disposition des plannings et du délai de prévenance
Madame [U] sollicite le paiement d’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts indiquant que l’employeur lui remettait tardivement les plannings de travail.
La société ANIMALIS conclut au rejet de cette demande.
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Dans la mesure où cette demande de la salariée n’est pas suffisamment étayée, tant sur la réalité des remises tardives de planning que sur la caractérisation du préjudice subi, la cour confirme la décision du conseil de prud’hommes qui l’a rejetée.
Sur les intérêts
Les créances de nature indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 2.000 euros à Madame [A] [U].
L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement déféré sauf sur le rejet de la demande formée au titre de la remise tardive des plannings et des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Condamne la société ANIMALIS à payer à Madame [A] [U] les sommes suivantes :
-3.000 euros de dommages-interêts pour harcèlement moral,
-3.000,00 euros de dommages-interêts pour discrimination,
Dit que les créances de nature indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la société ANIMALIS à payer à Madame [A] [U] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ANIMALIS aux dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction