Annulation d’un jugement en appel

Notez ce point juridique

L’appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d’appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.

Selon l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour d’appel qui annule un jugement pour un motif autre que l’irrégularité d’un acte introductif d’instance est, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, tenue de statuer sur le fond de l’affaire.

Ainsi, lorsque la nullité concerne non pas la saisine du premier juge mais une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, le juge d’appel saisi de l’entier litige est tenu de se prononcer sur le fond du droit sans même devoir préalablement statuer sur le moyen tiré de l’irrégularité du jugement susceptible d’un appel réformation.


La société Nutrimaine a licencié M. [N] [P] pour motif économique dans le cadre d’un projet de réorganisation visant à sauvegarder sa compétitivité. Cependant, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, car l’employeur n’a pas démontré de manière certaine la menace sur la compétitivité de l’entreprise. La cour d’appel a confirmé cette décision, rejetant les arguments de l’employeur. En conséquence, la société Nutrimaine a été condamnée à verser des dommages et intérêts à la fille de M. [N] [P] venant aux droits de ce dernier. La société a également été condamnée aux dépens de la procédure d’appel et à payer des frais irrépétibles.

Confirmation du jugement

La cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Condamnation de la société Nutrimaine

La société Nutrimaine a été condamnée à payer à Mme [E] [P] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute des demandes plus amples

Les parties ont été déboutées de leurs demandes plus amples et contraires.

Condamnation aux dépens d’appel

La société Nutrimaine a été condamnée aux dépens d’appel.

– Partie demanderesse : 10 000 euros
– Partie défenderesse : 5 000 euros


Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil

Article 700 du code de procédure civile:
« Le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Article [numéro de l’article] du code civil:
[Texte de l’article du code civil]

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jilali MAAZOUZ
– Me Blandine DAVID
– Me Amine GHENIM

Mots clefs associés

– Cour
– Arrêt contradictoire
– Motifs d’annulation
– Jugement
– Confirmation
– Condamnation
– Somme
– Article 700 du code de procédure civile
– Débouter
– Demandes
– Dépens d’appel
– Greffière
– Présidente

– Cour: Instance judiciaire chargée de rendre des décisions de justice.
– Arrêt contradictoire: Décision de justice rendue après débat contradictoire entre les parties.
– Motifs d’annulation: Raisons pour lesquelles une décision de justice peut être annulée.
– Jugement: Décision rendue par un tribunal à l’issue d’un procès.
– Confirmation: Validation d’une décision de justice par une instance supérieure.
– Condamnation: Décision de justice imposant une peine ou une sanction à une personne.
– Somme: Montant d’argent à payer dans le cadre d’une décision de justice.
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition légale permettant au juge d’allouer une somme à une partie pour ses frais de justice.
– Débouter: Rejeter une demande ou une requête.
– Demandes: Revendications ou requêtes formulées par les parties dans le cadre d’un procès.
– Dépens d’appel: Frais engagés lors d’un appel devant une juridiction supérieure.
– Greffière: Personne chargée de la tenue des registres et de la gestion des dossiers au sein d’une juridiction.
– Présidente: Personne occupant la fonction de présidente au sein d’une juridiction.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRET

S.A.S. NUTRIMAINE

C/

[P] venant aux droits de Monsieur [N] [P], décédé

copie exécutoire

le 20 février 2024

à

Me MAAZOUZ

Me GHENIM

CPW/IL/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 20 FEVRIER 2024

*************************************************************

N° RG 22/03700 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IQWH

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE D’AMIENS DU 12 JUILLET 2022 (référence dossier N° RG F20/00066)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. NUTRIMAINE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Jilali MAAZOUZ de la SELEURL JILALI MAAZOUZ, avocat au barreau de PARIS

Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant

ET :

INTIMEE

Madame [E] [P]

venant aux droits de Monsieur [N] [P] décédé

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Amine GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

DEBATS :

A l’audience publique du 17 octobre 2023 ont été entendus l’avocat en ses conclusions et plaidoirie

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Madame Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui a renvoyé l’affaire au 16 janvier 2024 pour le prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

En cours de délibéré, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l’affaire à l’audience du 20 février 2024 pour prononcer l’arrêt

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 20 février 2024, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre, et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

DECISION :

La société Nutrimaine (ci-après la société ou l’employeur), qui appartient au groupe Krüger, GMBH & Co.KG basé en Allemagne, est spécialisée dans la fabrication de poudres chocolatées et dérivés (capsules, stick, pâtes à tartiner), dont les produits sont commercialisés sous les marques Banania et Benco.

Elle a employé M. [N] [P] (ci-après le salarié) du 24 mai 1981 au 15 avril 2019, en qualité de pilote process s’agissant du poste occupé au dernier état de la relation de travail.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses.

Le 6 décembre 2018, la société a initié des négociations avec les organisations syndicales représentatives dans le cadre d’un projet de réorganisation de son activité de production de poudres chocolatées dans le but de sauvegarder la compétitivité du groupe dans le secteur d’activité de la poudre chocolatée et ses dérivés.

Par courrier du 6 décembre 2018, la société a notifié à la DIRECCTE des Hauts de France son projet de réorganisation impliquant la fermeture du site de [Localité 5] et le licenciement collectif de 40 salariés. Le document unilatéral relatif à ce projet a été homologué par l’administration le 11 mars 2019 après des modifications exigées le 27 février.

La société Nutrimaine a notifié son licenciement économique à M. [P] par lettre du 15 avril 2019.

A la date de son licenciement, M. [P] avait une ancienneté de 37 ans et 10 mois.

La société avait alors un effectif de plus de 10 salariés.

Avec d’autres salariés impliqués dans ce contentieux, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens en mettant en cause la réalité du motif économique et en sollicitant diverses indemnités.

Il est décédé le 12 avril 2022. L’instance a été poursuivie par sa fille, Mme [E] [P].

Par jugement en date du 12 juillet 2022, la juridiction prud’homale en sa formation de départage, a rendu la décision suivante :

dit le licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse,

condamne la société Nutrimaine à payer à Mme [E] [P] venant aux droits de M. [N] [P] la somme de 42 776,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonne à l’employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d’un mois de prestations,

ordonne l’exécution provisoire au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

rejette toute autre demande plus ample ou contraire de la société,

condamne la société Nutrimaine aux dépens.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 31 octobre 2022, la société Nutrimaine, régulièrement appelante de cette décision, demande à la cour, à titre principal, d’annuler le jugement déféré ou à titre subsidiaire de l’infirmer en toutes ses dispositions, et en conséquence, statuant à nouveau, de :

constater que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse, et que le salarié n’est pas fondé à solliciter des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes, et juger par conséquent n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail ;

à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement attaqué en jugeant le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, juger que le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail est pleinement applicable au présent contentieux, diminuer le montant des dommages et intérêts alloués au salarié à la somme de 6 728,43 euros, correspondant au minimum du barème, et le débouter du surplus de ses demandes ;

en tout état de cause, condamner le salarié à lui payer 2 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Par ordonnance du 9 mars 2023, le magistrat en charge de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la partie intimée au visa des articles 909 et 911-1 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS :

Sur la demande d’annulation du jugement déféré

La société fait valoir que la nullité du jugement doit être prononcée dès lors que le conseil de prud’hommes n’a pas respecté les règles relatives au départage puisque l’audience de départage s’est déroulée devant une formation incomplète sans que le jugement ne comporte d’indication précise concernant la composition de la formation ayant délibéré, ce dont il se déduit que l’ensemble des magistrats mentionnés dans le jugement (le juge départiteur et trois conseillers prud’homaux) ont participé au délibéré, en violation des dispositions de l’article R.1454-31 du code du travail.

Sur ce,

L’appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d’appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.

Selon l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour d’appel qui annule un jugement pour un motif autre que l’irrégularité d’un acte introductif d’instance est, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, tenue de statuer sur le fond de l’affaire. Ainsi, lorsque la nullité concerne non pas la saisine du premier juge mais une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, le juge d’appel saisi de l’entier litige est tenu de se prononcer sur le fond du droit sans même devoir préalablement statuer sur le moyen tiré de l’irrégularité du jugement susceptible d’un appel réformation.

Dans le cas d’espèce, l’appel a été formé le 1er août 2022, à une date à laquelle la voie de l’appel réformation demeurait ouverte à l’encontre de la décision déférée. Or, le moyen d’annulation invoqué dans les dernières conclusions de l’employeur n’a pas trait à une irrégularité de l’acte introductif d’instance mais à une irrégularité du jugement, et la société sollicite parallèlement dans le cadre d’un appel, même s’il est dit « limité », l’infirmation « en toutes ses dispositions » de la décision du conseil de prud’hommes et qu’il soit statué à nouveau en déboutant le salarié de l’ensemble de ses demandes. Dans ces conditions, la cour, saisie de l’entier litige puisque la dévolution s’opère ainsi pour le tout quelle que soit sa décision sur la nullité, et tenue de se prononcer sur le fond du droit, n’est pas tenue de statuer préalablement sur le moyen tendant à l’annulation du jugement de première instance.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, mentionne la nécessité de réorganiser l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, la suppression du poste de travail de M. [N] [P] qui en découle et l’impossibilité de son reclassement.

Les conclusions déposées par la partie intimée ont été déclarées irrecevables, ce dont il résulte qu’elle est réputée ne pas avoir conclu et s’être approprié les motifs du jugement ayant accueilli sa demande.

Dès lors, la suppression du poste de travail et le reclassement ne font pas débat.

S’agissant de la menace sur la compétitivité critiquée par Mme [E] [P] venant aux droits de M. [N] [P] en première instance, la formation de départage du conseil de prud’hommes a motivé sa décision ainsi :

« Il est constant que la consommation de ventes chocolatées a connu une baisse significative, le volume de ventes ayant baissé de 15 % entre 2010 et 2016, de 7, 20 % entre 2016 et 2018 et de 7,30 % entre 2018 et 2019. Toutefois, cette décroissance régulière apparaît avoir moins affecté les marchés Banania et Benco que ses concurrents. En effet, il résulte du rapport Progexa, sollicité par le comité économique et social pour l’assister dans l’examen du projet de réorganisation et du projet de plan de sauvegarde de l’emploi, dont les constats et conclusions ne sont pas utilement contestés par les éléments versés au départ par la défenderesse, qu’entre 2013 et 2018, soit au moment où a été envisagé le projet de réorganisation, la part de marché en volume est passée de 10,70 % à 13,6 % entre 2015 et 2018, selon les données [G] versées au départ par la défenderesse et ne concerne que la poudre chocolatée, la part de marché en valeur est passée de 10,20 % à 11,50 %.

Il résulte également des éléments du débat que si la société Nutrimaine invoque sa dépendance à la volatilité des prix des matières premières, force est de constater qu’il n’est pas justifié d’une hausse du coût des matières premières qui aurait affecté la comptabilité de la défenderesse, au contraire, le prix du sucre et du cacao a subi des baisses progressives, permettant de baisser le coût des matières premières par tonne produite alors que le prix de vente est resté stable. En outre, son adossement à la politique d’achat du groupe Kruger a permis de réaliser des économies d’échelle liées à sa taille et la massification de ses achats.

(‘) Il ressort du dossier que l’usine de [Localité 5] a vu son niveau de certification Veritas augmenter au fil des ans, passant de 93, 75 % en juillet 2012 ( niveau de base) à 98,26 % en juillet 2018 (niveau supérieur) et que malgré les contrôles effectués par la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, la société Nutrimaine n’a reçu aucune mise en demeure concernant la vétusté de son outil de production et la sécurité du site notamment au regard de la présence d’amiante, la seule mise en demeure versée aux débats concernant un problème d’étiquetage. Si le rapport [X] chiffre le coût des travaux à près de 7 millions d’euros, celui-ci s’appuierait sur la prise en compte de l’évolution de la législation en matière d’amiante à compter de 2020, sans préciser la réglementation qui serait alors applicable et les obligations en résultant pour la société Nutrimaine, ces conclusions apparaissent en contradiction avec le rapport très documenté de Socotec qui évalue le coût des travaux en établissant un ordre de priorité, à 891 000 euros au total et les certifications et vérifications régulièrement réalisées sur le site ne mettant pas en évidence la vétusté avancée par la société Nutrimaine au soutien de son projet de réorganisation emportant la fermeture du site. Enfin, la société Nutrimaine ne démontre pas ne pas être en mesure de répondre aux nouvelles demandes du marché alors qu’elle a déjà produit des recettes sans trace de gluten et que sa ligne de production a su mettre en oeuvre une variété de formats de conditionnement, notamment le format promotionnel de 1,3 kg, pendant plusieurs années, sans qu’aucun élément de preuve ne mette en évidence un impact sur sa productivité. Il ne résulte donc pas des éléments du dossier que la vétusté alléguée de l’outil de production soit de nature à créer une menace pour la sauvegarde de la compétitivité de la société Nutrimaine.

En conséquence, la société Nutrimaine (‘) ne rapporte pas la preuve de la menace sur la compétitivité dans le secteur de la poudre chocolatée. »

A hauteur de cour, la société Nutrimaine, fait valoir en substance que si le conseil de prud’hommes a reconnu la baisse du volume des ventes des poudres chocolatées entre 2010 et 2019, il a fait fi, entre autres facteurs ayant motivé le projet de réorganisation de la société afin de sauvegarder sa compétitivité : de la détérioration de ses résultats financiers, de l’impact de la volatilité du cours des matières premières sur la société, de la vétusté de son usine et de son outil de production du site de [Localité 5], et en particulier de la présence d’amiante sur ce même site, et de l’impossibilité pour elle de continuer à répondre à la demande du marché espagnol.

Elle soutient s’être en effet trouvée confrontée à un mouvement structurel de dé-consommation massive en France des poudres chocolatées au petit déjeuner qui s’est traduite par une réduction massive des volumes, et une réduction massive du taux de pénétration de cette catégorie de produits dans les foyers, cette décroissance structurelle s’étant accompagnée de deux effets de marché qui, associés l’un à l’autre, menaçaient sa pérennité, à savoir une concurrence exacerbée avec de très grands groupes industriels comme Nestlé (Nesquik) et Carambar & Co (Poulain), et une double dépendance très forte à l’égard des grands acheteurs de la grande distribution, outre les coûts très volatils des matières premières.

Elle ajoute que cette dé-consommation structurelle a été renforcée par une accélération conjoncturelle de la baisse de la consommation puisque sur les deux dernières années précédant la fermeture du site de [Localité 5], la décroissance du marché des poudres chocolatées a été aussi importante que sur les six précédentes, ses volumes de vente ayant baissé très fortement d’environ 30% entre juillet et septembre 2018 alors qu’au 14 juillet 2019, le marché de la poudre chocolatée confirmait une baisse continue à -9.5% sur les 12 derniers mois selon les données «Volume [G]».

Elle souligne qu’elle était par ailleurs confrontée à la perte du marché espagnol à hauteur de 650 tonnes en 2019, soit 9% de ses volumes annuels produits, n’étant pas en capacité de répondre à l’appel d’offre de la société Carrefour Espagne puisqu’étant dans l’impossibilité de produire dans des pots utilisant la technologie « sleeve », de produire des produits sans gluten se conformant aux nouvelles demandes du marché, ce qui aurait nécessité une ligne entière dédiée, et de produire des formats de 1,3 kg qu’elle n’avait alors jamais produit, ce qui aurait causé de multiples problèmes techniques et logistiques ; que l’appréciation du juge ne peut conduire à substituer son appréciation en matière de choix de gestion.

La société en déduit que pour assurer la sauvegarde du secteur d’activité, sa pérennité et son développement, elle a été contrainte d’envisager un changement radical de son modèle stratégique, son projet de réorganisation consistant en la transformation de positionnement stratégique autour de trois axes : la diversification de son portefeuille produit, la diversification de ses réseaux de distribution, notamment avec le e-commerce et les applications mobiles, et l’intensification de ses investissements en marketing, commercial, recherche et développement et informatique, etc. alors qu’elle faisait face à un désavantage manifeste en matière de moyens d’investissement publicitaires par rapport à ses concurrents ; que cette transformation impliquait de cesser l’activité de production directe dans l’univers des poudres chocolatées, ce qui a conduit à la cessation de l’activité de l’usine, et la production sur le site a donc été définitivement stoppée en avril 2019 suite à la décision d’homologation de la DIRECCTE.

La société précise en outre que le taux de vétusté de ses actifs corporels principalement constitués du site industriel de [Localité 5] était de 82%, que la présence d’amiante sur le site qui datait de 1972, confirmée par l’inspecteur du travail, n’a jamais été contestée, et que ce site n’était pas adapté aux évolutions du marché ; que la certification Veritas prise en compte par la juridiction prud’homale est sans lien avec l’état structurel de l’usine à proprement parler puisqu’elle est destinée à permettre, dans le cadre d’un audit, de déterminer le respect des exigences en matière de qualité et sécurité alimentaire ; que le contrôle des choix de gestion ainsi retenus par la société ne relevait pas des pouvoirs des conseillers prud’homaux.

Elle conclut de l’ensemble de ces éléments qu’elle a mis en oeuvre le seul projet de réorganisation permettant de sauvegarder sa compétitivité dans un contexte extrêmement baissier sur le marché des poudres chocolatées, et entend souligner que, consciente de l’impact de ce projet sur ses salariés de [Localité 5], elle a déployé un plan de sauvegarde de l’emploi important et innovant pour garantir aux salariés une solution professionnelle nouvelle.

Sur ce,

En application de l’article L.1233-3 3° du code du travail en sa rédaction applicable au litige issue de la loi n°218-217 du 29 mars 2018, la réorganisation de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement. Cette nécessité d’une sauvegarde de sa compétitivité menacée, s’apprécie au niveau de l’entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité d’une telle menace, et la nécessité de prendre des mesures d’anticipation afin de prévenir des difficultés économiques à venir, étant rappelé que la sauvegarde de la compétitivité n’est pas l’amélioration de la rentabilité de l’entreprise.

En l’espèce, l’entreprise Nutrimaine appartient au groupe allemand Krüger, et la compétitivité doit donc s’apprécier au niveau de ce groupe, dans la limite du secteur d’activité auquel appartient l’entreprise. Il résulte de la présentation du groupe telle qu’elle figure dans le projet de réorganisation destiné aux membres du comité économique et social produit, que la société Nutrimaine assure seule

la production de la poudre chocolatée et ses dérivés (pâte à tartiner, capsules) sur le territoire national, qui constitue le secteur d’activité au niveau duquel la cour doit apprécier la réalité de la menace pour la compétitivité.

Pour asseoir le motif économique du licenciement litigieux, la lettre de rupture du 15 avril 2019 fait état de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur de la poudre chocolatée et ses dérivés au sein des sociétés du groupe Krüger en France en mettant essentiellement en avant :

– la baisse massive de la consommation des poudres chocolatées en France, la décroissance du marché des poudres chocolatées et la baisse très forte de ses volumes de vente entre juillet et septembre 2018, tendance qui s’est confirmée avec une baisse de 10,1% du volume du marché de la poudre chocolatée du 1er janvier au 24 février 2019,

– une concurrence exacerbée de la part de trois acteurs colossaux que sont Nestlé (Nesquik), Carambar and co (Poulain) et les marques de distributeurs, 3ème acteur du marché,

– une dépendance très forte à l’égard de 6 grands acheteurs de la grande distribution qui tendent à se regrouper pour massifier leurs achats,

– une dépendance très forte à l’égard des coûts très volatils des matières premières comme le cacao ou le sucre, principaux ingrédients de la poudre chocolatée,

– l’absence de moyens de la société d’investir à la fois dans un repositionnement stratégique et dans son outil industriel, alors qu’investir lourdement dans la production de produits de moins en moins consommés aurait été « s’engager dans une voie sans issue », et la nécessité en conséquence de prévoir un repositionnement stratégique en diversifiant ses produits Banania et Benco sur de nouveaux segments de marché, en diversifiant ses réseaux de distribution et en intensifiant ses investissements notamment marketing, commercial et en recherche et développement.

S’il ne peut être reproché à un employeur d’avoir anticipé des difficultés économiques prévisibles, il lui appartient néanmoins de produire les documents, notamment comptables, permettant à la cour d’exercer un contrôle sur les éléments qu’il invoque pour justifier de la source des difficultés futures appelant des mesures d’anticipation. Or, alors même que le document unilatéral de l’employeur portant sur les mesures de plan de sauvegarde de l’emploi mis à jour au 20 février 2019 fait état d’un calendrier prévisionnel de la procédure d’information et de consultation dont il ressort qu’un rapport de l’expert-comptable a été présenté lors de la réunion du 4 février, ce document n’est pourtant pas produit en la présente procédure pour concrétiser les pertes chiffrées alléguées.

Or, la société Nutrimaine ne communique pas de documents objectifs utiles, notamment comptables et financiers, permettant à la cour de vérifier l’ensemble des affirmations chiffrées comptables et financières concernant directement la société, contenues dans ses conclusions ou dans les documents qu’elle a elle-même établis pour informer le comité économique et social lors de la réunion du 5 décembre 2018 et dans son document unilatéral.

Même en se basant sur les documents établis par l’employeur lui-même et les données économiques fournies par l’institut [G] dans le cadre de son étude sur le secteur de la poudre chocolatée, l’existence de difficultés prévisibles (et non seulement potentielles), et la réalité d’une menace certaine, précise et immédiate sur la compétitivité de l’entreprise au moment du licenciement, ne sont pas démontrées.

Il ressort d’ailleurs du document d’information économique soumis au comité économique et social en décembre 2018, que l’employeur a précisé très clairement qu’un repositionnement stratégique en diversifiant ses produits Banania et Benco sur de nouveaux segments de marché tels que la pâte à tartiner et les capsules, serait plus rentable, ces deux marchés étant «en croissance » et offrant « de plus larges perspectives de développement » que la poudre chocolatée produite par la société Nutrimaine, ce qui montre une volonté de l’employeur axée sur le niveau de rentabilité de l’entreprise.

Quant à la concurrence alléguée de la part de Nestlé (Nesquik), Carambar and co (Poulain) et des marques de distributeurs, 3ème acteur du marché, il convient de souligner que dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.

Or, la capacité inférieure aux autres acteurs du marché à organiser des campagnes publicitaires, à investir dans le marketing et la recherche et le développement que la société Nutrimaine met en avant dans ses documents, sans toutefois l’appui d’éléments objectifs, n’est pas un argument pertinent dès lors que rien au dossier ne démontre qu’au moment du licenciement elle avait effectivement perdu des parts de marché face à ses concurrents, ou qu’elle devait faire face à un environnement concurrentiel plus contraignant, ou qu’il existait un risque avéré pour elle de perdre des parts de marché, voire sa 4ème place d’acteur du marché, étant souligné qu’il n’est pas non plus prouvé qu’elle ne l’avait pas maintenue en 2018 ou même qu’elle ne l’a pas maintenue en 2019. Il est d’ailleurs intéressant de constater que dans sa note économique au point 3.7.3, l’employeur reconnait une «moindre dégradation de Nutrimaine par rapport à [ses] concurrents, voire une légère amélioration de [ses] parts de marché.»

Il s’ajoute que la faible capacité d’investissement publicitaire alléguée, dont rien ne prouve qu’au moment du licenciement elle avait subi une évolution défavorable par comparaison avec les autres années, est contrebalancée par la notoriété extrêmement importante des marques Banania et Benco, bien installées sur le marché. Il convient à ce titre d’observer que la société reconnaît dans le document d’information économique soumis au comité économique et social en décembre 2018 que le taux de notoriété de sa première marque est aussi fort que celui de Nesquik (Nestlé étant le 1er acteur du marché) et que le taux de notoriété de la seconde la positionne en deuxième position, immédiatement après Nesquik. L’argument avancé est d’ailleurs d’autant moins pertinent en l’absence d’analyse objective de ces éléments pourtant à l’évidence corrélés, que le document d’information précise que depuis 2015 le chiffre d’affaires de la société est demeuré relativement stable grâce, précisément, en partie, à la multiplication des opérations marketing alors qu’il n’est pas justifié d’une évolution du contexte concurrentiel au moment du licenciement ou que la société était en perte de vitesse par rapport à ses concurrents sur le secteur concerné.

Dans le document d’information, l’employeur fait en outre figurer un chiffre d’affaires légèrement en augmentation entre 2016 et 2017 et une prévision encore favorable pour 2018, avec un résultat net largement positif en 2017.

Si au contraire, au regard de ce même document, le résultat d’exploitation de la société Nutrimaine est quant à lui en diminution entre 2016 et 2017, avec une prévision nettement inférieure pour 2018, l’employeur y précise malgré tout que cette analyse pour 2018 se fonde notamment sur une baisse des volumes de 450 000 euros et la hausse du fuel de 120 000 euros, sans cependant produire d’éléments utiles à l’appréciation par la cour de ces montants prévisionnels censés impacter négativement le résultat d’exploitation au moment du licenciement ou à tout le moins en 2019.

S’agissant du volume des ventes, il sera d’abord observé que la société souligne dans ce document que « le volume prévisionnel 2019 tient compte de la perte inéluctable du marché MDD Espagne conditionné sur la Bedida » pour des raisons « d’appels d’offres incluant une exigence de production sans gluten et un conditionnement sleevé. » sans pour autant produire le cahier des charges de l’appel d’offre précédent auquel elle avait répondu positivement, et l’appel d’offre pour 2019 auquel elle n’a pas répondu, permettant ainsi de vérifier ses affirmations quant à une impossibilité de s’adapter à un nouveau cahier des charges. Pourtant, les documents communiqués ne permettent pas de vérifier la réalité d’exigences spécifiques impossibles posées par Carrefour Espagne comme la réalité d’un risque de perte du marché espagnol, étant souligné qu’ils ne démontrent pas notamment que l’outil de production du site de [Localité 5] était obsolète au point de ne pas permettre de répondre à cet appel d’offre au vu des développements supra. Alors que la société ne produit donc pas d’éléments établissant la réalité du motif de son absence de réponse en novembre 2018 à cet appel d’offre du marché ibérique pour 2019, la société ne produit pas plus de documents comptables de l’entreprise de nature à permettre à la cour d’apprécier concrètement les conséquences, le cas échéant, d’une diminution du chiffre d’affaires avec ce client.

Ensuite, si la baisse structurelle de la demande en poudres chocolatées en France pour l’ensemble du secteur depuis 2015 est avérée, due en particulier à un changement des habitudes de consommation, il n’en demeure pas moins que cette baisse du volume de vente global du marché avait très largement ralenti entre 2016 et 2018 et n’avait que très légèrement repris entre 2018 et 2019, alors que dans le même temps la part de marché de la société en volume comme en valeur avait augmenté (Cf : les données [G] de juillet 2019, et les constatations du premier juge tirées du rapport Progexa sollicité par le comité économique et social pour l’assister dans l’examen du projet de réorganisation et du projet de plan de sauvegarde de l’emploi produit en première instance), ce que l’employeur ne conteste pas utilement en cause d’appel au regard des documents qu’il produit.

Ces données conduisent donc à relativiser la baisse des ventes présentée par la société [G] entre juillet 2018 et juillet 2019, dans son étude postérieure au licenciement, et ce d’autant plus que le site de production de [Localité 5] avait déjà cessé toute production dès avril 2019. La société établit certes une baisse significative de ses ventes entre juillet et septembre 2018, mais sans prouver qu’elle n’était pas purement conjoncturelle, due à une moindre consommation du chocolat en poudre en saison estivale, étant souligné qu’il résulte de son document d’information économique que la prévision pour le tonnage vendu n’a cessé d’augmenter entre 2015 et 2017, et que celle pour 2018 n’est, en proportion, que très légèrement inférieure. La reconnaissance par l’employeur d’une difficulté conjoncturelle entre juillet et septembre 2018 ressort d’ailleurs de sa note économique au point 3.5.2 qui précise «le marché s’est effondré cet été après une saison estivale caniculaire non propice à la consommation des boissons chocolatées qui a perduré jusqu’en octobre» et permet d’observer une reprise des volumes vendus dès septembre. La cour n’est pas non plus en mesure, à l’examen des documents produits, de vérifier ses affirmations quant à une confirmation de la baisse du volume de ses ventes avec une diminution de plus de 10% du volume du marché de la poudre chocolatée sur la période précise du 1er janvier au 24 février 2019.

Par ailleurs, si pour justifier d’une menace concrète et précise pressentie sur sa compétitivité, l’employeur évoque également une dépendance très forte à l’égard de 6 grands acheteurs de la grande distribution qui tendent à se regrouper pour massifier leurs achats, il n’est cependant non seulement pas démontré une évolution de cette dépendance les dernières années ayant précédé le licenciement, mais encore il n’est pas non plus démontré qu’au moment du licenciement la production pour les marques de distributeurs n’était pas stable, que la société avait subi des déréférencements, ou qu’il existait alors un risque avéré de déréférencement, ou encore que cette dépendance déjà ancienne présentait à cette période un risque réel pour l’entreprise.

La société Nutrimaine invoque aussi une dépendance très forte à l’égard des coûts très volatils des matières premières comme le cacao ou le sucre, principaux ingrédients de la poudre chocolatée. Cette volatilité des prix du cacao et du sucre est certes établie, néanmoins la société ne démontre pas une évolution défavorable dans sa globalité du coût des matières premières composant la poudre chocolatée les dernières années avant le licenciement lui faisant légitimement craindre un impact négatif direct sur le résultat tel qu’elle l’allègue, et pour sa compétitivité. Il sera souligné que le premier juge a constaté, au vu des pièces produites, que le prix du sucre et du cacao avait précisément subi des baisses progressives alors que le prix de vente proposé par la société Nutrimaine était resté stable, étant souligné qu’elle bénéficiait en outre de son adossement à la politique d’achat du groupe Krüger qui était de nature à générer des économies d’échelle et donc à amortir les fluctuations défavorables, autant d’éléments que la société ne contredit pas utilement en l’absence d’éléments objectifs contraires produits à hauteur de cour. La note économique de l’employeur confirme même au point 3.8.1 que «par son poids en termes d’achats et le fait d’acheter des fèves complètes le groupe Krüger permet à la société Nutrimaine de réaliser de sensibles économies avec plus de stabilité.»

Reste que la société souligne également l’obsolescence de son parc logistique, soulignant que le bâtiment était inadapté et ne répondait plus aux normes de sécurité, notamment en matière d’amiante.

Il ressort des rapports produits des Cabinets Socotec (expertise demandée par le comité économique et social) et [X] (expertise demandée par l’em-ployeur), cabinets dont la compétence n’est pas sérieusement remise en cause, la présence concrète d’amiante dans la structure du bâtiment ancien construit en 1972, et la préconisation de travaux de mise en sécurité du site à court et moyen terme (en particulier pour l’amiante et la toiture défectueuse) correspondant à un investissement de plusieurs centaines de milliers d’euros. D’autres travaux de confort ou en vue d’une meilleure performance y sont également proposés par l’une ou l’autre expertise à plus long terme, au moment choisi par la société, le montant de 10,3 millions d’euros avancé par le Cabinet [X] comprenant l’ensemble des travaux prévus et correspondant à la reconstruction d’une usine neuve.

A le supposer même établi, il est indifférent que ces éléments soient le résultat d’un sous-investissement chronique par le groupe Krüger, dès lors que la cour n’a pas à contrôler les choix de gestion de l’employeur.

En revanche il doit être relevé que les certifications et vérifications régulièrement réalisées sur le site ne mettent pas en évidence la vétusté avancée par la société Nutrimaine au soutien de son projet de réorganisation emportant la fermeture du site. La cour constate qu’il n’est pas démontré que la société était, au moment du licenciement, dans l’impossibilité de réaliser les investissements nécessaires aux quelques travaux urgents déterminés par les expertises, au regard de l’absence d’urgence pour la réalisation des autres travaux qui est corroborée par le rapport d’information économique soumis au comité économique et social dont il ressort que malgré son ancienneté et les travaux ainsi préconisés, le site était, au moment du licenciement, certifié IFS niveau supérieur, la certification IFS étant un des référentiels d’audit mis en place par la grande distribution afin d’assurer la maîtrise de la sécurité des denrées alimentaires et surveiller le niveau qualitatif de ses fabricants de produits. Le premier juge a même constaté que l’usine de [Localité 5] avait vu son niveau de certification Veritas augmenter au fil des ans, passant du niveau de base en juillet 2012 au niveau supérieur en juillet 2018, et que malgré les contrôles effectués par la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, la société Nutrimaine n’avait reçu aucune mise en demeure concernant la vétusté de son outil de production et la sécurité du site notamment au regard de la présence d’amiante, ce qui n’est pas utilement contredit par l’employeur qui ne produit pas d’éléments contraire à hauteur de cour, la seule mise en demeure versée aux débats concernant un problème d’étiquetage.

Enfin, les documents produits ne démontrent pas non plus que l’outil de production, certes ancien, était obsolète au point de ne pas permettre en l’état de produire des produits sans gluten ou sleeves pour répondre à l’appel d’offre espagnol en novembre 2018. En l’absence de tout élément portant sur l’appel d’offre pour le marché ibérique, il n’est pas même démontré que l’absence de réponse avait un lien avec l’outil de production, alors même que le premier juge a constaté que le site avait déjà produit des recettes sans trace de gluten et que sa ligne de production avait su mettre en oeuvre une variété de formats de conditionnement, notamment le format promotionnel de 1,3 kg, pendant plusieurs années, sans qu’aucun élément de preuve ne mette en évidence un impact sur sa productivité, ce qui n’est pas utilement contesté par la société faute d’élément contraire produit à hauteur de cour.

Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que la réorganisation envisagée par la société au moment du licenciement était de manière certaine destinée à affronter la concurrence et à prévenir des difficultés économiques à venir.

En conséquence, faute de preuve que la décision de fermer le site de [Localité 5] était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise Nutrimaine et du secteur d’activité du groupe dont elle relevait, la cour retient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société Nutrimaine demande subsidiairement la réduction des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués au motif que les demandes du salarié en première instance étaient hors de proportion alors même qu’il ne justifiait pas de son préjudice. Elle entend souligner que les mesures sociales prévues dans le PSE étaient extrêmement généreuses, et estime que la situation de M. [N] [P] ne permet pas de justifier une quelconque indemnisation. Si la cour devait entrer en voie de condamnation, elle considère que la somme pouvant être allouée ne pourrait dépasser le minimum du barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 6 728,43 euros.

Sur ce,

L’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Mme [E] [P] venant aux droits de M. [N] [P] peut prétendre à une indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d’un montant compris entre 3 et 20 mois du salaire brut de M. [P].

Ce dernier a bénéficié d’un congé de reclassement avec maintien de salaire jusqu’en octobre 2020, avant d’être inscrit au Pôle emploi. Il a ensuite fait l’objet de plusieurs arrêts maladie indemnisés par la sécurité sociale jusqu’à son décès en avril 2022. Il ne pouvait prétendre à la retraite avant deux années. Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [N] [P], de son ancienneté (37 ans et 10 mois) au moment de la rupture, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à son expérience professionnelle et son âge avancé avant la retraite et son décès, et des conséquences du licenciement à son égard, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice doit être évaluée à la somme exactement retenue par le premier juge.

Le jugement déféré est donc confirmé.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société, succombant au principal, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel et à payer à Mme [E] [P] venant aux droits de M. [N] [P] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Dit n’y avoir lieu à examiner les motifs d’annulation du jugement déféré,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Nutrimaine à payer à Mme [E] [P] venant aux droits de M. [N] [P] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Nutrimaine aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 

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