1. Attention à la précision des termes dans les communications écrites : Lorsqu’une entreprise propose un poste ou une réembauche, il est recommandé de s’assurer que tous les éléments essentiels du contrat (type de contrat, rémunération, date d’entrée en fonction) sont clairement mentionnés. Une ambiguïté ou une contradiction dans les termes peut entraîner des malentendus et des litiges, comme dans le cas du mail du 25 janvier 2016 qui a été jugé ambigu et non constitutif d’une promesse d’embauche.
2. Il est recommandé de documenter toutes les démarches et communications : En cas de litige sur la priorité de réembauchage, l’employeur doit pouvoir prouver qu’il a informé le salarié licencié de tous les postes disponibles compatibles avec sa qualification. La société Air France n’a pas pu fournir de preuves suffisantes pour démontrer qu’elle avait respecté cette obligation, ce qui a conduit à une condamnation. Il est donc crucial de conserver des preuves écrites de toutes les communications et propositions faites aux salariés. 3. Attention à la conformité avec les obligations légales en matière de protection des salariés : Lorsqu’un salarié dispose d’un mandat de conseiller prud’homal ou d’un autre statut de salarié protégé, l’employeur doit respecter des procédures spécifiques, comme obtenir l’autorisation de l’inspection du travail avant de procéder à un licenciement. Dans ce cas, M. [R] n’a pas informé Air France de la poursuite de son mandat, ce qui a influencé le jugement. Il est donc essentiel pour les salariés de notifier leur employeur de leur statut protégé et pour les employeurs de suivre scrupuleusement les procédures légales. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits, procédure et prétentions des parties
Faits : Procédure : Prétentions des parties : – Air France : Décisions : |
→ Les points essentielsViolation de la priorité de réembauchageM. [R] accuse la société Air France de ne pas avoir respecté la priorité de réembauchage qu’il avait sollicitée, ni la promesse d’embauche qui lui avait été faite. Il affirme que malgré son courrier du 1er avril 2015, il n’a pas été informé des postes disponibles. De plus, un mail du 25 janvier 2016 lui proposait un CDI, mais il a finalement reçu un CDD le 1er juillet 2016, sans reprise de son ancienneté. Réponse de la société Air FranceAir France conteste les accusations de M. [R], affirmant qu’il ne peut se baser sur une erreur de frappe dans le mail du 25 janvier 2016 pour prétendre à un CDI. La société soutient avoir respecté la priorité de réembauchage en proposant un CDD saisonnier, que M. [R] a refusé de signer. Air France argue qu’aucune embauche en CDI n’était envisageable à court ou moyen terme. Analyse de la promesse d’embaucheLe mail du 25 janvier 2016 ne constitue pas une promesse d’embauche car il ne mentionne ni la rémunération ni la date d’entrée en fonction. De plus, il est ambigu sur la nature du contrat, mentionnant un emploi temporaire incompatible avec un CDI. Les autres courriers de la société ne proposent que des CDD, confirmant l’absence de promesse de CDI. Obligation de l’employeur d’informer sur les postes disponiblesSelon l’article L. 1233-45 du code du travail, l’employeur doit informer le salarié licencié pour motif économique de tous les postes disponibles compatibles avec sa qualification. Air France n’a pas prouvé avoir satisfait à cette obligation, n’apportant aucune preuve que seuls des CDD étaient disponibles. Le jugement initial est donc infirmé, et M. [R] est indemnisé à hauteur de 12 000 euros pour non-respect de la priorité de réembauchage. Nullité de la rupture du contrat de travailM. [R] invoque la nullité de la rupture de son contrat de travail, arguant qu’Air France n’a pas sollicité l’autorisation de le licencier auprès de l’inspection du travail malgré son mandat de conseiller prud’homal. Cependant, aucun contrat de travail n’a été formé ni exécuté, et M. [R] n’a pas informé Air France de la poursuite de son mandat après mars 2015. Le jugement initial est confirmé, rejetant les demandes de M. [R] en dommages et intérêts. Rappel de salaire pour la journée du 31 mars 2016M. [R] réclame une rémunération pour la journée du 31 mars 2016, durant laquelle il a effectué des formalités de prise de poste. Toutefois, en l’absence de lien contractuel de travail entre M. [R] et Air France, sa demande de rémunération est rejetée, confirmant le jugement initial. Frais non compris dans les dépensConformément à l’article 700 du code de procédure civile, Air France est condamnée à verser à M. [R] la somme de 2 500 euros pour les frais exposés par l’appelant, non compris dans les dépens. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
– Article L. 1233-45 du Code du travail : – Article L. 1235-13 du Code du travail (version applicable au présent litige) : – Article L. 2412-1 du Code du travail : – Article L. 2412-13 du Code du travail : – Article R. 4624-28 du Code du travail (version applicable au présent litige) : – Article 700 du Code de procédure civile : |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D2128 (représentant l’appelant Monsieur [P] [R])
– Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035 (représentant l’intimée SOCIÉTÉ AIR FRANCE) |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/07185
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 01 JUIN 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07185 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGO6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F16/09201
APPELANT
Monsieur [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D2128
INTIMÉE
SOCIÉTÉ AIR FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant contrat à durée indéterminée, M. [R] a été engagé à compter du 21 mai 1981 par la compagnie aérienne Air Inter, aux droits de laquelle vient la société Air France, en qualité d’agent de planning du personnel navigant technique.
À compter du 3 décembre 2008, il a exercé un mandat de conseiller prud’homal.
Le 28 novembre 2014, M. [R] a signé une convention de rupture amiable pour motif économique prise dans le cadre d’un plan de départ volontaire mis en oeuvre par Air France. Après autorisation donnée par l’inspection du travail, son contrat de travail a été rompu le 30 novembre 2014 et M. [R] a bénéficié d’un congé de reclassement du 1er décembre 2014 au 31 mars 2015.
En dernier lieu des relations contractuelles de travail entre les parties, l’intéressé occupait l’emploi de chef de cabine principal
Par courrier du 1er avril 2015, M. [R] a informé la société de son souhait d’user de sa priorité de réembauchage et à compter du 3 avril 2015, les parties ont échangé divers courriers par lesquels, notamment, la société Air France a informé M. [R] de l’absence de recrutement de PNC en CDI, de la clôture des recrutements de Personnels Complémentaires de Bord (PCB) saisonniers 2015 (3 avril 2015), qu’elle ferait appel à lui pour la saison 2016 (25 janvier 2016), lui a proposé un emploi saisonnier en contrat de travail à durée déterminée à compter de juillet 2016 (1er février 2016), l’a informé qu’il serait convoqué au stage préalable sécurité saison 2016 (15 mai 2016), puis en raison d’un désaccord portant, entre autres, sur la durée déterminée ou indéterminée du contrat proposé, a pris acte du ‘refus délibéré et abusif’ de l’intéressé de signer le contrat de travail à durée déterminée saisonnier écrit qui lui avait été régulièrement transmis le 1er juillet 2016 (lettre recommandée AR du 9 juillet 2016), et l’a informé qu’il était mis fin à sa période d’essai (autre lettre recommandée AR du 9 juillet 2016).
Invoquant, en premier lieu, le non respect par la société Air France de la priorité de réembauchage et, en second lieu, la violation par l’employeur de son statut de salarié protégé, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 29 juillet 2016, afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa réintégration sur son poste de travail avec reprise de l’ancienneté au 21 mai 1981, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et la condamnation de la société Air France à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts capitalisés :
– Salaire du 3l mars2016 : 197,18 euros,
– Congés payés afférents : 19,71 euros,
– Dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage : 11 831,24 euros,
– Indemnité pour violation du statut protecteur : 214 736,96 euros,
– Intéressement année 2015 : 580,42 euros
– Article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros.
Il sollicitait également la remise d’un bulletin de paie conforme à la décision.
La société Air France a conclu au débouté de M. [R] et à la condamnation de ce dernier au paiement d’une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 31 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Paris, statuant en formation de départage, a débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes, la société Air France de la sienne, et a condamné le demandeur aux dépens.
M. [R] a interjeté appel du jugement par déclaration du 15 juin 2019.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mars 2022, il demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de :
– Prononcer la nullité de son licenciement,
– Condamner la société Air France au paiement des sommes suivantes :
°197,18 euros à titre de rappel de salaire sur la journée du 31 mars 2016, outre 19,71 euros au titre des congés payés afférents,
° 177 468 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,
° 35 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
° 150 000 euros à titre d’indemnité pour violation de la priorité de réembauchage,
– Ordonner la remise d’un bulletin de paie conforme,
– Assortir les condamnations des intérêts au taux légal avec capitalisation de ceux-ci,
– Condamner la société Air France au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 septembre 2019, la société Air France demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt de déféré du 12 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en l’état du 21 janvier 2021 et a dit n’y avoir lieu à prononcer la caducité de la déclaration d’appel.
L’instruction a été clôturée le 22 février 2022 et l’affaire plaidée le 30 mars 2022.
Sur la violation de la priorité de réembauchage
M. [R] reproche à la société Air France de n’avoir respecté ni la priorité de réembauchage dont il avait sollicité le bénéfice ni la promesse d’embauche qui lui avait été faite, en ce que :
– malgré son courrier du 1er avril 2015 informant la société de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauchage, il n’a pas été destinataire des postes disponibles,
– la société lui a proposé un contrat de travail à durée indéterminée, par mail du 25 janvier 2016 qui vaut promesse d’embauche mais, contre toute attente, lui a présenté le 1er juillet 2016 un contrat de travail à durée déterminée daté du 7 juin 2016, et alors même qu’il avait effectué une journée de formalités le 31 mars 2016 (non rémunérée) et une journée de stage le 14 juin 2016, ce contrat, par ailleurs, ne reprenant pas son ancienneté malgré les termes de la convention collective applicable.
La société Air France réplique que M. [R] ne saurait, sérieusement et de bonne foi, s’appuyer sur une simple erreur de frappe contenue dans le courriel du 25 janvier 2016 pour laisser croire qu’il lui aurait été offert – au titre de la priorité de réembauchage – un prétendu contrat de travail à durée indéterminée, ni prétendre que sa présence le 31 mars 2016 à une journée de formalités préalables à l’embauche et le 14 juin 2016 à un stage préalable de sûreté/sécurité PNC, permettrait d’établir l’existence certaine d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter de l’une de ces deux dates.
Elle prétend avoir respecté la priorité de réembauchage en proposant un poste en contrat de travail à durée déterminée saisonnier à M. [R] que, ce dernier a finalement refusé de signer, alors qu’ayant bénéficié du plan de départ volontaire visant à réduire les effectifs de personnel navigant commercial, il ne pouvait ignorer qu’aucune perspective d’embauche en contrat de travail à durée indéterminée pour ce type d’emploi n’était envisageable, ni à court ni à moyen terme.
Cela étant, la promesse unilatérale de contrat de travail (promesse d’embauche) est le contrat par lequel une partie – le promettant- accorde à l’autre – le bénéficiaire – le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
En l’espèce, le mail du 25 janvier 2016 est ainsi libellé :
‘La compagnie Air France ayant pour projet de faire appel à du personnel complémentaire de bord sur la saison été 2016, je me permets de revenir vers vous afin de vous proposer ce type de contrat à durée indéterminée.
À ce titre, pourriez-vous me contacter au (…) afin que nous échangions sur ce sujet, ce dont je vous remercie.’
ne mentionne ni la rémunération, ni la date d’entrée en fonction et ne porte qu’une invitation à entrer en contact pour discuter du sujet. En outre, le consentement du bénéficiaire ne pouvait être valablement donné à cette date à défaut de toute précision sur les éléments essentiels du contrat.
Un tel message ne peut donc être considéré comme un promesse d’embauche et ce d’autant moins qu’il est particulièrement ambigu sur la nature du contrat de travail évoqué.
En effet, le message contient une contradiction flagrante, que M. [R] ne peut feindre d’ignorer, en ce qu’il mentionne un emploi de nature nécessairement temporaire, à savoir ‘personnel complémentaire de bord sur la saison été 2016″, incompatible avec un contrat de travail à durée indéterminée, de sorte qu’il ne caractérise aucunement la volonté claire et non équivoque de la société Air France de proposer un contrat de travail à durée indéterminée.
Enfin, tous les courriers et messages de la société Air France relatifs à la priorité de réembauchage, à l’exception du mail litigieux, ne portent que sur un emploi en contrat de travail à durée déterminée. Ainsi :
– le courrier du 3 avril 2015 avise M. [R] que les besoins saisonniers en Personnel Complémentaire de Bord (PCB) pour l’été 2015 étaient d’ores et déjà entièrement couverts à la suite d’une campagne de recrutement qui s’était achevée le 20 janvier 2015, que la compagnie ne procéderait pas à l’embauche de PNC supplémentaires en CDI afin de pourvoir les besoins actuels en CCP et que l’entreprise ne manquerait pas de le contacter si elle décidait de procéder à terme à de nouvelles embauches PNC.
– la lettre du 1er février 2016 évoque le projet de faire appel à du personnel complémentaire de bord sur la saison été 2016, et une proposition de ce ‘type de contrat à durée déterminée’,
– la convocation du 15 mai 2016 mentionne un stage ‘saison été 2016″.
En conséquence, M. [R] ne peut utilement se prévaloir d’une promesse d’embauche en contrat de travail à durée indéterminée au vu du mail du 25 janvier 2016.
Toutefois, aux termes de l’article L. 1233-45 du code du travail, il incombe à l’employeur d’informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d’user de la priorité de réembauchage, de l’existence de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification.
En cas de litige, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation soit en établissant qu’il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l’absence de tels postes.
Or, la société Air France ne procède que par voie d’affirmation en invoquant l’absence de perspective à court terme ou à moyen terme de recrutement en contrat de travail à durée indéterminée de personnel navigant commercial à la suite du plan ‘Transform 2015″ destiné, entre autres, à réduire ses effectifs et ne fournit aucune pièce permettant de constater que les emplois PNC en contrat de travail à durée déterminée étaient les seuls emplois disponibles correspondant à la qualification de M. [R] et qu’elle n’a pas procédé à l’embauche de salariés de ce type en contrat de travail à durée indéterminée sur la période concernée.
La société Air France ne rapportant pas la preuve d’avoir satisfait à son obligation, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande en dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage.
Selon l’article L.1235-13 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l’article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.
M. [R] soutient que la méconnaissance par la société Air France des règles en matière de priorité de réembauche a eu des conséquences importantes pour lui en ce qu’il a été privé d’une possibilité de reprendre une activité professionnelle au sein de la société alors que, compte tenu de son âge, ses chances de retrouver un emploi par ailleurs étaient très faibles. Il ajoute qu’il a subi une période de chômage de plus de trois ans ainsi qu’une perte de revenus malgré le bénéfice d’une indemnisation au titre de la caisse de retraite des personnels navigants et de l’indemnisation Pôle emploi pour un préjudice de 150 000 euros si l’on prend en compte une mise à la retraite à 62 ans et de 230 000 euros si l’on prend pour base un départ à la retraite à 65 ans.
Mais, M. [R], qui a quitté l’entreprise en adhérant à un plan de départ volontaire assorti d’indemnités spécifiques, n’est pas fondé à solliciter la réparation des conséquences d’une rupture de contrat de travail assimilables à celles d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il ne peut se prévaloir que d’une perte de chance de réintégrer l’entreprise qui, au vu d’une rémunération mensuelle brute de 5 915 euros, sera indemnisée par des dommages et intérêts d’un montant de 12 000 euros.
La société Air France sera donc condamnée à verser cette somme à M. [R].
Sur la nullité de la rupture du contrat de travail
Il résulte des pièces produites que la société Air France a remis à M. [R] un bulletin de paie pour le mois de mars 2016, un certificat de travail mentionnant un journée de stage le 14 juin 2016 et l’emploi de steward CDD saisonnier du 1er au 10 juillet 2016, une attestation Pôle Emploi le 31 août 2016, qu’elle a notifié à la caisse de retraite la reprise d’activité de l’intéressé sur la période du 1er au 10 juillet 2016 et qu’elle lui a adressé deux courriers recommandés à la même date du 9 juillet 2016, l’un pour prendre acte de son refus de signer son contrat à durée déterminée et l’autre part, pour lui notifier la rupture de la période d’essai de son contrat de travail à durée déterminée dans ces termes :
‘Votre embauche sous contrat à durée déterminée était soumise à une période d’essai de 10 jours.
Celle-ci ne nous ayant pas donné satisfaction, nous entendons par la présente mettre fin au contrat qui nous lie.
Vous cesserez de faire partie de l’entreprise le 10 juillet au soir’.
Au vu de ces documents, M. [R] se prévaut de l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Air France et invoque la nullité de la rupture de ce contrat, par application des articles L. 2412-1 et L. 2412-13 du code du travail, en ce que, d’abord, l’employeur ne peut user de la technique de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail qui demeure réservée au salarié et que, ensuite et surtout, la société Air France n’a pas sollicité l’autorisation de le licencier auprès de l’inspection du travail alors qu’il dispose d’un mandat de conseiller prud’homal.
La société Air France fait valoir que M. [R] ne peut se prévaloir de la rupture d’une période d’essai alors même que le contrat de travail n’a pas reçu de commencement d’exécution et invoque une simple erreur non créatrice de droit au sujet du courrier de notification de la rupture de la période d’essai.
Cela étant, il apparaît des pièces du dossier qu’à compter de la lettre du 25 janvier 2016, les parties sont restées opposées sur un des éléments essentiels du contrat de travail que l’employeur était susceptible de proposer à son ancien salarié, à savoir la durée du contrat, que ce différend a persisté postérieurement à la journée du 31 mars 2016 et celle du 14 juin 2016 puisque M. [R] a refusé par la suite de signer le contrat de travail à durée déterminée qui lui était soumis et a clairement exprimé son refus et expliqué les motifs de celui-ci dans des messages à l’employeur, que les deux journées du 31 mars et 14 juin 2016 ne peuvent être considérées comme des ‘journées de prise de poste’, puisqu’elles étaient consacrées à des démarches préalables conditionnant l’embauche du salarié (31 mars : visite médicale du travail et visite médicale PNC CEMA déterminant l’aptitude de l’intéressé à l’emploi, réunion de documents administratifs et de voyage sans lesquels le salarié ne peut exercer sa prestation de travail impliquant des déplacements à l’étranger ; 14 juin : stage sécurité obligatoire), et qu’au delà de sa présence à ces deux journées préalables à l’embauche, M. [R] n’a fourni aucune prestation de travail et n’a pas davantage été soumis à l’autorité de la société Air France.
Ainsi, comme soulevé par la société Air France et relevé avec pertinence par les premiers juges, aucun contrat de travail entre M. [R] et la société Air France n’a été formé ni n’a reçu de commencement d’exécution, de sorte que le courrier du 9 juillet 2016 mettant prétendument fin à la période d’essai est dépourvu de toute portée. L’autre courrier du 9 juillet 2016 n’est pas une prise d’acte de rupture du contrat de travail, comme le prétend M. [R], mais est destiné à informer l’intéressé que la société constate son refus de signer son contrat de travail à durée déterminée et relève qu’il ne s’est pas présenté sur le premier vol qui était programmé dans le cadre de ce contrat.
Au surplus, le fait que M. [R] exerçait le mandat de conseiller prud’homal jusqu’à la prise d’effet de la convention de rupture pour motif économique du 28 novembre 2014 et que la société Air France a signé les formulaires CERFA de remboursements des salaires au titre de sa fonction de conseiller prud’homal jusqu’en mars 2015 ne le dispensait pas de la formalité d’informer son employeur de la poursuite de son mandat en cas de réembauchage, formalité nécessaire pour se prévaloir de son statut de salarié protégé.
M. [R] ne rapporte pas la preuve (et d’ailleurs ne prétend pas) qu’il a informé la société Air France de son mandat de conseiller prud’homal postérieurement à mars 2015.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes en dommages et intérêts liées à la rupture d’un contrat de travail.
Sur le rappel de salaire pour la journée du 31 mars 2016
M. [R] fait valoir qu’il a accompli durant cette journée l’ensemble des formalités relatives à sa prise de poste (dont la visite médicale d’embauche et la visite médicale d’expertise du personnel navigant) mais qu’il n’en sera jamais rémunéré alors même qu’il a été reconnu apte au poste de chef de cabine principal et ce malgré les prescriptions de l’article R4624-28 du code du travail dans sa version applicable au présent litige selon lequel le temps nécessité par les examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est soit pris sur les heures de travail des salariés sans qu’aucune retenue de salaire puisse être opérée, soit rémunéré comme temps de travail normal lorsque ces examens ne peuvent avoir lieu pendant les heures de travail.
Mais, l’absence de lien contractuel de travail entre M. [R] et la société Air France, telle que relevée dans les développements ci-dessus, commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’intéressé de sa demande de rémunération pour la journée du 31 mars 2016.
Sur les frais non compris dans les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Air France sera condamnée à verser à M. [R], accueilli sur un chef de demande en appel, la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l’appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande en dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage,
Statuant à nouveau sur ce seul chef de dispositif infirmé,
CONDAMNE la société Air France à verser à M. [R] la somme de 12 000 (douze mille) euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Air France à verser à M. [R] la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel,
CONDAMNE la société Air France aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT