Vente internationale d’une marchine-outil : le juge compétent et la loi applicable

Notez ce point juridique

Au regard de l’article 3 de la convention de la Haye du 15 juin 1955 relative aux ventes internationales d’objets mobiliers corporels (que la France a ratifiée le 30 août 1953), qui constitue la règle de conflit de lois, la vente est régie à défaut de loi déclarée par les parties, par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande, à savoir en l’espèce, la loi espagnole, les éléments versés aux débats ne permettant pas de retenir l’application de la loi civile forale de Navarre.

Dès lors que le litige porte sur une vente internationale de marchandises, la convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, dite convention de Vienne (CVIM), que la France a ratifiée le 6 août 1982 et à laquelle l’Espagne a adhéré le 24 juillet 1990, a vocation à s’appliquer, constituant le droit substantiel français.

En effet, cette convention est applicable, aux termes de son article 1, si, au moment de la conclusion du contrat, les parties sont établies dans des Etats contractants, étant précisé que la vente est internationale lorsqu’elle est conclue entre un vendeur et un acheteur établis au moment de leur conclusion dans des Etats différents ou si les règles de droit international privé rendent applicable au contrat de vente la loi d’un Etat contractant, comme en l’espèce.

Cette convention a, selon son article 6, un caractère supplétif et peut être exclue par la volonté des parties. Toutefois, le fait de conclure dans leurs premiers jeux de conclusions devant le tribunal, sur le fondement de la loi française, puis, pour la société Emerito, dans ses dernières conclusions, qui, seules lient le juge, sur l’application de la loi espagnole (sans, pour autant, comme déjà constaté, conclure sur le fondement de celle-ci) ne permet pas d’en déduire la volonté des parties d’exclure l’application de la convention, qui sera retenue.

Concernant les droits et obligations qu’un contrat de vente fait naître entre les parties, la convention de Vienne prévoit, dans son article 35, que le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux prévus au contrat, que celles-ci ne sont conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type, que si elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s’il résulte des circonstances que l’acheteur ne s’en est pas remis à la compétence ou à l’appréciation du vendeur ou qu’il n’était pas raisonnable de sa part de le faire et que le vendeur n’est pas responsable d’un défaut de conformité que l’acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat.

Selon l’article 49 suivant, le non-respect par le vendeur de ses obligations résultant du contrat ou de la convention permet à l’acheteur de déclarer le contrat résolu, à peine d’en être déchu s’il ne l’a pas fait dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette contravention.


La SARL [Adresse 4] a acheté une capsuleuse à la société espagnole Emerito S.L, mais celle-ci s’est révélée incompatible avec le générateur de vapeur existant dans l’entreprise. La SARL a demandé l’annulation de la vente et le remboursement de 30 000 euros à la société Emerito, qui a contesté toute responsabilité. Le tribunal de commerce de Montpellier a débouté la SARL de ses demandes et l’a condamnée à payer 3000 euros à la société Emerito. La SARL a fait appel de ce jugement, demandant l’annulation de la vente pour vice du consentement et le remboursement du prix de vente. La société Emerito a demandé le rejet de l’appel, arguant que la machine fonctionnait correctement et que l’acquéreur n’avait pas pris les précautions nécessaires lors de l’installation. Les parties ont exposé leurs arguments devant la cour, qui doit maintenant statuer sur l’affaire.

1- Motifs de la décision sur l’effet dévolutif

Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. La société [Adresse 4] critique le jugement en ce qu’il a rejeté toutes ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Il s’ensuit que l’examen des prétentions des parties exige que soit déterminée la loi applicable ; le chef de jugement relatif à cette détermination dépendant de ceux expressément critiqués, la cour en est saisie.

2- Motifs de la décision sur la loi applicable

Il appartient au juge saisi d’un litige comportant un élément d’extranéité de déterminer la loi applicable. En l’espèce, la vente litigieuse relève de la convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises. La cour a retenu l’application de cette convention, malgré le changement de position de la société Emerito dans le choix de la loi applicable. Le jugement sera complété quant à la loi applicable eu égard aux demandes de nullité et de résolution du contrat de vente.

3- Motifs de la décision sur le contrat de vente

La société [Adresse 4] sollicite l’annulation ou la résolution du contrat de vente pour erreur au titre d’un vice du consentement. Cependant, aucun dysfonctionnement de la capsuleuse dans la chaîne de production n’est rapporté. De plus, aucun manquement à l’obligation de conseil et d’information du vendeur n’est caractérisé. Les demandes de remboursement, de reprise et d’indemnisation seront rejetées, et le jugement sera confirmé.

4- Motifs de la décision sur la demande d’indemnisation de la société Emerito

La société Emerito ne justifie pas de l’existence d’un préjudice financier ou moral découlant du litige. Sa demande d’indemnisation sera rejetée, tout comme sa demande d’amende civile. Le jugement sera confirmé.

5- Motifs de la décision sur les autres demandes

La société [Adresse 4] sera condamnée aux dépens et à payer une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande sur ce fondement sera rejetée.

– La SARL [Adresse 4] est condamnée à payer à la société de droit espagnol Emerito S.L la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– La SARL [Adresse 4] est condamnée aux dépens d’appel


Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil

Article 562 du code de procédure civile:
« L’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Article 1265 du code civil espagnol:
« Le consentement donné par erreur, violence, intimidation ou malveillance est nul. »

Article 1266 du code civil espagnol:
« Pour que l’erreur invalide le consentement, il faut qu’elle porte sur la substance de la chose qui était l’objet du contrat, ou sur les conditions de celui-ci, qui ont principalement donné lieu à la conclusion du contrat. »

Article 35 de la convention de Vienne:
« Le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux prévus au contrat, que celles-ci ne sont conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type. »

Article 49 de la convention de Vienne:
« Le non-respect par le vendeur de ses obligations résultant du contrat ou de la convention permet à l’acheteur de déclarer le contrat résolu, à peine d’en être déchu s’il ne l’a pas fait dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette contravention. »

– Code de procédure civile

Article 564 du code de procédure civile:
« La fin de non-recevoir, tirée de la violation de ces dispositions, sera rejetée. »

Article 700 du code de procédure civile:
« La société [Adresse 4] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Pierre ALFREDO de l’ASSOCIATION ALFREDO, BAYSSIERES, avocat au barreau de MONTPELLIER
– Me Sylvie CHOLET de la SELARL CABINET SELINSKY CHOLET, avocat au barreau de MONTPELLIER

Mots clefs associés

– Effet dévolutif
– Appel
– Indivisibilité du litige
– Responsabilité contractuelle
– Droit français
– Droit espagnol
– Convention de Vienne
– Vente internationale de marchandises
– Contrat de vente
– Vice du consentement
– Erreur
– Substance de la chose
– Conditions du contrat
– Information et conseil
– Résolution du contrat
– Obligations du vendeur
– Marchandises conformes
– Obligation de délivrance
– Préjudice financier
– Préjudice moral
– Amende civile
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile

– Effet dévolutif : transfert de compétence d’un tribunal à un autre lorsqu’un jugement est porté en appel
– Appel : recours permettant à une partie de contester une décision de justice devant une juridiction supérieure
– Indivisibilité du litige : principe selon lequel un litige ne peut être divisé en plusieurs parties distinctes pour être jugé séparément
– Responsabilité contractuelle : obligation pour une partie de respecter les termes d’un contrat et d’indemniser l’autre partie en cas de non-respect
– Droit français : ensemble des règles juridiques applicables en France
– Droit espagnol : ensemble des règles juridiques applicables en Espagne
– Convention de Vienne : traité international régissant les contrats de vente internationale de marchandises
– Vente internationale de marchandises : transaction commerciale impliquant l’achat et la vente de biens entre des parties situées dans différents pays
– Contrat de vente : accord entre un vendeur et un acheteur portant sur la vente d’un bien ou d’un service
– Vice du consentement : défaut de consentement d’une partie lors de la conclusion d’un contrat
– Erreur : fausse représentation de la réalité ayant influencé la conclusion d’un contrat
– Substance de la chose : caractéristiques essentielles d’un bien vendu
– Conditions du contrat : ensemble des termes et des obligations convenus entre les parties dans un contrat
– Information et conseil : devoir du vendeur de fournir des informations précises et des conseils appropriés à l’acheteur
– Résolution du contrat : annulation d’un contrat en raison d’une violation des termes par l’une des parties
– Obligations du vendeur : devoirs et responsabilités incombant au vendeur dans le cadre d’une vente
– Marchandises conformes : biens correspondant aux spécifications convenues dans le contrat de vente
– Obligation de délivrance : devoir du vendeur de remettre le bien vendu à l’acheteur
– Préjudice financier : dommage matériel subi par une partie à la suite d’une violation contractuelle
– Préjudice moral : dommage moral subi par une partie à la suite d’une violation contractuelle
– Amende civile : somme d’argent versée par une partie en réparation d’un préjudice causé à l’autre partie
– Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile : disposition légale permettant au juge d’allouer une somme d’argent à une partie pour compenser ses frais de justice

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 13 FEVRIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01909 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PMAK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 JANVIER 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020 008470

APPELANTE :

S.A.R.L. [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre ALFREDO de l’ASSOCIATION ALFREDO, BAYSSIERES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A. EMERITO S.L, société de droit espagnol, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3] ESPAGNE

Représentée par Me Sylvie CHOLET de la SELARL CABINET SELINSKY CHOLET, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 30 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 DECEMBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de président en remplacement du président de chambre empêché chargée du rapport et M. Thibault GRAFFIN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SARL [Adresse 4] exploite un fonds de commerce de conserverie, situé à [Localité 1] (34).

La société de droit espagnol Emerito S.L, située à [Localité 3] (Navarre- Espagne), est spécialisée dans la fabrication de machines pour processus alimentaire.

La société [Adresse 4] a acquis auprès de la société Emerito une capsuleuse 1.8 ACT suivant une commande passée le 26 octobre 2017, moyennant un prix de 38 400 euros.

Un acompte de 4 000 euros a été réglé le 30 novembre 2017 et le solde de la facture n°17I00397, soit 34 400 euros, a été payé le 20 décembre 2017.

La capsuleuse a été livrée le 29 janvier 2018 ; son fonctionnement s’est révélé incompatible avec le générateur de vapeur existant au sein de la société [Adresse 4]. Le 9 mars 2018, la société [Adresse 4] a acquis un nouveau générateur de vapeur TD 23 auprès d’une société tierce.

Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 25 septembre 2019, la société [Adresse 4] a, par le biais de son conseil, sollicité de la société Emerito qu’elle reprenne la capsuleuse et lui rembourse la somme de 30 000 euros, celle-ci ne fonctionnant pas avec le réseau électrique existant alors qu’aucun conseil sur une possible incompatibilité ne lui a été donné.

Par courriel du 30 septembre 2019, la société Emerito a contesté toute responsabilité dans le dysfonctionnement, l’imputant au choix d’un générateur de vapeur inadéquat et précisant que l’ensemble des prestations au titre du suivi après la vente et la mauvaise publicité, faite par le client, seraient facturés à hauteur de 30 000 euros.

Par acte d’huissier en date du 3 juillet 2020, la société [Adresse 4] a assigné la société Emerito devant le tribunal de commerce de Montpellier afin d’annulation de la vente.

Par jugement en date du 12 janvier 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a :

– dit et jugé que la loi française doit être écartée en l’espèce au profit de la loi espagnole,

– débouté la société [Adresse 4] de toutes ses demandes,

– débouté la société Emerito SL de sa demande de condamnation de la société [Adresse 4] à une amende civile de 10 000 euros,

– débouté la société Emerito SL de sa demande de condamnation de la société [Adresse 4] au titre d’un préjudice moral et financier,

– débouté la société Emerito SL de toutes ses autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné la société [Adresse 4] à payer à la société Emerito SL la somme de 3000 euros, en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [Adresse 4] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration du 8 avril 2022, la société [Adresse 4] a relevé appel partiel de ce jugement en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes, ordonné l’exécution provisoire et l’a condamnée aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 novembre 2023, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

– et statuant à nouveau sur l’appel, au visa des articles 6 et 35-1-b de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, des articles 1130, 1132 du code civil français, subsidiairement des articles 1265 et 1266 du code civil espagnol,

– prononcer la nullité pour vice du consentement du contrat de vente litigieux relatif à l’achat de la capsuleuse Emerito 1.8 ACT,

– au visa des articles 1112-1 et 1130, 1604 et 1624 du code civil français, subsidiairement des articles 7, 8 et 26 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, très subsidiairement de l’article 1122 du code civil espagnol,

– prononcer la nullité ou constater la résolution du contrat de vente litigieux relatif à l’achat de la capsuleuse Emerito 1.8 ACT, pour manquement du vendeur à ses obligations d’information et de conseil,

– dans tous les cas, condamner Emerito à lui payer la somme de 38 400 euros au titre du remboursement du prix de vente, outre celle de 5 000 euros au titre des frais d’installation,

– la condamner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter des huit jours suivant la signification de la décision à intervenir, à prendre possession à ses frais de la capsuleuse litigieuse dans les locaux de la concluante,

– la condamner en outre à celle de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– la débouter de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

– subsidiairement, désigner tel expert, que bon semblera à la cour, avec mission d’apporter toutes informations utiles sur les rapports contractuels entre les parties, le rôle de la capsuleuse litigieuse, les raisons de l’absence de génération du vide dans les pots, et les responsabilités,

– condamner l’intimée à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuer ce que de droit quant aux dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de son appel, elle fait en substance valoir les moyens suivants :

– la cour est saisie de la question de la loi applicable, en effet le choix de la loi applicable n’est pas un chef du jugement, mais un préalable, il est dépendant, au sens de l’article 562, des chefs de jugement critiqués et indivisible de ceux critiqués,

– le premier juge n’a pas retenu la loi de Navarre, qui doit être écartée,

– la convention de Vienne (CVIM) est applicable à l’Espagne, elle a vocation à s’appliquer, mais elle a été exclue implicitement par les parties, qui ont conclu dès l’introduction de l’instance sur le fondement de la loi française, à défaut, le droit de ladite convention sera appliqué,

– toutefois, la convention de Vienne exclut de son champ d’application la nullité du contrat pour vices du consentement, qui est régie par la loi désignée par les règles de droit international privé du for, soit la loi espagnole (article 3 convention de la Haye du 15.06.1955) et non la loi de Navarre (qui ne s’applique que lorsque le droit espagnol est silencieux),

– le fait de réclamer l’application de la loi espagnole après avoir sollicité celle de la loi française relève de l’estoppel au titre d’un changement de moyens et remet en cause l’accord des parties ,

– la convention de la Haye, qui prime sur Rome I, désigne comme loi compétente celle du pays de résidence habituelle du vendeur, soit la loi espagnole,

– en droit français comme en droit espagnol, l’erreur sur les qualités essentielles de la chose est une cause de nullité du contrat ; la capsuleuse ne peut fonctionner dans sa chaîne de production (alors que la nouvelle machine fonctionne) et ne remplit pas les conditions de la réglementation pour la conserverie,

– elle a choisi cette machine, car elle permettait de fermer les bocaux en gérant la vapeur, qui permet de faire le vide,

– en droit français (articles 1112-1, art 1130, 1640 et 1624 code civil) comme en droit conventionnel (article 7 : principe de bonne foi et articles 26 et 35-1 b) comme en droit espagnol (article 1122 code civil), le vendeur est tenu d’une obligation d’information, dont le manquement est une cause de nullité et doit livrer une chose apte à remplir la fonction pour laquelle elle a été acquise,

– le vendeur supporte une obligation contractuelle d’information et de conseil, il ne l’a pas informée concernant les installations nécessaires au fonctionnement de la machine au titre de la vapeur avant la vente et l’a fait après de façon confuse,

– le conseil postérieur relatif à l’acquisition du générateur vapeur (TD 23) n’a pas permis que la machine fonctionne et l’achat d’un plus gros générateur (TD 33) était impossible (espace exigu),

– la capsuleuse vendue est incompatible avec la conserverie à froid (elle ne fonctionne que pour la conserverie à chaud), alors qu’elle ne fait que de la conserverie à froid,

– elle a essayé en vain de la revendre, elle a subi un manque à gagner correspondant aux pots qu’elle n’a pu fermer entre janvier 2018 et juillet 2020 (achat d’une autre machine).

Par conclusions du 29 novembre 2023, la société Emerito SL demande à la cour, de :

– dire et juger recevable la société Emerito SL dans ses fins et conclusions,

– sur la loi applicable,

– à titre principal, juger que la cour n’est pas saisie du chef de jugement « dit et juge que la loi française doit être écartée en l’espèce au profit de la loi espagnole » dès lors qu’il ne figure pas dans la déclaration d’appel parmi les chefs du jugement critiqués,

– à titre subsidiaire confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a retenu que « la loi française doit être écartée en l’espèce au profit de la loi espagnole »,

– en conséquence, débouter la société [Adresse 4] de sa demande d’application de la loi française et donc de sa demande d’infirmation du jugement sur le fondement du droit français,

– sur la demande de nullité du contrat de vente, juger que :

– l’erreur invoquée par la société [Adresse 4] ne porte pas sur les qualités substantielles de la capsuleuse achetée auprès d’elle,

– la société [Adresse 4] ne démontre aucune erreur inexcusable qui porterait sur des conditions qu’elle aurait exprimées lors de l’achat,

– la société [Adresse 4] ne démontre aucun manquement à son obligation de délivrance,

– en conséquence, rejeter la demande de nullité du contrat que ce soit pour vice du consentement, pour manquement à une obligation d’information précontractuelle ou à l’obligation de délivrance,

– sur la demande de « constater » la résolution du contrat de vente de la capsuleuse Emerito 1.8 ACT,

– à titre principal, juger la demande irrecevable en ce qu’il s’agit d’une demande nouvelle qui n’avait pas été formulée en première instance,

– à titre subsidiaire, juger la demande mal fondée en l’absence de lettre de notification de la résolution du contrat envoyée dans un délai raisonnable et fondée sur un quelconque manquement à une obligation essentielle au sens de l’article 25 de la CVIM,

– en conséquence, rejeter la demande de voir constater la résolution du contrat,

– sur les demandes d’indemnisation,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé non démontré « que la société Emerito aurait manqué à un devoir d’information et de conseil ni à ses obligations contractuelles »,

– en toutes hypothèses, débouter la société [Adresse 4] de l’ensemble de ses demandes,

– à titre reconventionnel, condamner la société [Adresse 4] à une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive,

– condamner la société [Adresse 4] à payer la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et la somme de 8 076,41 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier,

– condamner la société [Adresse 4] à payer la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle expose en substance les moyens suivants :

– la déclaration d’appel ne vise pas le chef du jugement relatif à l’application de la loi espagnole,

– l’article 562 est inapplicable ; l’application de la loi espagnole n’est pas une conséquence des autres chefs du jugement, aucune indivisibilité n’est visée dans la déclaration d’appel,

– la convention de Vienne est applicable, les parties ne l’ayant pas écartée, toutefois, elle exclut de son champ d’application l’appréciation de la validité du contrat,

– la demande de nullité du contrat pour vice du consentement ou manquement à une obligation précontractuelle selon les règlements Rome I, Rome II et la convention de la Haye du 15 juin 1955 désignent la loi du pays de résidence habituelle du vendeur, soit la loi de Navarre et la loi espagnole,

– l’estoppel ne concerne qu’un changement de prétentions (et non de moyens) alors qu’elle a toujours rejeté les demandes de l’acquéreur et a bien sollicité l’application de la loi espagnole,

– en droit de Navarre, droit espagnol et droit français, l’erreur doit porter sur les qualités substantielles de la chose et être déterminante ; la machine fonctionne, aucune réglementation pour la conserverie à froid ne précise le niveau de vide à atteindre pour hermétiser les pots,

– l’acquéreur n’a jamais indiqué qu’il souhaitait obtenir un vide de -0,4 bar après fermeture des pots, il n’avait pas pris de précaution quant à l’installation et fourniture de vapeur lors de l’installation de la machine,

– aucune obligation précontractuelle d’information n’existe en droit espagnol, dans la loi forale de Navarre et dans la CVIM, et concernant le droit français, l’annulation sur le fondement de l’article 1112-1 requiert l’existence d’un vice du consentement, qui n’existe pas,

– la capsuleuse est conforme à l’usage prévu ; elle fonctionne avec les bocaux de l’acquéreur, elle permet d’assurer les cadences et performances annoncées,

– la demande de constat de la résolution est une demande nouvelle ; selon la CVIM, l’acquéreur est déchu de cette possibilité n’ayant formé une demande (qui n’est pas une demande de résolution ou si elle l’est, ne portait pas sur une obligation essentielle du contrat) qu’en septembre 2019,

– toutes les informations ont été transmises (offre et visite), la fourniture de la vapeur étant hors champ contractuel, elle a fourni une assistance technique après la vente,

– la demande d’expertise est tardive,

– le préjudice n’est pas établi, elle n’a plus eu de nouvelles après le 1er octobre 2018, date à laquelle l’acquéreur avait contacté le fabricant du générateur de vapeur, aucun document comptable n’est produit, il ne pourrait s’agir que d’une perte de chance,

– elle a subi un préjudice moral et financier (déplacement de septembre 2018 notamment).

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est datée du 30 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- sur l’effet dévolutif

Selon l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Les dispositions du jugement relatives à la loi applicable n’ont pas été frappées d’appel par un appel principal ou incident. La déclaration d’appel ne se réfère à aucune indivisibilité du litige, inexistante au demeurant.

La société [Adresse 4] critique le jugement en ce qu’il a rejeté toutes ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Elle avait conclu devant le premier juge sur le fondement du droit français, seule la société Emerito ayant saisi le tribunal d’une demande relative à la loi applicable, et ce au profit du droit espagnol, sans, pour autant, conclure sur le fondement de ce droit. En tout état de cause, le jugement a retenu l’application du droit étranger, sans, toutefois, en préciser le contenu.

Il s’ensuit que l’examen des prétentions des parties exige que soit déterminée la loi applicable ; le chef de jugement relatif à cette détermination dépendant de ceux expressément critiqués, la cour en est saisie.

2- sur la loi applicable

Il appartient au juge saisi d’un litige comportant un élément d’extranéité de déterminer la loi applicable. En l’espèce, la société de droit français [Adresse 4], établie en France, a acquis auprès de la société de droit espagnol Emerito S.L, établie en Espagne, une capsuleuse selon une offre, en date du 18 octobre 2017 et un bon de commande, en date du 25 octobre 2017.

Dès lors que le litige porte sur une vente internationale de marchandises, la convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, dite convention de Vienne (CVIM), que la France a ratifiée le 6 août 1982 et à laquelle l’Espagne a adhéré le 24 juillet 1990, a vocation à s’appliquer, constituant le droit substantiel français.

En effet, cette convention est applicable, aux termes de son article 1, si, au moment de la conclusion du contrat, les parties sont établies dans des Etats contractants, étant précisé que la vente est internationale lorsqu’elle est conclue entre un vendeur et un acheteur établis au moment de leur conclusion dans des Etats différents ou si les règles de droit international privé rendent applicable au contrat de vente la loi d’un Etat contractant, comme en l’espèce.

Cette convention a, selon son article 6, un caractère supplétif et peut être exclue par la volonté des parties. Toutefois, le fait de conclure dans leurs premiers jeux de conclusions devant le tribunal, sur le fondement de la loi française, puis, pour la société Emerito, dans ses dernières conclusions, qui, seules lient le juge, sur l’application de la loi espagnole (sans, pour autant, comme déjà constaté, conclure sur le fondement de celle-ci) ne permet pas d’en déduire la volonté des parties d’exclure l’application de la convention, qui sera retenue.

Par ailleurs, il sera constaté que la cour n’est saisie, dans le dispositif des conclusions de l’appelante, d’aucune fin de non-recevoir, tirée du non-respect du principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui au regard du changement de position de la société Emerito dans le choix de la loi applicable.

Le champ de l’application de la convention de Vienne exclut, dans son article 4, la validité des contrats. Selon l’article 7 suivant, les questions concernant les matières régies par la convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s’inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.

Au regard de l’article 3 de la convention de la Haye du 15 juin 1955 relative aux ventes internationales d’objets mobiliers corporels (que la France a ratifiée le 30 août 1953), qui constitue la règle de conflit de lois, dont le caractère applicable n’est pas discuté, la vente est régie à défaut de loi déclarée par les parties, par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande, à savoir la loi espagnole, les éléments versés aux débats ne permettant pas de retenir l’application de la loi civile forale de Navarre.

Il sera, simplement, relevé que le règlement (CE) 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 (Rome I), qui s’efface, en application de son article 25, devant les conventions internationales auxquelles la France est partie, désigne, de même, dans son article 4, la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

Le jugement sera dès lors complété quant à la loi applicable eu égard aux demandes de nullité et de résolution du contrat de vente, ayant lié les parties.

3- sur le contrat de vente

La société [Adresse 4] sollicite, en premier lieu, que le contrat de vente litigieux soit annulé pour erreur au titre d’un vice du consentement au motif que la capsuleuse ne peut fonctionner dans sa chaîne de production alors que la nouvelle machine, qu’elle a acquise, fonctionne, ne remplit pas les conditions de la réglementation pour la conserverie à froid et qu’elle l’avait choisie au regard de sa capacité de fermer les bocaux en faisant le vide grâce à sa gestion de la vapeur.

En application de l’article 1265 du code civil espagnol, dont le contenu n’est pas discuté par les parties, le consentement donné par erreur, violence, intimidation ou malveillance est nul.

Selon l’article 1266 suivant, pour que l’erreur invalide le consentement, il faut qu’elle porte sur la substance de la chose qui était l’objet du contrat, ou sur les conditions de celui-ci, qui ont principalement donné lieu à la conclusion du contrat.

Une erreur sur la personne n’invalidera le contrat que lorsque la contrepartie pour elle en aurait été la cause principale.

Une simple erreur comptable n’entraînera que sa correction.

L’offre contractuelle, en date du 18 octobre 2017, de la société Emerito décrit une machine à capsuler twist off modèle 1.8 ACT avec une pré-installation de vapeur pour créer un vide dans les flacons et une extraction de vapeur. Elle précise la puissance totale installée (1,5 Kw – 400 V 50 Hz – 3 phases) et que la production est estimée à 50 pots par minute et l’installation de l’énergie électrique, de l’eau et de la vapeur est à la charge du client.

Cette offre répondait à la demande de renseignements formée par la société [Adresse 4] par courriel en date du 16 octobre 2017, concernant une boucheuse twist off automatique, et complétée, à la demande de la société Emerito, le 18 octobre suivant, afin de préciser les modèles de capsules utilisés et la nature des produits mis en bocaux (légumes cuisinés à l’huile d’olive en morceaux ou en pâte) ainsi que la cadence actuelle de 800/900 pots par heure, qu’elle souhaitait doubler au minimum.

Cette offre comprend les éléments nécessaires à l’information de la société [Adresse 4] concernant la nécessité, le cas échéant, d’adapter sa chaîne de production concernant l’alimentation électrique ainsi que l’apport d’eau et de vapeur avant de contracter.

Si l’installation de la capsuleuse n’a pu être complète lors de sa mise en service entre le 29 janvier et le 1er février 2018, les représentants de la société Emerito ont indiqué lors de leur départ dans un procès-verbal de contrôle d’intervention, que l’installation fonctionne et « reste en attente de la vapeur », le générateur existant n’en produisant pas suffisamment.

Il est ainsi rapporté que la machine fonctionnait à cette date sans vapeur.

La société [Adresse 4] a souhaité changer son générateur de vapeur afin d’utiliser la capsuleuse acquise avec l’option relative à la vapeur choisie. Elle a sollicité le 5 février 2018 la société Emerito afin d’effectuer un choix efficient, celle-ci lui recommandant, le même jour, le générateur TD 33 ou « le TD 23 mais c’est un peu juste » et précisant le 9 février suivant, qu’un générateur de 15 kg au lieu de 30 à 40 kg était insuffisant.

La société [Adresse 4] a acquis un générateur vapeur TD 23 le 9 mars 2018. Toutefois, celui-ci n’ayant pas permis l’utilisation initialement prévue, elle s’est rapprochée le 20 mars 2018 de la société Emerito, qui a recommandé divers réglages par le biais de vidéos avant de se déplacer en septembre 2018. Par courriel en date du 1er octobre 2018, la société [Adresse 4] lui a indiqué s’être rapprochée du fabricant du générateur de vapeur (« qui arrive demain » (sic)) ainsi que du propriétaire des mêmes capsuleuse et générateur vapeur, pour lequel il n’y avait plus de problèmes suite au calibrage du capteur de pression. Par la suite, elle n’a plus sollicité la société Emerito avant le courrier en date du 25 septembre 2019.

Il s’ensuit qu’aucun dysfonctionnement de la capsuleuse dans la chaîne de production de la société [Adresse 4] n’est rapporté, celle-ci n’ayant pas signalé la poursuite des difficultés initiales après le mois d’octobre 2018 et ayant, depuis lors, acquis une nouvelle machine.

La société [Adresse 4] soutient, également, que l’erreur porterait sur l’impossibilité d’utiliser la capsuleuse pour effectuer de la conserverie à froid, ce qu’elle fabrique exclusivement. Toutefois, elle indique elle-même (page 14 paragraphe 2 dernière ligne de ses conclusions du 21 novembre 2023) que la conserverie à froid correspond à des « produits mis en conserve non chauffés, froids ou à température ambiante ». Les recommandations du Centre technique de la conservation des produits agricoles (CTCPA) sur les bonnes pratiques d’hygiène et d’application des principes HACCP pour les fruits et légumes appertisés, qu’elle verse aux débats, préconisent une « dépression minimale après fermeture de 0,25 bar mesurée à 20 °C », c’est-à-dire pour des denrées non chauffées ou à température ambiante, telles que celles qu’elle produit. Les essais de la capsuleuse, effectués par la société Emerito, que décrit la société [Adresse 4] dans un courriel en date du 6 avril 2018, selon lesquels la dépression mesurée est de 0,2 bar, montrent que l’utilisation de la machine acquise ne fait pas obstacle au respect de ces recommandations.

Il résulte de ces éléments qu’aucune erreur sur les qualités substantielles de la capsuleuse, découlant d’une absence d’informations préalables, n’est démontrée.

La société [Adresse 4] sollicite, en second lieu, que le contrat de vente litigieux soit annulé, ou que sa résolution soit constatée, pour manquement du vendeur à ses obligations d’information et de conseil, et de livraison d’une machine apte à remplir la fonction pour laquelle elle a été acquise.

La demande relative à la résolution du contrat tendant aux mêmes fins que celle tendant à son annulation, elle ne caractérise pas, à ce titre, une demande nouvelle telle que prohibée par les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile. La fin de non-recevoir, tirée de la violation de ces dispositions, sera rejetée.

Concernant les droits et obligations qu’un contrat de vente fait naître entre les parties, la convention de Vienne prévoit, dans son article 35, que le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux prévus au contrat, que celles-ci ne sont conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type, que si elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s’il résulte des circonstances que l’acheteur ne s’en est pas remis à la compétence ou à l’appréciation du vendeur ou qu’il n’était pas raisonnable de sa part de le faire et que le vendeur n’est pas responsable d’un défaut de conformité que l’acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat.

Selon l’article 49 suivant, le non-respect par le vendeur de ses obligations résultant du contrat ou de la convention permet à l’acheteur de déclarer le contrat résolu, à peine d’en être déchu s’il ne l’a pas fait dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette contravention.

La société Emerito a procédé à des essais avec les bocaux de la société [Adresse 4], cette dernière s’est rendue sur place en Espagne avant l’acquisition.

La capsuleuse présente les données techniques sollicitées par la société [Adresse 4]. Celle-ci n’a jamais, à ce titre, indiqué avant la vente que la pression dans les bocaux devait être de l’ordre de 0,4 bar au capsulage pour être de 0,25 bar après la pasteurisation, comme elle le soutient désormais dans ses conclusions, alors que les pièces émanant du CTCPA, qu’elle produit, ne mentionnent, comme exposé ci-dessus, qu’une pression minimale recommandée de 0,25 bar à la fermeture.

Concernant le choix du générateur vapeur, la société Emerito avait émis des doutes sur la compatibilité avec la capsuleuse vendue d’un générateur vapeur TD 23 tandis que n’ayant pas sollicité à nouveau la société Emerito postérieurement à son courriel en date du 1er octobre 2018, la société [Adresse 4] ne démontre pas que la capsuleuse ne fonctionne pas après les réglages effectués avec ledit générateur.

La recommandation de la société Emerito d’acquérir un générateur vapeur TD 33, qui, au vu de ses dimensions, ne pouvait être installé dans les locaux de la société [Adresse 4], ne peut fonder un quelconque grief.

Ainsi, aucun manquement à l’obligation de conseil et d’information du vendeur et à son obligation de délivrance conforme n’est caractérisé, la demande de constat de la résolution de la vente ainsi que celle tendant à sa nullité (qui n’est nullement encourue pour ces manquements) seront rejetées, étant entendu que la demande de résolution, formée uniquement à hauteur de cour, est bien postérieure à l’expiration du délai raisonnable, ouvert par l’article 49 de la convention de Vienne.

Les demandes de remboursement, de reprise et d’indemnisations, ou subsidiairement tendant à une mesure d’expertise, formées par la société [Adresse 4] seront rejetées.

Le jugement sera confirmé.

4- sur la demande d’indemnisation de la société Emerito

La société Emerito ne justifie pas de l’existence d’un préjudice financier découlant, notamment, du déplacement effectué en septembre 2018 qu’elle avait, manifestement, accepté à titre gracieux alors qu’elle se prévaut, elle-même, dans sa communication publicitaire, de disposer d’un service après-vente de qualité.

Elle ne démontre pas davantage avoir subi un préjudice moral, ne produisant aucun élément justificatif au soutien de cette demande.

Une amende civile constitue une mesure de procédure civile, qui relève des seules prérogatives du juge, les parties, qui n’en profitent pas, n’ont aucun intérêt au prononcé d’une telle condamnation de la partie adverse, de sorte que la demande de ce chef de la société Emerito ne peut prospérer, étant entendu que l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits ne constitue pas, en soi, une faute caractérisant un abus du droit d’agir en justice.

Ces demandes d’indemnisation seront rejetées.

Le jugement sera confirmé.

5- sur les autres demandes

Succombant sur son appel, la société [Adresse 4] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit que la cour est saisie de la critique du chef de jugement relatif à la loi applicable,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment, en ce qu’il a dit que la loi française doit être écartée au profit de la loi espagnole,

Y ajoutant,

Dit que la loi applicable, relative à la demande de nullité du contrat de vente, est la loi espagnole,

Dit que la loi applicable, relative à la demande de résolution du contrat de vente, est la Convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, dite convention de Vienne,

Rejette la fin de non-recevoir, tirée du caractère nouveau au sens de l’article 564 du code de procédure civile, de la demande de résolution de la vente,

Condamne la SARL [Adresse 4] à payer à la société de droit espagnol Emerito S.L la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la SARL [Adresse 4] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL [Adresse 4] aux dépens d’appel.

le greffier, le président,

 

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